1. Introduction
1. L’Europe abriterait en permanence près de 100 000
enfants migrants non accompagnés, principalement dans les pays de
l’Union européenne. Un grand nombre de ces enfants ont fui la guerre,
la violence ou la pauvreté extrême dans leur pays d’origine; certains
ont été victimes de la traite vers l’Europe, d’autres sont envoyés
par leurs parents, d’autres encore viennent pour des motivations
diverses. Quelles que soient les raisons de leur fuite, une fois
en Europe, trop de ces mineurs restent sans assistance et protection
adaptées.
2. Il est évident que l’Europe n’a pas la capacité d’absorber
tous les migrants en quête d’une vie meilleure. Il est souvent dans
l’intérêt supérieur de l’enfant qu’il n’ait pas à quitter son pays.
Néanmoins, une fois que des enfants se retrouvent non accompagnés
sur le territoire d’Etats membres du Conseil de l’Europe, ces derniers sont
tenus de leur offrir une assistance et une protection adéquates
et adaptées à leur âge, quel que soit leur statut d’immigré et qu’ils
demandent ou non l’asile
.
3. Le problème n’est pas nouveau. Ces dix dernières années, de
nombreuses recommandations ont été publiées, y compris par le Conseil
de l’Europe
.
Pourtant, dans la pratique, plusieurs gouvernements européens continuent
de prêter une attention insuffisante aux vulnérabilités des enfants
non accompagnés et à leurs besoins, et ont en outre des positions
divergentes quant à leur intérêt supérieur. Dans certains pays, les
enfants non accompagnés sont traités comme des migrants en situation
irrégulière qui doivent être rapatriés; seul un faible pourcentage
d’entre eux reçoit le statut de réfugié ou une forme de statut plus
régulier
. Ils se retrouvent
souvent en situation de détention prolongée, sont enregistrés comme
étant des adultes du fait de tests d’évaluation de l’âge peu fiables,
rencontrent des obstacles bureaucratiques qui entravent leur accès à
l’éducation et aux soins de santé, et ont de moins en moins de chances
d’obtenir un permis de séjour régulier une fois parvenus à l’âge
adulte. De plus, ce sont des victimes faciles de la violence, de
la traite et de l’exploitation.
4. Jusqu’à récemment, le problème touchait surtout l’Europe de
l’Ouest et du Nord. C’est aujourd’hui l’Europe du Sud qui subit
de plein fouet l’arrivée d’enfants non accompagnés dans le cadre
des flux de migration mixte, et le phénomène affecte progressivement
de nouveaux membres de l’Union européenne et certains pays traditionnels
d’émigration situés hors de l’Union européenne. Le manque de prise
de conscience du problème et l’insuffisance des normes de protection
qui en découle dans de nombreuses parties de l’Europe placent les
enfants non accompagnés en situation de vulnérabilité extrême, ce
qui renforce la nécessité pour les Etats membres du Conseil de l’Europe
de réagir rapidement.
5. Le fait que l’Union européenne ait placé au premier rang de
ses priorités la question des mineurs non accompagnés dans sa stratégie
quinquennale 2010-2014 sur l’immigration et l’asile (communément
appelée «Programme de Stockholm»), et qu’elle ait récemment adopté
un Plan d’action pour les mineurs non accompagnés, souligne la nécessité
d’élaborer une réponse politique appropriée dans toute l’Europe.
6. Le présent rapport identifie certains domaines problématiques
que votre rapporteuse considère comme particulièrement préoccupants
pour les Etats membres, ou pour lesquels elle estime que le Conseil
de l’Europe possède les compétences requises ou complémentaires
pour contribuer au débat international actuellement mené sur ce
thème. Il met également en avant certaines solutions durables potentielles
et souligne la manière dont les Etats membres devraient s’y prendre
pour parvenir à les mettre en place.
7. Le rapport s’appuie largement sur les récentes publications
réalisées sur le sujet par différents organes de l’Union européenne,
le Conseil de l’Europe, l’ONU, l’Organisation internationale pour
les migrations (OIM), Human Rights Watch (HWR), la Plate-forme pour
la coopération internationale sur les sans-papiers (PICUM), Save
the Children, ainsi que sur les informations réunies lors de l’audition
organisée par la commission des migrations, des réfugiés et de la
population le 12 décembre 2008 à Las Palmas (Grande Canarie, Espagne)
et d’une récente conférence intitulée «Mineurs isolés étrangers:
vers quelle protection européenne?», organisée conjointement par
le Conseil de l’Europe et France terre d’asile à Strasbourg, France.
8. Dans le cadre de la préparation du rapport, la rapporteuse
s’est rendue dans un centre d’urgence pour mineurs étrangers non
accompagnés dans les îles Canaries (DEAMENAC, Grande Canarie) et
s’est entretenue avec le Service de l’immigration et de la naturalisation
de l’aéroport de Schiphol ainsi qu’avec des représentants du Conseil
néerlandais des réfugiés, de la fondation Nidos, de l’organisation
Defence for Children et de Samah à Amsterdam, Pays-Bas. Elle a également
adressé un questionnaire aux parlements nationaux des 47 Etats membres
du Conseil de l’Europe. Elle exprime ses remerciements aux 21 Etats membres
et deux Etats observateurs qui ont répondu. Elle regrette néanmoins
que la quasi-totalité des réponses ne soit provenue que d’Etats
membres de l’Union européenne, ce qui témoigne de la faible prise
de conscience du problème dans les pays extérieurs à l’Union européenne,
et souligne une nouvelle fois la nécessité de mesurer l’enjeu de
ces questions et d’échanger les bonnes pratiques entre tous les
Etats membres du Conseil de l’Europe.
2. Situation actuelle des enfants non accompagnés
en Europe
9. Les enfants migrants non accompagnés (plus couramment
appelés «mineurs non accompagnés»
) constituent un groupe d’une grande
diversité: il peut s’agir de demandeurs d’asile qui ont fui leur
pays d’origine en raison d’un conflit armé ou de persécutions, souvent
pour éviter d’être recrutés de force dans des milices ou d’autres
groupes armés; certains sont envoyés par leur famille en Europe
en quête de meilleures conditions de vie; d’autres sont en fugue;
d’autres encore arrivent en Europe pour rejoindre leur famille mais
en dehors des programmes officiels de regroupement familial; ou
il peut s’agir d’enfants victimes de la traite. Ils arrivent souvent
en Europe pour des motivations diverses et/ou basculent d’une catégorie
à l’autre.
10. Le problème des enfants non accompagnés est caractérisé par
une absence de données statistiques tant quantitatives que qualitatives
concernant leur situation dans un grand nombre de pays. L’expérience pratique
des organisations non gouvernementales (ONG) œuvrant dans ce domaine
et les maigres informations communiquées par les institutions locales
et nationales permettent néanmoins de dégager certaines tendances.
La plupart des enfants non accompagnés arrivant en Europe sont des
garçons âgés d’au moins 14 ans, en provenance de pays comme l’Afghanistan,
l’Albanie, l’Algérie, la Chine, l’Erythrée, l’Irak, le Maroc, le
Nigeria, la Roumanie, la Russie, la Somalie, la Turquie et la République
démocratique du Congo. Une part croissante de ces mineurs tente
de rejoindre des membres de leur famille (élargie) qui vivent déjà
sur le continent européen
. Récemment,
l’Union européenne – et plus particulièrement, la Commission européenne
et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union (FRA) – a publié
deux études complémentaires sur la situation de ces enfants dans
l’Union européenne. La première étude, menée par le Réseau européen des
migrations, porte sur les politiques relatives aux dispositifs d’accueil,
de retour et d’intégration pour les mineurs non accompagnés et sur
le nombre de ces mineurs
;
et la seconde, établie par la FRA à partir de centaines d’entretiens
réalisés auprès d’enfants dans cette situation et d’adultes qui
en ont la charge, jette une lumière nouvelle sur les aspects sociaux
et juridiques de leur vie dans l’Union européenne, de même que sur le
respect et la protection de leurs droits
.
11. Par ailleurs, une étude récente du Haut-Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR) sur les enfants afghans qui demandent
l’asile en Suède révèle que très peu d’enfants avaient au départ
l’intention de se rendre en Europe. Dans à peu près la moitié des
cas, leur intention première était de gagner un pays voisin comme
l’Iran et le Pakistan, où ils pensaient raisonnablement trouver
de meilleures chances de survie; il semble que le choix de la destination
finale ait souvent été décidé à un stade ultérieur, alors qu’ils
se trouvaient déjà en Europe
.
12. Certains Etats européens sont confrontés chaque année à des
arrivées massives, même si les seules données statistiques disponibles
concernent les enfants demandeurs d’asile. Selon le HCR, plus de 15 000 enfants
non accompagnés et séparés de leur famille ont demandé l’asile au
sein de l’Union européenne, en Norvège et en Suisse, en 2009
. Or il ne s’agit
probablement que de la partie émergée de l’iceberg par rapport à
la masse d’enfants non accompagnés qui ont réellement besoin de
protection en Europe.
13. Il n’existe pas de définition unique des expressions «enfants
non accompagnés» ou «mineurs non accompagnés»; l’emploi de ces termes
varie dans les rapports internationaux, les cadres juridiques nationaux, les
directives et la bibliographie. L’Observation générale no 6 du Comité
des droits de l’enfant des Nations Unies établit une distinction
entre deux types de mineurs – les mineurs non accompagnés et les
mineurs séparés – tout comme la Recommandation CM/Rec(2007)9 du
Comité des Ministres sur les mineurs migrants non accompagnés.
14. Selon ces définitions, les mineurs non accompagnés sont des
enfants âgés de moins de 18 ans qui se trouvent en dehors de leur
pays d’origine et ont été séparés de leurs deux parents et d’autres
membres de leur famille, et ne sont pas pris en charge par un adulte
investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume. Les mineurs
séparés sont des enfants âgés de moins de 18 ans qui se trouvent
en dehors de leur pays d’origine et ont été séparés de leurs deux
parents ou des personnes qui en avaient la charge à titre principal,
mais pas nécessairement d’autres membres de leur famille. Les enfants
séparés peuvent donc être accompagnés par un autre membre adulte
de leur famille
.
15. L’expression «enfants non accompagnés» sera employée tout
au long de ce rapport en référence aux enfants de moins de 18 ans
vivant dans un pays autre que celui d’origine sans être accompagnés
d’un représentant légal.
16. Tous ces enfants peuvent se trouver dans une situation de
triple vulnérabilité: en tant qu’enfants avant tout; en tant que
migrants ou demandeurs d’asile; et, pour beaucoup, en tant que migrants
irréguliers. En fait, les enfants non accompagnés se rangent dans
deux grandes catégories: ceux qui sont connus et pris en charge
par les pouvoirs publics, et ceux qui sont invisibles aux yeux des
pouvoirs publics. Ces derniers sont particulièrement vulnérables;
vivant dans la crainte d’être identifiés par les autorités, et de
ce fait détenus et expulsés, ils sont exposés à des risques de discrimination,
d’exploitation et de mauvais traitements.
17. Le manque de statistiques fiables et d’informations permettant
de dresser un profil des enfants non accompagnés se révèle problématique
et dangereux dans la mesure où il laisse la porte ouverte aux mythes et
généralisations susceptibles d’entraîner des réponses politiques
inappropriées et inefficaces. Votre rapporteuse affirme catégoriquement
que les pays et les organisations doivent faire tout leur possible
pour obtenir un tableau plus réaliste de la situation. Il conviendrait
de développer une méthode systématique de collecte de données permettant
une comparaison réelle et prenant en considération la dimension transnationale
des enfants non accompagnés qui se déplacent ou sont transférés
d’un Etat membre de l’Union européenne vers un autre.
3. Principaux motifs de préoccupation
3.1. Cadre législatif et principes directeurs: enfants
ou migrants d’abord?
18. En vertu du droit international public, les Etats
ont la compétence exclusive d’établir des lois régissant les conditions
d’entrée et de séjour des ressortissants étrangers sur leur territoire.
Ils doivent néanmoins respecter les traités et normes internationaux
réglementant le traitement des personnes au sein de leur juridiction.
19. Il existe une multitude de conventions et de réglementations
couvrant un large éventail d’aspects concernant la protection des
enfants non accompagnés et de leur intérêt supérieur
.
Toutefois, ces mesures ne sont pas toujours effectivement transcrites
dans les lois nationales ou mises en pratique. Les dispositions de
l’Union européenne relatives à la protection des droits des enfants
non accompagnés sont prises en compte de manière fragmentée dans
différentes lois, d’où certaines lacunes en termes de protection.
20. A quelques exceptions près, aucune législation nationale ne
traite complètement la question des enfants non accompagnés. La
plupart du temps, cette question est couverte par deux arsenaux
législatifs, souvent contradictoires: la législation afférente à
l’immigration et à l’asile, et celle afférente à la protection de
l’enfant. Trop souvent, les autorités nationales recourent d’abord
à la première et ensuite à la seconde, ce qui a des conséquences
désastreuses pour les enfants
.
Il est important de noter que toutes les réponses, j’insiste, toutes,
au questionnaire de votre rapporteuse ont fait d’abord et avant
tout référence à la législation relative à l’immigration et à l’asile,
et que seules quelques-unes ont également évoqué la législation
sur la protection de l’enfant.
21. On relève également d’importantes divergences dans les politiques
et les pratiques des Etats membres. Un enfant non accompagné peut
être amené à vivre une expérience totalement différente selon le
pays européen dans lequel il se trouve. Ces disparités fondamentales
dans le traitement qui leur est accordé aggravent les déplacements
d’enfants d’un pays à l’autre sans aucune protection réelle
.
22. Des divergences apparaissent parfois au sein même des Etats
membres. A titre d’exemple, certains pays disposent de deux arsenaux
législatifs applicables aux enfants non accompagnés, ce qui signifie
qu’au moins deux organes gouvernementaux en ont la charge. Les enfants
deviennent souvent ainsi des laissés-pour-compte de la bureaucratie.
Les ministères des Politiques sociales et ceux de l’Intérieur ou
de l’Immigration (les deux types d’organes généralement concernés)
ont des approches foncièrement différentes et, souvent, il n’existe
pas de système de communication interne entre ces différentes autorités.
Parallèlement, il est de plus en plus demandé aux travailleurs sociaux
qui aident et protègent ces enfants de se comporter comme s’ils
étaient des agents du service de l’immigration, bien que ces rôles
soient on ne peut plus incompatibles. Parfois, des problèmes surviennent
entre les collectivités régionales et l’administration centrale. Chaque
partie rejetant la responsabilité sur l’autre, personne ne s’occupe
des enfants, qui sont une nouvelle fois laissés sans la protection
requise
.
23. A la lumière de ce qui vient d’être dit, il est évident que
les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent s’assurer que leurs
politiques n’entravent pas, mais au contraire facilitent, l’exécution
des obligations découlant des traités en vigueur concernant les
droits de l’homme lorsque ces enfants sont sur leur territoire.
Les Etats membres doivent s’acquitter de leurs obligations internationales
visant à protéger les enfants, y compris contre les violences, les
mauvais traitements ou la négligence; et ils doivent être tenus
responsables de leurs actions.
24. Votre rapporteuse estime que, si les gouvernements de l’Union
européenne appliquaient sérieusement les priorités définies dans
le Programme de Stockholm et le Plan d’action pour les mineurs non
accompagnés énoncé en 10 principes, et si les Etats membres du Conseil
de l’Europe plaçaient réellement le principe de l’intérêt supérieur
de l’enfant au premier rang, leurs politiques et leurs pratiques
mettraient le bien-être de l’enfant au cœur de toute décision concernant
les enfants non accompagnés, et elles ne seraient plus centrées sur
le contrôle de l’immigration et le statut. En bref, un enfant non
accompagné devrait être traité d’abord comme un enfant, et seulement
après comme un migrant. Un enfant non accompagné doit jouir des
mêmes droits que tous les autres enfants.
25. Pour cela, il faudrait opérer un changement radical d’attitude
et harmoniser la législation et les pratiques nationales en ce qui
concerne la répartition des responsabilités entre les autorités
nationales compétentes et les réponses aux besoins et aux vulnérabilités
des enfants non accompagnés.
3.2. Préoccupations liées à l’arrivée d’enfants non
accompagnés
3.2.1. Premier contact avec l’enfant non accompagné:
identification initiale et accès au territoire
26. Il existe de grandes disparités dans les pratiques
liées à l’accueil et à l’accès au territoire des Etats européens.
En Suède, par exemple, les enfants non accompagnés sont autorisés
à entrer sur le territoire pour se voir appliquer les procédures
de droit commun. Au Royaume-Uni, les mineurs ne sont jamais détenus
ni refoulés à la frontière si leur minorité est avérée lors de l’identification
initiale. En Espagne et en France, l’accès au territoire peut être
refusé pour les étrangers (y compris les enfants non accompagnés),
qui sont arrêtés aux frontières aéroportuaires, terrestres et maritimes,
et qui ne présentent pas les documents nécessaires pour entrer.
27. La situation est plus délicate dans les zones extraterritoriales,
telles que l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle en France, où
les enfants non accompagnés sont susceptibles d’être refoulés dès
leur sortie de l’avion, lors de contrôles à la passerelle, en application
du principe de responsabilité des transporteurs. Selon un rapport
récent
,
environ 30 % des mineurs non accompagnés arrivant sur le territoire
par voie aérienne sont refoulés sans réelle garantie sur les conditions
d’accueil dans le pays de retour. Ils sont souvent renvoyés, sans
pouvoir exercer leur droit aux procédures appropriées, vers des
pays où ils n’ont fait que transiter.
28. Cette pratique a suscité les critiques de nombreuses organisations
de réfugiés et de l’Assemblée parlementaire elle-même, qui ont évoqué
la violation éventuelle du principe de non-refoulement. Appliquée
à des enfants non accompagnés, elle risque d’autant plus de mettre
en grave danger leur vie et leur sécurité.
29. Votre rapporteuse est convaincue qu’en aucun cas un enfant
non accompagné ne doit se voir refuser l’entrée sur le territoire
d’un Etat membre du Conseil de l’Europe. Bien au contraire, dès
l’entrée en contact avec une personne susceptible d’être mineure,
les autorités aux frontières devraient immédiatement diriger cette
personne vers les services spécialisés capables de procéder à son
identification, de déterminer les raisons et les circonstances personnelles
motivant sa tentative d’entrée sur le territoire d’un Etat membre
ainsi que ses besoins de protection et, au final, de trouver une
solution durable allant dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il
convient également de prendre de toute urgence les mesures qui s’imposent
afin de nommer un tuteur légal et de placer le mineur dans une structure
d’accueil et de prise en charge adaptée, à l’instar des procédures
prévues pour les enfants ressortissants du pays qui connaîtraient
une situation similaire.
3.2.2. Estimation de l’âge
30. La détermination de l’âge constitue un élément essentiel
pour accéder à la protection et à l’aide spéciales des enfants non
accompagnés. Toutefois, dans la pratique, il n’existe aucun consensus
sur les normes et aucune approche commune de l’estimation de l’âge
entre les Etats membres ni à l’intérieur des Etats membres eux-mêmes.
31. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a indiqué
en 2005 que l’évaluation de l’âge d’un enfant non accompagné ne
devait pas se fonder uniquement sur son apparence physique mais
aussi sur son degré de maturité psychologique. Cette évaluation
doit être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de
l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe,
et équitablement, afin de prévenir tout risque de violation de l’intégrité
physique de l’enfant; cette évaluation doit en outre se faire avec
tout le respect dû à la dignité humaine, et, en cas d’incertitude
persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé
– qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe
qu’il s’agisse effectivement d’un mineur
.
32. Malgré ces dispositions, les pratiques des Etats varient.
Certains ont intégré l’évaluation de l’âge dans les pratiques standard,
même quand il n’y a réellement aucun doute. Les procédures d’évaluation
appliquent un large éventail de méthodes, comme la recherche de
preuves documentaires, des entretiens ou des examens médicaux (par
exemple, la tomographie par résonance magnétique et l’examen des
os et des dents, y compris par radiologie), ou la combinaison de
ceux-ci. Les procédures médicales présentant toutefois un certain
degré d’incertitude, elles ne peuvent pas être considérées comme
absolument déterminantes. Or certains gouvernements (par exemple,
l’Espagne, la France, l’Italie et la Roumanie) s’appuient quasi exclusivement
sur l’examen médical, encourant ainsi le risque qu’un enfant non
accompagné soit arbitrairement déclaré adulte. De plus, certaines
anomalies de forme et des écarts dans la qualité même de l’évaluation
de l’âge peuvent être constatés. Il existe également des incohérences
quant à l’utilisation et l’interprétation des preuves documentaires
médicales ou fournies par des experts, dans les procédures d’évaluation
de l’âge. Il arrive aussi que différentes autorités nationales (exemple:
services de l’immigration, de l’éducation, de la santé et de la
protection de l’enfance) aient des avis divergents sur la validité
des méthodes d’évaluation employées et de leurs résultats. Enfin,
la détermination de l’âge est rarement soumise à un examen indépendant.
33. La plupart des Etats européens prévoient des dispositions
juridiques pour la détermination de l’âge et exigent le consentement
éclairé de l’individu. Le refus de se soumettre à un test peut avoir
des incidences négatives sur la procédure d’asile. En Finlande ou
en Allemagne, par exemple, tout refus de se soumettre à des tests
médicaux d’évaluation de l’âge sans raison valable entraîne d’être
traité comme un adulte. Dans la plupart des autres pays européens,
le bénéfice du doute joue en faveur du mineur et le plus jeune âge
possible est retenu.
34. Globalement, la plupart des méthodes susmentionnées sont sujettes
à controverse et à contestation au sein de la classe politique,
du pouvoir judiciaire et de la communauté scientifique.
35. Il semble donc préférable que les Etats membres n’établissent
pas l’évaluation de l’âge comme une pratique standard et qu’ils
n’y recourent qu’en cas de doute raisonnable laissant penser que
l’individu est mineur. Lorsqu’elle se révèle nécessaire, elle devrait
supposer une évaluation multidisciplinaire conduite dans la durée
(pour bien faire, durant une semaine au minimum) et prendre en compte
notamment le comportement de l’enfant, son histoire migratoire et
sa manière d’interagir avec les adultes. Les examens médicaux ne doivent
être entrepris qu’après avoir obtenu le consentement éclairé de
l’enfant ou de son tuteur et après que les conséquences sanitaires
et juridiques éventuelles ont été portées à leur connaissance de
façon simple, adaptée aux enfants, et dans une langue qui leur soit
accessible. Il est également essentiel que l’évaluation de l’âge
soit entreprise d’une manière adaptée à l’âge et au sexe du demandeur
par des experts indépendants qui connaissent bien le milieu culturel
de l’enfant, et dans le plein respect de la dignité de ce dernier.
Il convient également de préciser les marges d’erreur possible dans
les résultats des examens médicaux. En cas d’incertitude, le bénéfice
du doute doit être accordé à l’enfant. Il ou elle doit également
pouvoir consulter un avocat et engager une procédure judiciaire
pour contester des résultats considérés comme erronés.
36. Enfin, votre rapporteuse souligne l’importance de l’adoption
d’une approche commune visant à unifier et harmoniser les approches
et pratiques divergentes. Dans cette optique, elle soutient la recommandation récente
du Groupe de travail sur les enfants non accompagnés et séparés
du Bureau pour l’Europe du HCR, visant à réduire les disparités
et à élaborer des normes minimales sur les garanties à respecter
pour les procédures d’évaluation de l’âge. Elle salue également
le projet de l’Union européenne, dans le cadre du Plan d’action
pour les mineurs non accompagnés, de publier des lignes directrices
relatives aux meilleures pratiques, en collaboration avec des scientifiques
et des juristes experts ainsi qu’avec le Bureau européen d’appui
en matière d’asile.
3.2.3. Détention d’enfants non accompagnés
37. Tous les principaux organes nationaux et internationaux
de suivi des droits de l’homme plaident depuis des années en faveur
de la détention uniquement comme dernier recours et en aucun cas
au seul motif qu’un enfant est non accompagné ou qu’il ne dispose
pas du statut d’immigrant. La
Résolution
1707 (2010) sur la rétention administrative des demandeurs
d’asile et des migrants en situation irrégulière en Europe, récemment adoptée
par l’Assemblée, souligne explicitement que les mineurs non accompagnés
ne doivent jamais être retenus.
38. Quoi qu’il en soit, la détention des enfants non accompagnés
reste une pratique courante dans plusieurs Etats membres. Les enfants
sont souvent détenus avec des adultes et ne disposent d’aucun conseil
juridique ou autre.
39. Le plan d’action de l’Union européenne précise que, «si une
rétention est exceptionnellement justifiée, on ne doit y recourir
qu’en dernier ressort, pour la période appropriée la plus brève
possible, et en faisant prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant».
Votre rapporteuse est fermement convaincue que la détention ne peut jamais
être dans l’intérêt supérieur de l’enfant. De ce fait, la détention
des enfants pour des raisons liées à leur statut de résidence, ou
à l’absence d’un tel statut, devrait être purement et simplement
abolie. Cette interdiction devrait inclure la détention aux frontières
ou en attente d’expulsion, par exemple dans des zones internationales,
des centres de rétention, des cellules de commissariats de police
ou des établissements pénitentiaires, ou tout autre centre spécialisé.
40. Il convient de la substituer par un placement dans des lieux
d’hébergement appropriés, offrant des conditions de vie adaptées
aux besoins des enfants (en matière d’alimentation, de santé, d’hygiène, d’éducation,
de loisirs, etc.) et pour un laps de temps aussi bref que possible.
Les enfants devraient être hébergés dans les centres d’accueil séparément
des adultes.
3.2.4. Identification et assistance aux victimes de la
traite des êtres humains
41. Les enfants non accompagnés sont particulièrement
exposés à la traite et à l’exploitation, qui peuvent prendre la
forme de travail forcé, de servitude ou d’esclavage, voire d’exploitation
sexuelle. En juillet 2010, la Convention du Conseil de l’Europe
sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus
sexuels(STCE no 201) est
entrée en vigueur, et à ce jour elle a été ratifiée par 10 Etats
membres et signée par 31 autres. En décembre 2010, un accord a été
conclu en faveur d’une nouvelle directive de l’Union européenne
sur la traite des êtres humains, comprenant notamment des dispositions
sur la manière dont les enfants non accompagnés victimes de la traite
doivent obtenir assistance et protection.
42. Votre rapporteuse appelle à ratifier la convention du Conseil
de l’Europe et à mettre pleinement en œuvre les dispositions de
l’Union européenne nouvellement convenues, s’agissant notamment
de l’introduction de mesures et d’indicateurs spécifiques permettant
l’identification précoce des enfants non accompagnés victimes de
la traite des êtres humains. Ces derniers devraient bénéficier d’une
prise en charge inconditionnelle adaptée à leurs besoins et capable
d’assurer leur protection.
3.2.5. Assistance et prise en charge initiales pour les
enfants non accompagnés dans les pays de transit et de destination
3.2.5.1. Accès à des modes d’information adaptés aux enfants
et à une assistance juridique
43. Dans une récente publication, l’Agence des droits
fondamentaux de l’Union européenne déplorait le manque criant d’informations
adéquates, facilement compréhensibles et adaptées aux enfants sur
les procédures judiciaires ou les moyens dont disposent les enfants
non accompagnés pour séjourner dans le pays d’accueil. Même lorsqu’ils
en sont informés à leur arrivée dans le pays ou à un stade ultérieur,
ils ne sont que rarement en mesure de comprendre la teneur de ces
informations. C’est pourquoi ils ont souvent tendance à recourir
à des sources d’informations peu fiables, par exemple des compatriotes,
des pairs, voire leurs passeurs.
44. Le Plan d’action pour les mineurs non accompagnés de l’Union
européenne a établi comme le principe suivant: «Les mesures d’accueil
et l’accès aux garanties procédurales devraient s’appliquer dès
l’instant où un mineur non accompagné est découvert aux frontières
extérieures ou sur le territoire de l’UE, jusqu’à ce qu’une solution
durable soit trouvée.» La tutelle et la représentation légale de
l’enfant sont d’une importance déterminante.
45. Selon votre rapporteuse, les services de protection de l’enfance
devraient proposer sans délai aux enfants non accompagnés un soutien
juridique, social et psychologique, une médiation interculturelle
et un service d’interprétation afin de garantir à tout moment la
protection et le bien-être des enfants. Dès leur arrivée ou interception
sur le territoire, les enfants devraient être informés personnellement,
dans une langue et sous une forme qu’ils sont en mesure de comprendre,
de leur droit à bénéficier d’une protection et d’une assistance, y
compris de leur droit à demander asile ou d’autres formes de protection
internationale, ainsi que des procédures requises et de leurs implications.
46. Il est tout aussi important de désigner au plus tôt un tuteur
légal chargé de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant. En outre,
l’Etat se doit de fournir à l’enfant une assistance juridique gratuite
durant toute la période où son cas est examiné par les autorités
judiciaires ou la police. Par ailleurs, dès que l’enfant non accompagné entre
en contact avec les services de l’immigration et les services sociaux,
et que son intérêt supérieur et ses besoins de protection sont définis,
il doit être possible de trouver pour lui des solutions durables
(voir également le chapitre 4).
3.2.5.2. Rôle et qualifications du tuteur
47. La mise en place en temps opportun d’une tutelle
appropriée est fondamentale pour garantir la protection des droits
des enfants non accompagnés. Elle se révèle également essentielle
pour le respect dans la pratique de l’intérêt supérieur de l’enfant
et joue un rôle central dans la définition de l’action la mieux
à même de résoudre la situation de tout enfant non accompagné.
48. En dépit des nombreux efforts visant à harmoniser le système
de tutelle, il est regrettable que les fonctions de tuteur ne fassent
à ce jour toujours pas l’objet d’une définition commune: les interprétations
et compréhensions de son rôle diffèrent et le système présente dans
bien des cas des dysfonctionnements. Trop souvent, les personnes
qui sont censées défendre l’intérêt supérieur de l’enfant ne disposent
pas des pouvoirs ou des compétences nécessaires ou, pire, elles
ne contestent pas l’action du gouvernement et manquent donc à leur
mission
.
49. Par ailleurs, et bien que ce point soulève de plus en plus
de contestations
, les enfants ne disposent pas
dans plusieurs pays de la capacité juridique de contester la décision
d’expulsion, de déposer une demande d’asile ou de faire appel en
cas de rejet de la demande. Outre l’absence de capacité juridique,
beaucoup d’enfants ne comprennent tout simplement pas la procédure
d’immigration engagée et les droits dont ils peuvent se prévaloir.
Sans l’assistance d’un tuteur ou d’un avocat, ces enfants ne seront
peut-être jamais en mesure d’exercer leurs droits ou de contester
des décisions d’expulsion qui les exposent à des mauvais traitements,
à l’exploitation et à la négligence
.
50. Votre rapporteuse estime que le Conseil de l’Europe devrait
encourager davantage ses Etats membres ainsi que l’Union européenne
à adopter des normes communes relatives à la tutelle et à l’aide
juridique pour tous les enfants non accompagnés afin que ces derniers
puissent défendre leurs droits, notamment lorsqu’ils sont confrontés
à des décisions d’expulsion.
51. Ces normes communes devraient établir le principe selon lequel
dès qu’un enfant est identifié comme non accompagné, les autorités
compétentes sont tenues de désigner un tuteur légal ayant pour mandat
de préserver et de représenter l’intérêt supérieur de l’enfant,
et ayant voix au chapitre dans toutes les décisions le concernant.
Les tuteurs doivent être indépendants des services d’immigration
et disposer de l’expertise requise en termes de droits des enfants
et des migrants. Ils doivent bénéficier d’une formation régulière
et faire l’objet d’un contrôle indépendant et systématique.
3.2.5.3. Accès aux services de base
52. Comme le reconnaît la Convention des Nations Unies
relative aux droits de l’enfant, les Etats membres ont le devoir
tout particulier de fournir protection et assistance aux enfants
non accompagnés. Ils ont pour obligation immédiate d’assurer la
protection de l’intéressé, en l’occurrence de prévoir un lieu d’hébergement sûr,
de protéger l’enfant de l’exploitation, de satisfaire à ses besoins
médicaux et de lui fournir une assistance juridique. La nécessité
de garantir les droits et de répondre aux besoins de ces enfants
s’impose souvent avant même que les mesures de protection appropriées
ou des solutions à long terme soient définies
.
53. Selon diverses ONG, dans bien des cas toutefois, les enfants
non accompagnés sont exclus de fait des services sociaux mis en
place à leur intention et sont confrontés en fin de compte à l’exclusion
sociale.
54. Il existe différents modèles d’accueil des enfants séparés.
Contrairement aux Principes directeurs du HCR relatifs à la détermination
de l’intérêt supérieur de l’enfant, les pays européens semblent
privilégier le placement des enfants séparés dans des centres plutôt
que dans des familles d’accueil, s’agissant du moins des enfants
de plus de 14 ans. Dans les pays d’Europe centrale et de l’Est,
qui comptaient jusqu’à récemment peu de mineurs non accompagnés,
les services de prise en charge spécialisés font encore cruellement
défaut.
55. Un autre problème, étroitement lié au placement des mineurs
non accompagnés dans des centres d’hébergement, est celui des disparitions
qui traduit plus qu’autre chose l’absence de solutions durables
pour les enfants. De nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe,
notamment la Belgique, la Finlande, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas,
la Pologne, la République tchèque, et le Royaume-Uni, ont relevé
un nombre inquiétant de disparitions d’enfants des centres d’accueil.
La plupart des disparitions surviennent durant les premiers jours
d’arrivée au centre et même avant que le tuteur ait été nommé. Certains
de ces enfants fuient les centres d’accueil, mais bien d’autres
sont probablement interceptés ou kidnappés par des passeurs de clandestins
ou des trafiquants. Dans les deux cas, ils sont exposés au risque
de privation et de mauvais traitement. La police et les autorités
judiciaires sont souvent impuissantes lorsqu’elles tentent de retrouver leurs
traces.
56. Certains types d’hébergement provoquent davantage de disparitions.
Votre rapporteuse est consciente du paradoxe: tandis que les petites
structures plus ouvertes (surveillance assouplie) ont été jugées
préférables pour les mineurs non accompagnés, elles tendent aussi
à attirer les trafiquants, qui connaissent parfaitement leur emplacement.
Cette préoccupation a été exprimée par plusieurs organisations non
gouvernementales spécialisées lors de la visite de votre rapporteuse
aux Pays-Bas. En 2006-2007, plus de 20 fillettes nigérianes ont
disparu des petits centres d’accueil. Craignant que ces disparitions
ne soient liées à la traite, la police des étrangers, le Conseil
néerlandais des réfugiés, les tuteurs, les centres d’accueil et
la Maréchaussée royale néerlandaise se sont associés pour coopérer
dans la lutte contre la traite des mineurs non accompagnés. Ces efforts,
et notamment la mise en place d’un service d’accueil protégé au
début de 2008, semblent avoir porté leurs fruits, car il a été constaté
une baisse des disparitions.
57. Votre rapporteuse encourage de ce fait les Etats membres à
consacrer davantage de ressources à l’ouverture de structures d’accueil
pour mineurs non accompagnés susceptibles de fournir les services juridiques,
sociaux ou psychologiques dont ils ont besoin, mais aussi d’assurer
la sécurité et la protection physique des enfants contre les réseaux
criminels.
58. Les enfants non accompagnés rencontrent également des difficultés
d’accès aux soins de santé adéquats. Selon la PICUM, seule l’Espagne
a mis en place une législation pleinement conforme aux normes internationales
garanties par la Convention relative aux droits de l’enfant. Dans
ce pays, tous les enfants, qu’ils aient ou non des papiers, ont
accès aux soins de santé au même titre que les enfants espagnols.
Dans certains autres Etats, dans les cas où l’enfant non accompagné
fait l’objet d’une protection ou a été placé en institution, il
bénéficie généralement de soins de santé minimaux gratuits, parfois
conditionnés cependant, par exemple à l’assiduité scolaire. Toutefois,
la plupart du temps, l’accès aux soins de santé pour les enfants
non accompagnés s’apparente fortement à celui des migrants clandestins
sur un plan général. En d’autres termes, seuls les soins médicaux
d’urgence sont fournis. L’interprétation de l’urgence médicale varie
selon les pays, voire d’un médecin à l’autre. L’accès à des services
spécialisés, par exemple dentaires ou ophtalmologiques, se révèle
particulièrement problématique
.
Il dépend bien souvent davantage de la bonne volonté des médecins
que d’une interprétation correcte de la loi.
59. Votre rapporteuse souhaite insister sur la nécessité de garantir
l’accès aux soins de santé à tous les enfants, sans aucune discrimination
et indépendamment de leur statut juridique ou autre. Cet accès doit comprendre
un service d’interprétation professionnelle obligatoire et une médiation
interculturelle. Il convient de procéder au plus tôt, dès que l’enfant
entre en contact avec les autorités,à
une évaluation approfondie de ses besoins médicaux, tout en veillant
à recueillir son consentement éclairé. Les résultats de cette évaluation ne
doivent en aucun cas influer ou avoir une incidence négative sur
l’issue donnée à la demande d’asile ou de protection de l’enfant.
3.2.6. Accès à l’asile et à la protection internationale
60. De par la loi, tous les enfants entrés sur le territoire
d’un Etat membre du Conseil de l’Europe ont accès à la procédure
d’asile, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de leur
tuteur légal. Dans la pratique toutefois, certains enfants continuent
de ne pas pouvoir accéder à la procédure d’asile en raison d’obstacles pratiques
ou juridiques: ils ne sont pas correctement informés de la démarche
à suivre; ils ne s’adressent pas au bon endroit pour déposer leur
demande ou ne la déposent pas dans les temps; il leur a été conseillé
de ne pas déposer de demande dans la mesure où l’on considère qu’ils
sont suffisamment pris en charge par le système de protection de
l’enfance; ou encore ils ne disposent pas d’un tuteur légal pour
agir en leur nom, en raison de retards administratifs ou de l’absence
de législation adéquate.
61. Il est crucial que tous les enfants non accompagnés puissent
avoir un accès inconditionnel au processus d’asile, et de supprimer
tous les obstacles à l’éligibilité de leur demande. Les Etats membres
devraient garantir l’accès aux procédures d’asile dès l’arrivée
dans leur pays d’un enfant non accompagné, mais également à un stade
ultérieur si l’enfant est intercepté après son entrée sur le territoire
national. Les enfants non accompagnés pour lesquels il n’y a pas
d’indication de besoin de protection internationale ne devraient
pas automatiquement être renvoyés vers les procédures d’asile, mais
devraient être protégés en vertu des autres mécanismes pertinents
de protection des enfants dépourvus d’un environnement familial.
3.2.6.1. Protection contre les formes de persécution spécifiques
aux enfants
62. Sur un plan général, une tendance positive se dessine
en termes de sensibilisation accrue à la violence, aux mauvais traitements
et à la discrimination dont les enfants font l’objet. Les autorités
nationales chargées des questions d’asile reconnaissent de plus
en plus qu’un enfant peut prétendre au statut de réfugié en son nom
propre. Malgré cela, l’accès des enfants, y compris les enfants
non accompagnés, à une protection efficace contre le refoulement
continue de poser problème dans de nombreux Etats membres du Conseil
de l’Europe.
63. Il est largement reconnu que les enfants peuvent être victimes
de formes spécifiques de persécution en raison de leur âge, de leur
manque de maturité ou de leur vulnérabilité. Le fait qu’un demandeur
d’asile soit un enfant peut être l’un des principaux facteurs responsables
des préjudices infligés ou redoutés. Cela peut s’expliquer par le
fait que la persécution alléguée s’applique uniquement aux enfants,
qu’elle a sur eux des effets disproportionnés, ou qu’il y a atteinte
à des droits spécifiques de l’enfant. Le Comité exécutif du HCR
a reconnu que les formes de persécution spécifiques à l’enfant,
qui entrent dans le champ d’application de la Convention de Genève
de 1951, peuvent comprendre le recrutement en dessous de l’âge légal,
la traite des enfants et les mutilations génitales des femmes. D’autres
exemples incluent – mais sans être limitatifs – la violence familiale
et domestique, le mariage forcé ou en dessous de l’âge légal, le
travail en servitude ou dangereux, le travail forcé, la prostitution
forcée et la pornographie enfantine. Ces formes de persécution englobent
aussi la violation des droits de survie et de développement ainsi
que les discriminations graves à l’encontre des enfants nés en dehors
des règles strictes de planification familiale et des enfants apatrides
en raison de la perte de la nationalité et des droits y afférents.
64. Si les enfants peuvent subir des formes de préjudice similaires
ou identiques à celles subies par les adultes, ils ne le vivent
pas de la même façon. Certaines actions ou menaces qui n’atteindraient
peut-être pas le seuil de la persécution dans le cas d’un adulte
peuvent être considérées comme telles dans le cas d’un enfant pour
le simple fait que la victime est un enfant. La façon dont un enfant
subit ou redoute un préjudice quelconque peut être directement liée
à son immaturité, sa vulnérabilité, ses mécanismes de défense imparfaits
et sa dépendance, ainsi qu’aux différentes étapes de son développement
et à ses capacités restreintes. Pour évaluer précisément la gravité
des actes et leurs conséquences sur un enfant, il convient d’examiner
les détails de chaque affaire et d’adapter en conséquence le seuil
de la persécution
.
65. Dans sa
Recommandation 1703 (2005) sur
la protection et l’assistance pour les enfants séparés demandeurs
d’asile, l’Assemblée déplore que «sur le fond, la plupart des Etats
membres du Conseil de l’Europe ne reconnaissent pas les formes de
persécution affectant spécifiquement les enfants, telles que le recrutement
forcé dans les forces armées, le travail forcé, les mutilations
génitales des femmes, les mariages ou les grossesses forcés, comme
de la persécution aux termes de la Convention de Genève de 1951
relative au statut des réfugiés». La même recommandation encourage
le Conseil de l’Europe à adopter un instrument cohérent unique sur
la question des enfants séparés demandeurs d’asile, qui permettrait
de combler les lacunes susmentionnées.
66. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a également
insisté dans son Observation générale no 6 de 2005 pour que la définition
du terme «réfugié» soit interprétée en étant attentif à l’âge de
l’intéressé, «en tenant compte des raisons, formes et manifestations
spécifiques de persécution visant les enfants». Plus récemment,
le concept de persécution spécifique aux enfants a été reconnu dans
le cadre juridique de l’Union européenne
.
En conséquence, le terme a été transposé dans la législation nationale
des pays européens. Pourtant, rares sont ceux qui ont adopté des
directives permettant d’aider les décisionnaires à apprécier les demandes
de protection des enfants.
67. Malheureusement, les études montrent que la persécution spécifique
à l’enfance n’est pas assez prise en compte dans la pratique, et
que les enfants obtiennent souvent une protection humanitaire temporaire
et non le statut de réfugiés, même quand ils présentent un dossier
solide. Dans de nombreux pays, il est probable que l’absence de
reconnaissance officielle du statut de réfugié portera atteinte
à l’accès de l’enfant aux services, à l’éducation, aux possibilités
de séjour à long terme et, au bout du compte, à des solutions durables.
68. Pour améliorer les pratiques actuelles, il est urgent que
les Etats membres qui ne reconnaissent pas encore les formes de
persécution spécifiques à l’enfance révisent leur approche et cessent
d’infliger une double peine à ces enfants qui fuient de tels dangers,
en leur refusant jusqu’au droit de chercher refuge dans d’autres
pays. Il est également crucial de renforcer les efforts pour promouvoir
les directives existantes du HCR et d’autres bonnes pratiques dans
ce domaine, en vue de reconnaître les droits des enfants et de leur
garantir une protection incluant une solution durable qui leur assure
une sécurité et une stabilité dans le long terme.
69. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent concevoir
un système d’asile harmonisé en faveur des enfants, qui intègre
des procédures prenant en considération les difficultés particulières
qu’ils rencontrent pour surmonter les traumatismes et exprimer ce
qu’ils ont vécu de façon cohérente, ainsi que leurs expériences
de persécution spécifiques aux enfants.
3.2.6.2. Assistance juridique dans le cadre des procédures
d’asile
70. Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, la
représentation et l’assistance juridiques dans le cadre des procédures
d’asile sont assurées de manière très diversifiée. Selon la législation
pertinente de l’Union européenne
,
un mineur doit, dès que possible, être représenté par un représentant
légal ou un tuteur qui sera en mesure de l’informer et d’intervenir
durant l’entretien. La désignation d’un représentant légal n’est toutefois
pas obligatoire lorsque l’enfant dispose d’un avocat, si le mineur
est âgé de 16 ans ou plus et qu’il est capable d’introduire sa demande,
ou si le mineur est marié. Le Comité des droits de l’enfant des
Nations Unies recommande que les enfants non accompagnés soient
représentés par un avocat dans toutes les procédures administratives
et judiciaires.
71. Les pratiques diffèrent néanmoins selon les pays. En Italie
par exemple, la désignation d’un tuteur est obligatoire pour qu’une
demande d’asile puisse être examinée, tandis qu’en Grèce les enfants
de plus de 14 ans sont en mesure d’introduire eux-mêmes une demande
d’asile. Dans quelques rares cas, les tuteurs ont les compétences
juridiques requises ou ont suivi une formation sur les formes de
persécution spécifiques aux enfants ou sur la détermination de l’intérêt
supérieur de l’enfant. En tout état de cause, les enfants non accompagnés
engagés dans une procédure d’asile ou dans une autre procédure juridique
ou administrative doivent être représentés par un avocat, fourni
à titre gracieux par l’Etat, parallèlement à leur tuteur légal.
3.2.6.3. Traitement des demandes et accueil des enfants
demandeurs d’asile non accompagnés
72. Les entretiens de demande d’asile doivent être conduits
en ayant comme considération primordiale l’intérêt supérieur de
l’enfant, de façon adaptée à son âge et dans un environnement rassurant.
Le personnel impliqué dans les procédures de détermination du statut
des enfants doit recevoir une formation appropriée, et les informations
fournies sur les pays d’origine doivent faire état de la situation
des enfants, notamment ceux qui appartiennent à une minorité ou
à un groupe marginalisé.
73. Les Etats membres doivent tout mettre en œuvre pour que les
demandes d’asile d’enfants non accompagnés soient traitées en priorité
et dans les plus brefs délais, n’excédant pas six mois. Ils doivent néanmoins
veiller à ce que les procédures accélérées d’examen des demandes
d’asile ne s’appliquent pas aux enfants.
74. A la fin du processus, les enfants non accompagnés doivent
recevoir une explication claire et adéquate des décisions prises
les concernant, dans une langue et d’une façon qu’ils puissent comprendre,
y compris une explication des raisons profondes. Ils doivent pouvoir
contester la décision eu égard à leur demande d’asile.
3.2.6.4. Mise en œuvre du Règlement de Dublin II
75. Selon le Règlement de Dublin II de l’Union européenne
, c’est au
premier Etat dans lequel le demandeur est entré qu’il incombe de
traiter la demande d’asile. En vertu de ce règlement, certains Etats (principalement
ceux qui servent de points d’entrée aux immigrants) éprouvent des
difficultés à traiter un nombre de demandes d’asile qui excède leurs
capacités ou souffrent de déficiences structurelles et ne parviennent
pas à remplir leurs obligations en matière de droits de l’homme.
76. Ainsi par exemple, le HCR conseille aux gouvernements d’éviter
de renvoyer les demandeurs d’asile en Grèce dans le cadre du règlement
de Dublin ou autre. Plus récemment, le Commissaire aux droits de
l’homme du Conseil de l’Europe a approuvé la proposition faite par
la Commission européenne d’introduire un dispositif permettant une
suspension momentanée des transferts, afin d’accorder aux Etats
en difficulté un bref sursis quant à leurs obligations dans le cadre
du règlement de Dublin, et de leur donner la possibilité de trouver
une aide financière ou technique pour faire face à la situation.
77. La
Résolution 1695
(2009) de l’Assemblée «Améliorer la qualité et la cohérence
des décisions en matière d’asile dans les Etats membres du Conseil
de l’Europe» invite également l’Union européenne à revoir de toute
urgence le Règlement de Dublin II et le mécanisme de «pays sûr»,
et à promouvoir le partage des responsabilités entre les Etats membres
de l’Union européenne pour soulager le fardeau qui pèse sur les
Etats faisant face à l’arrivée massive de demandeurs d’asile.
78. Votre rapporteuse partage cet avis et souligne que le Règlement
de Dublin II devrait être révisé et devrait s’appliquer aux enfants
non accompagnés uniquement si le transfert dans un pays tiers est
dans leur intérêt supérieur.
3.3. Préoccupations liées au séjour dans le pays d’accueil
3.3.1. Droit de résidence
79. Conformément à la Convention de Genève de 1951 relative
au statut des réfugiés, tous les enfants qui ont exprimé le souhait
de bénéficier de l’asile sont autorisés à séjourner sur le territoire
de l’Etat membre pendant la durée de l’examen de leur demande. S’agissant
d’enfants non accompagnés qui ne demandent pas l’asile, certains
Etats leur reconnaissent également un droit de séjour. La France
et l’Espagne, par exemple, considèrent que les enfants non accompagnés
sont automatiquement en situation régulière sur leur territoire et
que l’obligation d’obtenir l’autorisation d’y séjourner ne leur
est pas applicable. De même en Italie et en Roumanie, tous les enfants
non accompagnés bénéficient d’un droit de résidence automatique.
Ce n’est toutefois pas le cas dans certains autres pays comme la
Grèce, la Hongrie, le Royaume-Uni et la Suède, dans lesquels un
accès restreint à la procédure d’asile ou le rejet d’une demande
d’asile peut mettre l’enfant en situation irrégulière.
80. Le droit de résidence est étroitement lié à la recherche de
la famille et au regroupement familial. Alors que la récente proposition
de remaniement du Règlement de Dublin II renforce l’obligation pour
les pays de l’Union européenne de rechercher les membres de la famille
d’un enfant non accompagné, le regroupement familial n’aboutit que
rarement dans la pratique. Il en va parfois ainsi du fait que le
regroupement familial dans le pays d’origine n’est pas considéré
comme étant dans l’intérêt supérieur de l’enfant, en raison de mauvais traitements
ou de négligences subis dans le passé, ou par crainte que cela ne
porte préjudice à la demande d’asile de l’intéressé ou ne porte
tort à sa famille. Mais, dans bien des cas, il s’est tout simplement
révélé impossible de retrouver la famille. De même, bien que cela
soit considéré comme un moyen possible de faire venir ultérieurement
au sein de l’Union européenne les autres membres de la famille d’un
mineur non accompagné, tout laisse à penser que les demandes de
regroupement familial déposées par un mineur non accompagné après
qu’il a obtenu le statut de réfugié sont peu nombreuses
.
81. Selon votre rapporteuse, il serait souhaitable d’harmoniser
davantage les pratiques afin d’octroyer aux enfants non accompagnés
un droit de résidence sur le territoire jusqu’à leur majorité.
3.3.2. Une fois atteint l’âge adulte
82. Aucun instrument juridique n’encadre aujourd’hui
le passage des mineurs non accompagnés vers la majorité, et les
pratiques nationales divergent. Votre rapporteuse identifie deux
grands domaines problématiques qui touchent ces jeunes adultes.
83. En premier lieu, ces enfants non accompagnés, qui sont couverts
par des régimes nationaux de protection sociale, ne bénéficient
plus des services d’aide primaire, notamment le soutien d’un tuteur
et le logement. La responsabilité des pouvoirs publics est transférée
des services sociaux/de protection de l’enfance aux services d’immigration,
qui seront amenés à déterminer si le jeune adulte a le droit de
prolonger son séjour dans le pays. Les aides financières sont réduites
ou supprimées, et l’accès à l’éducation diminue, en attendant que
soit confirmée une possibilité de régularisation.
84. En second lieu, leur passage à l’âge adulte change complètement
les circonstances dans lesquelles leur situation au regard de l’immigration
est examinée: les mineurs non accompagnés, une fois qu’ils ont atteint l’âge
adulte, ne bénéficient plus de garanties procédurales; ils n’ont
plus droit au regroupement familial; ils courent un risque plus
grand d’être mis en détention; et leurs garanties concernant le
retour disparaissent. En bref, les permis de séjour peuvent uniquement
être prolongés au cas par cas, par bienveillance ou pour des motifs
humanitaires; s’ils ne le sont pas, les anciens mineurs non accompagnés
rejoignent automatiquement le rang des migrants irréguliers, qui
sont censés accepter le retour volontaire dans leur pays d’origine
ou risquent un retour forcé en tant qu’adultes, en vertu de la Directive
européenne sur les retours forcés.
85. Il va sans dire que, lorsque les enfants non accompagnés qui
n’ont pas cherché de protection avant leurs 18 ans atteignent la
majorité, ils perdent toute garantie qui aurait pu être appliquée
en vertu de la clause sur l’intérêt supérieur de l’enfant, et basculent
automatiquement dans l’irrégularité
.
86. Résultat, la majorité des enfants non accompagnés placés en
institution (principalement ceux dont les demandes d’asile ont été
refusées mais que les Etats n’ont pas pu renvoyer dans leur pays,
et ceux qui sont encore en attente de réponse mais ont la quasi-certitude
que leur demande sera rejetée) s’évanouissent «dans la nature» juste
avant leur dix-huitième anniversaire. Votre rapporteuse juge déplorable
que les Etats n’offrent pas une protection plus efficace et prolongée
de l’intérêt supérieur de l’enfant ou des solutions durables, mettant
ainsi directement ces jeunes à la merci des réseaux de traite et
des gangs criminels, et les exposant donc fortement à l’exploitation
et aux mauvais traitements.
87. Mais la situation est plus complexe qu’il n’y paraît. L’enquête
de votre rapporteuse sur le sujet met en évidence que le facteur
le plus déterminant pour l’avenir des mineurs non accompagnés en
Europe, outre l’existence d’un projet de vie, est la possibilité
ou non de rester dans le pays après l’âge de 18 ans.
88. Il existe de grandes différences dans la façon dont les Etats
membres traitent actuellement cette question. Certains (comme la
France) accordent le droit de demander la nationalité aux mineurs
non accompagnés que l’Etat a pris en charge de façon continue durant
une certaine période de temps, ou qui ont été élevés par un citoyen
du pays concerné durant la même période. D’autres offrent la possibilité
de demander un séjour permanent (par exemple la République tchèque),
chaque demande étant examinée au cas par cas. Le plus souvent, les
Etats accordent toutefois la possibilité de prolonger temporairement
le séjour (par exemple la Finlande, la France, l’Espagne, le Royaume-Uni),
sous réserve de confirmation que la personne continue d’avoir besoin
d’une protection internationale ou qu’il existe des motifs bienveillants individuels
d’accorder le permis de séjour. En Italie, un permis de séjour peut
être accordé à ceux qui ont été confiés à une famille, à ceux qui
font l’objet d’une protection, ou à ceux qui sont présents sur le
sol italien depuis au moins trois ans et ont participé à un projet
d’intégration d’une durée d’au moins deux ans.
89. Par ailleurs, en règle générale, lorsque le permis de séjour
n’est pas accordé, l’ancien mineur non accompagné est dans l’obligation
de partir (Allemagne, France, Italie, Norvège, Royaume-Uni). Dans
certains cas, l’obtention du statut de réfugié reste la seule solution
permanente après 18 ans (la République slovaque, Suisse, Turquie).
90. Certains «nouveaux pays de l’Espace Schengen» tels que l’Estonie,
la Lettonie ou la Slovénie qui ont peu d’expérience en la matière,
affirment de ne pas avoir renvoyé un seul mineur du fait qu’il avait
atteint l’âge adulte. En Grèce, à l’inverse, où l’afflux de mineurs
non accompagnés se compte par milliers chaque année, les enfants
qui deviennent majeurs perdent automatiquement leur protection subsidiaire
et sont expulsés ou se retrouvent généralement en situation irrégulière.
91. En ce qui concerne les prestations sociales, la République
tchèque et le Royaume-Uni fournissent également à ces jeunes majeurs
une assistance faisant suite à la prise en charge en matière de
logement et d’assistance financière. En République tchèque, les
mineurs non accompagnés peuvent bénéficier d’un logement et de services
d’éducation jusqu’à 26 ans. Certains pays (par exemple la Belgique
et la Pologne) transfèrent les demandeurs d’asile des structures
d’accueil pour enfants dans des centres de réfugiés ou leur accordent
à la fois le droit de vivre en dehors du centre et de recevoir une
allocation. Il s’agit là de quelques exemples de bonnes pratiques.
92. Globalement, votre rapporteuse estime que l’approche actuelle
de nombreux Etats membres, qui consiste à investir considérablement
dans l’éducation et les soins d’un enfant non accompagné pour le renvoyer
dans son pays quand il atteint 18 ans, ne bénéficie à personne.
L’Europe connaît un besoin structurel de migrants, notamment en
raison de sa population déclinante; dans ces conditions, la meilleure
solution n’est-elle pas d’exploiter le potentiel que représentent
ces mineurs qui ont été éduqués et formés dans le pays et qui ont
un projet de vie à long terme pour les intégrer dans la main-d’œuvre
et les sociétés locales? Comme l’explique le Programme en faveur
des enfants séparés en Europe, dans sa déclaration de bonne pratique,
la solution ne peut être considérée comme durable si elle se fonde
sur la décision d’autoriser uniquement l’enfant à rester jusqu’à
son dix-huitième anniversaire, même si son séjour peut être prolongé
de façon temporaire.
93. Au moment de décider si un enfant pourra ou non légalement
rester dans le pays d’accueil après sa majorité, il apparaît donc
hautement pertinent de prendre en compte comme élément clé son potentiel d’intégration
à long terme dans la communauté locale. Les critères à considérer
doivent inclure: le temps passé dans le pays d’accueil, le projet
de vie de l’enfant, le degré d’intégration et les études poursuivies,
les liens affectifs de la personne avec la famille ou la société
d’accueil, et la vision que la jeune personne a de son avenir.
94. Il faut établir un «âge tampon» entre l’âge de la majorité
et l’âge où une solution est trouvée, qui permettrait au jeune – au
moins pendant une durée de temps précise – de poursuivre un apprentissage
ou une formation, ou de se lancer sur le marché de l’emploi au même
titre que la population nationale. L’assistance doit être prolongée
jusqu’à ce que cette solution durable soit trouvée, même si cela
va au-delà du dix-huitième anniversaire de l’enfant.
95. Les enfants non accompagnés qui deviennent adultes durant
la procédure de détermination de l’asile doivent continuer de bénéficier
des mêmes conditions spéciales que celles appliquées aux mineurs.
Toutefois, les Etats doivent supprimer les délais inutiles qui peuvent
entraîner ce type de situation.
3.4. Préoccupations liées au retour dans le pays d’origine
96. Le retour des enfants non accompagnés dans leurs
familles ou pays d’origine est considéré comme une solution durable,
à condition d’être dans leur intérêt supérieur et de disposer de
garanties concernant leur sécurité et leur bien-être une fois rentrés.
Et pourtant, le retour des mineurs non accompagnés constitue également
l’une des questions les plus controversées où se révèlent les failles
de la réglementation applicable, les limites de la liberté d’action
des Etats membres et, enfin, la difficulté à appliquer les normes
des droits de l’homme.
97. Les problèmes se posent essentiellement dans les domaines
pour lesquels il n’existe pas ou peu de pratiques communes et de
consensus. Ces manquements portent notamment sur la définition de
l’intérêt supérieur de l’enfant, les garanties relatives aux droits
de l’homme et à la dignité, la définition de ce que constitue une
prise en charge adéquate dans le pays d’origine, et l’applicabilité
des décisions de retour.
98. Les Etats adoptent souvent le point de vue selon lequel, en
l’absence de demande d’asile, il est quasi systématiquement dans
l’intérêt supérieur de l’enfant de réintégrer sa famille; en d’autres
termes, ils ne voient pas la nécessité de mener une évaluation approfondie
au cas par cas. Votre rapporteuse tient à affirmer que le retour
dans la famille peut être mais n’est pas automatiquement dans l’intérêt
supérieur de l’enfant, même en l’absence de motifs sérieux laissant
penser que ce dernier a besoin d’une protection. Le retour devrait dépendre
des conclusions d’une évaluation minutieuse de la situation que
l’enfant va trouver à son retour et de la capacité de la famille
ou des services de protection de l’enfance à en prendre soin de
manière satisfaisante. Lorsque aucun parent ou membre de la famille
élargie du mineur n’est retrouvé, le retour doit seulement être
décidé si le mineur peut bénéficier d’une prise en charge convenue
à l’avance, sûre, concrète et adaptée, et de mesures de réinsertion
dans le pays d’origine. L’évaluation des conditions de retour devra être
menée par une organisation ou une personne professionnelle et indépendante,
et devra être objective, non politique et respectueuse du principe
de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il convient également de prendre en
compte l’avis de l’enfant et de son tuteur.
99. Dans les cas où le retour est considéré être dans l’intérêt
supérieur de l’enfant et où les conditions sont garanties, la décision
de renvoyer un mineur non accompagné doit être motivée et notifiée
à l’enfant et à son tuteur légal par écrit, avec toutes les informations
indiquant les possibilités de recours contre cette décision. L’enfant
et/ou son tuteur légal doivent avoir le droit de faire appel de
la décision de retour devant un tribunal. Un tel appel devrait avoir
un effet suspensif et s’étendre à la légalité et au bien-fondé de
la décision.
100. Le retour dans le pays d’origine ne peut être envisagé s’il
entraîne un risque de violation des droits de l’homme fondamentaux
de l’enfant. A cet égard, votre rapporteuse partage les inquiétudes
exprimées par les principales organisations et agences internationales
concernant la création de centres d’accueil dans les pays d’origine
afin de permettre aux pays de l’Union européenne de renvoyer les
mineurs non accompagnés s’ils ne retrouvent pas les membres de leurs
familles. Des centres de ce type ont été mis en place en Afrique (République
démocratique du Congo, Angola), Europe (Roumanie, Bulgarie), Afghanistan
et Irak. Selon Save the Children, il y a de sérieuses inquiétudes
quant au fait que la simple existence de ces centres d’accueil puisse
automatiquement servir de justification du refus de permis de séjour
à des mineurs non accompagnés, ceux-ci pouvant toujours être renvoyés
vers un lieu sûr et adéquat. D’autres Etats ont signé avec le Maroc,
le Sénégal, la Bulgarie ou la Roumanie des accords de réadmission
des mineurs, mais qui manquent de transparence et de protection
pour les enfants.
101. Les enfants ne devraient jamais être renvoyés vers des lieux
pouvant mettre en danger leur sécurité et leur bien-être. Sans garanties
de sécurité et de réinsertion adéquates, les centres d’accueil des
pays d’origine ne satisfont pas à l’intérêt supérieur de l’enfant.
La majorité des pays ayant mis en place ce type de centres sont
ont des problèmes de fonctionnement, sont déchirés par des conflits
ou, tout simplement, dans l’incapacité de mettre sur pied un système
de protection de l’enfance. Sans protection adéquate ni possibilité de
réinsertion, il est fort à craindre que les enfants ne disparaissent
des institutions et ne tentent à nouveau d’entreprendre de dangereux
voyages
.
102. Human Rights Watch affirme également qu’investir ainsi dans
le retour des enfants risque non seulement d’être un gaspillage
d’argent, puisque les enfants renvoyés dans leur pays s’empressent
de le quitter à nouveau, mais aussi une remise en danger des enfants.
En outre, en cas de mauvais traitements, de détention ou de disparition
de l’enfant à son arrivée, les gouvernements européens restent directement responsables
s’ils n’ont pas tenu compte, préalablement au retour, des informations
pertinentes ou n’ont rien fait pour éviter ces risques. La Cour
européenne des droits de l’homme, dans un arrêt contre la Belgique
, a conclu que les gouvernements
sont tenus de prendre des mesures et des précautions contre le traitement inhumain
infligé à un enfant renvoyé dans son pays. Le bien-être de l’enfant
après son retour devra ainsi être contrôlé par les autorités ou
services compétents sur place, qui devront rester en contact avec
les autorités du pays d’où l’enfant a été renvoyé et leur rendre
compte. Par ailleurs, au lieu de privilégier des solutions apparemment
rapides et faciles axées sur les retours, il est nécessaire d’investir
davantage dans des services et des institutions accessibles à tous
les enfants dans leurs pays d’origine
.
103. L’applicabilité des décisions de retour constitue un autre
domaine de préoccupation. En dépit des politiques mises en place
par l’Union européenne pour encourager le retour d’un plus grand
nombre d’enfants non accompagnés pour lesquels la nécessité d’une
protection internationale n’est pas avérée, rares sont les Etats
à avoir initié le départ, volontaire ou forcé, de mineurs ces dernières
années
.
La principale raison en est que, même s’il y a mesure d’expulsion,
elle est rarement exécutable – du fait de l’absence des documents nécessaires
(papiers d’identité ou documents de voyage), de la réticence de
l’enfant à coopérer au départ, des difficultés à retrouver la famille
de l’enfant et de l’impossibilité d’obtenir à temps auprès des pays
d’origine les documents voulus. Ainsi de nombreuses décisions restent-elles
en souffrance jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 18 ans.
104. Cette «attente de la majorité» ne constitue décidément pas
une solution sérieuse ou durable ni pour les Etats, ni pour les
enfants concernés dans la mesure où elle engendre souvent des détentions
prolongées ou des disparitions et alimente les réseaux de traite,
comme nous l’avons déjà évoqué au chapitre 3.3.2.
105. Dès lors qu’il est réalisable, le regroupement familial est
généralement considéré comme étant dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Une fois la famille retrouvée, les relations familiales vérifiées
et après avoir eu confirmation de la volonté tant de l’enfant que
des membres de sa famille d’être à nouveau réunis, le processus suit
habituellement son cours à moins qu’il y ait un doute raisonnable
selon lequel l’enfant risquerait d’être exposé à des mauvais traitements
ou à de la négligence. Cependant, il arrive parfois que les chances
de regroupement d’un enfant non accompagné avec sa «famille élargie»
soient réduites à néant en raison de la définition restrictive de
«la famille» appliquée par les autorités de nombreux pays européens.
Les possibilités de procéder au regroupement familial au-delà du
pays d’origine sont également très minces. Et pourtant, les familles
de migrants sont souvent éclatées sur tout le territoire européen,
certains membres, y compris l’enfant, étant en situation irrégulière.
Lorsque l’enfant non accompagné ou sa famille vit dans la clandestinité,
il est quasiment impossible de fournir les services appropriés ou
une aide au regroupement familial. En résumé, l’Europe manque d’instruments
relatifs au regroupement familial des enfants non accompagnés.
106. A cet égard, votre rapporteuse juge important d’encourager
une interprétation plus large du mot «famille» lorsqu’il s’agit
d’étudier les possibilités de regroupement familial, et d’étendre
les activités de regroupement familial au-delà du pays d’origine,
dans la perspective humanitaire d’explorer les liens avec la famille
élargie dans le pays d’accueil et dans les pays tiers.
4. Trouver des solutions durables
4.1. Identification des procédures et des outils appropriés
à la recherche de solutions durables
107. L’identification des solutions durables les plus
appropriées à un enfant non accompagné suppose généralement un équilibre
complexe de différents facteurs. Les décisions de rapatriement volontaire,
de regroupement familial ou de réinstallation dans un pays tiers,
ou encore d’insertion dans la société d’accueil auront probablement
un impact considérable et à long terme sur l’enfant. Toutes ces
options de solution durables doivent être envisagées sur un pied
d’égalité.
108. La recherche de solutions durables doit être engagée immédiatement,
dès le premier contact d’un enfant non accompagné avec les services
d’immigration et les services spécialisés. Les Directives du HCR
sur la détermination formelle de l’intérêt supérieur de l’enfant
(2008) stipulent que, avant de prendre une décision quant à l’option
à appliquer pour une solution durable pour un enfant non accompagné
donné, il convient de procéder à une détermination de l’intérêt
supérieur afin de mettre suffisamment l’accent sur les droits des enfants
lors du choix de la solution la plus appropriée et du moment opportun
de la mettre en œuvre. La détermination doit être menée au cas par
cas et se faire avec le consentement de toutes les parties concernées:
les services de l’immigration, les services sociaux, le tuteur légal
de l’enfant et l’enfant lui-même.
109. Les directives du HCR indiquent également que, s’il n’est
pas possible de déterminer quelle solution durable répond aux intérêts
supérieurs de l’enfant, il convient de maintenir la disposition
de prise en charge temporaire et de réexaminer le cas au plus tard
dans l’année qui suit la décision.
110. Lors du processus de détermination de l’intérêt supérieur
de l’enfant, il est essentiel de prendre en considération l’ensemble
de ses droits. Outre les normes énoncées dans la Convention relative
aux droits de l’enfant, d’autres instruments internationaux et régionaux
pertinents sur les droits de l’homme en général, le droit humanitaire
international, la législation sur les réfugiés, et des instruments
juridiques souples et contraignants spécifiques aux enfants devraient
être pris dûment en compte. L’Observation générale no 6 du Comité
des droits de l’enfant et les directives de 2008 du HCR sont également
de précieuses sources d’interprétation. Toutefois, votre rapporteuse
estime que les Etats européens devraient élaborer leurs propres lignes
directrices communes sur l’évaluation de l’intérêt supérieur de
l’enfant afin de définir clairement les procédures, d’établir les
responsabilités et d’inclure tous les enfants non accompagnés et
pas uniquement les demandeurs d’asile. Ces lignes directrices devraient
également inclure des mécanismes visant à garantir l’écoute attentive
des avis de l’enfant quant à sa situation et son avenir.
111. L’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant suppose une
connaissance globale et claire du contexte. Il est pour cela essentiel
d’identifier autant que possible les besoins et les risques de protection
de l’enfant, ses liens affectifs, ses capacités et ses centres d’intérêt
mais aussi les capacités des adultes désireux de le prendre en charge.
Le processus doit être centré sur l’enfant, sensible au genre, garantir
la participation de l’enfant et adopter une approche prospective.
Afin de faciliter la collecte d’informations crédibles sur la situation particulière
de l’enfant et de son pays d’origine, il est souhaitable de développer
un outil commun.
4.2. Mise en œuvre des solutions durables
112. La manière de mettre en pratique les solutions durables
est encore plus importante que leur identification.Les projets de vie en faveur des
mineurs migrants non accompagnés conçus par le Conseil de l’Europe
(Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres) offrent une
manière constructive d’intervenir aux côtés de l’enfant. Ce sont
des outils globaux, personnalisés et flexibles qui permettent aux mineurs
d’acquérir et de renforcer les compétences nécessaires pour devenir
indépendants, responsables et actifs au sein de la société, et de
conjuguer l’intégration et leur épanouissement personnel.
113. Conçu et négocié entre l’enfant et les autorités du pays d’accueil,
le projet de vie prend en compte le profil personnel de l’enfant,
ses origines et sa situation familiale, les causes de sa migration
et l’itinéraire parcouru. Il les relie à la situation présente,
à savoir les aspirations et les perceptions du mineur, sa situation juridique
dans le pays hôte et les possibilités offertes tant dans le pays
d’accueil que dans le pays d’origine. Il cherche à clarifier et
à consolider les perspectives d’avenir de l’enfant en veillant à
ce que son intérêt supérieur soit respecté, que ses droits soient
défendus et qu’il soit aidé afin de développer les aptitudes nécessaires
à une participation active à la société
. Offrant
une formation spécialisée et une qualification, le projet de vie prévient
les risques, une fois atteint l’âge adulte, de se retrouver à la
rue ou de vivre en marge de la société.
114. Les projets de vie peuvent être menés dans le pays d’accueil
ou – sous réserve du respect de l’intérêt supérieur, de la sécurité
et des droits fondamentaux de l’enfant, y compris le principe de
non-refoulement, pour ceux qui demandent l’asile – dans le pays
d’origine, ou dans les deux pays. Lorsque le retour se révèle impossible
à mettre en œuvre, ce type de démarche aide les jeunes à s’investir
dans un véritable projet d’épanouissement personnel plutôt que d’attendre
simplement l’âge de la majorité. A titre exceptionnel, lorsque des
proches vivent légalement dans un pays tiers, il sera possible d’y
envisager un regroupement familial et d’y poursuivre le projet de
vie. Si les Etats membres ont mis en place des procédures sûres
pour déplacer des mineurs qui relèvent des règles de l’Accord Dublin
II, les projets de vie peuvent les suivre par-delà les frontières
en Europe, comportant ainsi un élément de planification multiprojets.
115. Il va sans dire que la réussite des projets de vie nécessite
un engagement mutuel de l’enfant et des autorités compétentes, définissant
les responsabilités. Ces projets comprennent aussi des dispositions
pour le suivi de leur déroulement et leur contrôle ou leur révision,
à la fois à intervalles réguliers et en cas d’évolution significative
de la situation de l’intéressé
.
116. La première phase pilote de mise en œuvre des projets de vie
dans huit Etats membres, menée à terme en 2010 par le Comité européen
sur les migrations (CDMG), laisse à penser à votre rapporteuse qu’ils constituent
un moyen de garantir des solutions durables.
117. Votre rapporteuse est consciente des préoccupations des Etats
quant aux coûts additionnels engendrés par l’instauration de systèmes
fonctionnels d’identification et de mise en œuvre de solutions durables,
compte tenu notamment du climat économique actuel en Europe. Elle
entend également l’argument selon lequel une protection et une assistance
accrues risquent d’avoir pour conséquence une augmentation des flux migratoires.
Votre rapporteuse est néanmoins convaincue que les investissements
en faveur du respect des droits de l’enfant ne négligent pas la
dimension migratoire et que les efforts pour faire de ces enfants
des acteurs positifs de la société dans laquelle ils vivront au
final procurent des avantages bien supérieurs aux coûts engendrés.
5. Conclusions et recommandations de la rapporteuse
118. Dans les chapitres précédents, votre rapporteuse
s’est efforcée de démontrer la nécessité de prendre dûment et attentivement
en compte la réalité, s’agissant des enfants non accompagnés en
Europe, ainsi que celle pour les pays européens d’engager une action
déterminée commune aux fins de développer des procédures qui prennent
en considération les vulnérabilités et les droits des enfants, en
veillant à leur offrir des solutions durables.
119. Le plus grand défi à relever par les Etats membres est de
comprendre que, pour défendre l’intérêt supérieur de l’enfant, l’approche
actuelle doit être entièrement repensée: politiques et pratiques
doivent véritablement reposer sur des droits et traiter ces enfants
d’abord et avant tout comme des enfants, puis comme des migrants.
De plus, cette approche doit s’appliquer à tous les enfants non
accompagnés, pas seulement à ceux qui soumettent une demande d’asile
ou d’autres formes de protection internationale.
120. Le deuxième défi à relever consiste à améliorer les procédures:
les Etats membres doivent s’efforcer d’adopter des procédures saines
et transparentes pour garantir à tous les enfants une évaluation
équitable, approfondie et individualisée qui soit adaptée à l’âge
et au sexe, et qui permette d’aboutir à une solution durable et
bénéfique. Au lieu de privilégier le retour de ces enfants vers
des pays qui sont souvent dysfonctionnels ou en guerre – ce qui,
dans la majorité des cas, est de toute façon impossible avant leur majorité –,
les Etats membres devraient rechercher des solutions durables. Face
à une procédure de détention, d’expulsion ou de demande d’asile,
les enfants doivent pouvoir contester les décisions avec l’aide de
tuteurs et d’avocats.
121. Troisièmement, l’harmonisation des politiques et des pratiques
européennes s’impose impérativement. A cet égard, le Plan d’action
de l’Union européenne pour les mineurs non accompagnés est ambitieux
et établit de bons principes, à suivre également par d’autres Etats
membres du Conseil de l’Europe. Mais il reste beaucoup à accomplir.
122. Selon votre rapporteuse, le Conseil de l’Europe, compte tenu
de son expertise dans les domaines des droits de l’homme et de la
protection de l’enfance, peut jouer un rôle majeur en faveur du
changement de paradigme, afin que les enfants non accompagnés soient
avant tout traités comme des enfants. La reconnaissance des principes
selon lesquels ces enfants ont le droit de bénéficier d’une prise
en charge et d’une protection spécifiques, que l’intérêt supérieur
de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes
les décisions le concernant, et que l’opinion de l’enfant doit être
écoutée est au cœur de cette démarche. Le Conseil de l’Europe a,
par le passé, apporté d’importantes contributions grâce, notamment,
à son initiative des projets de vie. C’est pourquoi votre rapporteuse
reste persuadée que sa voix continuera d’améliorer le respect des
droits de ces enfants.