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Rapport | Doc. 12458 | 04 janvier 2011

Le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Jean-Claude MIGNON, France, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12163, Renvoi 3655 du 12 mars 2010. 2011 - Première partie de session

Résumé

Le rapport rappelle l’engagement de l’Assemblée parlementaire en faveur d’un Conseil de l’Europe politiquement pertinent et efficace. L’Assemblée s’est déjà félicitée de l’intention du Secrétaire Général de réformer l’Organisation afin de la rendre plus politique, plus souple et mieux adaptée aux besoins des citoyens européens. Le présent rapport propose un certain nombre de lignes d’action pour atteindre ces objectifs.

Du fait que la seconde phase de la réforme, actuellement en préparation, devrait porter sur les orientations stratégiques pour la décennie à venir, le rapport souligne que l’Assemblée doit être pleinement informée et consultée sur les choix politiques à faire. Le Conseil de l’Europe, étant au contact direct avec des problèmes menaçant la cohésion et la stabilité de la société, doit rester le cadre privilégié de la coopération politique à l’échelle de la Grande Europe.

Bien que soutenant l’objectif de faire du Conseil de l’Europe un outil plus performant et capable d’apporter des réponses pratiques aux Etats membres, le rapport reflète la préoccupation générale face à la baisse de l’engagement des Etats membres en faveur de l’Organisation. Il suggère de tenir un sommet du Conseil de l’Europe afin de lui redonner une nouvelle impulsion politique, responsabiliser les Etats membres vis-à-vis de l’Organisation et, le cas échéant, redéfinir son rôle.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 15 décembre
2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se déclare engagée en faveur d’un Conseil de l’Europe pertinent et efficace, garant naturel de la sécurité «douce» dans une Europe fondée sur les valeurs et les principes fondamentaux de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit. Elle le considère comme l’institution normative de référence et le cadre privilégié de la coopération politique à l’échelle de la Grande Europe en vue de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social.
2. L’Assemblée se félicite du fait qu’un groupe de personnalités éminentes a entamé une série de discussions sur la compréhension moderne de l’identité et des valeurs européennes dans le cadre de la définition d’une stratégie à long terme pour le Conseil de l’Europe.
3. Dans son Avis 279 (2010) sur le budget et les priorités du Conseil de l’Europe, l’Assemblée a exprimé son soutien au premier train de mesures introduites par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pour réformer l’Organisation, la revitaliser et la rendre plus politique, plus souple et mieux adaptée aux besoins des citoyens européens.
4. L’Assemblée attend maintenant les propositions du Secrétaire Général pour la seconde phase de la réforme, qui devrait porter sur les orientations stratégiques pour la décennie à venir. En tant qu’organe statutaire investi, avec le Comité des Ministres, de la responsabilité générale pour l’avenir du Conseil de l’Europe, l’Assemblée s’attend à être pleinement informée et consultée sur les choix politiques que le Secrétaire Général a l’intention de proposer.
5. La baisse de l’engagement d’Etats membres en faveur du Conseil de l’Europe est préoccupante. Elle se traduit, entre autres, par le refus persistant du Comité des Ministres à doter l’Organisation d’un budget à la hauteur de ses tâches, alors même que des structures parallèles faisant double emploi avec des mécanismes et instruments du Conseil de l’Europe sont généreusement financées dans l’Union européenne.
6. Dans ce contexte, l’Assemblée estime qu’un Sommet du Conseil de l’Europe devrait être convoqué pour redonner une nouvelle impulsion politique à l’Organisation, responsabiliser les Etats membres vis-à-vis d’elle et, le cas échéant, redéfinir son rôle à l’heure actuelle.
7. Tout en saluant la décision du Comité des Ministres de passer au processus budgétaire bisannuel, l’Assemblée ne peut que déplorer une nouvelle fois que la crise budgétaire oblige l’Organisation à réduire ses activités opérationnelles destinées à aider les Etats membres à mettre en œuvre des réformes et à se conformer à leurs engagements et obligations. Elle craint que le déséquilibre croissant entre des activités conventionnelles et opérationnelles n’amplifie encore davantage la tendance à la baisse de pertinence politique du Conseil de l’Europe que la réforme vise à inverser. L’Assemblée est convaincue que l’Organisation a besoin de changer sa façon de travailler et d’apporter des réponses opérationnelles aux besoins des Etats membres, ce qui représente l’un des défis fondamentaux du processus de réforme. Dans ce contexte, elle demande aux Etats membres de réinvestir dans les activités de l’Organisation les économies réalisées sur son fonctionnement grâce à la réforme.
8. L’Assemblée soutient la réforme engagée par le Secrétaire Général. Elle estime que la réforme ne doit pas aboutir à diminuer davantage les domaines de compétence et le rôle politique du Conseil de l’Europe, le réduisant à des fonctions purement techniques et à une position subordonnée. Elle estime, par ailleurs, dans ce contexte, qu’une démocratie stable, respectueuse des droits de l’homme, est inimaginable sans la culture, l’éducation ou la cohésion sociale et ne peut pas fermer les yeux sur les problèmes des migrations, comme la Déclaration de Strasbourg sur les Roms l’a récemment bien démontré. Les trois piliers essentiels (démocratie, droits de l’homme et prééminence du droit) doivent en conséquence refléter cette approche. Cela ne veut pas pour autant dire que le Conseil l’Europe ne doit pas concentrer les moyens nécessairement limités dont il dispose sur des thèmes jugés politiquement prioritaires.
9. L’Assemblée s’engage à étudier toutes les possibilités de réformer ses propres méthodes et procédures et ainsi, à apporter sa contribution au processus de réforme au sens large.
10. L’Assemblée souligne le rôle clé du Conseil de l’Europe dans la création d’un espace paneuropéen commun de droit par la promotion d’instruments juridiques contraignants. L’Assemblée estime que le Conseil de l’Europe doit rester le lieu privilégié pour le dialogue entre les autorités et entre les peuples au niveau européen, ainsi qu’un forum paneuropéen important d’analyse et d’anticipation des tendances déstabilisatrices qui menacent la cohésion de la société, de partage d’expériences nationales, d’élaboration des normes et de renforcement des valeurs universelles, de diffusion des bonnes pratiques et de recherche des réponses communes aux problèmes qui concernent l’Europe dans son ensemble. Il devrait aussi continuer à jouer un rôle privilégié dans le dialogue avec des Etats voisins.
11. L’Assemblée soutient l’objectif du Secrétaire Général de faire du Conseil de l’Europe un outil plus performant et capable de transformer son potentiel en décisions opérationnelles et d’apporter des réponses pratiques et rapides aux Etats membres sur les défis auxquels ils sont confrontés. A cette fin, elle se déclare en faveur:
11.1. d’une plus grande synergie entre les organes, institutions et mécanismes de l’Organisation;
11.2. d’un regroupement fonctionnel des structures de soutien des différents mécanismes de suivi et de pilotage qui existent dans le cadre des conventions du Conseil de l’Europe, de manière à les rendre plus efficaces.
12. L’engorgement croissant de la Cour européenne des droits de l’homme qui met en danger la pérennité du système de justice européen en matière de protection des droits de l’homme est un sujet de préoccupation pour l’Assemblée. Elle suit avec attention le processus d’Interlaken et s’apprête à contribuer à ce que des solutions politiques courageuses puissent en être dégagées. Dans ce contexte, l’Assemblée:
12.1. rappelle que la situation à la Cour est la conséquence des problèmes systémiques des justices nationales des Etats membres, et que l’effort principal doit ainsi porter sur la réparation des carences des mécanismes nationaux de justice; elle appelle par conséquent à des efforts en synergie du Comité des Ministres et de l’Assemblée, afin de renforcer des programmes d’assistance ciblés aux Etats membres qui sont à l’origine du plus grand nombre de requêtes devant la Cour;
12.2. prend note de l’introduction par le Comité des Ministres d’un mécanisme d’évaluation préalable des candidats aux postes de juges par un panel d’experts avant la transmission d’une liste nationale à l’Assemblée. A son tour, elle décide de consolider sa propre procédure d’élection des juges notamment en vue de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.
13. Malgré la réforme en cours, les structures du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe restent excessivement lourdes. Ses activités et son mode de fonctionnement nécessitent d’être revus en profondeur. En particulier, l’Assemblée est d’avis:
13.1. que la réforme du Congrès doit être en ligne avec les objectifs de l’ensemble de la réforme du Conseil de l’Europe. En particulier, elle doit permettre une meilleure coordination et cohérence entre les activités du Congrès et celle des autres organes et instances du Conseil;
13.2. que les activités du Congrès devraient représenter une valeur ajoutée pour le Conseil de l’Europe et une utilité pratique pour les autorités locales et régionales des Etats membres, et éviter de dupliquer les travaux menés dans d’autres instances;
13.3. que la pratique actuelle selon laquelle les membres du Congrès participent à ses travaux aux frais du Conseil de l’Europe est difficile à justifier et devrait être arrêtée.
14. L’Assemblée prend note qu’une réflexion est en cours sur l’organisation des conférences de ministres spécialisés du Conseil de l’Europe. Dans ce contexte:
14.1. elle réitère sa conviction que des ministres spécialisés, qui sont au contact direct avec de multiples problèmes de société, devraient jouer un rôle plus actif dans la définition des priorités du Conseil de l’Europe. Les conférences doivent avant tout répondre à un besoin politique réel;
14.2. elle estime que l’idée d’organiser des sessions du Comité des Ministres au niveau des ministres spécialisés mérite une étude approfondie;
14.3. elle décide d’inviter, lorsque cela est approprié, des ministres spécialisés des Etats membres du Conseil de l’Europe à intervenir en séance plénière.
15. Dans le cadre de la réflexion sur la réforme du Forum pour l’avenir de la démocratie, l’Assemblée tient à réitérer sa proposition sur la nécessité de renforcer le Pilier Démocratie du Conseil de l’Europe en regroupant les différentes activités pertinentes en la matière dans le cadre d’un «Forum de la Démocratie de Strasbourg» en tant que structure générique. Elle souhaite également qu’un nouveau Parlement des jeunes puisse avoir lieu, dans ce cadre, à Strasbourg.
16. L’Assemblée attire l’attention sur la nécessité que le Conseil de l’Europe assure une synergie entre les décideurs politiques de plus haut niveau, les citoyens et la société civile.
17. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a créé de nouvelles opportunités pour renforcer le partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, et a ouvert la perspective de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi qu’à d’autres conventions et mécanismes de notre Organisation. Dans ce contexte, l’Assemblée:
17.1. encourage vivement l’Union européenne à pleinement profiter de ces opportunités afin d’avancer vers une Europe véritablement unie sur la base des mêmes valeurs et s’appuyant sur les mêmes normes;
17.2. suggère qu’une étude détaillée soit réalisée sur la distribution des compétences entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, ainsi que d’autres organisations européennes majeures;
17.3. souligne qu’un véritable partenariat stratégique entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe devrait être un élément important de la réforme de ce dernier et appelle le Secrétaire général à œuvrer à cette fin;
17.4. pour sa part, décide de renforcer substantiellement sa coopération avec le Parlement européen, y compris par le biais de l’organe informel conjoint Parlement européen/Assemblée parlementaire dont la création vise à coordonner la communication d’informations dans le contexte notamment de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme;
17.5. souligne l’intérêt que peuvent également présenter des relations plus étroites entre les groupes politiques des deux assemblées parlementaires européennes.
18. L’Assemblée réitère sa ferme intention de suivre de près les prochaines phases de réforme de l’Organisation et de contribuer, encore davantage, par toutes ses activités, à ce que le Conseil de l’Europe reste une institution de référence dans ses domaines de compétence clés et un moteur de coopération paneuropéenne pluridimensionnelle dans d’autres secteurs de ses activités.
19. L’Assemblée décide d’examiner périodiquement et de façon approfondie les activités et les programmes du Conseil de l’Europe afin d’en évaluer la pertinence politique, et demande d’être consultée sur les choix des priorités ainsi que sur le non-renouvellement de certaines activités.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 15 décembre
2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire réaffirme son attachement à un Conseil de l’Europe politiquement pertinent et efficace, garant naturelde la sécurité «douce» dans une Europe fondée sur les valeurs et principes fondamentaux de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit. Elle soutient la réforme engagée par le Secrétaire Général qui vise à revitaliser le Conseil de l’Europe et à le rendre plus politique, plus souple et mieux adapté aux besoins des Européens.
2. Dans un esprit de dialogue renforcé entre les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe, l’Assemblée tient à partager avec le Comité des Ministres les idées, préoccupations et propositions contenues dans sa Résolution … (2011) sur le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe. Dans ce contexte, elle invite notamment le Comité des Ministres:
2.1. à s’engager dans une réflexion commune avec l’Assemblée sur la nécessité de convoquer un Sommet du Conseil de l’Europe pour redonner une nouvelle impulsion politique à l’Organisation, responsabiliser les Etats membres vis-à-vis d’elle, et, le cas échéant, redéfinir son rôle à l’heure actuelle;
2.2. à entamer la réflexion sur les propositions relatives à un regroupement des structures de soutien des mécanismes de suivi et au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux contenues dans sa Résolution … (2011) sur le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe;
2.3. à assurer, au sein du Conseil de l’Europe, une synergie entre les décideurs politiques, les citoyens et la société civile;
2.4. à tenir compte de ses propositions antérieures visant à la création d’un «forum de la démocratie de Strasbourg» en tant que structure générique qui regrouperait les différentes activités pertinentes en la matière afin de consolider et de rendre plus visible le Pilier Démocratie du Conseil de l’Europe;
2.5. à renforcer la portée des conférences des ministres spécialisés du Conseil de l’Europe, leur lien avec et leur impact sur les activités quotidiennes de l’Organisation;
2.6. à envisager la possibilité d’organiser des sessions du Comité des Ministres au niveau des ministres spécialisés;
2.7. à envisager la possibilité pour les ministères spécialisés de contribuer au financement de certaines activités du Conseil de l’Europe en contrepartie de la délégation en leur faveur de certaines compétences du Comité des Ministres, notamment en ce qui concerne le choix des priorités pour les actions intergouvernementales du Conseil de l’Europe, comme cela est prévu par la Résolution (89) 40 du Comité des Ministres sur le rôle futur du Conseil de l’Europe dans la construction européenne;
2.8. à appeler les Etats membres à réinvestir dans les activités de l’Organisation les économies réalisées sur son fonctionnement grâce à la réforme, afin d’aider les Etats membres à mettre en œuvre des réformes et à se conformer à leurs engagements et obligations.

C. Exposé des motifs, par M. Mignon, rapporteur

(open)

1. Origine et objectif du rapport

1. Le 1er octobre 2009, l’Assemblée a adopté la Résolution 1689 (2009) et la Recommandation 1886 (2009) sur l’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses soixante années d’expérience, qui visaient à proposer des pistes de réflexion sur l’évolution de la mission du Conseil de l’Europe, à identifier les problèmes liés à son fonctionnement et à suggérer des mesures à prendre afin que l’Organisation puisse rester l’institution clé dans le processus de construction d’une Europe unie fondée sur les principes et les valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit, et contribuer ainsi à garantir une promotion et une protection effectives de ces principes et valeurs.
2. Le 29 septembre 2009, l’Assemblée a élu M. Thorbjørn Jagland nouveau Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Tout au long de la campagne qui précédait son élection, M. Jagland a insisté sur le besoin de réforme de l’Organisation, afin de la rendre plus souple et mieux adaptée aux défis actuels.
3. Il est tout à fait naturel que l’Assemblée, qui a mené elle-même une réflexion sur les voies à suivre pour rendre le Conseil de l’Europe plus pertinent et performant, souhaite suivre le processus de réforme lancé par le Secrétaire Général et y contribuer.
4. J’ai donc déposé une proposition de résolution intitulée «Suivi de la réforme du Conseil de l’Europe», qui est à l’origine du présent rapport, dans un but double: tenir les collègues informés sur l’avancement de la réforme menée par le Secrétaire Général, et offrir à l’Assemblée l’occasion d’exprimer ses vues et d’exercer son influence sur les choix politiques à faire dans ce processus.
5. A mon avis, passer en revue, dans le moindre détail, les questions liées au fonctionnement quotidien du Conseil de l’Europe n’est pas le rôle de notre Assemblée. En revanche, elle se sent à juste titre concernée quand il est question de définir les orientations stratégiques de l’Organisation pour les années à venir.
6. Je tiens à rappeler que, en présentant à l’Assemblée les premiers éléments de son programme de changement, le 25 janvier 2010, le Secrétaire Général a insisté sur le caractère politique de la réforme. En tant que l’un des deux organes statutaires du Conseil de l’Europe, l’Assemblée est investie, avec le Comité des Ministres, d’une responsabilité importante quant à l’avenir de l’Organisation. Il est donc indispensable que l’Assemblée soit consultée lorsqu’il s’agit de faire des choix politiques de nature à affecter cet avenir et puisse y contribuer. Comme la plupart de mes collègues membres de l’Assemblée, je suis résolument favorable à la réforme du Conseil de l’Europe et je suis résolument opposé à la diminution du rôle politique de notre Organisation.

2. Vers la seconde phase de la réforme

7. En janvier 2010, le Secrétaire Général a lancé la première étape de la réforme. Les principaux objectifs ont été désignés de la manière suivante:
  • revitaliser le Conseil de l’Europe en tant qu’organe politique et organisation novatrice;
  • concentrer ses travaux sur un nombre plus restreint de projets, sélectionnés en fonction de leur forte valeur ajoutée et de leurs avantages spécifiques;
  • développer une organisation souple qui soit aussi plus visible et mieux adaptée aux besoins des citoyens européens.
8. La première étape de la réforme comportait des mesures de mise en œuvre immédiate qui portaient essentiellement sur des besoins prioritaires et liées à la gouvernance interne, et à des mesures opérationnelles telles que la réforme du processus et du format budgétaires, les premières mesures de rationalisation du programme d’activités, l’introduction d’un nouveau concept pour la présence extérieure du Conseil de l’Europe, le traitement de questions financières et la maîtrise des coûts salariaux.
9. L’Assemblée a examiné ce premier train de mesures dans son Avis 279 (2010) sur le budget et les priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice 2011 (sur la base d’un rapport de la commission des questions économiques et du développement). Elle a exprimé son soutien au processus engagé par le Secrétaire Général, et a appelé de ses vœux une stratégie politique pour donner à l’Organisation une nouvelle ambition.
10. Parallèlement, le Secrétaire Général a mis en place, au sein du Secrétariat du Conseil de l’Europe, un groupe de réflexion, «Agenda 2020», chargé de travailler sur la préparation de la seconde phase de la réforme, qui devrait aborder des questions relatives au positionnement stratégique de l’Organisation vis-à-vis des grands défis d’aujourd’hui et de demain.
11. Les travaux du groupe «Agenda 2020» ne sont pas publics. Cependant, j’ai pu en discuter les grandes lignes avec M. Gérard Stoudmann, représentant spécial auprès du Secrétaire Général pour les questions organisationnelles et la réforme, qui préside le groupe, ainsi qu’avoir accès à certains éléments qui y sont débattus. M. Stoudmann a également représenté le Secrétaire Général, invité à participer à un échange de vues avec la commission des questions politiques, lors de notre réunion tenue le 18 novembre 2010 à Paris. A cette occasion, il a présenté les grandes orientations de la réflexion qui est menée pour préparer la seconde phase de la réforme.
12. Le groupe «Agenda 2020», composé des principaux hauts fonctionnaires des unités structurelles du Secrétariat, s’appuie sur la réflexion menée dans 15 task-forces regroupées au sein de quatre Ateliers du changement:
  • Priorités/Programme/Budget (task-forces sur la transversalité, sur la révision des conventions, sur le monitoring et sur l’évaluation);
  • Relations avec l’Union européenne (task-forces sur les activités normatives et le monitoring, sur l’Union européenne dans les structures du Conseil de l’Europe, sur le Conseil de l’Europe dans la politique externe de l’Union européenne et sur le Nouveau partenariat stratégique);
  • Compétivité (task-forces sur la présence externe, sur la société civile, sur le financement externe et sur la communication);
  • Stratégie d’excellence interne (task-forces sur le capital humain, sur l’allégement de la bureaucratie et sur les structures intergouvernementales).
13. L’objectif du groupe est triple:
  • définir les priorités pour 2010-2020;
  • définir les priorités pour le programme d’activités 2012-2013;
  • coordonner et présenter les recommandations élaborées par les 15 task-forces.
14. Selon les informations obtenues, les éléments suivants devraient être pris en compte en ce qui concerne les orientations stratégiques pour la décennie:
  • établir d’ici à 2020 une plate-forme commune paneuropéenne de normes et de standards;
  • répondre par des projets concrets aux défis de société qui se présentent, parmi lesquels, en particulier, le risque croissant de perte de cohésion et de radicalisation;
  • utiliser le Conseil de l’Europe comme un forum pour discuter des questions d’actualité pertinentes dans le cadre du mandat de l’Organisation.
15. Pour ce qui est des priorités à retenir dans la définition du programme d’activités 2012-2013, les éléments suivants seraient privilégiés:
  • établir un budget bisannuel à partir de 2012, accompagné d’un passage en revue détaillé du programme intergouvernemental d’activités, en lien, à l’avenir, avec le cycle budgétaire de deux ans;
  • se concentrer sur les priorités à définir, avec une réduction du nombre total de programmes;
  • établir un nouveau cadre de coopération avec l’Union européenne;
  • adopter une approche transversale, chaque fois que cela est possible, notamment en matière de méthodes de travail (groupes de projets, task-forces).
16. Selon les dernières informations, les quatre Ateliers du changement ont transmis leurs recommandations au groupe «Agenda 2020», qui est en train de les examiner et de les finaliser. Les propositions du groupe «Agenda 2020» devraient servir de base pour la seconde phase de la réforme, que le Secrétaire Général envisage de présenter au début de l’année 2011.

3. Les grands défis à relever

17. L’échange de vues avec le représentant spécial du Secrétaire Général qui a eu lieu le 18 novembre 2010 a permis aux membres de la commission, d’une part, d’obtenir des informations générales sur le processus de la réforme et, d’autre part, de lui faire part des observations et des préoccupations des membres de l’Assemblée. Toutefois, au moment de la préparation de ce rapport, le contenu détaillé de la seconde phase n’est pas encore connu. Il m’est donc impossible de faire des commentaires sans en avoir pris connaissance! Cependant, il est clair que cette nouvelle phase devra aller beaucoup plus loin qu’une simple amélioration des méthodes de travail, et comportera des choix politiques et la redéfinition du rôle du Conseil de l’Europe pour en faire une priorité de l’agenda politique européen. Il me semble donc utile, à ce stade, de rappeler certains défis et de reprendre certaines idées – y compris ceux exprimés par mes collègues de la commission – dont il faut tenir compte si l’on veut un Conseil de l’Europe plus performant et opérationnel.
18. Ces défis ne sont pas nouveaux, et bon nombre d’entre eux ont déjà été exposés dans la Résolution 1689 (2009) et la Recommandation 1886 (2009), ainsi que dans nombre d’autres textes pertinents de l’Assemblée. Je dois constater qu’il y a eu trop peu de progrès – et sans doute pas assez de volonté – pour trouver des réponses à ces problèmes.

3.1. Baisse de l’engagement des Etats membres

19. L’Assemblée a exprimé, dans la Résolution 1689 (2009), sa préoccupation face à certaines tendances qui pourraient signifier la baisse de l’engagement des Etats membres en faveur du Conseil de l’Europe (par exemple, le faible niveau de participation des ministres aux sessions ministérielles du Comité des Ministres; la croissance zéro en termes réels du budget; la réticence parmi les Etats membres à adhérer aux instruments juridiques; les tentatives de minimiser l’importance des mécanismes du monitoring, voire de les mettre en cause).
20. Malgré les déclarations solennelles, ces tendances n’ont pas été inversées. Bien entendu, le fonctionnement de l’Organisation doit changer et elle doit proposer des réponses opérationnelles aux besoins des Etats membres – c’est l’un des défis fondamentaux de la réforme. Il n’en reste pas moins que sans un soutien vigoureux de la part des Etats, le Conseil de l’Europe a peu de chances de répondre à leurs attentes et devra diminuer encore davantage ses activités. Ce désengagement est d’autant plus difficile à comprendre qu’il coïncide avec la multiplication, dans nos Etats, de tendances dangereuses et déstabilisatrices qui menacent la cohésion de la société et qui se manifestent aussi bien au sein de l’Union européenne que dans les pays qui n’en font pas partie. Le Conseil de l’Europe, avec ses capacités d’analyse et d’anticipation, est le cadre de choix pour partager les expériences nationales et élaborer des réponses communes aux problèmes qui, bien que sous des formes variées, concernent l’Europe dans son ensemble.
21. La proposition du Secrétaire Général d’utiliser la formule des «accords partiels» pour permettre à des Etats intéressés de poursuivre la coopération dans certains domaines spécifiques mérite attention. Il faut cependant veiller à ne pas fragmenter davantage le Conseil de l’Europe et à éviter qu’il ne se transforme en un réseau distendu d’îlots d’activités isolées. Bien au contraire, une plus grande synergie entre organes, institutions et mécanismes de l’Organisation est indispensable pour répondre efficacement aux défis de société et aux besoins des Etats membres.
22. L’initiative récente du Secrétaire Général sur les Roms pourrait servir d’exemple d’une mobilisation rapide de l’expertise et des ressources intellectuelles disponibles au sein du Conseil de l’Europe, d’une part, et de la volonté politique des Etats membres, d’autre part, face à une situation d’urgence.
23. Le succès de telles initiatives dépendra de la capacité de l’Organisation de traduire son potentiel en décisions opérationnelles et d’apporter des solutions pratiques, utiles aux Etats membres. Cependant, pour pouvoir les mobiliser, le Conseil de l’Europe doit continuer à disposer de moyens suffisants, de ressources intellectuelles et d’un degré d’expertise reconnu.
24. La plus grande prudence est donc nécessaire lorsqu’il est question de mettre fin à telle ou telle activité. Néanmoins, dès lors qu’il est avéré qu’une activité ne présente plus d’intérêt, il ne faut pas hésiter à y mettre fin, même si cela peut remettre en cause certaines situations acquises. Pour autant, la décision de mettre fin à des activités est, par nature, une décision politique, et j’estime que l’Assemblée devrait être consultée. Sur ce point, la proposition de résolution déposée par M. Konečný et plusieurs collègues et intitulée «Examiner de près les activités du Conseil de l’Europe: une nouvelle mission pour l’Assemblée parlementaire» (Doc. 12324), qui propose que l’Assemblée examine périodiquement et de façon approfondie les activités et les programmes du Conseil de l’Europe, mérite d’être étudiée de près.
25. Je tiens à rappeler encore deux propositions que l’Assemblée a formulées dans le rapport sur l’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses soixante années d’expérience. D’une part, il s’agit de la tenue régulière des sommets, qui permettrait de donner l’impulsion nécessaire à l’Organisation et de maintenir un degré élevé de responsabilité des Etats vis-à-vis de leurs obligations. Dans la situation actuelle, où l’écart entre les déclarations solennelles et les actes réels est si manifeste et où une discussion sur une éventuelle redéfinition du rôle du Conseil de l’Europe est à l’ordre du jour, cette possibilité devrait être sérieusement considérée.
26. D’autre part, l’Assemblée s’est déclarée favorable au renforcement du rôle des conférences des ministres spécialisés et de leur impact sur les travaux quotidiens de l’Organisation. Nous avons proposé d’envisager des arrangements afin que les différents ministères spécialisés nationaux puissent intervenir dans le choix des priorités pour engager des actions intergouvernementales et contribuer au financement de certaines activités du Conseil de l’Europe. Ce dernier aspect n’est pas négligeable dans la situation budgétaire actuelle que j’évoque ci-dessous. J’estime que cette idée prend toute son actualité dans le contexte de la volonté du Secrétaire Général de rendre le Conseil de l’Europe plus opérationnel et tourné vers la solution de problèmes pratiques dans l’intérêt des Etats membres. Par ailleurs, l’Assemblée devrait inviter plus souvent des ministres spécialisés à intervenir devant ses membres afin de les sensibiliser aux problèmes réels de société, mais également parce qu’ils ont aussi le devoir de rendre compte à l’échelle européenne.

3.2. Vocation générale ou recadrage sur les trois piliers?

27. Concernant la vocation du Conseil de l’Europe, ce n’est pas la première fois que nous nous trouvons face à un dilemme: devons-nous limiter nos activités aux trois piliers essentiels que sont la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit, ou bien faut-il continuer à considérer notre Organisation comme un cadre de coopération plus large?
28. Il faut reconnaître qu’il n’y a pas de consensus sur ce point, ni parmi les Etats membres ni au sein de l’Assemblée. Les Etats qui font partie de l’Union européenne, ou ceux qui sont engagés dans le processus d’adhésion, ont tendance à privilégier le cadre de l’Union pour leurs projets de coopération et d’intégration européennes.
29. Un débat existe entre ceux qui souhaiteraient réduire les activités du Conseil de l’Europe au suivi des engagements des pays non membres de l’Union européenne dans les domaines relatifs aux trois piliers susmentionnés et ceux qui soulignent l’importance de la culture, de l’éducation et de la cohésion sociale. Il s’agit à bien des égards d’un faux débat. Que serait une démocratie sans culture et sans cohésion sociale?
30. Soyons réalistes: une bonne partie des 20 pays du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’Union européenne restera, de longues années encore, voire toujours, en dehors de l’Union. Cependant, ils auront à faire face aux problèmes de société qui dépassent les frontières nationales et nécessitent donc une coopération à l’échelle internationale et européenne. La présence de ces pays au sein du Conseil de l’Europe est un atout majeur pour notre Organisation, et leur rôle dans nos activités est appelé à croître.
31. Je partage sur ce point l’avis du Secrétaire Général: il y a besoin en Europe, à côté de l’OTAN, qui s’occupe des questions de sécurité «dure», et de l’Union européenne qui développe un projet d’intégration profonde, d’une enceinte qui assure une «sécurité douce» fondée sur le respect des valeurs communes et où toute l’Europe puisse coopérer sur la solution des problèmes qui touchent l’ensemble de nos pays et dépassent les frontières de l’Union à 27; une enceinte où tous les Etats européens puissent participer sur un pied d’égalité à la construction d’un espace européen juridique et culturel commun, en d’autres termes, d’une Grande Europe sans clivages. L’Europe a été trop longtemps divisée pour se permettre de nouvelles divisions!
32. Bien entendu, l’accent principal doit rester sur les domaines prioritaires de notre Organisation – la défense de ses valeurs et principes fondamentaux qui forment la base de l’unité européenne. Dans ce contexte, comment ne pas s’interroger sur les raisons qui ont amené les Etats membres de l’Union européenne à doter cette dernière de structures parallèles, qui font double emploi avec les mécanismes et les instruments du Conseil de l’Europe et, de cette manière, compromettent cette unité?

3.3. Problèmes budgétaires

33. Nous avons pris note de la nouvelle formule, plus lisible, de présentation du budget du Conseil de l’Europe introduite par le Secrétaire Général. On peut aussi se féliciter de la décision prise par le Comité des Ministres le 23 novembre 2010 de passer à un processus budgétaire bisannuel – je rappelle que l’Assemblée l’a préconisé depuis plusieurs années. Cependant, la situation budgétaire de l’Organisation n’en reste pas moins dramatique, etmenace son existence même. Mis à part les frais liés au fonctionnement des organes et institutions (tels que la Cour, l’Assemblée parlementaire, le Congrès, etc.), les deux tiers du budget restant sont alloués aux différents mécanismes de monitoring, et seulement un tiers aux activités opérationnelles, ces dernières dépendant très fortement des financements extérieurs extrabudgétaires.
34. Dans sa Recommandation 1886 (2009), l’Assemblée a invité le Comité des Ministres «à revoir la stratégie budgétaire du Conseil de l’Europe pour le doter des moyens à la hauteur de ses missions».
35. Nous sommes parfaitement conscients du contexte actuel dû à la crise qui affecte nos Etats membres, ce qui rend cette question encore plus difficile. Nous maintenons néanmoins que la situation budgétaire du Conseil de l’Europe n’est pas acceptable et certaines décisions stratégiques en matière de budget doivent être revues. L’Assemblée s’est prononcée en ce sens à plusieurs reprises dans ses avis.
36. Le problème budgétaire est la conséquence des choix politiques et devient à son tour un problème politique. Le refus des Etats membres de revoir la politique de «budget à croissance zéro» du Conseil de l’Europe, tout en consacrant des sommes croissantes aux autres institutions (y compris à la mise en place des mécanismes et structures parallèles faisant double emploi avec ceux du Conseil de l’Europe) démontre de manière éloquente le manque de réel engagement de ces Etats envers notre Organisation et les valeurs qu’elle défend.
37. Sans un financement adéquat des activités opérationnelles, le Conseil de l’Europe se trouve dépourvu de moyens pour aider les Etats membres à se conformer à leurs engagements et obligations. L’exemple de la Cour nous montre bien qu’il ne suffit pas d’adhérer à une convention, il est nécessaire d’aider les Etats à la respecter. En même temps, la multiplication des financements extrabudgétaires fragilise l’activité de l’Organisation et n’est pas non plus sans conséquences sur les choix des priorités. Enfin, il est à déplorer que les responsables de l’Organisation, au lieu de se consacrer au travail politique de fond dans l’intérêt des Européens, en soient amenés à faire la chasse aux financements pour sauver les programmes restants!
38. Certes, la gestion budgétaire du Conseil de l’Europe peut et doit être améliorée. Ainsi est-il probablement souhaitable d’étudier la possibilité de mutualiser certains mécanismes de monitoring. Cependant, le Comité des Ministres doit faire face à ses responsabilités pour doter l’Organisation d’un budget plus adéquat à son rôle. A ce propos, il est à regretter que, contrairement à la pratique précédente où le reliquat budgétaire était réinjecté dans les activités, les Etats membres demandent dorénavant que les économies réalisées sur le fonctionnement du Conseil de l’Europe leur soient reversées. Cette vision purement comptable de l’Organisation est en contradiction flagrante avec l’attachement à son rôle politique proclamé par nos Etats membres et met en péril son avenir. Une telle politique est également démotivante pour le Conseil de l’Europe puisque, ainsi, il ne profite en aucune manière des améliorations susceptibles d’être réalisées dans sa gestion.
39. Actuellement, les contributions de plusieurs Etats au budget du Conseil de l’Europe ne couvrent même pas les salaires de leurs juges à la Cour européenne des droits de l’homme. Cette situation est inacceptable.

3.4. Rationnaliser les activités

40. Dans la situation budgétaire dramatique que j’ai évoquée ci-dessus, il n’est pas surprenant que l’on soit obligés d’évaluer de manière critique les activités de l’Organisation, et de chercher à éviter tout gaspillage et double emploi. Je me limiterai ici à deux domaines où, à mon avis, il y a matière à réfléchir.
41. Ne devrait-on pas regrouper les structures de soutien des différents mécanismes de monitoring et de pilotage (commissions, comités, secrétariats, etc.) qui existent au sein du Conseil de l’Europe dans le cadre de ses conventions, et dont le nombre ne cesse d’augmenter?
42. Par ailleurs, ne pourrait-on pas revoir le fonctionnement du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, dont plusieurs activités font double emploi avec les travaux de notre Assemblée, et dont les membres, réunis en deux chambres, siègent en son sein aux frais du Conseil de l’Europe, alors que les membres de notre Assemblée siègent en son sein aux frais de leurs parlements?

3.5. Réforme du système de la Convention et de la Cour européennes des droits de l’homme

43. Je rappelle que cette problématique fait l’objet d’un rapport préparé actuellement au sein de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée (rapporteur: Mme Bemelmans-Videc), et qu’il faudrait donc respecter les compétences spécifiques de chacune des commissions.
44. Cependant, sans vouloir anticiper les conclusions de nos collègues, il est difficile de s’empêcher de constater que, compte tenu de la gravité des problèmes de la Cour, c’est la pérennité du système de justice européen en matière de protection des droits de l’homme qui est en jeu. La Cour, même avec ses effectifs considérablement renforcés, n’est pas en mesure de faire face au flot croissant des recours. Même avec l’entrée en vigueur du Protocole no 14 qui aura un effet positif non négligeable, la dynamique reste négative et l’engorgement de la Cour ne cesse de croître. Il est clair qu’elle ne peut pas réparer toutes les injustices commises (ou ressenties comme telles) par les autorités des Etats membres – cela ne devait d’ailleurs jamais être son rôle. Des décisions courageuses sont donc nécessaires dans le cadre du processus d’Interlaken. Une approche «technique» ne pourra résoudre un problème éminemment politique, près de 80 % des requêtes émanant de 10 Etats.
45. En effet, le vrai problème de la Cour, c’est la faiblesse des justices nationales des pays membres, l’absence ou l’insuffisance des voies de recours effectif, les problèmes au niveau de la mise en œuvre des décisions judiciaires, y compris des arrêts de la Cour, et bien d’autres. L’effort principal doit donc porter sur la réparation des carences structurelles des mécanismes nationaux de justice, seul moyen de rétablir la confiance de l’individu. Cette tâche dépasse les pouvoirs de la Cour et nécessite des efforts en synergie du Comité des Ministres et de l’Assemblée, mais requiert également des programmes d’assistance bien ciblés et faits sur mesure. En même temps soyons lucides: où sont les budgets permettant de financer l’assistance nécessaire pour une mise à niveau? Lorsque ce n’est pas une question budgétaire, que faire? Les parlements nationaux devraient jouer un rôle beaucoup plus actif.
46. En même temps, il est évident que la pratique précédente, où l’accroissement du budget de la Cour était assuré grâce à des coupes budgétaires des autres secteurs du Conseil de l’Europe, était contre-productive et a atteint ses limites. La décision du Secrétaire Général de mettre fin aux transferts budgétaires vers la Cour au détriment des autres activités du Conseil de l’Europe est donc pleinement justifiée. A l’image du reste de l’Organisation, rien n’interdit d’ailleurs à la Cour de réfléchir à une optimisation de sa gestion, qui serait facilitée par l’obtention d’une plus grande autonomie administrative et budgétaire.
47. Je ne peux me permettre de ne pas évoquer ici le problème de l’élection des juges à la Cour. Nous prenons acte de l’introduction par le Comité des Ministres d’un mécanisme d’évaluation préalable des candidats aux postes de juges par un panel d’experts avant la transmission d’une liste nationale à l’Assemblée. Il reste à voir si cette nouveauté permettra d’assurer une très haute qualité des candidats – ce qui est crucial pour l’autorité de la Cour, en particulier dans la perspective de l’adhésion de l’Union européenne. Cela étant, comme plusieurs de mes collègues, je suis persuadé qu’il faudra également porter un regard critique sur la procédure d’évaluation et d’élection des candidats aux postes de juges au sein même de l’Assemblée.

3.6. Renforcer le pilier «démocratie»

48. Il convient de rappeler l’initiative de l’Assemblée de renforcer, assurer plus de synergie, et mieux mettre en valeur les activités du Conseil de l’Europe en matière de démocratie. Il s’agirait de créer, sur la base de différents mécanismes et structures en la matière – tels le Forum annuel pour l’avenir de la démocratie, les débats bisannuels de l’Assemblée sur l’état de la démocratie en Europe, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), l’Université d’été de la démocratie et le réseau des Ecoles des études politiques du Conseil de l’Europe –, un véritable laboratoire d’idées, de réflexion et d’expertise qui pourrait devenir un pôle d’excellence et de référence à haute visibilité internationale. Cette proposition a d’ailleurs été réitérée dans la Recommandation 1928 (2010) sur la démocratie en Europe: crises et perspectives.
49. Compte tenu de la réflexion actuellement en cours sur la mission et les activités futures du Forum pour l’avenir de la démocratie, ainsi que de l’intérêt des autorités de la ville de Strasbourg pour l’initiative de l’Assemblée, il serait tout à fait opportun de relancer cette idée en vue de lui donner de la substance concrète pour 2012, année du prochain débat bisannuel sur l’état de la démocratie en Europe.

3.7. Conventions

50. Il faut se féliciter du fait que le Secrétaire général ait donné suite à l’idée de renforcer le système conventionnel du Conseil de l’Europe en faisant l’inventaire de l’ensemble des conventions afin d’en optimiser la mise en œuvre – ce que l’Assemblée proposait depuis plusieurs années. Je me réfère tout particulièrement à la Résolution 1732 (2010) «Renforcer l’efficacité du droit des traités du Conseil de l’Europe» (rapport de M. Prescott, commission des questions juridiques et des droits de l’homme).

3.8. Partenariat avec l’Union européenne

51. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a créé de nouvelles opportunités pour renforcer le partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, et a ouvert la perspective de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi qu’à d’autres conventions et mécanismes de notre Organisation. Les négociations pour l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme sont déjà en cours.
52. Comment faire le meilleur usage de cette situation nouvelle? L’Assemblée poursuit en ce moment sa réflexion sur ce sujet (rapports de la commission des questions politiques sur l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe [rapporteur: Mme Lundgren] et de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme: élection des juges [rapporteur: M. Holovaty]).
53. L’Assemblée a aussi l’intention de renforcer substantiellement son partenariat avec le Parlement européen. La décision du Bureau de l’Assemblée en faveur de la création d’un organe informel conjoint Parlement européen/Assemblée parlementaire pour coordonner la communication d’informations, dans le contexte de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, s’inscrit dans cette ligne. Aussi, la commission des questions politiques et la commission des questions juridiques et des droits de l’homme sont en train de développer des relations des plus en plus étroites avec la sous-commission des droits de l’homme de la commission des affaires étrangères du Parlement européen sur une série de questions d’intérêt commun allant des conséquences de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne à la situation politique et des droits de l’homme dans les Balkans.
54. Nous prenons également note des nouvelles modalités de coopération en matière de financement des activités dans le cadre du Partenariat oriental sous forme d’une enveloppe globale («facilité») qui devrait permettre au Conseil de l’Europe d’avoir plus de flexibilité dans son action et d’affirmer ses priorités définies en fonction des besoins de nos Etats membres. J’insiste sur la nécessité d’un véritable partenariat dans le choix de ces priorités, qui doit aller bien plus loin que les relations de sous-traitance que nous avons vues dans le passé.

4. Le rôle de l’Assemblée parlementaire: générer des idées et agir pour le changement

55. La réforme de l’Assemblée en tant que telle fera l’objet d’un rapport spécifique que je suis chargé de préparer au sein d’une commission ad hoc du Bureau. Il ne me semble donc pas opportun d’anticiper ici la discussion qui aura lieu dans ce cadre.
56. Je me bornerai à souligner ici qu’il faut aller vers une Assemblée plus politique et plus réactive, qui continue à jouer son rôle: faire naître des idées pour l’avenir tout en accordant plus d’attention au suivi de la mise en œuvre de ses idées et positions. L’Assemblée doit être à l’avant-garde de la réforme, et nous, en tant que membres des parlements nationaux, avons une responsabilité particulière pour assurer le soutien politique de ce processus.

5. Conclusions

57. La réforme du Conseil de l’Europe est devenue une nécessité. Elle entre maintenant dans une phase où d’importants choix politiques sont à l’ordre du jour.
58. Le Secrétaire Général a formulé les objectifs ambitieux pour que le Conseil de l’Europe puisse rester à la hauteur de sa mission et relever les défis de la société en mutation. Cependant, pour atteindre ces objectifs, la détermination qu’il a montrée et les pouvoirs dont il dispose ne suffiront pas.
59. Une volonté politique forte de la part des Etats membres est indispensable. Le rôle du Secrétaire Général est de mobiliser cette volonté politique. L’Assemblée devrait être prête à soutenir ses efforts. Mais elle ne pourrait être une véritable alliée du Secrétaire Général que si elle se sent pleinement impliquée dans la définition des orientations stratégiques de la réforme.
60. Dans ce contexte, j’estime qu’un sommet du Conseil de l’Europe devrait être convoqué pour redonner une nouvelle impulsion politique à l’Organisation, responsabiliser les Etats membres vis-à-vis d’elle et, le cas échéant, redéfinir son rôle à l’heure actuelle.
61. L’Assemblée devrait soutenir l’objectif du Secrétaire Général de faire du Conseil de l’Europe un outil plus performant et capable de transformer son potentiel en décisions opérationnelles, capable d’apporter des réponses pratiques et rapides aux Etats membres sur les défis auxquels ils sont confrontés. A cette fin, je proposerais une plus grande synergie entre organes, institutions et mécanismes de l’Organisation ainsi qu’un regroupement fonctionnel des structures de soutien des différents mécanismes du suivi et de pilotage qui existent dans le cadre des conventions du Conseil de l’Europe.
62. L’engorgement croissant de la Cour européenne des droits de l’homme qui met en danger la pérennité du système de justice européen en matière de protection des droits de l’homme est également un sujet de préoccupation pour l’Assemblée, qui suit avec attention le processus d’Interlaken et s’apprête à contribuer à ce que des solutions politiques courageuses puissent en être dégagées. Dans ce contexte, je rappelle que la situation à la Cour est la conséquence des problèmes structurels des justices nationales des Etats membres, et que l’effort principal doit ainsi porter sur la réparation des carences des mécanismes nationaux de justice. L’Assemblée devrait par conséquent, en synergie avec le Comité des Ministres, appeler à renforcer les programmes d’assistance ciblés aux Etats membres qui sont à l’origine du plus grand nombre de requêtes devant la Cour. Tout en prenant note de l’introduction par le Comité des Ministres d’un mécanisme d’évaluation préalable des candidats aux postes de juges par un panel d’experts avant la transmission d’une liste nationale à l’Assemblée, cette dernière devrait, à son tour, décider de consolider sa propre procédure d’élection des juges, notamment en vue de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.
63. Malgré la réforme en cours, les structures du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe restent excessivement lourdes. A mon avis, ses activités et son mode de fonctionnement nécessitent d’être revus en profondeur. En particulier, les activités du Congrès devraient représenter une valeur ajoutée pour le Conseil de l’Europe et avoir une utilité pratique pour les autorités locales et régionales des Etats membres, et éviter de dupliquer les travaux menés dans d’autres instances. D’ailleurs, la pratique actuelle selon laquelle les membres du Congrès participent à ses travaux aux frais du Conseil de l’Europe est difficile à justifier et devrait être arrêtée.
64. En ce qui concerne l’organisation des conférences de ministres spécialisés du Conseil de l’Europe, je réitère ma conviction que des ministres spécialisés, qui sont au contact direct avec de multiples problèmes de société, devraient jouer un rôle plus actif dans la définition des priorités du Conseil de l’Europe. En outre, l’Assemblée devrait inviter, lorsque cela est approprié, des ministres spécialisés des Etats membres du Conseil de l’Europe à intervenir en séance plénière.
65. Je tiens également à réitérer ma proposition sur la nécessité de renforcer le pilier «démocratie» du Conseil de l’Europe en regroupant les différentes activités pertinentes en la matière dans le cadre d’un «forum de la démocratie», à Strasbourg, en tant que structure générique.
66. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a créé de nouvelles opportunités pour renforcer le partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, et a ouvert la perspective de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi qu’à d’autres conventions et mécanismes de notre Organisation. Dans ce contexte, l’Assemblée devrait encourager vivement l’Union européenne à pleinement profiter de ces opportunités afin d’avancer vers une Europe véritablement unie sur la base des mêmes valeurs et s’appuyant sur les mêmes normes. Un véritable partenariat stratégique entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe devrait être l’un des objectifs principaux de la réforme de ce dernier et l’Assemblée devrait appeler le Secrétaire général du Conseil de l'Europe à œuvrer à cette fin. Pour sa part, l’Assemblée devrait renforcer substantiellement sa coopération avec le Parlement européen, y compris par le biais de l’organe informel conjoint Parlement européen/Assemblée parlementaire dont la création vise à coordonner la communication d’informations dans le contexte notamment de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Je souligne également l’intérêt que peuvent aussi présenter des relations plus étroites entre les groupes politiques des deux assemblées parlementaires européennes.
67. Ma ferme conviction est que l’Assemblée doit suivre de près les prochaines phases de réforme de l’Organisation et contribuer, encore davantage, par toutes ses activités, à ce que le Conseil de l’Europe reste une institution de référence dans les domaines de ses compétences clés et un moteur de coopération paneuropéenne pluridimensionnelle dans d’autres secteurs de ses activités. L’Assemblée devrait enfin examiner périodiquement et de façon approfondie les activités et les programmes du Conseil de l’Europe afin d’en évaluer la pertinence politique, et devrait être consultée sur les choix des priorités ainsi que sur le non-renouvellement de certaines activités.