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Rapport | Doc. 12719 | 19 septembre 2011

La pornographie violente et extrême

(Ancienne) Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Rapporteur : M. Michał STULIGROSZ, Pologne, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc 12156, Renvoi 3662 du 26 avril 2010. 2011 - Quatrième partie de session

Résumé

La pornographie est devenue un commerce très lucratif et est consommée par un nombre croissant de personnes, notamment sur internet. L’accessibilité croissante pour le public aux contenus pornographiques violents et extrêmes montrant explicitement des scènes de dégradation, de violence sexuelle, de torture, de meurtre, de nécrophilie ou de zoophilie dans un but d’excitation sexuelle est une source d’inquiétude profonde.

L’Assemblée parlementaire devrait mettre en garde contre le risque de banalisation résultant de l’exposition constante ou de la dépendance à ce type de pornographie, et le danger d’une normalisation progressive qui amènerait à considérer la coercition morale et la violence physique, notamment à l’égard des femmes, comme acceptables.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient assurer la mise en œuvre effective de la législation en vigueur relative aux contenus pornographiques, encourager la recherche scientifique afin d’évaluer l’impact des images pornographiques violentes et extrêmes sur l’utilisateur, et envisager l’introduction de mesures législatives spécifiques criminalisant la possession, la production et la distribution de matériel pornographique violent et extrême.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 9 septembre
2011.

(open)
1. Depuis quelques années, la pornographie est devenue un commerce très lucratif, notamment du fait du rôle croissant de l’internet comme moyen de distribution. Dans le même temps, de nouveaux types d’équipement très répandus ont donné la possibilité à des personnes privées de devenir producteurs de pornographie, celle-ci étant distribuée et échangée principalement via les réseaux et médias sociaux sur internet.
2. L’Assemblée parlementaire se déclare profondément préoccupée par l’accessibilité croissante du public aux contenus pornographiques violents et extrêmes montrant explicitement des scènes de dégradation, de violence sexuelle, de torture, de meurtre, de nécrophilie ou de zoophilie dans un but d’excitation sexuelle.
3. Tout en rappelant que la liberté d’expression est l’un des fondements d’une société démocratique et un droit garanti par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), l’Assemblée souligne qu’il est possible de poser des limites à ce droit si de telles limites sont prescrites par la loi et paraissent nécessaires, notamment dans l’intérêt de la prévention de la criminalité, de la protection des mœurs et de la protection des droits d’autrui.
4. L’Assemblée constate l’existence de fortes disparités entre les Etats membres quant au degré de réglementation de la pornographie avec, d’un côté, des pays dans lesquels la production, la distribution et la possession de matériel pornographique sont complètement interdites et, de l’autre, des pays où il n’existe pratiquement aucune interdiction, même à l’égard des formes de pornographie violente et extrême.
5. Elle regrette aussi de constater que les Etats membres ont en commun de ne pas appliquer suffisamment la législation et la réglementation en vigueur sur la production et la distribution de pornographie.
6. Devant l’augmentation du nombre de consommateurs de pornographie en Europe, l’Assemblée lance un avertissement au sujet du risque de banalisation pouvant résulter de l’exposition constante ou de la dépendance à la pornographie, en soulignant le danger d’une normalisation progressive qui amènerait à considérer la coercition morale et la violence physique comme acceptables.
7. En outre, constatant que les victimes représentées sont en grande majorité des femmes, l’Assemblée se déclare préoccupée par les conséquences négatives de la pornographie violente et extrême du point de vue de la dignité des femmes et de leur droit de vivre à l’abri de la violence sexuelle. A cet égard, l’Assemblée considère que ce type de pornographie représente un obstacle de plus sur le chemin vers une réelle égalité entre les sexes, à coté des autres formes de pornographie hard et soft, de l’utilisation très répandue d’images sexualisées de femmes à des fins commerciales et de l’exploitation des stéréotypes sexuels par les médias et l’industrie du divertissement.
8. D’autre part, l’Assemblée souligne une nouvelle fois la nécessité de protéger les enfants de l’exposition aux contenus pornographiques violents et extrêmes, qui pourrait nuire à leur développement équilibré.
9. Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les Etats membres:
9.1. en ce qui concerne la législation et les politiques:
9.1.1. à assurer la mise en œuvre effective de la législation en vigueur régissant la production, la distribution et la vente de matériel pornographique;
9.1.2. à réviser, le cas échéant, les lois existantes afin d’assurer la mise en place de sanctions adéquates en cas de violations, et à contrôler leur application et leur mise en œuvre;
9.1.3. à obliger les entreprises à soumettre toute œuvre audiovisuelle pour classification avant sa distribution commerciale;
9.1.4. à renforcer les sanctions en cas de non-respect de l’obligation de soumettre les œuvres audiovisuelles à classification auprès de l’organe pertinent, ainsi qu’en cas de distribution de tels contenus sans obtention préalable d’un code de classification;
9.1.5. à évaluer l’impact de la législation et de la règlementation en vigueur s’appliquant à la pornographie violente et extrême, le cas échéant, à réviser les textes existants, en prenant en considération la possibilité:
9.1.5.1. d’introduire des dispositions spécifiques incriminant la production et la distribution de pornographie violente et extrême;
9.1.5.2. de criminaliser la possession de matériel pornographique violent et extrême, y compris à des fins d’usage personnel;
9.1.6. à veiller à assurer une mise en œuvre non discriminatoire de la législation existante, y compris du point de vue de l’orientation sexuelle;
9.1.7. à établir ou soutenir l’établissement de services d’assistance téléphonique ou d’autres structures afin de prodiguer des conseils au public et de recevoir des plaintes concernant le matériel illégal;
9.2. en ce qui concerne la protection des mineurs:
9.2.1. à renforcer les efforts pour combattre la pornographie enfantine;
9.2.2. à introduire et appliquer des sanctions adéquates pour réprimer la vente de matériel pornographique aux mineurs;
9.2.3. à appliquer des sanctions adéquates en cas de violation de l’interdiction de représenter des adultes comme des mineurs;
9.2.4. à introduire une classification obligatoire de tous les jeux vidéo, y compris les jeux pornographiques et violents, et soumettre leur vente et leur distribution à une autorisation préalable de l’organisme de classification pertinent;
9.3. en ce qui concerne la recherche:
9.3.1. à encourager et à soutenir les études scientifiques visant à évaluer l’impact des images pornographiques violentes et extrêmes sur les utilisateurs, notamment en vue de déterminer les liens pouvant exister entre la consommation fréquente de pornographie violente et extrême et une inclinaison accrue à des comportements sexuels violents;
9.3.2. à encourager ou mener régulièrement des enquêtes parmi le public et des consultations au sein de la société civile sur les normes en matière d’obscénité;
9.3.3. à encourager ou soutenir l’étude des liens entre pornographie, prostitution et traite des êtres humains, ainsi qu’entre la pornographie violente et extrême et les images d’abus sexuels d’enfants;
9.4. en ce qui concerne la formation et la sensibilisation:
9.4.1. à développer des matériaux et des programmes d’éducation sexuelle pour les enfants et les jeunes;
9.4.2. à soutenir la formation des travailleurs sociaux et des professionnels de santé ayant à traiter la dépendance à la pornographie;
9.4.3. à soutenir la formation des travailleurs sociaux et des agents des services d’application de la loi ayant à s’occuper de personnes ayant été contraintes de travailler dans la pornographie.
10. Enfin, l’Assemblée appelle une nouvelle fois les Etats membres et les Etats observateurs du Conseil de l’Europe à signer et ratifier:
10.1. la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210);
10.2. la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201);
10.3. la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185).

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité le 9 septembre 2011.

(open)
1. Rappelant sa Résolution … (2011) sur la pornographie violente et extrême, l’Assemblée parlementaire réitère sa préoccupation concernant l’accessibilité croissante du public au matériel pornographique violent et extrême, notamment par internet.
2. Compte tenu de la Recommandation Rec(2001)8 du Comité des Ministres sur l’autorégulation des cyber-contenus (l’autorégulation et la protection des utilisateurs contre les contenus illicites ou préjudiciables diffusés sur les nouveaux services de communication et d’information), l’Assemblée recommande au Comité des Ministres de demander aux organes compétentes du Conseil de l’Europe de réaliser une étude comparative de la législation et de la règlementation applicable aux formes de pornographie violente et extrême dans les Etats membres et, sur cette base, d’examiner s’il serait pertinent d’envisager une approche plus harmonisée, notamment en ce qui concerne la réaction à la distribution de contenus pornographiques violents et extrêmes sur internet.
3. En outre, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres de demander au Conseil exécutif de l’Observatoire européen de l’audiovisuel de charger l’Observatoire de réaliser une étude de faisabilité sur la mise en place d’un système commun de classification et de descripteurs de contenu, en vue de l’étiquetage du contenu d’œuvres audiovisuelles.

C. Exposé des motifs, par M. Stuligrosz, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La pornographie est une industrie de taille importante qui emploie un grand nombre de travailleurs et réalise d’énormes profits. Ses produits, qui sont de plus en plus largement diffusés, sont utilisés par des individus et des entreprises. Toutefois, il serait quelque peu naïf ou cynique de considérer la pornographie comme une forme de divertissement quelconque, dans la mesure où elle affecte, d’une part, la manière dont les femmes et les relations sexuelles sont perçues au sein de la société et, d’autre part, les normes de ce qui est jugé comme acceptable, non seulement dans la sphère privée mais aussi dans l’ensemble de la société.
2. Cette remarque est particulièrement vraie s’agissant de la pornographie violente et extrême. En l’absence d’une définition généralement acceptée de la pornographie violente et extrême, je reprendrai ici la définition claire et détaillée incluse dans le droit anglais pour lequel une image pornographique extrême est «une image produite dans un but d’excitation sexuelle, qui est gravement choquante, répugnante ou encore obscène, et représente les sujets suivants: un acte mettant en danger la vie d’une personne, un acte entraînant ou risquant d’entraîner des blessures graves à l’anus, aux seins ou aux organes sexuels d’une personne, un acte impliquant l’utilisation à des fins sexuelles d’un cadavre humain ou d’un animal (mort ou vivant)» 
			(3) 
			Article
63, Criminal Justice and Immigration
Act 2008, <a href='www.legislation.gov.uk/ukpga/2008/4/part/5/crossheading/pornographie-etc'>www.legislation.gov.uk/ukpga/2008/4/part/5/crossheading/pornographie-etc</a>..
3. Tout en fournissant une vue d’ensemble des préoccupations que soulève la pornographie en général, le présent rapport concentre son attention sur la pornographie violente et extrême. Il ne traite pas du problème de la pornographie portant sur l’abus sexuel d’enfants, dont s’occupe actuellement un autre rapporteur, même s’il fait occasionnellement référence à ce type de pornographie 
			(4) 
			Voir Doc. 12720, rapport
«Combattre les “images d’abus commis sur des enfants” par une action
engagée, transversale et internationalement coordonnée» de la commission
des questions sociales, de la santé et de la famille (rapporteur:
M. Augustín Conde Bajén, Espagne, PPE/DC). .
4. J’ai bien conscience du fait que la pornographie est un sujet très délicat qui soulève certaines questions en matière de liberté d’expression, droit fondamental qui, dans toutes les démocraties, est garanti par la législation nationale – parfois au niveau constitutionnel – et par divers instruments des droits de l’homme, dont la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, ci-après «la Convention»).
5. Néanmoins, je souhaite également rappeler que la liberté d’expression n’est pas un droit absolu. Aux termes de la Convention, par exemple, l’exercice de cette liberté «comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire» 
			(5) 
			Article
10 de la Convention européenne des droits de l’homme.. Des restrictions semblables existent dans le droit interne des différents pays.
6. Certains lecteurs pensent sans doute que, dans la mesure où la production et la consommation de pornographie violente et extrême concernent des adultes libres et consentants, cela ne regarde que ces individus et il n’y a aucune raison pour que l’Etat s’ingère dans ces activités ou les soumette à des restrictions.
7. Je ne partage pas ce point de vue. Je suis convaincu qu’un débat public sur le développement et la diffusion à grande échelle de la pornographie violente et extrême est nécessaire. En effet, ses dangers sont multiples et ses victimes potentielles très nombreuses.
8. Premièrement, la pornographie violente et extrême constitue avant tout un danger pour la dignité des femmes, qui forment la grande majorité des victimes des actes violents représentés. Deuxièmement, la normalisation des actes que montre couramment la pornographie contribue à créer un environnement dans lequel la violence est considérée comme acceptable, avec les conséquences que cela peut avoir sur le niveau de tolérance de la société. Enfin, certaines catégories de personnes vulnérables, spécialement les mineurs, sont particulièrement susceptibles d’être affectés par la vision, dans la pornographie extrême, d’actes de violence et d’actes gravement choquants à laquelle ils peuvent être exposés de manière accidentelle.
9. Par ailleurs, le risque d’imitation ne doit pas être sous-estimé. La pornographie violente et extrême déshumanise les femmes en en faisant des objets sexuels contraints de se soumettre à la violence dans le seul but d’exciter les fantasmes des spectateurs. Plusieurs cas de crimes commis par des hommes souffrant de dépendance à la pornographie extrême montrent qu’il existe un risque réel que certains spectateurs soient amenés ou encouragés à passer à l’acte en réalisant des fantasmes criminels.
10. La question de la pornographie violente et extrême n’a pas fait jusqu’ici l’objet d’une analyse approfondie par le Conseil de l’Europe, ou ses Etats membres. Afin de recueillir des informations et des éléments de réflexion sur ce problème délicat, la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes a organisé le 8 juin 2011 un échange de vues avec deux experts, M. Andrew Shortland, inspecteur enquêteur de la Police métropolitaine de Londres travaillant dans le Service de répression des images extrêmes et violentes (Abusive and Extreme Images Unit), et M. Marko Künnapu, président du Comité de la Convention sur la cybercriminalité (T-CY) du Conseil de l’Europe – comité créé dans le cadre de la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185). Cet échange de vues a contribué pour une grande part à l’établissement du présent rapport.

2. Origine et buts du rapport

11. Une proposition de recommandation intitulée «La pornographie violente: une menace pour la dignité et les droits des femmes», présentée par M. Mendes Bota et plusieurs de ses collègues (Doc. 12156), est à l’origine de ce rapport. Ce texte soulignait le fait que, alors que les images sexualisées de femmes sont omniprésentes dans le paysage urbain, on voit se développer de nouvelles formes de pornographie faisant l’apologie du viol et d’autres formes de violence. En outre, des images d’actes sexuels consensuels ou non sont publiées sur l’internet avec ou sans l’accord des personnes concernées. Ces développements portent atteinte à la dignité des femmes et mettent en danger leurs droits, y compris le droit de vivre à l’abri de la violence sexuelle.
12. Le moment me semble particulièrement bien indiqué pour que l’Assemblée aborde cette question, compte tenu de l’élan nouveau donné au travail du Conseil de l’Europe dans le domaine de la violence à l’égard des femmes par l’ouverture à la signature de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, ci-après «Convention d’Istanbul») en mai 2011.
13. La Convention d'Istanbul, qui a été signée par 16 Etats membres du Conseil de l’Europe 
			(6) 
			Au
8 septembre 2011: Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, France,
Grèce, Islande, Luxembourg, Monténégro, Norvège, Portugal, Slovaquie,
Slovénie, Suède, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et Turquie., exige des Etats parties qu’ils répondent au problème de la violence à l’égard des femmes par une approche globale impliquant l’ensemble des acteurs concernés, tant publics que privés.
14. L’article 17 de la Convention d'Istanbul, qui porte sur la participation du secteur privé et des médias, prévoit en particulier ce qui suit:
«1. Les Parties encouragent le secteur privé, le secteur des technologies de l’information et de la communication et les médias, dans le respect de la liberté d’expression et de leur indépendance, à participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques, ainsi qu’à mettre en place des lignes directrices et des normes d’autorégulation pour prévenir la violence à l’égard des femmes et renforcer le respect de leur dignité.
2. Les Parties développent et promeuvent, en coopération avec les acteurs du secteur privé, les capacités des enfants, parents et éducateurs à faire face à un environnement des technologies de l’information et de la communication qui donne accès à des contenus dégradants à caractère sexuel ou violent qui peuvent être nuisibles.»
15. On notera en outre que la prise en compte explicite de la violence domestique dans la Convention d'Istanbul constitue, en tant que telle, un pas en avant significatif sur le plan politique, car elle montre que les Etats parties ont conscience de la nécessité de dépasser la distinction entre sphère publique et sphère privée dans ce domaine: la violence à l’égard des femmes constitue une violation des droits de l’homme et ne doit être tolérée en aucun cas et dans aucun contexte.
16. Je souhaiterais que le présent rapport soit envisagé comme complémentaire de la Convention d’Istanbul: la violence à l’égard des femmes s’enracine dans les relations de pouvoir inégales qui existent entre les hommes et les femmes au sein de la société et dans la discrimination systématique à l’égard des femmes; la pornographie violente et extrême contribue à promouvoir, directement ou indirectement, un état d’esprit enclin à tolérer ou favoriser la violence à l’égard des femmes ou la favorisant.
17. S’ils prennent au sérieux leur engagement de supprimer les causes fondamentales de l’inégalité entre les sexes et la violence à l’égard des femmes, les Etats membres doivent entamer une réflexion de fond sur les moyens de s’allier les médias et l’industrie du divertissement dans cet effort. Par ailleurs, les Etats membres devraient examiner la possibilité de prendre des mesures légales pour réglementer la pornographie violente et extrême, non seulement afin de protéger les personnes vulnérables – en particulier les mineurs – mais aussi afin de promouvoir un état d’esprit fondé sur l’égalité des droits et la dignité des femmes et des hommes au sein de la société.

3. L’utilisation d’images sexuelles de femmes à des fins commerciales

18. Il n’est pas nécessaire de rappeler que nous sommes constamment exposés à des images sexualisées de femmes: dans la publicité, les émissions de télévision, les clips vidéo ou les magazines. Ces images, qui privilégient certaines parties du corps ou font appel à la nudité, sont utilisées principalement à des fins commerciales. Le sexe fait vendre et les entreprises ne sont guère prêtes à renoncer à ce moyen d’accroître leur chiffre d’affaires.
19. En 2010, en Pologne, le cas d’un magasin de meubles qui utilisait dans sa publicité pour les soldes le slogan «les prix descendent très vite» et l’image des jambes d’une femme avec sa culotte baissée jusqu’aux genoux a été examiné par le comité «Ethique de la publicité 
			(7) 
			<a href='www.wirtualnemedia.pl/artykul/spadajace-majtki-na-billboardzie-mebli-torino-nie-dyskryminuja-kobiet#'>www.wirtualnemedia.pl/artykul/spadajace-majtki-na-billboardzie-mebli-torino-nie-dyskryminuja-kobiet#</a>.». Les plaignants affirmaient que la publicité constituait une offense à la morale et à la dignité des femmes. A ma grande surprise, le comité a rejeté la plainte.
20. J’ai été encore plus surpris quand je me suis rendu compte, en avril 2011, que la même affiche était utilisée par un restaurant au centre de Strasbourg pour faire de la publicité pour ses tartes flambées 
			(8) 
			<a href='www.20minutes.fr/article/710749/strasbourg-pub-sexiste-flambee-critiques'>www.20minutes.fr/article/710749/strasbourg-pub-sexiste-flambee-critiques</a>..
21. Non seulement le sexe aide à vendre, mais il est utilisé pour vendre tout type de produit et son message passe toute frontière nationale. Certains lecteurs pensent peut-être qu’il ne s’agit là que d’une forme de communication agressive cherchant à attirer l’attention en choquant; d’autres n’y verront qu’un étalage de mauvais goût. Nous devrions pourtant veiller à ne pas sous-estimer le message – loin d’être subtil – véhiculé par ce type d’images, et son impact sur la dignité des femmes.
22. Je voudrais rappeler brièvement à cet égard certains textes adoptés récemment par l’Assemblée parlementaire: dans sa Résolution 1751 (2010) «Combattre les stéréotypes sexistes dans les médias», l’Assemblée a mis en avant la nécessité de combattre les stéréotypes sexistes dans les médias en tant qu’objectif essentiel pour parvenir à l’égalité entre les sexes. A cette fin, elle a recommandé aux Etats membres de mettre en place des organes de régulation ou d’autorégulation des médias pour assurer le respect de la dignité humaine, contribuer à la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe et promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.
23. En outre, dans sa Recommandation 1882 (2009), «La promotion de services de médias en ligne et sur internet adaptés aux mineurs», l’Assemblée a souligné les risques liés aux nouvelles technologies. Tout en louant l’internet pour avoir permis un développement sans précédent des possibilités d’information et de communication, elle a rappelé que les contenus présentant les femmes et les jeunes filles comme des objets ou limitant leur représentation à des stéréotypes de genre avilissants peuvent conduire dans certains cas à la violence sexiste dans le monde virtuel et dans le monde réel, y compris la (cyber-)intimidation, le harcèlement et le viol.
24. En ce qui concerne l’influence de l’image sur la perception de la réalité par les individus, dès 1995, l’Assemblée déclarait: «L’image rend compte de la réalité mais transmet également des stéréotypes. (…) La plupart des gens ne savent pas “lire” l’image, ce qui peut conduire à de nombreuses interprétations erronées et à des manipulations. Pour réelle qu’elle puisse paraître, l’image ne doit pas être confondue avec la réalité.» Elle a en outre souligné à juste titre les «indices croissants de l’existence d’un lien direct entre le fait de regarder la violence et d’agir violemment» 
			(9) 
			Recommandation 1276 (1995) de l’Assemblée
relative au pouvoir de l’image. .

4. La pornographie: un commerce florissant

25. Au cours des dernières décennies, l’industrie du sexe s’est développée à un rythme sans précédent au niveau mondial. Cette industrie englobe diverses activités allant de la prostitution à la pornographie, des «divertissements pour adultes» tels que «danse-contact» (lap dance) ou strip-tease à la fabrication et à la vente d’accessoires sexuels.
26. La prostitution et la pornographie peuvent être considérées comme les secteurs les plus importants de l’industrie du sexe. En 2001, un article publié dans le New York Times estimait que le chiffre d’affaires total de l’industrie pornographique représentait entre 10 et 14 milliards de dollars par an aux Etats-Unis Frank Rich, l’auteur de cet article, indiquait que ce secteur d’activité générait plus de profit que n’importe lequel des grands sports nationaux, davantage même peut-être que l’industrie cinématographique.
27. Bien que leur fiabilité puisse prêter à discussion, toutes les estimations indiquent un ordre de grandeur similaire: en 2006, le chiffre d’affaires de l’industrie pornographique aurait atteint environ 13 milliards de dollars aux Etats-Unis, conférant à ce pays la quatrième place derrière la Chine (27 milliards), la Corée du Sud (25 milliards) et le Japon (19 milliards) 
			(10) 
			<a href='http://internet-filter-review.toptenreviews.com/internet-pornographie-statistics.html'>http://internet-filter-review.toptenreviews.com/internet-pornographie-statistics.html</a>..
28. En ce qui concerne l’Europe, en 2006, le chiffre d’affaires estimé de l’industrie pornographique était de 1,97 milliard de dollars au Royaume-Uni, 1,40 en Italie, 0,64 en Allemagne, 0,60 en Finlande, 0,46 en République tchèque, 0,25 en Fédération de Russie et 0,20 aux Pays-Bas 
			(11) 
			Ibid..
29. Plusieurs grandes entreprises se partagent le marché. La plus grande est Private Media Group, basée à Barcelone et à San Francisco, qui produit et distribue des divertissements pour adultes sous forme de publications imprimées, de vidéos et de DVD, ainsi que via internet et les réseaux mobiles. Créée en 1965 en Suède sous le nom de Private, cette entreprise a été la première du secteur des divertissements pour adultes à être cotée au NASDAQ en 1999. En 2009, le Private Media Group a déclaré un revenu net de 29,43 millions de dollars.
30. Les autres grandes entreprises de divertissement pour adultes comprennent: Vivid Entertainment (Etats-Unis), Playboy (Etats-Unis), Frenesi Films (Brésil) et Erostream (Pays-Bas). Des entreprises de plus petite taille, opérant souvent à l’échelon national, participent également à la concurrence dans ce secteur, avec des degrés de réussite variables.
31. Les producteurs de pornographie ne sont pas les seuls à réaliser d’énormes profits. Parmi les entreprises qui tirent des recettes très importantes de la pornographie, on peut citer les grandes chaînes d’hôtels (qui réalisent des profits à partir de la location de films pornographiques dans les chambres), les sociétés de télévision par câble et par satellite (qui diffusent des films pornographiques soft-core et hard‑core) et les entreprises internet, y compris les grands moteurs de recherche qui vendent des espaces publicitaires et des liens à des sites pornographiques 
			(12) 
			<a href='www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/porn/business/mainstream.html#ixzz1MiAGYkFz'>www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/porn/business/mainstream.html#ixzz1MiAGYkFz</a>..
32. On ne dispose pas d’estimations sur la part du revenu de ces entreprises pouvant être attribuée à la pornographie. En 1998, la chaîne d’hôtel Omni aux Etats-Unis a décidé de cesser d’offrir à ses clients des films pour adultes, en invoquant son engagement en faveur des valeurs familiales, et elle affirme avoir perdu 1 million de dollars par an à cause de cette décision 
			(13) 
			<a href='www.omnihotels.com/AboutOmniHotels/OmniHotels/History.aspx'>www.omnihotels.com/AboutOmniHotels/OmniHotels/History.aspx</a>.. En 2011, la chaîne Marriott a également annoncé sa décision de supprimer les films pour adultes dans plus de 3 000 hôtels à travers le monde 
			(14) 
			<a href='www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2011/01/24/AR2011012406424.html'>www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2011/01/24/AR2011012406424.html</a>..
33. La recherche du profit et une approche axée sur la demande ont conduit de nombreuses entreprises pornographiques à lancer de nouveaux produits visant certains créneaux de marché. De plus en plus de ces entreprises ont commencé à diversifier leur production en y incluant, par exemple, des contenus montrant des scènes violentes ou extrêmes, des scènes de zoophilie ou des scènes de sadomasochisme.
34. De nouvelles entreprises spécialisées dans la violence sont en fait apparues, notamment ExtremeAssociates, une entreprise américaine spécialisée dans les films de violence et d’humiliations sexuelles, qui se présente comme diffusant la pornographie la plus hard-core de l’internet.

5. La diffusion de la pornographie

5.1. Sur internet

35. L’achat et la consommation de contenus pornographiques sont devenus si faciles que le nombre d’utilisateurs réguliers a énormément augmenté. Autrement dit, l’offre a créé la demande. Cette évolution a été rendue possible par le développement d’internet qui est aujourd’hui le moyen le plus efficace de vendre, d’acheter et de consommer de la pornographie.
36. Caslon Analytics, un cabinet de conseil australien, estime que 4 % des contenus publiés sur internet sont des contenus pour adultes 
			(15) 
			Caslon
Analytics Staff, «Censorship and free speech guide», Caslon Analytics
Proprietary Ltd, septembre 2003.. Les Etats-Unis sont de loin le principal producteur de pages web pornographiques (89 %, soit plus de 240 millions de pages), suivis par l’Allemagne et le Royaume-Uni (respectivement 4 % et 3 %) 
			(16) 
			<a href='http://internet-filter-review.toptenreviews.com/internet-pornographie-statistics.html'>http://internet-filter-review.toptenreviews.com/internet-pornographie-statistics.html</a>..
37. Selon certaines estimations, aux Etats-Unis, 40 millions de personnes visitent régulièrement des sites internet pornographiques; 72 % des utilisateurs sont des hommes et 28 % des femmes; 20 % des hommes reconnaissent consulter des sites pornographiques sur leur lieu de travail; 10 % des adultes déclarent souffrir de dépendance sexuelle à l’égard d’internet; 17 % des femmes déclarent lutter contre la dépendance à la pornographie 
			(17) 
			Ibid..
38. Au choix délibéré de consulter des sites pornographiques sur internet s’ajoute l’exposition involontaire à la pornographie, qui a lieu assez fréquemment par le biais de fenêtres publicitaires, de liens trompeurs ou de courriels, ou lors de l’utilisation de logiciels de partage de fichiers.
39. Les contenus pour adultes sont commercialisés sur internet par des entreprises qui, confrontées depuis plusieurs années à une baisse des ventes de DVD et de matériel pornographique sur papier, ont intensifié la distribution de contenus numériques.
40. Cependant, de plus en plus de contenus pornographiques sont publiés sur internet et proposés à la vente ou à l’échange par des personnes privées. De nouveaux types d’appareils, comme les caméras à haute définition et les enregistreurs numériques, permettent de produire des images sans l’aide de professionnels et il est donc plus facile de devenir producteur de pornographie 
			(18) 
			Donna M. Hughes, «The
Use of New Communications and Information Technologies for Sexual
Exploitation of Women and Children», Hastings
Women’s Law Journal, 2002.. Les médias et les réseaux sociaux spécialisés se sont multipliés pour faciliter la vente et l’échange de pornographie.
41. Contrairement à la pornographie produite par des entreprises, le contenu de ce type de productions n’est pas soumis à une classification par un organe spécifique sur la base de sa nocivité potentielle. Leur simple volume ainsi que certains problèmes techniques s’opposent, dans les pays où la pornographie est réglementée, aux tentatives des autorités chargées de l’application de la loi d’enquêter sur des violations possibles de la législation. La seule exception est la lutte contre les contenus pornographiques représentant des abus sexuels sur des enfants, qui est considérée comme une priorité par les organes de répression d’un certain nombre de pays et qui bénéficie de ressources plus importantes.
42. De même, l’efficacité des filtres pour internet est mise à l’épreuve par «l’énorme volume de matériel pornographique en ligne et les nombreuses manières d’y accéder, à travers le Web, les réseaux d’échange de fichiers, les forums, les groupes de discussion» 
			(19) 
			Trevor Davies, Chief
technology officer at ISP Timico, BBC News, «Internet porn block
‘not possible’ say ISPs», <a href='www.bbc.co.uk/news/technology-12041063'>www.bbc.co.uk/news/technology-12041063</a>.. Les recherches effectuées sur les filtres pour internet montrent qu’ils contribuent à réduire l’accès des enfants aux contenus destinés aux adultes, mais seulement dans une certaine mesure 
			(20) 
			Philip B. Stark, The effectiveness of Internet Content Filters,
University of California, Berkeley, 10 novembre 2007.
43. Certaines personnes affirment aussi qu’il existe sur internet des films montrant des actes de torture et de meurtre non simulés (snuff movies). Il s’agit en fait d’un type de films apparu dans les années 1970 à la suite de la production, en Argentine, d’un film montrant des images de violence sexuelle et de meurtre. Un producteur américain a distribué ce film aux Etats-Unis en déclarant que les scènes de meurtre étaient réelles. Bien qu’il ait été prouvé en 1976 que le meurtre en question était simulé, des rumeurs sur sa réalité ont continué à circuler 
			(21) 
			<a href='www.csicop.org/si/show/snuff_film_the_making_of_an_urban_legend/'>www.csicop.org/si/show/snuff_film_the_making_of_an_urban_legend/</a>.. Depuis, plusieurs films de ce type ont été produits 
			(22) 
			L’exemple le plus récent,
qui a été très commenté, est celui de Snuff
102, un film de 2007 dont la distribution, à ma connaissance,
a été interdite partout: <a href='http://gorextreme.centerblog.net/13-snuff-102-interdit-dans-le-monde-entier/'>http://gorextreme.centerblog.net/13-snuff-102-interdit-dans-le-monde-entier/</a>. Toutefois, au cours de mes recherches, je n’ai pas trouvé de source fiable confirmant que les meurtres représentés dans ces films ont effectivement été commis.

5.2. Sur le lieu de travail

44. Une enquête réalisée en 2008 au Royaume-Uni par la Fawcett Society, une organisation non gouvernementale établie de longue date qui cherche à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, a montré que l’industrie du sexe s’est immiscée sur le lieu de travail et devient même un obstacle à la pleine participation des femmes à la vie professionnelle 
			(23) 
			Just
below the surface: gender stereotyping, the silent barrier to equality
in the modern workplace?, Fawcett society, 2009..
45. L’industrie du sexe constitue aujourd’hui sous des formes diverses un élément de la «culture» des entreprises. L’utilisation de clubs de danse-contact par les employeurs pour divertir leurs clients ou leur personnel, dont témoignent des salariés des deux sexes dans l’enquête de la Fawcett Society, en est une illustration évidente. L’exposition involontaire à des images pornographiques et dégradantes des femmes, consultées par des collègues ou affichées par un employeur qui les vend, est aussi très répandue.
46. L’enquête a également montré que 86 % des clubs de danse-contact de Londres fournissent à leurs clients des «factures discrètes» qui ne mentionnent pas le nom du club afin de permettre aux employeurs et à leurs salariés d’utiliser ce type de services dans un contexte professionnel. Ces pratiques, dirigées évidemment vers les employés de sexe masculin, contribuent à créer un environnement sexiste et à perpétuer un climat qui n’est guère de nature à favoriser l’égalité entre les sexes.

6. Le lien entre pornographie violente et violence sexuelle

47. Les effets de la pornographie sur la société demeurent controversés, certaines recherches indiquant l’existence de liens clairs entre la pornographie violente et une tendance croissante à la violence sexuelle, d’autres l’excluant 
			(24) 
			Kimberly A. Davis,
«Voluntary exposure to pornography and men’s attitudes towards feminism
and rape», Journal of Sex Research,
été 2007, <a href='http://findarticles.com/p/articles/mi_m2372/is_n2_v34/ai_19551963'>http://findarticles.com/p/articles/mi_m2372/is_n2_v34/ai_19551963</a>..
48. Certains pourraient affirmer que des images pornographiques ne sauraient transformer une personne respectable en criminel. Pourtant, l’exposition répétée à la violence en pornographie peut avoir un effet de désensibilisation. D’après le docteur Geraldine Moane, la consommation de la pornographie peut être associée à une augmentation des attitudes agressives envers les femmes et serait susceptible d’augmenter la propension au viol ou à l’agression sexuelle chez certains hommes 
			(25) 
			Conférence
des droits de l’homme de la Présidence de l’Union européenne, Dublin
Castle, 2004..
49. La pornographie, notamment dans ses formes violentes et extrêmes, peut avoir un impact sur la perception des femmes chez les utilisateurs habituels, les femmes étant déshumanisées et perçues en tant que victimes d’actes de violence. Dans son livre Pornland: How Porn Has Hijacked Our Sexuality (Pornland: comment le porno a détourné notre sexualité), Gail Dines affirme que la pornographie conduit les hommes à commettre des actes de violence à l’égard des femmes en autorisant ses utilisateurs à traiter les femmes comme elles le sont dans la pornographie 
			(26) 
			Julie Bindel, «The
truth about the porn industry», The Guardian,
2 juillet 2010, <a href='www.guardian.co.uk/lifeandstyle/2010/jul/02/gail-dines-pornography'>www.guardian.co.uk/lifeandstyle/2010/jul/02/gail-dines-pornography</a>..

7. Approches juridiques de la pornographie

50. Le débat sur l’interdiction de la pornographie a opposé pendant des décennies les défenseurs de la liberté de publier et d’utiliser en privé des contenus pornographiques et les partisans de l’interdiction totale de la pornographie en raison de son influence négative sur les valeurs familiales et religieuses traditionnelles 
			(27) 
			Caroline West, «Pornography
and Censorship», Stanford Encyclopedia
of Philosophy, 2004, <a href='http://plato.stanford.edu/entries/pornographie-censorship/'>http://plato.stanford.edu/entries/pornographie-censorship/</a>. Le problème à résoudre était celui de l’équilibre entre le respect de la liberté d’expression et la prise en compte des dangers potentiels liés à la pornographie.
51. A partir du XIXe siècle, la législation de la plupart des pays européens a interdit les publications à caractère obscène, cette notion étant définie de différentes façons selon les pays. Au Royaume-Uni, la loi sur les publications à caractère obscène, adoptée par le Parlement britannique en 1857, a été le premier texte législatif érigeant en infraction pénale la publication et la distribution de matériel présentant un caractère d’obscénité.
52. Avec l’évolution de la notion d’«obscénité» et le recul de l’idée selon laquelle les images à caractère sexuel représentent une menace pour la famille et les valeurs traditionnelles, l’argument de la liberté d’expression a gagné en force. C’est pourquoi pendant la seconde moitié du siècle dernier est apparu un nouveau courant en faveur de la libéralisation. Dans un grand nombre de pays, l’interdiction de la pornographie a été levée à la fin des années 1960.
53. Dans la période qui a suivi la légalisation de la pornographie dans la plupart des pays occidentaux, les arguments en faveur de son interdiction se sont déplacés. Au lieu des valeurs morales ou religieuses traditionnelles, de nombreux partisans de l’interdiction de la pornographie ont mis en avant son impact négatif sur le statut des femmes, les images de femmes réduites à la fonction d’objet sexuel devant à leur avis être considérées comme un facteur de discrimination et comme portant atteinte à la dignité des femmes et à leur statut au sein de la société. Les opposants traditionnels à la pornographie ont ainsi découvert à leurs côtés des alliés inattendus, à savoir une partie du mouvement féministe 
			(28) 
			Les féministes qui
s’opposent à la pornographie mettent notamment en avant le fait
qu’elle implique des pratiques de coercition et d’abus à l’égard
des femmes qui y participent, qu’elle contribue au sexisme, qu’elle
incite à la violence à l’égard des femmes en y accoutumant les spectateurs,
et qu’elle donne une vision déformée du corps humain et de la sexualité.
Cependant, le mouvement féministe est divisé sur cette question.
Certaines féministes, comme Ellen Willis, considèrent que la libération
sexuelle et la liberté sexuelle, y compris le droit de consommer
et de produire de la pornographie, sont des aspects essentiels de
la libération des femmes (c’est ce qu’on appelle le courant féministe «pro‑sex»);
d’autres considèrent que la censure est un mal pire que le sexisme,
à la fois pour des raisons de principe et aussi parce qu’elle risque
d’être appliquée de façon sélective aux contenus concernant les
LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres)..
54. Aujourd’hui, la pornographie pour adultes est légale dans la plupart des pays européens, avec certaines restrictions:
  • dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe:
    • la pornographie dans laquelle des adultes sont représentés comme des mineurs est illégale;
    • la pornographie montrant des abus sexuels sur des enfants est interdite 
			(29) 
			Cette
question est abordée dans le rapport de l’Assemblée parlementaire
sur la lutte contre les «images d’abus commis sur des enfants» par
une action engagée, transversale et internationalement coordonnée
(Doc. 12720).;
    • la pornographie et les œuvres vidéo montrant des images sexualisées d’enfants sont interdites;
  • dans tous ces pays, à l’exception de la Suède, l’âge minimal pour acheter de la pornographie est fixé à 18 ans 
			(30) 
			Il n’y
a pas d’âge minimal en Suède. Cependant, certains magasins appliquent
d’eux-mêmes certaines restrictions et refusent de vendre des produits
pornographiques aux mineurs.;
  • dans certains pays, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, les contenus pornographiques ne peuvent être vendus que dans des magasins ayant obtenu une autorisation spéciale.
55. La pornographie est illégale dans un petit nombre de pays européens. Parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe, la production et/ou la distribution de matériel pornographique est illégale en Bulgarie, en Islande (où elles sont passibles d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement de six mois au maximum) et en Lituanie (où elles sont passibles d’une amende, d’une peine de réclusion ou d’une peine d’emprisonnement d’un an au maximum). En Ukraine, outre la production et la distribution, la possession est également une infraction pénale et peut être punie d’une peine d’emprisonnement de trois ans.
56. Ce bref aperçu montre les écarts importants existant en termes de réglementation dans ce domaine, ainsi que la disparité des approches législatives. Il n’y a là, à mon avis, rien d’étonnant, compte tenu des différences de tradition juridique, d’approche de la vie privée et des questions sexuelles et, dans une certaine mesure, dans les normes définissant ce qui est considéré comme acceptable dans chaque société.
57. La Suède est particulièrement libérale en la matière. Dans ce pays, non seulement la pornographie est légale mais l’Institut du film suédois 
			(31) 
			<a href='www.sfi.se/'>www.sfi.se/</a>. a pris la décision controversée de financer une part très importante de la production d’une série de courts-métrages pornographiques intitulée Dirty Diaries, qui est sortie en septembre 2009 
			(32) 
			Selon le metteur en
scène Mia Engberg, ces films sont un exemple de pornographie féministe
visant à remettre en cause les stéréotypes de la pornographie la
plus diffusée; voir: <a href='www.breitbart.com/article.php?id=CNG. 8ef6cc3022ea63682d3bc7d2ad41e240.2f1&show_article=1'>www.breitbart.com/article.php?id=CNG. 8ef6cc3022ea63682d3bc7d2ad41e240.2f1&show_article=1</a>..
58. Un trait commun aux Etats membres est l’application insuffisante de la législation en vigueur: les infractions à la loi ne donnent pas lieu à des enquêtes systématiques et l’imposition de sanctions est irrégulière. Cette situation s’explique sans doute par plusieurs facteurs: la nécessité d’établir des priorités dans l’allocation des ressources de la police, qui sont limitées, et de les orienter vers certains domaines jugés plus urgents (par exemple, la pédopornographie et la traite des êtres humains), mais aussi peut-être le sentiment que la législation actuelle n’est pas en phase avec la société et un manque de compréhension des risques liés à la pornographie, au moins sous ses formes violentes et extrêmes.

8. Criminalisation de la pornographie violente et extrême

8.1. Au Royaume-Uni

59. Peu de pays ont adopté une législation portant spécifiquement sur les contenus pornographiques violents et extrêmes. En Angleterre, ce type de pornographie a été légalement interdit à l’issue d’une longue campagne menée par Liz Longhurst, la mère de Jane Longhurst, une jeune femme assassinée en 2003 par un homme obsédé par la nécrophilie et l’étranglement, consommateur habituel de films pornographiques violents 
			(33) 
			<a href='news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/england/berkshire/7851346.stm'>news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/england/berkshire/7851346.stm</a>..
60. Les articles 63 à 67 de la loi sur la justice pénale et l’immigration de 2008 s’appuient sur la notion d’obscénité, qui était déjà présente dans la législation. Aux termes de la loi sur les publications à caractère obscène de 1959, qui a remplacé la loi de 1857, «un article est considéré comme obscène dès lors qu’il peut avoir pour effet de nuire aux mœurs [deprave and corrupt] de personnes susceptibles, compte tenu de l’ensemble des circonstances, de voir, lire ou entendre ce qui est contenu ou exprimé dans cet article».
61. La loi de 2008 introduit trois éléments permettant de distinguer les images violentes et extrêmes du reste de la pornographie. Premièrement, ces images doivent présenter un caractère pornographique, c’est‑à-dire avoir été produites dans un but d’excitation sexuelle; deuxièmement, elles doivent présenter un caractère gravement choquant ou répugnant; troisièmement, elles doivent représenter de manière explicite et réaliste des actes de zoophilie, des actes de nécrophilie, des actes mettant en danger la vie ou provoquant des blessures graves de parties intimes du corps humain. Lorsque ces trois éléments sont présents, les dispositions spécifiques de cette loi, bien plus strictes que celles qui s’appliquent à la pornographie en général, doivent s’appliquer.
62. L’infraction pénale de possession d’images pornographiques extrêmes est au cœur de ces dispositions qui sont applicables en Angleterre et au pays de Galles. Autrement dit, ce n’est pas seulement la production ou la vente de ce type de matériel qui est pénalement sanctionnée, mais aussi le fait même de la possession. Des dispositions similaires ont été introduites en Ecosse à l’article 42 de la loi sur la justice pénale et l’octroi de licences (Ecosse) de 2010. Ces dispositions sont entrées en vigueur très récemment, le 28 mars 2011.
63. Lors de l’échange de vues organisé par la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes le 8 juin 2001, l’inspecteur enquêteur Andrew Shortland de la Police métropolitaine de Londres a donné un aperçu de la mise en œuvre de la loi sur la justice pénale et l’immigration de 2008.
64. Au sein de la Police métropolitaine de Londres, le Service de répression des images extrêmes et violentes (Abusive and Extreme Images Unit) dirigé par M. Shortland enquête sur les cas de possession, de production et de distribution de matériel pornographique violent et extrême dans la région de Londres, sur la base de la loi de 2008. Le service peut ouvrir une enquête de son propre chef, mais, du fait de ses ressources limitées, il agit en général sur la base d’informations ou de plaintes de citoyens, ou bien à la suite de la découverte de contenus pornographiques violents et extrêmes par d’autres services de police au cours d’une enquête. La Commission britannique de classification des films, la Fondation britannique de surveillance d’internet et la Fédération britannique contre la violation des droits d’auteur ont à plusieurs reprises transmis à la police des informations sur de tels contenus.
65. Le matériel pornographique violent et extrême interdit au titre de la loi de 2008 peut être saisi, et les personnes impliquées dans sa production ou sa distribution, ou les personnes en possession de ce matériel, peuvent être poursuivies. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, plusieurs enquêtes ont abouti à la saisie d’importantes sommes d’argent (jusqu’à 750 000 £ dans une affaire).
66. Il convient de noter cependant que, depuis 2008, seules 13 affaires de possession de pornographie violente et extrême ont donné lieu à des poursuites. D’après les informations fournies par M. Shortland, le matériel en question avait été commercialisé de façon illégale – sans avoir reçu l’autorisation de la Commission britannique de classification des films – et était de production «artisanale», par opposition à une production professionnelle en studio. Il n’a pas été possible dans ces affaires d’identifier les personnes apparaissant dans les films.

8.2. Dans les autres Etats membres du Conseil de l’Europe

67. Plusieurs Etats membres criminalisent certaines formes de pornographie violente et extrême. En Allemagne, il est interdit de produire ou de distribuer de la pornographie incluant des scènes de violence ou de zoophilie mais la possession est légale. Le Code pénal allemand prévoit une amende ou une peine de prison allant jusqu’à trois ans pour celui qui «distribue, montre publiquement, présente, produit (…) du matériel pornographique ayant pour objet des actes de violence ou des actes sexuels d’être humains avec des animaux» 
			(34) 
			Code pénal allemand,
article 184a..
68. En Norvège également, la représentation d’activités sexuelles impliquant des animaux, de la nécrophilie, des scènes de viol ou de violence ou l’usage de la force est illégale. A Malte, non seulement la production et la distribution mais aussi la possession de matériel montrant des scènes de zoophilie sont interdites. La possession et/ou la distribution de pornographie violente ne sont pas formellement interdites, mais ce type de matériel est sans doute très difficile à acquérir en pratique.
69. En Belgique, la zoophilie est interdite depuis 2007 et la diffusion de pornographie comprenant des scènes de zoophilie est illégale 
			(35) 
			<a href='www.dhnet.be/infos/faits-divers/article/165907/la-zoophilie-interdite.html'>www.dhnet.be/infos/faits-divers/article/165907/la-zoophilie-interdite.html</a>.
Cf. la loi du 11 mai 2007 modifiant la loi du 14 août 1986 sur la
protection du bien-être des animaux.. Aux Pays-Bas, une loi adoptée en 2010 après des années de débats interdit la production ou la distribution de pornographie contenant des scènes de zoophilie 
			(36) 
			Bestiality
ban in Netherlands to cut video source, 
			(36) 
			<a href='www.reuters.com/article/2010/02/02/us-dutch-bestiality-idUSTRE61136S20100202'>www.reuters.com/article/2010/02/02/us-dutch-bestiality-idUSTRE61136S20100202</a>.. En Suède, les contenus pornographiques impliquant des animaux sont licites, pourvu que cela ne cause pas de lésions pouvant être considérées comme de la cruauté envers les animaux et causant de la souffrance physique ou psychologique 
			(37) 
			<a href='www.djurensratt.se/portal/page/portal/djurens_ratt/material/nedladdningsbart/best-animal-welfare-in-the-world.pdf'>www.djurensratt.se/portal/page/portal/djurens_ratt/material/nedladdningsbart/best-animal-welfare-in-the-world.pdf</a>..

8.3. Au Canada

70. La législation canadienne incrimine la fabrication et la distribution de matériel pornographique à caractère obscène, ainsi que la possession à des fins de distribution. Ces infractions peuvent être punies en tant qu’infraction ou qu’acte criminel d’une peine de deux ans d’emprisonnement au maximum. La loi prévoit aussi la saisie et la confiscation du matériel à caractère obscène 
			(38) 
			Lyne Casavant et James
R. Robertson (Division du droit et du gouvernement du Parlement
canadien), «L’évolution de la législation relative à la pornographie
au Canada», texte révisé le 25 octobre 2007..
71. La notion d’obscénité est définie à l’article 163(8) du Code criminel: «Pour l’application de la présente loi, est réputée obscène toute publication dont une caractéristique dominante est l’exploitation indue des choses sexuelles, ou de choses sexuelles et de l’un ou plusieurs des sujets suivants, à savoir: le crime, l’horreur, la cruauté et la violence.»
72. Le critère d’«exploitation indue des choses sexuelles» laisse une marge importante à l’appréciation subjective. Il est interprété par les tribunaux canadiens au regard des normes de tolérance d’une communauté donnée. Le fait demeure cependant que de telles normes peuvent changer non seulement avec le temps, mais aussi entre différentes communautés d’un même pays.
73. En 1992, dans l’affaire R. v. Butler, la Cour suprême du Canada a rendu un arrêt faisant référence, dans lequel elle a réaffirmé à l’unanimité le caractère constitutionnel des dispositions du Code pénal relatives à l’obscénité 
			(39) 
			<a href='http://scc.lexum.org/en/1992/1992scr1-452/1992scr1-452.html'>http://scc.lexum.org/en/1992/1992scr1-452/1992scr1-452.html</a>.. La Cour a considéré que l’interdiction de la pornographie à caractère obscène n’allait pas à l’encontre de la liberté d’expression garantie dans la Charte constitutionnelle mais constituait une restriction raisonnable prescrite par la loi. «Le juge Sopinka, dans le jugement qu’il a rédigé au nom de la Cour, a déclaré que malgré la difficulté, voire l’impossibilité, d’établir un lien direct entre l’obscénité et le tort causé à la société, il existait néanmoins suffisamment de preuves selon lesquelles les représentations sexuelles dégradantes et déshumanisantes causent du tort à la société et, en particulier, influent négativement sur les attitudes à l’égard des femmes» 
			(40) 
			Lyne Casavant et James
R. Robertson, op. cit. [Italiques ajoutées].

8.4. Aux Etats-Unis

74. Aux Etats-Unis, la pornographie est légale sauf lorsqu’elle répond au triple critère d’obscénité défini comme suit dans l’affaire Miller c. Californie:
«a) “un individu moyen jugeant sur la base des normes collectives actuelles” considérerait que l’œuvre, prise dans son ensemble, vise à susciter un intérêt sexuel malsain;
b) l’œuvre représente ou décrit, d’une manière délibérément choquante, une conduite sexuelle spécifiquement définie dans la législation applicable de l’Etat;
c) l’œuvre, prise dans son ensemble, est dépourvue de véritable intérêt littéraire, artistique, politique ou scientifique 
			(41) 
			<a href='http://caselaw.lp.findlaw.com/cgi-bin/getcase.pl?court=us&vol=413&invol=15'>http://caselaw.lp.findlaw.com/cgi-bin/getcase.pl?court=us&vol=413&invol=15</a>.
75. Ce critère est rarement satisfait et, dans la plupart des affaires relatives à la pornographie, les tribunaux ont considéré que le premier amendement sur la liberté d’expression devait l’emporter sur la législation en matière d’obscénité.
76. Récemment, le procès contre l’entreprise Extreme Associates mentionnée plus haut a suscité un vif intérêt et a donné lieu à une controverse importante aux Etats-Unis. L’entreprise était accusée d’avoir produit et distribué par la poste et via l’internet trois films dont le contenu enfreignait la loi fédérale sur l’obscénité. L’un de ces films montrait le viol et le meurtre de trois femmes qui étaient giflées et frappées tout en étant la cible de crachats et qui étaient généralement soumises à des violences et à des traitements dégradants pendant la représentation très explicite d’actes sexuels réalisés sous la contrainte. Dans le deuxième film, des femmes se livraient à des actes sexuels avec des partenaires multiples et un bol rempli de diverses sécrétions organiques était placé en face d’elles. A la fin de chaque épisode, les femmes avalaient le mélange. Le troisième montrait des actes sexuels violents entre des hommes adultes et des femmes habillées en enfant 
			(42) 
			<a href='www.reuters.com/article/2009/03/11/idUS206630+11-Mar-2009+PRN20090311'>www.reuters.com/article/2009/03/11/idUS206630+11-Mar-2009+PRN20090311</a>..
77. En 2009, après une longue bataille juridique qui a duré six ans, les propriétaires d’Extreme Associates ont fini par plaider coupable et ont été condamnés à une peine d’emprisonnement d’un an et un jour. Même s’il a été bien accueilli par une partie du public, ce verdict a été durement critiqué par certains comme une atteinte à la liberté d’expression et au caractère privé de la vie sexuelle.

9. Pertinence potentielle de la Convention sur la cybercriminalité

78. La Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité, qui est entrée en vigueur en juillet 2004, est le seul traité international contraignant en matière de cybercriminalité qui a été adopté à ce jour. Elle énonce des directives à l’intention de tous les gouvernements qui souhaitent développer la législation en ce domaine.
79. La cybercriminalité est aujourd’hui la forme la plus mondialisée de criminalité transnationale. Elle englobe toutes les formes de criminalité commises au moyen d’internet, de l’envoi massif de courrier électronique non sollicité (spamming) au terrorisme, en passant par l’incitation à la haine et la fraude commerciale électronique. Etant donné son caractère transnational, la cybercriminalité ne peut être combattue qu’au moyen d’une coopération à l’échelle mondiale. Plusieurs pays non européens, à savoir le Canada, le Japon, l’Afrique du Sud et les Etats-Unis, ont pris part aux négociations en vue de la convention et signé ultérieurement le texte adopté. En septembre 2011, la convention avait été ratifiée par 30 Etats membres et les Etats-Unis.
80. La définition de normes législatives communes en matière de lutte contre la cybercriminalité est indispensable au développement de la coopération entre deux pays. Cette coopération, cependant, doit reposer sur la «double incrimination», un même acte devant être considéré comme une infraction pénale à la fois par la législation de l’Etat requérant et par celle de l’Etat requis.
81. La Convention sur la cybercriminalité mentionne une seule fois la pornographie, à l’article 9 qui porte sur la pornographie enfantine et exige que la production, l’offre ou la mise à disposition, la diffusion ou la transmission, le fait de se procurer ou de procurer à autrui de la pornographie enfantine soient érigés en infractions pénales, de même que la possession de pornographie enfantine dans un système informatique ou un moyen de stockage de données informatiques 
			(43) 
			La question de la pédopornographie
est traitée en détail dans un autre instrument du Conseil de l’Europe,
la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (dite «Convention de Lanzarote», STCE no 201)..
82. Comme M. Marko Künnapu, président du Comité de la Convention sur la cybercriminalité, l’a clairement indiqué au cours de l’échange de vues organisé par la commission, la Convention sur la cybercriminalité ne couvre pas la question de la pornographie violente et extrême car, actuellement, seuls quelques pays en incriminent certaines formes. Toutefois, si un plus grand nombre de pays adoptaient une législation pénale interdisant ce type de pornographie, les principes régissant la coopération internationale en matière pénale énoncés dans la convention seraient activés comme ils le sont actuellement pour la pornographie enfantine. S’ils décident de s’engager dans cette direction, les Etats membres devraient veiller à définir clairement la pornographie violente et extrême.
83. Pour préciser ce point, j’ajouterai que la coopération internationale dans le domaine de la pornographie violente et extrême qui pourrait être établie à l’avenir sur la base de la Convention sur la cybercriminalité permettrait de s’attaquer à la partie la plus visible du marché de la pornographie violente et extrême, celle qui est accessible via internet, mais non d’atteindre d’autres formes de distribution, de vente ou d’échange.

10. Classification des œuvres audiovisuelles

84. La grande majorité des Etats membres disposent d’organes de classification chargés d’examiner les œuvres artistiques telles que les films, les vidéos et les performances visuelles en les classant dans certaines catégories sur la base de leur contenu et de leur adéquation à certains publics, en particulier certains groupes d’âge. Dans certains cas, ces organes peuvent poser comme condition à la classification la suppression de certaines images. Dans certains pays, ils peuvent aussi interdire la mise en circulation de produits qui enfreignent la loi. Dans d’autres pays, ils disposent uniquement du droit de refuser la classification mais non du pouvoir de contrôler l’application de leurs décisions; cependant, les produits n’ayant pas obtenu une classification ne peuvent être distribués légalement.

10.1. Diversité des systèmes de classification

85. Ni les systèmes de classification ni les listes de produits pour lesquels une classification est requise ne sont encore harmonisés au niveau international ou européen. Les produits audiovisuels sont classés à l’échelon national sur la base du système de classification en vigueur dans chaque pays. On observe des écarts importants dans l’évaluation d’un même produit audiovisuel par les organes de classification de différents pays européens: en 2003, la Commission européenne a commandité une étude sur les pratiques de classification des films diffusés au cinéma, à la télévision, en vidéo et en DVD dans les Etats membres de l’Union européenne et de l’Espace économique européenne 
			(44) 
			«Empirical Study on
the Practice of the Rating of Films Distributed in Cinemas, Television,
DVD and Videocassettes in the EU and EEA Member States».. Cette étude montre que, pour 78 % des films pris en compte, il y avait plus de six ans de différence entre les classements établis par les organes de classification nationaux. Pour 23 % des films, la classification obtenue allait du niveau le plus bas (accessible à tous) au niveau le plus élevé (accès restreint aux plus de 18 ans ou de 16 ans) 
			(45) 
			Carmen
Palzer, «Horizontal Rating of Audiovisual Content in Europe. An
Alternative to Multi-level Classification?», dans Iris plus, Legal Observations of the European
Audiovisual Observatory, 2003..
86. Pour préciser le travail qu’effectuent les organes de classification, je prendrai l’exemple de la BBFC (British Board of Film Classification) au Royaume-Uni 
			(46) 
			<a href='www.bbfc.co.uk/'>www.bbfc.co.uk/</a>.. La BBFC est un organe indépendant chargé de classer l’ensemble des œuvres vidéo publiées à des fins commerciales, y compris les jeux vidéo, les films ainsi que d’autres produits distribués en DVD ou Blu-ray, ou par téléchargement ou flux continu sur l’internet. Les entreprises doivent soumettre à la BBFC les produits qu’elles souhaitent diffuser au Royaume-Uni et elles ont le droit de contester la classification obtenue ou les coupures exigées.
87. Les produits sont classés sur la base de leur nocivité potentielle pour les spectateurs et la société, en s’appuyant sur des critères définis dans des lignes directrices qui font l’objet d’un réexamen régulier et sont élaborés aussi à l’aide de consultations publiques (la dernière a eu lieu en 2009). Les œuvres non pornographiques contenant des images explicites de scènes de violence ou de sexe, même simulées, ainsi que le matériel pornographique soft-core sont classés dans la catégorie «18», tandis que le matériel pornographique hard-core reçoit la classification «R18» et ne peut être montré ou distribué au Royaume‑Uni que dans des lieux ou des magasins autorisés 
			(47) 
			Aux termes des lignes
directrices, «les œuvres ayant pour but premier l’excitation ou
la stimulation sexuelle ne seront généralement admises que dans
les catégories pour adultes. Les œuvres à caractère sexuel contenant uniquement
des scènes susceptibles d’être simulées seront généralement classées
“18”. Les œuvres à caractère sexuel contenant des images explicites
de scènes sexuelles véritables ou de scènes à fort contenu fétichiste,
des images animées à caractère explicitement sexuel ou d’autres
images à très forte teneur sexuelle seront systématiquement classées
dans la catégorie “R18”»..
88. S’agissant des images de violence, les décisions de classification prendront aussi en compte le degré et le type de violence. La violence sexualisée ou les œuvres qui font l’apologie de la violence ou la présentent sous un jour attrayant recevront une classification visant à en restreindre l’accès ou pourront être soumises à des coupures. Une politique stricte sera appliquée à l’égard de la violence sexuelle et du viol. Les contenus qui érotisent ou justifient la violence sexuelle pourront faire l’objet de coupures, quelle que soit leur classification, et cela plus fréquemment dans le cas des vidéos que dans le cas des films en raison de la possibilité de visionner de nouveau certaines scènes hors contexte. Toute représentation du sexe associée à des pratiques contraignantes non consensuelles, à l’imposition de souffrances ou à l’humiliation pourra faire l’objet de coupures.
89. L’acceptation de coupures peut aussi être une condition d’obtention de la classification dans le cas des contenus qui présentent sous un jour positif des activités illégales, sont obscènes ou pour d’autres raisons illégaux, ont été produits en commettant une infraction pénale, montrent des enfants dans un contexte sexualisé ou d’abus, montrent des actes de violence sadique ou de torture en incitant le spectateur à s’identifier avec l’auteur de ces actes, ou comprennent des images explicites de blessures, de violence ou de mort présentées de manière attrayante ou sensationnelle risquant d’encourager les comportements brutaux ou sadiques.
90. En examinant les statistiques publiées par la BBFC, j’ai constaté que la catégorie «R18» est rarement appliquée: en 2010, sur 654 œuvres présentées, aucune n’a reçu cette classification, 63 ont été classées «18», dont 3,2 % ayant subi certaines coupures. En 2009, sur 555 œuvres, aucune n’a reçu la classification «R18» et 50 ont été classées «18» sans aucune coupure. Globalement, pendant la période 1985-2010, seuls 3 films ont été classés «R18». Pendant la même période, seules quatre œuvres ont été interdites.
91. L’écart énorme entre le nombre de vidéos classées par la BBFC comme hard-core au cours des dernières années et le nombre effectivement en circulation laisse à penser que la réglementation britannique en matière de classification est – pour ne pas dire plus – insuffisamment appliquée. Le fait que les films pornographiques ont une vie beaucoup plus longue que les films ordinaires et continuent à être vendus, achetés et échangés de nombreuses années après leur distribution initiale ne suffit pas à expliquer cet écart.
92. Pour donner une idée des différences existant entre les systèmes de classification, je mentionnerai brièvement le travail d’un autre organe de classification, le Statens Filmtilsyn en Norvège. Il s’agit d’un organe indépendant rattaché au ministère des Affaires culturelles mais qui n’en dépend pas directement. Tous les films, vidéos et DVD doivent être enregistrés auprès de cet organe avant leur distribution. Cependant, cet enregistrement n’inclut aucune forme d’évaluation du contenu. La classification porte uniquement sur les catégories d’âge, sans préciser le type de contenu, et cette classification selon l’âge n’est pas requise pour les vidéos et les DVD. Les distributeurs peuvent recommander eux-mêmes la restriction à certaines catégories d’âge ou demander volontairement au Statens Filmtilsyn de classer un produit. Néanmoins, les vidéos et les DVD font aussi l’objet d’un contrôle si le contenu d’une œuvre audiovisuelle relève par certains aspects de la pornographie ou du droit pénal 
			(48) 
			Carmen Palzer, ibid..
93. Aux Pays-Bas, le système Kijkwijzer est utilisé depuis 2001 pour la classification des films de cinéma et de télévision, des vidéos et des DVD. Ce système est géré par l’Institut néerlandais pour la classification des supports audiovisuels (NICAM). Les jeux informatiques et les contenus de l’internet ne sont pas classés, bien que ces marchés fassent aussi l’objet d’une surveillance. Le système Kijkwijzer repose sur une méthode d’autoclassification par le fournisseur qui doit remplir un questionnaire fourni par le NICAM. Le produit est ensuite évalué à l’aide d’un programme informatique qui établit la classification. Celle-ci comprend une restriction d’âge et des descripteurs de contenu sous forme de pictogrammes. La restriction d’âge la plus haute est de 16 ans 
			(49) 
			Ibid..
94. A ma connaissance, aucun Etat membre n’exige obligatoirement la classification des jeux vidéo comme condition préalable à leur distribution légale. Néanmoins, dans certains pays comme la Norvège et le Royaume-Uni, les entreprises peuvent soumettre leurs jeux vidéo à l’organe national de classification sur une base volontaire. Il convient de noter que, dans le cas des jeux vidéo, le problème principal en termes de contenu est généralement la violence et non le sexe.
95. Malgré l’absence d’obligation légale dans ce domaine, il existe un système de classification transnational. En 2003, l’ISFE (Interactive Software Federation of Europe), une organisation regroupant des fabricants de consoles de jeux et des concepteurs et fournisseurs de jeux interactifs, a introduit le système d’information paneuropéen sur les jeux (PEGI) qui est actuellement appliqué dans 31 pays européens ainsi qu’au Canada et en Israël 
			(50) 
			<a href='www.pegi.info'>www.pegi.info</a>.
En Europe, ce système est appliqué dans les pays suivants: Allemagne,
Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie,
Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie,
Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays‑Bas, Pologne, Portugal,
République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, République slovaque,
Fédération de Russie, Slovénie, Suède et Suisse. Présenter en détail
le fonctionnement du système PEGI dans chaque pays dépasserait le
cadre de ce rapport. On notera cependant que des exceptions s’appliquent
dans certains d’entre eux. Voir Carmen Palzer, op. cit..
96. Tout comme le système Kijkwijzer, le système PEGI fonctionne sur la base d’un questionnaire qui doit être rempli par le fabricant et donne lieu à une double classification reposant à la fois sur l’âge (3+, 7+, 12+, 16+, 18+) et des descripteurs de contenu, qui est la même pour tous les pays susmentionnés dans lesquels le produit est distribué. Cependant, contrairement au système Kijkwijzer, le système PEGI est un système entièrement privé qui n’a encore été intégré à aucun cadre réglementaire national.

10.2. Efficacité de la classification

97. L’efficacité des systèmes de classification est depuis plusieurs années remise en cause. La convergence numérique pose un énorme défi aux autorités nationales de surveillance des médias quant aux moyens d’assurer l’application de la législation et de la réglementation nationale: le matériel interdit ou dont la vente ou la location est restreinte aux adultes dans un pays particulier peut être obtenu via internet où, le plus souvent, aucun contrôle d’âge n’est effectué. De même, il paraît totalement impossible de contrôler l’accès par téléphone portable.
98. Les films diffusés par câble ou par satellite peuvent aussi souvent être captés dans des pays où ils ne pourraient normalement être diffusés, ou seulement à certaines heures. En 2003, l’Autorité norvégienne des médias a interdit la retransmission des chaînes pornographiques suédoises en Norvège, car ces chaînes pouvaient être regardées sans coupures en choisissant les sous-titres suédois.
99. Les importantes différences législatives et culturelles existant entre les Etats membres en ce domaine permettent difficilement d’envisager la création d’un organe paneuropéen unique de classification; néanmoins, des appels en faveur d’une plus grande homogénéité et d’une meilleure coopération ont été lancés depuis déjà un certain temps.
100. Dans sa Recommandation Rec(2001)8 
			(51) 
			Recommandation Rec(2001)8
du Comité des Ministres sur l’autorégulation des cyber-contenus
(l’autorégulation et la protection des utilisateurs contre les contenus
illicites ou préjudiciables diffusés sur les nouveaux services de communication
et d’information), adoptée le 5 septembre 2001., le Comité des Ministres a proposé plusieurs mesures afin de protéger les utilisateurs contre les contenus préjudiciables des nouveaux services de communication et d’information. Il a recommandé notamment:
  • d’appliquer les systèmes nationaux de classification existants à internet;
  • de renforcer la coopération entre les organes de classification nationaux;
  • de mettre au point des descripteurs de contenu communs afin d’assurer un étiquetage standard des contenus. Dans les lignes directrices jointes à la recommandation, le Comité des Ministres propose aussi certaines catégories de contenu auxquelles pourraient renvoyer les descripteurs, comme la violence et la pornographie.
101. L’approche proposée par la Recommandation Rec(2001)8 me paraît pertinente. On pourrait, en particulier, envisager l’élaboration d’un système de classification et de descripteurs de contenu applicable dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe pour étiqueter le contenu des œuvres audiovisuelles mises en circulation, en prenant pour modèle le système PEGI pour les jeux informatiques. Ce système commun permettrait aux acheteurs potentiels de tous les Etats membres de savoir si le produit en question contient des images pornographiques ou violentes, ou de la pornographie violente et extrême.
102. Sur la base de cette classification, les organes de classification nationaux pourraient juger de l’intérêt d’examiner de plus près une œuvre, en vue de lui imposer éventuellement certaines coupures pour assurer sa conformité avec la législation nationale sur les contenus obscènes ou de l’interdire complètement.
103. En outre, les Etats membres devraient renforcer leur coopération ainsi que le dialogue avec le secteur privé et la société civile, afin d’élaborer des moyens efficaces de surveiller les contenus internet. Trente Etats membres, par exemple, ont établi des centres pour la sécurité sur l’internet qui effectuent des activités de sensibilisation, gèrent des services d’assistance téléphonique où les contenus illégaux peuvent être dénoncés et fournissent des conseils aux jeunes, aux parents et aux professeurs pour surfer sur le réseau en toute sécurité 
			(52) 
			Des centres pour la
sécurité sur internet existent en Autriche, Belgique, Bulgarie,
Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France,
Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie,
Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie,
Fédération de Russie, République slovaque, Slovénie, Espagne, Suède
et Royaume-Uni. 
			(52) 
			Voir <a href='http://ec.europa.eu/information_society/activities/sip/projects/centres/index_en.htm#runningprojects'>http://ec.europa.eu/information_society/activities/sip/projects/centres/index_en.htm#runningprojects</a>.. Les autres Etats membres devraient être encouragés à développer des initiatives semblables.

11. Conclusions et recommandations

104. Bien qu’ils considèrent la liberté d’expression comme un droit fondamental, souvent garanti à l’échelon constitutionnel, tous les Etats membres ont mis en place certaines sauvegardes et restrictions visant à assurer la protection d’autres valeurs et intérêts fondamentaux.
105. Ces sauvegardes et restrictions sont devenues obsolètes depuis l’avènement de l’ère numérique qui permet aujourd’hui d’accéder à des contenus pornographiques légalement interdits dans un pays en les téléchargeant sur internet ou bien en les regardant sur une chaîne de télévision étrangère par câble ou par satellite. Dans le même temps, de nouveaux types d’appareils très répandus ont permis à des personnes privées de devenir producteurs de pornographie distribuée et échangée principalement via les réseaux et médias sociaux sur internet, sans pratiquement aucun contrôle de la part des autorités.
106. La conséquence en est l’accessibilité accrue et l’exposition toujours plus grande du public à des contenus pornographiques violents et extrêmes, qui interviennent dans un contexte d’application insuffisante de la législation existante en matière de pornographie et d’obscénité ainsi que d’utilisation systématique d’images sexualisées de femmes à des fins commerciales.
107. Même si elles doivent évoluer avec le temps pour rester en phase avec la société, les sauvegardes et restrictions légales à la liberté d’expression demeurent nécessaires, car certaines valeurs et certains intérêts fondamentaux doivent continuer à être protégés: la dignité et l’égalité de tous les êtres humains, la sûreté et la sécurité de nos sociétés, le bien-être et la sécurité des enfants.
108. Les images contenues dans la pornographie violente et extrême, qui présentent souvent les femmes comme victimes de la violence dans un but d’excitation sexuelle du spectateur, sont dégradantes et portent atteinte à la dignité des femmes et à leur statut au sein de la société. Ces images mettent aussi en danger la sécurité personnelle et l’intégrité physique des femmes, qui risquent d’être victimes d’actes violents commis par des individus cherchant à imiter ce qu’ils ont vu. De plus, étant accessibles à tous, ces images présentent un danger particulier pour le développement équilibré des enfants.
109. Je ne peux accepter l’argument selon lequel la pornographie violente et extrême, tant qu’elle concerne des adultes libres et consentants, relève de la sphère privée dans laquelle l’Etat ne devrait pas s’immiscer. Avec internet, la distinction entre sphère privée et sphère publique s’est estompée: la publication sur internet d’images pornographiques et violentes auxquelles peuvent accéder, parfois de façon accidentelle, des millions de spectateurs, et dans certains cas des mineurs, ne présente en effet aucun caractère privé.
110. Au cours de ce travail, j’ai pris conscience du fait que le problème de la pornographie violente et extrême est pour l’essentiel encore négligé et peu étudié. On tend généralement à considérer qu’il s’agit d’un problème marginal et que, dans un contexte où les ressources financières sont limitées, la priorité doit être donnée à d’autres questions qui sont considérées comme des crimes graves.
111. J’espère que le présent rapport contribuera à attirer l’attention sur les ramifications de ce problème et aura un effet d’impulsion dans les trois principaux domaines suivants:
  • la recherche: il est nécessaire de réaliser des études scientifiques approfondies sur l’accessibilité des contenus pornographiques violents et extrêmes, en particulier via internet, sur leur impact sur le spectateur et sur leurs liens avec la pédopornographie et d’autres formes d’exploitation humaine, comme la traite des êtres humains et la prostitution;
  • la législation: étant donné les différences de traditions culturelles entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et, dans une certaine mesure, d’approches en matière de liberté d’expression, de protection des jeunes et de liberté sexuelle, il serait mal avisé de ma part de proposer une harmonisation de la législation pénale dans le domaine de la pornographie et de l’obscénité. Néanmoins, il existe des possibilités importantes de renforcer l’application de la législation et de la réglementation nationales en vigueur, et d’améliorer la coordination entre les Etats membres. Ces derniers pourraient en particulier évaluer l’impact des lois et réglementations existantes au regard de la pornographie violente et extrême, et réviser ces textes afin de les rapprocher au niveau européen;
  • la classification des contenus: la mise en place d’un système de classification et de descripteurs des contenus pornographiques violents et extrêmes, applicable dans tous les Etats membres, devrait être envisagée.