Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 12891 | 05 avril 2012

La nécessité de combattre le trucage de matchs

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Anne BRASSEUR, Luxembourg, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc 12406, Renvoi 3732 du 24 janvier 2011. 2012 - Deuxième partie de session

Résumé

La manipulation des résultats sportifs a pris une ampleur inquiétante. Les sommes d’argent considérables mises en jeu dans les paris sportifs ont favorisé le développement de nouvelles formes de corruption et les organisations criminelles y ont trouvé une source de profits illicites et un moyen de blanchir l’argent venant d’autres activités illégales. Dès lors, il ne s’agit pas seulement de l’atteinte aux valeurs du sport ou des intérêts du mouvement sportif et des opérateurs de paris: ce phénomène menace l’ordre public et la prééminence du droit.

Pour lutter avec succès contre la manipulation des résultats sportifs, les Etats, les institutions sportives – et en particulier le Comité international olympique (CIO) – ainsi que les opérateurs de paris doivent mieux travailler ensemble. Il est urgent de mettre en place une série de mesures de prévention et de répression, concernant, entre autres: la sensibilisation des jeunes sportifs; l’interdiction des paris sur les compétitions les plus vulnérables à des tentatives de corruption; l’harmonisation des législations et l’adoption de sanctions dissuasives; le renforcement de la coopération entre les autorités judiciaires et de police. 

Par ailleurs, tous les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient appuyer les travaux de l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) visant à l’élaboration d’une convention dans le but d’établir un cadre législatif général et une plateforme de coopération stable pour préserver l’intégrité du sport et la prééminence du droit.Renvoi en commission: Doc 12406, Renvoi 3732 du 24 janvier 2011.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 6 mars 2012.

(open)
1. Le sport est une forme d’expression essentielle de la culture et un facteur qui contribue à structurer nos sociétés démocratiques. Une pratique saine et régulière du sport aide à maintenir un bon état de santé, à prévenir certaines maladies et à renforcer l’équilibre mental. Le sport a une dimension ludique très importante, tant comme spectacle que comme activité de loisir, et ce à tout âge. Le sport contribue ainsi au bien-être individuel et social. Son importance économique est significative: non seulement les événements sportifs génèrent des chiffres d’affaires de plus en plus importants (vente des billets, droits de retransmission télévisée, publicité, sponsoring, merchandising), mais le monde du sport est créateur d’emplois et mobilise aussi des ressources pour le développement des infrastructures.
2. Néanmoins, la commercialisation accrue du sport et l’appât du gain ont favorisé le développement de nouvelles formes de corruption. Les sommes d’argent considérables mises en jeu dans les paris sportifs suscitent l’intérêt croissant des organisations criminelles. L’Assemblée parlementaire s’inquiète de l’ampleur prise par la manipulation des résultats sportifs. Ce phénomène et les profits illicites que les paris sportifs occasionnent menacent l’ordre public et la prééminence du droit; ils portent atteinte aux valeurs sportives et à la réputation des sportifs, du mouvement sportif, des organisations sportives internationales ainsi que des opérateurs de paris. Dès lors, la manipulation des résultats sportifs ne doit pas être considérée comme un délit mineur.
3. Dans la Résolution 1602 (2008) sur la nécessité de préserver le modèle sportif européen, l’Assemblée a souligné que les «scandales qui ont éclaté dans plusieurs pays européens, concernant des paris illégaux et des résultats truqués, ont sérieusement entaché l’image du sport en Europe. Des mécanismes se renforçant mutuellement sont nécessaires pour limiter le risque de trucage des matches, de paris illégaux ou d’autres formes de corruption».
4. Quatre ans plus tard, la situation a empiré. Seulement 10 pays au monde disposent d’une législation sanctionnant les fraudes sportives en tant que telles; les Etats devraient adapter leurs cadres législatifs et veiller à leur harmonisation. Au niveau international, plus d’efforts doivent être faits pour mener rapidement à terme les travaux sur la mise en place de mesures permettant de lutter avec succès contre le phénomène des matchs truqués, y compris – à terme – la création d’un instrument juridique international contraignant et d’une plateforme de coopération stable pour préserver l’intégrité et les valeurs du sport.
5. Les Conventions des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (Résolution 55/25 de l’Assemblée générale du 15 novembre 2000) et contre la corruption (Résolution 58/4 de l’Assemblée générale du 31 octobre 2003) devraient couvrir clairement les cas de manipulation de résultats sportifs et de corruption de sportifs et d’arbitres.
6. L’Assemblée demande en conséquence aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
6.1. d’appliquer sans tarder les mesures préconisées dans l’annexe à la Recommandation CM/Rec(2011)10 sur la promotion de l’intégrité du sport pour lutter contre la manipulation des résultats, notamment les matchs arrangés, et de prendre dûment en compte les recommandations développées par des organisations internationales et européennes telles que le Comité International Olympique et SportAccord;
6.2. d’adhérer, s’ils ne l’ont pas encore fait, à l’Accord partiel élargi sur le sport du Conseil de l’Europe (APES);
6.3. de ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198) et d’assurer que, dans leurs ordres juridiques respectifs, les mécanismes prévus par cette convention soient applicables aux paris illégaux et aux profits découlant de la manipulation des résultats sportifs;
6.4. de veiller à ce que des programmes de formation et de sensibilisation des jeunes sportifs amateurs et professionnels (conformément à la ligne des programmes développés par l’Union des associations européennes de football (UEFA) pour les catégories de moins de 17 ans et moins de 19 ans ou au programme éducatif de SportAccord) soient mis en place et qu’ils préparent effectivement les sportifs aux risques induits par le trucage des performances en échange d’argent;
6.5. d’interdire les paris sur les compétitions les plus vulnérables à des tentatives de corruption, à savoir: les compétitions réservées aux mineurs (sportifs de moins de 18 ans), les compétitions amateurs et, pour certains sports comme le football, les compétitions professionnelles de divisions inférieures;
6.6. de créer dans chaque pays une autorité nationale de régulation des paris et d’étudier la création dans chaque pays d’un observatoire «intégrité du sport» et d’un groupe de travail «paris sportifs» dont l’action devrait être coordonnée par l’autorité nationale de régulation, en vue d’une mise en réseau des données au niveau européen;
6.7. de développer, en collaboration avec les institutions sportives, des règles et des mécanismes adaptés pour faire en sorte que les sanctions disciplinaires prises par les commissions des fédérations ainsi que les sanctions pénales pour corruption soient suffisamment dissuasives et effectivement appliquées;
6.8. de promouvoir la reconnaissance mutuelle entre pays et fédérations sportives des sanctions pénales, administratives, disciplinaires et sportives;
6.9. de veiller à la coopération entre les autorités judiciaires et de police nationales et internationales, notamment Interpol et Europol et Eurojust, pour améliorer l’efficacité des investigations et des poursuites dans les affaires de trucage de matchs;
6.10. de travailler avec les opérateurs de paris nationaux et internationaux pour mettre en place des procédures efficaces de détection des paris suspects;
6.11. de solliciter une extension aux matchs truqués des deux Conventions des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée et contre la corruption (Résolutions de l’Assemblée générale 55/25 du 15 novembre 2000 et 58/4 du 31 octobre 2003), dans le but de favoriser les réformes nécessaires pour une lutte efficace contre ce phénomène au niveau mondial.
7. Par ailleurs, l’Assemblée appelle les fédérations sportives internationales:
7.1. à agir ensemble de manière coordonnée pour lutter contre les matchs truqués, tout en définissant les contributions attendues et le rôle propre de chaque fédération internationale, de SportAccord et du Comité International Olympique (CIO), qui devrait continuer à coordonner les actions;
7.2. à se doter d’un code d’éthique s’inspirant du code d’éthique du CIO et des «Principes universels de base de bonne gouvernance du Mouvement olympique et sportif»;
7.3. à formuler des lignes directrices pour assurer une sensibilisation et une formation des sportifs, avec une attention particulière portée aux jeunes sportifs;
7.4. à créer, au sein de chaque fédération sportive, un organe de contrôle, avec des pouvoirs et des moyens adéquats;
7.5. à coopérer activement avec les instances étatiques, à faciliter l’accès des autorités nationales compétentes aux dossiers disciplinaires et à leur signaler toute manœuvre suspecte;
7.6. à développer un catalogue de sanctions, progressives mais dissuasives, et à les appliquer sans hésitation en présence de faits avérés;
7.7. à veiller à une harmonisation des sanctions disciplinaires et sportives;
7.8. à interdire aux sportifs et aux dirigeants de parier sur des compétitions dans lesquelles ils sont engagés.
8. L’Assemblée appelle aussi les fédérations sportives nationales:
8.1. à opérer un examen régulier des décisions prises par les arbitres et les juges sur le terrain;
8.2. à se doter de responsables «paris sportifs et intégrité du sport» (une sorte d’Ombudsman) et à créer des liens avec des sociétés extérieures contrôlant les paris sportifs;
8.3. à créer un service d’assistance téléphonique destiné aux sportifs victimes de pressions ou chantages.
9. Enfin, l’Assemblée recommande aux opérateurs de paris sportifs:
9.1. de coopérer avec les autorités publiques, les instances et les organes sportifs en signalant systématiquement toute manœuvre suspecte;
9.2. de ne pas offrir la possibilité de faire des paris considérés comme «très risqués», avec une mise de départ et une cote élevées, et de limiter les paris déjà considérés comme «risqués»;
9.3. de clarifier les situations de conflit d’intérêt dans lesquelles ils peuvent se trouver et d’adopter une position commune à ce sujet;
9.4. de céder une partie de leurs bénéfices pour financer l’établissement et le fonctionnement des organes de contrôle chargés de veiller à l’intégrité sportive et à la prévention des manipulations des résultats sportifs.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 6 mars 2012.

(open)
1. En se référant à sa Résolution … (2012) sur la nécessité de combattre le trucage de matchs, l’Assemblée parlementaire souhaite attirer l’attention du Comité des Ministres sur ce phénomène de criminalité organisée qui pose un réel problème à l’ensemble du mouvement sportif.
2. Pour l’Assemblée, le Conseil de l’Europe est l’organisation la mieux placée pour traiter efficacement la question de la préservation du sport européen comme expression de la démocratie, des droits fondamentaux et de la cohésion sociale. Par ailleurs, une approche paneuropéenne, voire mondiale, est nécessaire pour lutter efficacement contre la corruption des acteurs sportifs et le trucage des matchs.
3. Le Conseil de l’Europe devrait continuer à avoir, conjointement avec le Comité International Olympique (CIO), un rôle moteur dans la recherche de solutions efficaces pour lutter contre ce phénomène et prôner un dialogue constructif entre les parties prenantes afin d’aboutir ensemble au résultat visé.
4. La Convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption (STE no 173) et la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198) devraient être utilisées comme références normatives majeures dans la définition des mécanismes et moyens juridiques nécessaires à contrer les organisations criminelles qui se servent de la corruption d’acteurs sportifs pour manipuler les résultats sportifs et utilisent ainsi les paris sportifs comme moyen pour blanchir l’argent et comme source de financement de leurs activités.
5. Par conséquent, l’Assemblée parlementaire invite le Comité des Ministres:
5.1. à appuyer les travaux des membres de l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) visant l’élaboration d’une convention européenne sur le trucage des matchs, fondée sur la Recommandation CM/Rec(2011)10 du Comité des Ministres; cette convention, qu’il serait urgent de préparer, devrait viser à établir un cadre législatif général adéquat, prenant en compte les résultats de l’étude de faisabilité présentée en février 2012;
5.2. à préciser que le protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption s’applique aussi aux arbitres sportifs nationaux et étrangers selon l’idée émise dans l’Avis 241 (2002) de l’Assemblée;
5.3. à créer un comité ad hoc chargé:
5.3.1. d’identifier les bonnes pratiques et les outils juridiques nécessaires en matière de prévention et de lutte contre la corruption sportive et la manipulation de résultats sportifs, en s’appuyant sur les méthodes, l’expérience et l’expertise du Groupe d´Etats contre la corruption (GRECO) et du Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL);
5.3.2. d’étudier la possibilité d’une harmonisation de la législation européenne sur les paris sportifs en tenant compte de la législation de l’Union européenne et de ses prérogatives, et ainsi de formuler des lignes directrices à cet égard;
5.3.3. d’étudier la possibilité d’élargir le champ d’application de la Convention pénale sur la corruption afin d’y faire rentrer clairement les cas de corruption des acteurs sportifs;
5.3.4. de définir un cadre minimal pour ériger la fraude sportive en infraction pénale dans les différents pays;
5.4. à promouvoir la coordination effective au niveau international de la lutte contre les manipulations de résultats sportifs.

C. Exposé des motifs par Mme Brasseur, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le 22 septembre 2010, l’Assemblée parlementaire a participé à la 18e Conférence informelle du Conseil de l’Europe des ministres responsables du sport, à Bakou (Azerbaïdjan). Les ministres ont débattu, entre autres, de la manipulation des résultats sportifs («trucage de matchs») qui porte sérieusement atteinte à l’intégrité du sport, et ont adopté une résolution 
			(3) 
			18e Conférence
informelle du Conseil de l’Europe des ministres responsables du
sport (Bakou, 22 septembre 2010), Résolution no 1 sur la promotion de l’intégrité du sport contre les
manipulations des résultats (matchs arrangés)., ce qui a incité Mme Cecilia Keaveney (Irlande, ADLE), qui représentait l’Assemblée à la conférence, à déposer une proposition de recommandation sur «la nécessité de combattre le trucage de matchs». En janvier 2011, l’Assemblée a saisi la commission de la culture, de la science et de l’éducation 
			(4) 
			Depuis janvier 2012,
commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias. , qui a désigné Mme Keaveney comme rapporteure.
2. Mme Keaveney ayant quitté l’Assemblée en juin 2011, j’ai accepté, à la demande de la commission, de prendre le relais. Le présent exposé des motifs s’appuie largement sur les recherches effectuées par Mme Keaveney, et je la remercie pour toute l’énergie et le dévouement qu’elle a mis dans ces étapes préparatoires.
3. Mme Keaveney a assisté à la Conférence ministérielle de Bakou en 2010 ainsi qu’à d’autres réunions majeures sur le sujet en 2011, incluant la Conférence des journalistes sportifs européens (Budapest, 22 février), deux séminaires du Comité international olympique (CIO) sur les paris irréguliers et illégaux (Lausanne, 1er mars et 15 juin), et enfin un séminaire organisé par l’Accord partiel élargi sur le sport du Conseil de l’Europe (APES) (Strasbourg, 3 mai). Elle a aussi organisé une audition lors de la réunion de la commission du 23 juin 2011, avec la participation de Mme Maud de Boer-Buquicchio, Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe, M. Declan Hill, journaliste d’investigation 
			(5) 
			Auteur d’un ouvrage
internationalement reconnu sur le trucage de matchs, Comment truquer un match de foot?, M. David Howman, directeur général de l’Agence mondiale antidopage (AMA), M. Pierre Cornu, conseiller juridique en chef pour l’intégrité et la réglementation de l’Union des associations européennes de football (UEFA), et un observateur représentant la Remote Gambling Association (Association des jeux d’argent en ligne), M. David Lyman.
4. En tant que rapporteure, j’ai participé le 8 septembre 2011 à Bruxelles à un séminaire de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) qui vient de publier un Livre blanc, Paris sportifs et corruption 
			(6) 
			Pascal Boniface, Sarah
Lacarrière, Pim Verschuuren, Paris sportifs
et corruption – Comment préserver l’intégrité du sport, IRIS
éditions, 2012.. Cette publication analyse en détail le phénomène de la corruption sportive et la corrélation avec des paris sportifs, et formule des recommandations intéressantes pour lutter plus efficacement contre la corruption et la fraude sportives. J’ai eu ensuite trois rencontres: le 18 novembre 2011 à Bruxelles avec la European Sports Security Association (ESSA); le 2 décembre 2011 avec le procureur de Bochum, M. Andreas Bachmann, en charge de l’enquête sur les matchs truqués en Allemagne (affaire Robert Hoyzer), qui m’a expliqué comment opèrent et s’organisent les criminels qui cherchent à manipuler des rencontres sportives; le 5 décembre 2011 à Paris avec le directeur de CK Consulting, M. Christian Kalb 
			(7) 
			Il
est également, avec Frédéric Bolotny, coauteur du rapport d’étude
«Quels outils pour préserver l’intégrité du sport français», CK
Consulting, avril 2011., qui connaît à la fois le point de vue des fédérations sportives et celui des opérateurs privés et publics de paris sportifs. Des échanges téléphoniques ont eu lieu, fin décembre 2011, avec M. André-Noël Chaker de la Finnish National Lottery et, début janvier 2012, avec M. Thomas Bach, vice-président du CIO, M. Christophe De Kepper, directeur général du CIO, et Mme Pâquerette Girard-Zappelli, secrétaire de la Commission d’éthique du CIO. Ces échanges de vues m’ont permis de prendre conscience des enjeux futurs pour le mouvement olympique.
5. Le présent rapport a pour objectif de promouvoir les mesures de prévention, de détection et de sanction nécessaires à contrer efficacement ce phénomène, lié à la corruption, au blanchiment d’argent et à des profits illicites considérables pour les organisations criminelles. Il est le pendant d’un autre rapport préparé par M. François Rochebloine (France, PPE/DC) sur «la bonne gouvernance et l’éthique du sport», qui recouvre des aspects plus larges de l’éthique sportive et de la lutte contre la corruption dans le monde du sport. Il s’agit de défendre l’Etat de droit et de lutter contre le crime organisé.

2. Cadre général du rapport

2.1. Le «modèle sportif européen» en danger

6. De tout temps, le sport a été un facteur positif dans la société et il a souvent été le symbole de la réconciliation pacifique et de la bonne santé mentale et physique. Certains sports sont devenus des facteurs économiques importants avec des enjeux financiers considérables. Le sport peut également être considéré comme facteur de divertissement et de spectacle. Les champions sportifs incarnent des valeurs «nobles» comme le courage, l’honneur, le respect de soi, des autres et des règles du jeu. Les sports collectifs, en particulier, ont réuni à titre d’exemple des camps opposés dans des situations de conflits. Le sport a longtemps été un moyen d’apprendre aux enfants et aux adolescents à canaliser leur énergie et leur agressivité potentielle dans l’effort physique, conformément à des règles solidement ancrées dans l’«esprit sportif» et le «fair-play». Le sport est un outil d’enseignement des compétences sociales fondamentales et peut contribuer à la cohésion sociale en tant qu’activité inclusive accessible à tous, sans distinction de nationalité, d’âge, de classe sociale, de religion ni même de condition physique.
7. De par ce rôle central, toute atteinte au bon fonctionnement de l’organisation du sport a des répercussions sur la société dans son ensemble. Depuis quelques années, le risque a été décuplé par la nature extrêmement lucrative de certains sports et des paris sportifs. La Résolution 1602 (2008) de l’Assemblée sur la nécessité de préserver le modèle sportif européen indique ainsi 
			(8) 
			Voir également le Doc. 11467, rapport de la commission de la culture, de la science
et de l’éducation (rapporteur: M. José Luís Arnaut). : «La préservation du modèle sportif européen est le meilleur moyen de sauvegarder les intérêts du sport et les bienfaits que le sport dispense à la société. (…) Il ne fait aucun doute que le niveau professionnel du sport est devenu de plus en plus une activité commerciale et cette tendance négative est particulièrement marquée depuis deux décennies. Nous avons assisté à l’internationalisation du sport et, par-dessus tout, à un développement sans précédent de sa dimension économique, notamment en raison du montant des droits de retransmission télévisée.»
8. Le présent rapport fait un tour d’horizon des domaines qui devraient entrer dans le cadre de la prévention du trucage de matchs et des sanctions à appliquer, et examine les initiatives nationales et internationales qui ont été prises. Divers scandales ayant éclaboussé plusieurs disciplines sportives viendront illustrer la situation actuelle, ainsi que la gravité des risques et de leurs conséquences.

2.2. Définitions et principaux acteurs

9. D’après la Recommandation CM/Rec(2011)10 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, la «manipulation des résultats sportifs» se définit comme «un arrangement sur une modification irrégulière du déroulement ou du résultat d’une compétition […] afin d’obtenir un avantage pour soi-même ou pour d’autres». L’abolition des frontières et la libéralisation du marché des paris, conjuguées à l’évolution des technologies (comme les paris via internet ou les téléphones mobiles), engendrent des risques inédits qui appellent de nouvelles initiatives pour limiter la manipulation des résultats sportifs. Truquer les résultats sportifs revient, soit à «tricher pour gagner», soit à «tricher pour perdre». On parle de spot-fixing pour désigner un accord illicite portant sur une action spécifique pendant une compétition (point perdu ou gagné, blessure, etc. – voir le scandale du cricket au chapitre 3) et touche davantage certains sports que d’autres. Le spread betting permet d’augmenter le nombre de paris qui peuvent être engagés sur un résultat, les joueurs ne pronostiquant pas seulement la victoire ou la défaite, mais un score exact ou la probabilité de gagner. Le trucage des résultats sportifs est généralement lié au crime organisé et implique souvent le blanchiment d’argent.
10. On définit «très risqué» un pari avec une mise de départ élevée et une cote également élevée. Par exemple, certains sites n’ont pas de mise maximale par pari, ce qui permet de miser une somme importante sur un événement qui a une probabilité très faible de se produire. Les paris sur des événements bizarres (fun bets) sont également considérés comme «risqués».
11. Outre les joueurs et les sportifs eux-mêmes, d’autres acteurs peuvent être impliqués dans la corruption et le trucage de matchs; y sont associés fréquemment:
  • les entraîneurs, qui peuvent influencer la performance d’une équipe par le choix des joueurs ou des stratégies de jeu;
  • les arbitres ou juges, qui peuvent modifier le sort d’un match ou d’une compétition par une mauvaise application des règles du jeu 
			(9) 
			Par exemple,
au football, cela peut passer par le fait de donner un carton jaune
en début de match (ce qui rend très vulnérable le joueur sanctionné)
ou d’accorder un penalty douteux, ou de ne pas sanctionner un hors-jeu,
etc. ou par une notation arbitraire de la performance d’un sportif;
  • les dirigeants sportifs, qui prennent les contacts et concluent les arrangements «sous la table».

2.3. Le trucage de matchs aujourd’hui: un problème d’une ampleur difficile à évaluer

12. Quelques scandales récents donnent une idée de la nature et, en partie, de l’ampleur du phénomène en Europe, et de la manière dont les problèmes ont été traités jusqu’à présent. On ne dispose pas de chiffres fiables. A l’audition de la commission en juin 2011, Pierre Cornu, représentant l’UEFA, a déclaré que la plupart des matchs de football n’étaient pas manipulés et que «95 % des matchs de l’UEFA étaient “propres”». A l’opposé, Christophe Blanchard-Dignac, président de la Française des Jeux (FDJ), estime que les résultats d’un match sur quatre sont manipulés.
13. La difficulté réside naturellement dans le caractère illicite de cette pratique et dans le fait qu’il est malaisé d’établir des preuves; mais il semble que, par crainte des répercussions négatives que cela pourrait avoir, les fédérations sportives soient quelque peu frileuses ou réticentes lorsqu’il s’agit de révéler au grand jour les cas de matchs arrangés; elles préfèrent laisser à des journalistes déterminés ou aux enquêtes policières internationales le soin de faire éclater les scandales. Une surveillance et une transparence accrues au sein même des fédérations sportives nationales et internationales sont nécessaires si l’on veut lutter efficacement contre la corruption dans le sport en général et en finir avec les matchs truqués en particulier. Il faut se rendre à l’évidence que de nombreuses fédérations sportives n’ont pas les moyens nécessaires pour faire face au fléau.
14. Le montant global des paris sportifs reste relativement faible en comparaison avec le chiffre d’affaires des jeux de hasard en général. Par exemple, en 2009, les paris sportifs ont représenté 7 % des jeux de hasard en Italie et 2 % en France. Il s’agit néanmoins de sommes d’argent significatives qui sont mises en jeu par une minorité de parieurs. Par exemple, au niveau mondial, 5% des joueurs réalisent entre 60 % et 80 % des paris. Christian Kalb nous expliquait qu’en France 1 % des joueurs génère 50 % du marché des paris sportifs. On trouve, parmi ces joueurs très actifs, des corrupteurs, des joueurs pathologiques souffrant d’addiction aux paris et des professionnels, comme des traders ou des spécialistes des calculs de probabilités. L’idée générale est d’aller dans le sens d’une baisse d’attractivité des paris sportifs en Europe pour ces trois catégories. S’agissant des paris illégaux, en France, il a été montré que 75% des paris sur internet sont pris sur des sites illégaux. Globalement, d’après M. De Kepper, directeur général du CIO, la proportion entre paris légaux et illégaux peut être de 1 à 20 jusqu’à de 1 à 10.
15. Par ailleurs, l’enjeu n’est pas seulement économique: c’est l’avenir du sport qui est remis en question si son intégrité et ses valeurs sont remises en cause. Le doute sur le caractère «équitable et éthique» des compétitions et des résultats prévisibles amenuisent l’intérêt des sponsors à financer le sport et celui des parents à inscrire leurs enfants dans un club sportif. Mais il y a plus: l’incertitude est à la base de toute compétition sportive; si les résultats sont prévisibles, il n’y a ni vrai rivalité ni vrai spectacle; il n’y a donc plus d’intérêt pour le public, le sport en tant que pratique sociale, culturelle, économique, politique n’a tout simplement plus lieu d’exister et il perd toute sa crédibilité.

2.4. Un problème planétaire

16. Dans certains pays d’Asie, comme l’Indonésie, la Chine, la Corée et le Pakistan, 90% des résultats sportifs, toutes compétitions confondues, seraient décidés à l’avance. Les progrès des technologies modernes ont permis aux parieurs asiatiques d’étendre leur «intérêt» aux sports pratiqués dans les pays où les gains sont plus importants, bien que moins prévisibles. Les paris sont devenus plus planétaires et, avec eux, le trucage des résultats avant ou pendant les compétitions. Par ailleurs, les sommes d’argent colossales en jeu dans certains sports (et par-dessus tout dans le foot), l’arrivée de sportifs de très haut niveau dans le star-système et la popularité des retransmissions sportives ont eu un fort impact négatif sur l’intégrité du sport dans une communauté globale. De ce fait, toute action contre le trucage des matchs devrait prendre en compte la nécessité d’agir au-delà des frontières de l’Europe ou pour le moins de limiter les effets du crime organisé qui opère ailleurs qu’en Europe.

3. Des cas récents de matchs truqués

3.1. Le trucage des matchs de football

3.1.1. Affaire Robert Hoyzer (Allemagne, 2005) et affaire Ante Sapina (Allemagne, 2011)

17. En 2005, l’affaire Hoyzer (premier volet du «procès de Bochum») a impliqué un total de 25 personnes dont des joueurs de football, des arbitres et des acteurs de l’économie souterraine. Trois personnes ont été condamnées: deux arbitres, Robert Hoyzer (2 ans et 5 mois de prison) et Dominik Marks (1 an et 6 mois de prison), et le chef présumé du réseau, Ante Sapina (2 ans et 11 mois de prison). Ce dernier aurait gagné environ deux millions d’euros en pariant sur 25 matchs truqués (dont 23 des deuxième et troisième divisions allemandes) entre avril et décembre 2004. Robert Hoyzer aurait touché quant à lui 70 000 euros.
18. Six ans plus tard, dans le cadre du deuxième volet du procès de Bochum, Ante Sapina est à nouveau condamné par la justice allemande à cinq ans et six mois de prison pour avoir influencé les résultats de 51 rencontres entre clubs et entre sélections nationales, dont des rencontres de la Ligue des champions et des matchs de qualification pour le mondial 2010, avec des ramifications dans 19 pays. Avec l’aide d’un réseau très sophistiqué de criminels, quelque 12 millions d’euros ont été payés à des arbitres, des joueurs, des entraîneurs et des officiels de fédérations pour influencer les résultats des rencontres ciblées. Les manipulateurs ont réalisé plus de 6 000 paris en Asie pour un volume total de plusieurs dizaines de millions d’euros (dont 32,5 millions d’euros par un seul parieur), avec à la clé un bénéfice d’environ 7,7 millions d’euros. Au total, 270 rencontres truquées ont été retenues par les deux premiers volets du procès de Bochum 
			(10) 
			Le livre
blanc Paris sportifs et corruption de
l’IRIS (cité en note 7) indique la répartition géographique de ces rencontres:
Allemagne, 53; Autriche, 12; Belgique, 19; Bosnie-Herzégovine, 8;
Croatie, 15; Hongrie, 14; Slovénie, 7; Suisse, 35; Turquie, 74;
internationaux, 33..

3.1.2. Calciopoli (Italie, 2006)

19. Dans cette affaire très médiatisée, qui a secoué le monde du football italien à cause de l’importance des équipes et des personnages impliqués, certains clubs italiens avaient mis en place un véritable système pour influencer la désignation des arbitres pour les rencontres concernant leurs équipes. Ils s’arrangeaient ensuite pour que les arbitres les avantagent sur des actions litigieuses. Le principal protagoniste de ce scandale a été le directeur général de la Juventus de Turin, Luciano Moggi. Le club a perdu son titre de champion et a été relégué en deuxième division. D’autres clubs ont eu des points de pénalité durant la saison sportive suivante.

3.1.3. Affaire Debrecen (Hongrie, 2009) 

20. Une organisation criminelle a manipulé le résultat d’un match de Ligue des champions et deux joueurs hongrois ont été condamnés pour avoir manipulé le résultat du match auquel ils prenaient part. Par la suite, une des deux condamnations a été annulée par le Tribunal arbitral du sport en 2010.

3.1.4. Affaires de matchs truqués actuels (en cours au début de 2012) 

21. En Allemagne, le troisième volet du procès de Bochum est en cours. En Grèce, 83 personnes sont soupçonnées de corruption, blanchiment d’argent, paris illégaux, matchs truqués, impliquant des joueurs, des dirigeants et des policiers. En Turquie, 60 suspects, dont des dirigeants de grands clubs de première division turque, ont été arrêtés à propos d’une affaire de matchs truqués afin de faire gagner des parieurs en ligne. En Italie, une nouvelle affaire de matchs truqués vient d’éclater; des soupçons de matchs truqués pèsent sur des rencontres de troisième, deuxième et première divisions.
22. En Turquie, la loi no 6222 sur la prévention de la violence et du désordre lors d’événements sportifs prévoyait une sanction de 5 à 12 ans de prison en cas de trucage de matchs (sans spécifier si cette sanction s’appliquait seulement aux parieurs ou aussi aux footballeurs). Le parlement turc a voté à deux reprises – le chef de l’Etat ayant mis son veto à la loi après le premier vote – à la quasi unanimité (284 voix pour, 6 contre, 1 abstention) la réduction de la sanction à 1 à 3 ans de prison. Cet assouplissement ne peut que susciter de fortes réserves et aiguiser les soupçons que cette loi protège les intérêts financiers illicites d’un lobby puissant.

3.2. Le trucage des matchs de tennis

23. Pour les sportifs, «truquer» ou «manipuler» le résultat d’un match de tennis est relativement facile, en raison du degré très élevé de technicité, de rapidité et de précision du geste requis à chaque coup. Un joueur de tennis professionnel peut rendre ses coups moins efficaces (et donc plus faciles à jouer pour l’adversaire), faire sortir la balle ou la mettre dans le filet «malencontreusement» presque selon ses désirs. Il suffit de modifier volontairement la trajectoire de la balle ou l’angle, l’effet ou la puissance de frappe. Une petite faute volontaire est pratiquement impossible à détecter (c’est-à-dire à la distinguer d’une faute involontaire) même en visionnant les images. De plus, un tennisman professionnel sait quels points sont cruciaux dans un match. Donner l’illusion de se donner à fond sur (presque) toutes les balles mais perdre quelques points importants permet facilement de fausser le résultat final d’un match.
24. Les joueurs eux-mêmes le reconnaissent. En 2007, le Britannique Andy Murray, l’un des meilleurs joueurs au monde, déclarait à la BBC: «Tout le monde sait que les matchs truqués sont fréquents. Il suffit de donner son maximum en début de set, de faire quelques erreurs et ensuite de claquer une double-faute en passant.» Michael Llodra, un joueur professionnel français, disait la même année: «(…) je ne crois pas qu’on va voir quelque chose… si demain j’ai envie de perdre 6-3 / 6-3, je peux vous assurer que personne ne le verra.»
25. En fait, il n’y a qu’une manière de détecter un match truqué: des paris anormaux. Les médias relayent souvent que le premier match truqué au tennis date de 2007 avec la rencontre Nikolay Davydenko-Martin Vassallo Arguello, lors d’un tournoi en Pologne, mais on peut supposer que cette pratique est beaucoup plus ancienne. Le joueur russe Nikolay Davydenko, qui partait largement favori, s’est finalement incliné devant l’adversaire argentin. Il a justifié sa défaite en déclarant qu’il souffrait d’une fracture de fatigue (blessure assez courante au tennis) dont seuls lui et sa femme étaient néanmoins au courant. Cependant, cela n’explique pas le niveau inhabituellement élevé des mises pour ce match, mises qui de plus s’orientaient de manière surprenante en faveur d’une victoire du joueur argentin, alors même que Davydenko venait de remporter le premier set.
26. Selon des révélations de la Fédération internationale de tennis aux journaux, 45 matchs de tennis ont potentiellement été truqués ces dernières années, dans des tournois mineurs mais également dans des tournois du Grand Chelem. Plusieurs déclarations de joueurs de tennis font par ailleurs état de tentatives pour les acheter. Par exemple, en septembre 2007, Novak Djokovic, l’actuel numéro un mondial, a déclaré avoir été approché pour perdre un match lors d’un tournoi en Russie. En octobre 2007, Michael Llodra et Arnaud Clément faisaient des déclarations semblables. Et encore, en novembre 2007, Younes El Aynaoui, un ancien grand joueur marocain, révélait au journal Le Monde qu’on lui avait proposé de laisser gagner son adversaire en lui offrant 25 000 € (quatre ou cinq fois plus que la prime pour le vainqueur du tournoi en question). On lui avait expliqué que c’était «courant dans le milieu» et qu’il s’agissait là d’une «tentative pour truquer un match dans le cadre des paris sur internet». Plus récemment, le 31 mai 2011, le joueur autrichien Daniel Koellerer a été banni à vie par la TIU (Tennis Integrity Unit) pour avoir truqué trois matchs entre 2009 et 2010.

3.3. Un exemple très récent: le cricket

27. Le 3 novembre 2011, un joueur de 19 ans de l’équipe nationale de cricket pakistanaise, Mohammad Aameer, a été condamné à six mois de prison ferme pour avoir trempé, à 18 ans, dans une affaire de corruption et de tricherie. Deux autres joueurs, Salman Butt et Mohammad Asif, et leur agent, Mazhar Majeed, ont écopé de respectivement trente, douze et trente-deux mois d’emprisonnement. Les trois sportifs et l’agent ont été reconnus coupables de «conspiration en vue d’obtenir de l’argent» et de «tricherie», et d’avoir manqué volontairement, moyennant paiement, deux actions lors d’un match au Lord’s de Londres en 2010.
28. Le scandale a éclaté après que Mazhar Majeed, l’agent des joueurs, a indiqué à un journaliste déguisé du News of the World le moment précis des deux actions truquées. Pour obtenir l’information, le journaliste avait remis à l’agent 150 000 livres (174 500 €) en billets marqués et donc reconnaissables, puis il a publié l’article qui a conduit au procès.
29. Fait intéressant, le jeune Aameer a accusé le Pakistan Cricket Board de ne pas éduquer suffisamment les joueurs, déclarant que cet organisme ne l’avait pas suffisamment informé sur le code anticorruption et qu’il n’avait pas pris la mesure de la gravité des risques qu’il prenait. Il a également déclaré que lui-même et sa famille avaient reçu des menaces pour l’empêcher de parler librement. Au procès, le juge a conclu à la réalité des menaces «et des fortes pressions exercées par le milieu qui contrôle les paris illégaux à l’étranger» à l’appui de certaines preuves, notamment des documents de l’Unité anticorruption et sécurité de l’International Cricket Council (ICC).

4. Nécessité d’une coopération de tous les acteurs concernés

30. Le problème étant globalisé, les différents acteurs, politiques, sportifs et économiques, ont tout intérêt à s’associer pour mener à bien leur lutte contre un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

4.1. Union européenne

31. Depuis 2007, l’Union européenne s’intéresse activement aux problèmes posés par les paris sportifs 
			(11) 
			Livre blanc sur le
sport, document COM(2007)391 final. . La Commission européenne (2007 et 2011 
			(12) 
			Commission
européenne, Livre vert sur les jeux d’argent et de hasard en ligne
dans le marché intérieur (2011), document SEC(2011)321 final.) et le Parlement européen (2008 
			(13) 
			Parlement européen,
Rapport sur l’intégrité des jeux d’argent en ligne (2008), rapporteur:
Mme Christel Schaldemose (Danemark, SOC). et 2011 
			(14) 
			Parlement
européen, Projet de rapport sur la dimension européenne du sport
(2011), rapporteur: M. Santiago Fisas Ayxela (Espagne, PPE).) ont pris des initiatives qui portent sur plusieurs aspects de la question.
32. Au sein de l’Union européenne, les débats lors d’une réunion au Parlement européen à Strasbourg en juillet 2011 ont mis en exergue la nécessité d’une coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne en matière de lutte contre le trucage de matchs. Chaque institution devrait se concentrer sur ses domaines de prédilection, le Conseil de l’Europe ayant un rôle important à jouer du fait du caractère paneuropéen et même international du phénomène. L’Union européenne, quant à elle, aura son importance dans la régulation financière des paris sportifs.

4.2. Le Comité international olympique

33. Le Comité international olympique (CIO) joue le rôle de coordinateur entre les différentes fédérations sportives, afin de trouver des solutions pour endiguer le fléau du trucage des matchs. Il a pris des mesures prophylactiques dès 2007, la plupart des fédérations sportives internationales n’étant pas outillées pour le faire. Des mécanismes de suivi et des procédures disciplinaires ont été mis en place. Néanmoins, ces mesures sont insuffisantes pour contrer la grande criminalité.
34. Avec ces partenaires, le CIO a abandonné l’idée de la création d’une instance comme l’Agence mondiale antidopage, qui serait trop lourde à gérer. Néanmoins, il considère que les Etats doivent réguler le marché des paris sur le plan mondial, et une coopération entre le mouvement sportif et les instances publiques est indispensable. Le CIO devrait continuer de jouer le rôle de coordinateur entre les divers acteurs.
35. Le 1er mars 2011, le CIO a organisé une réunion sur «la lutte contre les paris illégaux et irréguliers» qui a impliqué des autorités publiques, des acteurs du mouvement sportif et des opérateurs de paris en ligne. Il en est ressorti qu’une coordination à l’échelle internationale s’imposait pour lutter contre ce phénomène et que l’ensemble des acteurs présents pour ce débat devait y contribuer. Un groupe de travail a été constitué, comprenant trois groupes d’experts ayant chacun la charge de différents aspects du problème des matchs truqués. Il a proposé un ensemble de recommandations le 2 février 2012. De précédentes recommandations du CIO, formulées lors du séminaire «Paris sportifs: un défi à relever», existent depuis 2010 
			(15) 
			Recommandations
pour le séminaire du CIO «Paris sportifs: un défi à relever», 24
juin 2010, Lausanne: <a href='http://www.olympic.org/Documents/Conferences_Forums_and_Events/2010-06-24_Final_Recommendations_IOC_seminar_fre.pdf'>www.olympic.org/Documents/Conferences_Forums_and_Events/2010-06-24_Final_Recommendations_IOC_seminar_fre.pdf</a>. Voir également «Model rules on sports integrity in
relation to sports betting for all international sports federations
and organisations», disponible à: www.sportaccord.com/multimedia/docs/2011/08/Model_Rules_on_Sports_Integrity_in_Relation_to_Sports_Betting.pdf..
36. Selon M. Bach, vice-président du CIO, il serait souhaitable d’avoir dans tous les pays une législation sur des mesures préventives, notamment de surveillance des paris, et des mesures répressives. Il faudrait s’accorder sur les paris à interdire et dépister les dérapages. Les législations nationales devraient également tenir compte du spot-fixing, alors que dans de nombreux pays des paris portant sur une action spécifique ne sont pas interdits. La difficulté réside dans le fait que la manipulation doit être prouvée, ce qui dans le cas de spot-fixing est encore plus difficile.

4.3. FIFA/UEFA

37. La coopération avec les instances du football peut constituer un bon moyen de tirer profit des systèmes de surveillance de paris sportifs développés par la Fédération internationale de football association (FIFA) et l’UEFA.
38. La FIFA a pris conscience du danger que représentent la corruption dans le sport et les matchs truqués. Depuis 2004, elle dispose d’une société privée (Early Warning System GmbH) chargée de sauvegarder l’intégrité du football. Celle-ci met l’accent sur la prévention et sur un système d’analyse du marché des paris sportifs lui permettant d’alerter rapidement la FIFA en cas de suspicion. Cette société a notamment surveillé les deux dernières coupes du monde de football en Allemagne en 2006 et en Afrique du Sud en 2010, et est régulièrement consultée pour surveiller d’autres sports.
39. La FIFA a signé un accord avec Interpol pour une durée de dix ans. Elle financera, pour un total de 20 millions d’euros, un programme de formation visant à lutter contre la corruption et les paris sportifs illégaux. Par ailleurs, elle a annoncé le 10 janvier 2012 une série de mesures pour lutter contre les matchs truqués. L’organisation envisage la mise en place, dès cette année, d’un système d’alerte pour détecter en amont les risques de trucage des matchs. Elle fera appel à Interpol et aux polices nationales, et prévoit de déployer des enquêteurs de la FIFA en Asie, en Amérique du Nord et du Sud et au Moyen-Orient.
40. D’autres mesures préconisées sont: une amnistie, un programme de protection pour les sources révélant des matchs truqués, un numéro de téléphone dédié permettant de dénoncer de façon anonyme des matchs arrangés ainsi qu’un programme de réhabilitation pour des joueurs, des responsables ou des administrateurs compromis dans ce genre de dossiers. De son côté, l’UEFA a mis en place deux types de mesures:
  • La première est un programme d’éducation à destination des jeunes footballeurs, en accord avec les 53 fédérations membres de l’UEFA. Deux catégories d’âge ont été sensibilisées depuis 2010, les moins de 17 ans et les moins de 19 ans. Les séminaires étaient axés autour de la prévention et des risques, mais aussi autour des sanctions disciplinaires auxquelles les joueurs s’exposent en cas de triche.
  • La seconde est le système de détection des fraudes sur les paris de l’UEFA (Betting Fraud Detection System) qui est effectif sur toutes les rencontres de première et de deuxième division des 53 associations membres ainsi que sur les rencontres de l’UEFA comme les matchs de la Ligue des champions, soit environ 29 000 matchs par an selon l’UEFA.

4.4. Fédération internationale de tennis

41. En 2008, la Fédération internationale de tennis ainsi que les organisateurs des principaux tournois professionnels masculins et féminins se sont associés pour créer la Tennis Integrity Unit. Cette structure indépendante œuvre fortement pour la protection de l’intégrité des compétitions de tennis au niveau mondial, en proposant des programmes tels que le «Tennis Integrity Protection Programme» ou encore le «Uniform Tennis Anti-Corruption Programme» qui servent à informer les sportifs des pratiques de corruption, afin de les prévenir, mais qui permettent aussi de mener des investigations et de sanctionner la violation des règles édictées pour prévenir la corruption et la manipulation des résultats.

4.5. Fédérations sportives nationales

42. Le crime organisé a pris de telles proportions dans le sport qu’une fédération, une organisation ou un club ne peut rien faire à elle ou à lui seul. Une coopération est nécessaire pour éduquer les sportifs, faire la chasse à la fraude, faire respecter les règlements et appliquer des sanctions sévères. Les fédérations ont besoin de cadres solides pour financer et mener ces programmes d’éducation et de formation; pour cela, elles ont besoin du soutien des autorités nationales et peut-être aussi de ceux qui gagnent beaucoup d’argent grâce au sport, notamment les sponsors et les opérateurs de paris. Le prélèvement systématique d’un pourcentage sur les produits des paris au bénéfice du mouvement sportif, conformément au principe du «retour économique équitable», serait un bon moyen de garantir plus d’égalité et d’équité dans le sport à tous les niveaux.

4.6. Les opérateurs de paris en ligne

43. Pour un opérateur de paris en ligne, l’intégrité des compétitions sportives constitue la base de son activité économique. La confiance dans le système est primordiale et les clients ne risqueront leur argent que s’ils sont sûrs d’être à égalité vis-à-vis de l’ensemble des parieurs. Pour cette raison, certains opérateurs annulent les paris dès qu’une rencontre leur paraît suspecte et fournissent toutes les informations nécessaires pour mener une enquête. Cette pratique devrait être généralisée à l’ensemble des opérateurs. Des protocoles d’accord avec les opérateurs privés ainsi que les associations européennes de loteries sont également à encourager et à développer. Le principal chiffre d’affaires ne provient pas d’activités sportives mais avant tout du poker. Dans de nombreux pays, les opérateurs sont sponsors d’équipes ou d’événements sportifs pour des raisons de marketing. Dans ces cas, des conflits d’intérêts doivent évidemment être évités. Les loteries et paris constituent des sources de revenus non négligeables pour le mouvement sportif dans la mesure où, dans de nombreux pays, une quote-part du bénéfice revient au sport.

4.7. Coopération policière nationale et internationale

44. Vu la manière dont le football procède ces derniers temps, une coopération avec les autorités policières est absolument nécessaire. La police dispose en effet de moyens auxquels les autorités sportives ne peuvent recourir. C’est par exemple le cas pour une perquisition, pour recourir à des écoutes téléphoniques ou encore pour mener à bien des arrestations de criminels. La particularité des gains liés aux paris sportifs illégaux est qu’ils servent à subventionner d’autres activités criminelles. La police et les autorités publiques nationales, mais également internationales dans le cas où les criminels sont basés dans un autre pays ou sur un autre continent, ont donc entièrement leur place parmi les acteurs à impliquer dans la lutte contre le trucage de matchs.

5. Nécessité d’une convention internationale ouverte aux Etats non européens

45. La proposition de recommandation présentée par Mme Keaveney et plusieurs de ses collègues (Doc. 12406) proposait d’inviter le Comité des Ministres à «engager des consultations en vue de créer un comité chargé d’identifier les bonnes pratiques en matière de lutte contre la manipulation de résultats sportifs, de définir les mesures que le Conseil de l’Europe pourrait prendre pour réduire les risques de manipulation, y compris sous la forme d’une convention, et de mettre sur pied, le cas échéant, un mécanisme international de coordination de la lutte contre les manipulations de résultats sportifs».
46. Une convention internationale permettrait de définir des normes et des principes acceptés d’un commun accord afin de prévenir la manipulation de résultats sportifs. La mission normative du Conseil de l’Europe et sa dimension paneuropéenne feraient de l’Organisation l’enceinte idéale pour élaborer un tel instrument; une convention élargie permettrait de mieux maîtriser une question aux ramifications mondiales et pourrait aussi faciliter l’adhésion de l’Union européenne.
47. Depuis le dépôt de la proposition, l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) du Conseil de l’Europe 
			(16) 
			L’APES offre une plateforme
de coopération intergouvernementale entre les autorités publiques
de ses Etats membres et favorise le dialogue entre les pouvoirs
publics, les fédérations sportives et les ONG. Cette concertation contribue
à une meilleure gouvernance, afin de rendre le sport plus sain,
plus sûr, et conforme à une éthique élevée. L’APES élabore des politiques
et des normes, en assure le suivi et offre un soutien avec les activités
de renforcement des capacités et l’échange de bonnes pratiques.
Pour établir ses propres stratégies, l’APES se fonde sur les instruments normatifs
du Conseil de l’Europe tels que la Charte européenne du sport, le
Code d’éthique sportive, la Convention européenne sur la violence
et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives
et notamment de matches de football (STE no 120),
et la Convention contre le dopage (STE no 135).
Une fiche d’information sur l’APES se trouve à l’adresse: <a href='http://www.coe.int/t/dg4/epas/about/factsheet_fr.asp'>www.coe.int/t/dg4/epas/about/factsheet_fr.asp</a>. a fait avancer les travaux sur une convention et a préparé, pour adoption par le Comité des Ministres, la Recommandation CM/Rec(2011)10 sur la promotion de l’intégrité du sport pour lutter contre la manipulation des résultats, notamment les matchs arrangés, qui demandait à l’APES d’étudier la faisabilité d’une convention internationale. Cette étude a été présentée à la Conférence du Conseil de l’Europe des ministres responsables du sport à Belgrade le 15 mars 2012.
48. La participation des mouvements sportifs à la convention, en tant qu’observateurs, devrait également être examinée. L’attention portera aussi sur l’établissement de mécanismes de suivi effectifs, en particulier la possibilité de généraliser les mécanismes de «retour sur bénéfices» qui prévoient le prélèvement d’un pourcentage sur les profits réalisés par les opérateurs privés de paris, en vue de financer, d’une part, des mesures de lutte contre les matchs truqués et, d’autre part, les mouvements sportifs européens.
49. Un mécanisme international de coordination et de suivi de l’application des instruments juridiques pourrait assurer le suivi des règles de prévention du trucage de matchs et fournir un cadre pour l’élaboration et la mise en œuvre de nouvelles politiques par l’ensemble des parties prenantes. Toutefois, l’existence de plusieurs organes internationaux déjà dotés de moyens qui leur permettraient de créer conjointement un cadre de prévention solide, ainsi que la nécessité d’examiner de façon plus approfondie et de définir plus précisément les dispositions à mettre en œuvre, implique qu’un éventuel nouveau mécanisme de suivi ou organisme de contrôle devra faire l’objet de discussions entre les parties prenantes. L’autre possibilité serait que les Etats transposent la future convention directement dans leur législation, ce qui garantirait la meilleure mise en œuvre de ses dispositions au plan national.
50. Les structures internationales existantes peuvent très bien constituer des outils adaptés pour une coopération internationale. A cet égard, l’expérience et l’expertise des organes du Conseil de l’Europe seront utiles – notamment le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) et la Conférence des Parties à la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198). Il convient par ailleurs de noter que, dans son Avis 241 (2002) relatif au projet de protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption, l’Assemblée recommandait que le protocole précise que le texte s’applique aussi aux arbitres sportifs nationaux et étrangers: «L’Assemblée note que la définition du mot “arbitre” contenue à l’article 1 du projet de protocole ne précise toutefois pas dans quel cadre l’arbitre intervient. Elle considère qu’il serait opportun que les arbitres sportifs soient couverts par le projet de protocole, compte tenu des enjeux financiers ou autres que leurs décisions peuvent avoir, comme l’actualité récente l’a montré», mais elle n’a pas été suivie par le Comité des Ministres à l’époque.

6. Conclusions

51. Au cours de la préparation de ce rapport, j’ai pris conscience de l’ampleur du phénomène des matchs truqués et de la corruption de sportifs, d’arbitres et de dirigeants au sein du mouvement sportif dans sa globalité. Si le problème est récent, il n’en devient pas moins une priorité pour les fédérations sportives, mais également pour les Etats, ceux de l’Union européenne en premier lieu, comme en témoignent les priorités de la présidence polonaise en matière de sport dans l’Union.
52. La manipulation des résultats sportifs permet aux organisations criminelles de blanchir l’argent sale et de financer leurs activités illégales grâce aux mécanismes des paris, et notamment des paris en ligne. Elles en tirent des bénéfices rapides sans trop de risques: les poursuites sont rares et les sanctions peu sévères. Des sanctions dissuasives pour les cas de trucage de matchs sont donc devenues nécessaires pour lutter efficacement contre la criminalité organisée en Europe. Il est regrettable que tous les pays européens ne prévoient pas cette infraction dans leur législation et l’on peut s’étonner que certains pays où le trucage des rencontres sportives est érigé en infraction puissent chercher à réduire la sanction prévue, comme c’est le cas actuellement en Turquie.
53. L’incertitude des résultats est un fondement de la compétition sportive et de l’intérêt qu’elle suscite auprès du public. La corruption des sportifs, des arbitres ou des dirigeants qui aboutit à déterminer d’avance les résultats sportifs mine le principe d’incertitude des résultats sportifs et met en danger le sport européen dans son ensemble. C’est donc la pérennité et l’avenir du sport qui sont au cœur du débat. Un signal politique fort doit être envoyé aux citoyens européens à cet égard, pour montrer que la corruption dans le sport n’est pas moins grave que dans le reste de la sphère sociale.
54. Le mouvement sportif est l’acteur principal dans la lutte contre la corruption et la manipulation des résultats sportifs. Le principe d’autonomie du mouvement sportif fait partie du «modèle européen du sport» et il est un pilier essentiel de l’organisation du mouvement sportif. Néanmoins, dès lors que l’autorégulation se révèle insuffisante et qu’un problème majeur dépasse la capacité des instances sportives, comme c’est le cas pour les phénomènes en question, il faut une intervention nationale ou supranationale.
55. Certains Etats européens ont interdit les paris sportifs privés alors que d’autres ont introduit un «droit au pari sportif». Il y a donc en Europe – et dans le monde – des approches divergentes et des situations diverses sur le plan juridique, qui font obstacle à la recherche de solutions communes.
56. Il faut dépasser ces obstacles et travailler ensemble, car il n’y aura de solutions efficaces que si elles sont acceptées et mises en œuvre par tous. Pour aboutir à des résultats concrets, quatre éléments me semblent particulièrement importants.
57. Tout d’abord, il faut renforcer les actions d’information et de prévention à l’égard de tous les acteurs concernés de près ou de loin par les paris sportifs, et en particulier à l’égard des sportifs, des professionnels chargés de les aider à avoir la meilleure performance sportive et de ceux responsables de l’établissement des règles sportives.
58. Deuxièmement, le mouvement sportif a besoin d’être soutenu concrètement dans la lutte contre la corruption sportive et le trucage des matchs. Le sport est une source de recettes considérables pour certains opérateurs privés, dont les opérateurs de paris. Cela n’est pas en soi critiquable, mais il semble approprié de leur demander une contribution plus importante au financement des mécanismes nécessaires pour préserver l’intégrité du sport et de son image. Un retour sur les bénéfices des paris sportifs (calculé à partir du produit brut des paris) pourrait avoir lieu au profit des organisations sportives. Bien entendu, ce financement doit impérativement se faire de manière transparente.
59. Troisièmement, la surveillance des paris sportifs doit être faite dans le monde entier. Corruption et criminalité organisée ne connaissent pas de frontières et une action concertée au niveau global s’impose afin de rendre efficace le système de lutte contre les corrupteurs et les organisations criminelles. Le renforcement et l’harmonisation des codes pénaux au sujet des paris sportifs devraient, dès à présent, être débattus en s’efforçant de surmonter les difficultés qui découlent des différences entre les législations européennes et des intérêts parfois conflictuels des divers acteurs. Tout au moins, il faudrait coordonner les divers mécanismes existants, en tenant compte des avantages et des limites de chaque système de détection des fraudes, aucun n’étant infaillible, malheureusement..
60. Cela amène à un quatrième point: il faut améliorer le flux d’informations et les synergies entre les parties concernées. Les informations doivent circuler entre tous les acteurs dans le domaine des paris sportifs et toutes les fédérations sportives doivent agir en tant que garantes de l’intégrité de leur sport, en s’inspirant chacune des meilleures pratiques développées par les autres.
61. J’espère que le présent rapport contribuera à attirer l’attention des décideurs sur l’importance du problème de la manipulation des résultats sportifs et sur le danger qu’il représente pour l’avenir du sport en Europe, et à les convaincre qu’une action immédiate et concertée de trois catégories d’acteurs est nécessaire.
62. Les gouvernements européens devraient se concerter entre eux et coopérer, sur le plan juridique et aussi sur le plan judiciaire, lorsqu’une affaire implique deux pays européens ou plus. L’interdiction des sites internet illégaux et des bookmakers qui n’ont pas de licence est également un enjeu qu’il faut sérieusement traiter à tous les niveaux car aucun pays ne saurait y faire face de façon isolée.
63. Les fédérations sportives, quant à elles, devraient se rapprocher des organisations et des systèmes des fédérations les plus avancées dans la lutte contre la corruption et le trucage de matchs, et devraient collaborer avec les gouvernements pour les autoriser à ’intervenir là où la réglementation sportive a atteint ses limites; cela s’applique notamment à l’introduction de sanctions pénales dissuasives et aux investigations policières et judiciaires.
64. Les opérateurs privés et publics de paris sportifs ont également un certain nombre d’efforts à faire, en particulier sur les paris à risque qu’il faudra limiter au maximum voire interdire. Le signalement des paris suspects aux fédérations et aux instances publiques compétentes doit devenir systématique et rapide. Enfin, un certain nombre de conflits d’intérêts nécessitent d’être clarifiés et une position commune avec l’ensemble des opérateurs doit être trouvée.
65. C’est en ayant ces objectifs à l’esprit que j’ai formulé les propositions contenues dans les projets de résolution et de recommandation qui complètent ce rapport, tout en étant consciente du fait qu’il s’agit d’un sujet complexe et compliqué et qu’il n’existe pas de solution simple pour venir à bout de ce fléau qui nuit gravement à l’intégrité du sport.