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Rapport | Doc. 13142 | 18 mars 2013

La culture et l’éducation par les parlements nationaux: les politiques européennes

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Anne BRASSEUR, Luxembourg, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc 12228, Renvoi 3678 du 21 mai 2010. 2013 - Deuxième partie de session

Résumé

Les parlements nationaux ont un rôle clé à jouer et une responsabilité importante pour renforcer les politiques d'éducation et de la culture. Ces politiques devraient non seulement encourager le développement des compétences axées sur l'emploi, mais également promouvoir les valeurs éthiques et politiques liées aux principaux objectifs du Conseil de l'Europe.

Des progrès significatifs ont été réalisés avec la création de cadres législatifs visant à lutter contre l'exclusion et la discrimination dans l'accès à la culture et l'éducation. Aujourd'hui, le principal défi réside dans l'application effective de la législation pertinente. Les parlements nationaux devraient aussi intensifier leur travail pour promouvoir le dialogue interculturel et encourager les échanges culturels et éducatifs au-delà des frontières, en supprimant les obstacles administratifs à ces échanges.

En gardant ceci à l'esprit, la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias demande aux parlements nationaux de revoir les politiques de la culture et l'éducation en mettant davantage l'accent sur les perspectives à long terme, de prendre des mesures pour mettre en œuvre les lignes directrices convenues au niveau du Conseil de l'Europe et d'évaluer régulièrement l'impact de l'action gouvernementale dans les domaines de la culture et l'éducation. Le rapport souligne aussi l'importance d'avancer vers un cadre européen des compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l'homme et le dialogue interculturel, et demande que ce cadre fasse partie du Programme d'activités du Conseil de l'Europe dans la prochaine période biennale.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 18 décembre
2012.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire réaffirme l’importance de la culture et de l’éducation en tant que piliers essentiels de nos régimes démocratiques et d’une société solidaire. Il incombe aux parlements nationaux de concevoir, dans ces domaines, des politiques qui défendent réellement nos valeurs fondamentales communes, à savoir les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit, garantissent un accès adéquat à l’éducation et favorisent la participation à la vie culturelle, la créativité et l’innovation.
2. Des politiques renforcées en matière de culture et d’éducation devraient encourager le développement de compétences axées sur l’emploi, mais aussi promouvoir les valeurs éthiques et politiques qui sont liées aux buts principaux du Conseil de l’Europe, en gardant à l’esprit l’importance des sciences humaines et du droit de chacun de participer à la vie culturelle.
3. Les parlements nationaux devraient se fonder sur les textes adoptés par le Comité des Ministres et l’Assemblée pour élaborer leurs politiques culturelles et éducatives. Ils devraient aussi tirer un plus grand parti des instruments et moyens d’action élaborés par le Conseil de l’Europe (comme le Livre blanc sur le dialogue interculturel, le Compendium des politiques et tendances culturelles en Europe et l’Index des cités interculturelles) et par l’Union européenne (comme la stratégie «Repenser l’éducation» lancée récemment).
4. L’Assemblée appelle, par conséquent, les parlements nationaux:
4.1. à revoir la conception des politiques en matière de culture et d’éducation en vue de mettre davantage l’accent sur les perspectives à long terme et d’élaborer une stratégie cohérente, en étant attentifs aux liens entre la culture, l’éducation et d’autres domaines d’action politique comme la jeunesse, la cohésion sociale, l’emploi, la santé et la protection de l’environnement;
4.2. à ouvrir à nouveau un large débat sur les politiques de la culture et de l’éducation, en encourageant les citoyens à y participer et en associant aux réformes politiques les acteurs concernés;
4.3. à veiller à ce que la législation dans ces domaines traite de manière globale les principaux défis à relever, notamment:
4.3.1. promouvoir la cohésion sociale et une culture d’inclusion;
4.3.2. accompagner une croissance socio-économique durable dans une économie de marché mondialisée et un environnement en péril;
4.4. à mettre en œuvre les principes directeurs adoptés au niveau du Conseil de l’Europe et à établir des mécanismes de suivi et de soumission de rapports propres à évaluer régulièrement l’incidence des mesures prises par les autorités gouvernementales compétentes;
4.5. à adopter des mesures concrètes pour renforcer le dialogue interculturel et encourager les échanges culturels et éducatifs par-delà les frontières, en supprimant les obstacles administratifs à ces échanges;
4.6. à instaurer l’apprentissage et la pratique interculturels dans les programmes de formation initiale et continue des enseignants et des éducateurs.
5. Les délégations nationales auprès de l’Assemblée sont encouragées à mettre en place, dans leurs parlements respectifs, les dispositions nécessaires pour informer de manière adéquate sur les activités pertinentes du Conseil de l’Europe – et de l’Union européenne s’il y a lieu – particulièrement dans les domaines de la culture et de l’éducation.
6. L’Assemblée invite les parlements nationaux à intensifier la coopération interparlementaire dans les domaines de la culture et de l’éducation aux niveaux régional et européen, dont la coopération avec le Parlement européen et l’Assemblée.
7. Enfin, l’Assemblée soutient la récente proposition du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’engager des travaux sur un cadre européen de compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et la compréhension interculturelle, et suggère de l’intégrer au Programme d’activités de l’Organisation pour la prochaine période biennale, en insistant sur l’importance du dialogue interculturel.

B. Exposé des motifs, par Mme Brasseur, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le 28 avril 2010, j’ai présenté avec 34 de mes collègues une proposition de résolution concernant «Les politiques européennes de la culture et de l’éducation par les parlements nationaux», qui a été renvoyée à la commission pour rapport le 22 juin 2010. La commission m’a nommée rapporteure sur ce sujet lors de sa réunion à Strasbourg le 22 juin 2010.
2. La commission a tenu le 5 mars 2012, à Paris, une audition sur les politiques de l’éducation, avec la participation de l’Ambassadeur Arif Mammadov, président du Groupe de rapporteurs du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur l’éducation, la culture, le sport, la jeunesse et l’environnement, et plusieurs experts 
			(2) 
			M. Pavel Zgaga, directeur
du Centre d’études sur les politiques éducatives, Université de
Ljubljana; M. Germain Dondelinger, coordonnateur de l'enseignement
supérieur, ministère de la Culture, de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche, Luxembourg; Mme Annette Pieper de Avila, consultante
principale, Section de l’enseignement supérieur, UNESCO; Mme Anna
Glass, secrétaire générale, Observatoire de la Magna Charta, Bologne;
Mme Ligia Deca, coordonnatrice, Secrétariat roumain du Groupe de
suivi du processus de Bologne, Bucarest; M. Frank Petrikowski, Unité de
l’enseignement supérieur, DG Education et culture, Commission européenne,
Bruxelles.. Cette audition était organisée en coopération avec l’UNESCO. Après avoir examiné un avant-projet de rapport à sa réunion du 4 octobre 2012, la commission a décidé de modifier le titre du rapport, d’où le titre actuel.
3. Le présent rapport prolonge – et a pour objet de pousser plus avant – les travaux de l’Assemblée parlementaire en faveur de la mise en œuvre du Livre blanc sur le dialogue interculturel «Vivre ensemble dans l’égale dignité» (2008) 
			(3) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dg4/intercultural/source/white paper_final_revised_fr.pdf'>www.coe.int/t/dg4/intercultural/source/white%20paper_final_revised_fr.pdf</a>., lancé par les ministres des Affaires étrangères du Conseil de l’Europe lors de leur 118e session ministérielle, et de la Recommandation 1975 (2011) de l’Assemblée «Vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle: suites à donner au rapport du Groupe d’éminentes personnalités du Conseil de l’Europe».
4. La culture 
			(4) 
			Le
terme «culture» peut prendre plusieurs sens: un sens relativement
restreint, faisant référence à la musique, aux arts, à la littérature,
etc. ou un sens anthropologique plus général, à savoir un ensemble
de normes, de convictions, de systèmes de croyance et de comportements
(comme dans «culture démocratique»). Le premier sens recouvre généralement
les moyens par lesquels s’exprime la culture au second sens du terme. et l’éducation sont des facteurs propices au développement personnel et à une participation pleine et active à la société. Grâce à leurs expériences culturelles et à leur éducation, les individus forgent leur personnalité et acquièrent la capacité de nouer des relations constructives avec les autres. La capacité des citoyens européens d’accepter les différences et de reconnaître la valeur de chaque être humain est renforcée par l’éducation et la culture. Les politiques culturelles et éducatives sont de ce fait au cœur d’une Europe plus forte et plus cohésive.
5. Le présent rapport examine le rôle joué par les parlements dans la définition d’une vision stratégique des politiques européennes de la culture et de l’éducation. Dans un contexte difficile marqué par la mondialisation, le ralentissement économique, des fractures sociales grandissantes et de graves enjeux environnementaux, les parlements nationaux devraient prôner un processus d’évaluation critique des politiques culturelles et éducatives et jouer un rôle de premier plan dans le développement d’une vision stratégique prospective. Ils devraient revoir la conception des politiques dans ces domaines afin de garantir une approche plus globale et d’engager des politiques indispensables pour répondre aux grands défis de société actuels.

2. Le rôle des parlements nationaux dans la refonte des politiques nationales de la culture et de l’éducation – Lignes d’action

6. Les parlements sont censés identifier les principaux défis et trouver le meilleur moyen de les relever. Ils ont un rôle clé à jouer s’agissant de développer une vision de l’avenir, de définir des stratégies globales et de veiller à leur bonne mise en œuvre. Pour orienter les réformes systémiques indispensables, contrôler leur mise en œuvre et évaluer leur impact, les parlements doivent avant tout faire preuve d’efficacité dans la définition de la vision stratégique et la fixation des objectifs de ces réformes. Les parlements y parviennent-ils, et dans la négative, pourquoi pas? Voici quelques domaines susceptibles de mériter un examen plus approfondi.
7. Court terme ou long terme? – A l’instar des soldats du feu, les parlements sont accaparés par les questions «brûlantes» et à court terme qui constituent leur quotidien et les empêchent de consacrer du temps à la discussion (et à la formulation) d’une vision à long terme pour l’avenir de leurs pays et de l’Europe dans son ensemble. Par conséquent, les débats parlementaires sont rarement tenus dans une perspective à long terme et, surtout, soumis à une logique électorale.
8. Etre réactif ou proactif? – Les parlements engagent souvent des actions sous la pression de l’opinion publique en réponse à un événement donné ou à une question de société qui devient «brûlante» et occupe une place prépondérante dans l’ordre du jour politique. En ce sens, les parlements peuvent sembler plus réactifs que proactifs. Il peut en résulter une absence de vision et de stratégie.
9. La législation proposée: globale ou fragmentée? – Les parlements sont souvent invités à promulguer des législations qui ne couvrent que des domaines restreints. Ces interventions ciblées peuvent dans certains cas s’avérer nécessaires. Cependant, le risque est d’aboutir à une législation hétéroclite, sans image claire de l’ensemble du système et des nouvelles tendances nécessitant des interventions intégrées. Nous devons nous demander comment les parlements pourraient développer des politiques et des législations fondées sur une approche plus globale.
10. Le manque d’infrastructures de recherche et de services consultatifs – Les infrastructures de recherche à la disposition des membres des parlements sont rares, alors que les gouvernements bénéficient de l’appui de services administratifs spécialisés et d’experts pour réaliser les études dont ils ont besoin. Cette situation risque de paralyser le débat entre les exécutifs et les parlements lorsqu’il est question de prendre des décisions stratégiques et d’affaiblir le rôle des parlements dans la conception des politiques.
11. Les parlements peuvent être à l’initiative du changement et remanier les politiques culturelles et éducatives nationales. Ceci suppose une série d’actions, commençant par la reconnaissance de la nécessité d’une réflexion plus approfondie à propos de ces politiques. Se fondant sur cette réflexion, les parlements devraient ensuite engager un débat constructif, fixer de nouveaux objectifs, repenser le financement et l’allocation des ressources, orienter les réformes et évaluer leur impact, tout en assurant la participation des principaux acteurs, notamment les jeunes.

2.1. Engager un débat constructif sur les politiques de la culture et de l’éducation

12. La culture et l’éducation sont – et devraient être considérées comme – des vecteurs essentiels pour le développement personnel et une participation pleine et active à la société. La culture et l’éducation soutiennent et développent nos valeurs, nos systèmes démocratiques et la culture démocratique dans son ensemble, en l’absence de laquelle les institutions démocratiques ne peuvent fonctionner dans la pratique 
			(5) 
			Plan
d’action du Sommet de Varsovie, point 3, CM(2005)80 final, 17 mai
2005. . Les décideurs devraient de ce fait engager un débat constructif sur les politiques concernées.
13. D’abord, la culture et l’éducation sont étroitement liées; c’est pourquoi les politiques culturelles et éducatives devraient être discutées et en fin de compte conçues de manière à ce qu’elles renforcent mutuellement leur impact. La culture et l’éducation ont également des liens d’interdépendance avec d’autres domaines d’action, sur lesquels elles ont une influence. A titre d’exemple, elles peuvent impulser des progrès dans les politiques de jeunesse et de cohésion sociale 
			(6) 
			Dans ce
contexte, la cohésion sociale doit être comprise comme la capacité
d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres, en minimisant
les disparités et en évitant la polarisation. , elles sont l’épine dorsale de la recherche et du développement (durable), et peuvent avoir un impact important en matière de santé, de services sociaux et de protection de l’environnement.
14. Du fait de cette interdépendance, il convient d’évaluer dans quelle mesure les politiques culturelles et éducatives contribuent à la cohésion de la société et à la participation des plus faibles ou si, au contraire, elles créent de nouvelles fractures et creusent le fossé entre les membres privilégiés de la société et les groupes marginalisés 
			(7) 
			Les personnes peu qualifiées
abandonnent souvent le système éducatif. C’est tout particulièrement
le cas des jeunes issus de familles de la classe ouvrière; ceci
réduit encore davantage leurs chances de trouver un emploi..
15. Les modèles de gouvernance dans l’éducation et la culture évoluent rapidement. Dans le domaine de la culture, en particulier, les changements s’accompagnent d’une participation croissante d’acteurs non publics 
			(8) 
			Voir
l’article intitulé «New Challenges to the Landscape of Cultural
Policies in Europe» de Robert Palmer, ancien directeur de la gouvernance
démocratique, de la culture et de la diversité, Conseil de l’Europe: <a href='http://www.culturalpolicies.net/web/compendium-topics.php?aid=213'>www.culturalpolicies.net/web/compendium-topics.php?aid=213.</a>, y compris du secteur privé et des organisations de la société civile. Il convient d’en tenir compte lors de l’examen des politiques culturelles et éducatives. Les parlements doivent de ce fait être en mesure de mener un dialogue constructif avec l’ensemble des parties prenantes. Par ailleurs, les majorités au pouvoir dans les parlements doivent être capables d’engager des débats positifs et de décider des politiques susceptibles d’être développées dans une perspective à plus long terme et enrichies par la prise en compte des opinions extérieures au parti ou à la coalition majoritaire.
16. Dernier point et non des moindres, il est indispensable de veiller à adapter les politiques culturelles et éducatives aux nouvelles réalités de nos sociétés multiculturelles et à l’émergence de cultures métissées. La culture et l’éducation peuvent fédérer les peuples et les conduire vers des objectifs communs. Mais il convient d’avoir également conscience des tensions entre les cultures et de les combattre. Une plus grande attention devrait être portée au fait que beaucoup de jeunes revendiquent des appartenances culturelles multiples. Cela suppose certainement d’adopter de nouvelles approches de l’enseignement et de la formation des enseignants, qui doivent être préparés à soutenir le développement des multiples facettes de l’identité dans un contexte de cultures métissées.

2.2. Fixer les objectifs des politiques de la culture et de l’éducation

17. La fixation des objectifs suppose que les parlements examinent les systèmes culturels et éducatifs dans leur ensemble. S’agissant de l’éducation notamment, il est nécessaire de déterminer des priorités stratégiques prenant en compte les enjeux à tous les niveaux de l’enseignement – primaire, secondaire, supérieur et formation professionnelle –, y compris l’apprentissage tout au long de la vie 
			(9) 
			A titre d’exemple,
le système d’enseignement supérieur le plus avancé ne peut pas donner
tous les résultats escomptés si les résultats de l’enseignement
secondaire ne sont pas correctement définis et atteints.. La cohérence doit être le maître mot non seulement dans les programmes de chaque niveau d’études, mais aussi bien sûr dans tout l’éventail de connaissances, savoir-faire et aptitudes que les élèves et les étudiants sont censés acquérir tout au long du cycle éducatif. Cela a été souligné dans la stratégie «Repenser l’éducation», lancée par l’Union européenne le 20 novembre 2012 
			(10) 
			<a href='http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-1233_fr.htm'>http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-1233_fr.htm</a>., que notre Assemblée devrait saluer. La stratégie appelle à une transition fondamentale dans l'éducation, qui doit se concentrer davantage sur les «acquis de l'apprentissage», c'est-à-dire les connaissances, les aptitudes et les compétences 
			(11) 
			Au niveau de l’Union
européenne ont été définies huit compétences jugées nécessaires
pour l'épanouissement et le développement personnels, la citoyenneté
active, l'intégration sociale et l'emploi (Recommandation 2006/962/CE
du Parlement européen et du Conseil): communication dans la langue
maternelle; communication en langues étrangères; compétence mathématique
et compétences de base en sciences et technologies; compétence numérique;
apprendre à apprendre; compétences sociales et civiques; esprit
d'initiative et d'entreprise; et sensibilité et expression culturelles.
Voir le rapport 2011/2012 d’Eurydice «Developing Key Competences
at School in Europe: Challenges and Opportunities for Policy», p. 7. acquises par l’apprenant. Elle souligne notamment qu’il convient d'investir pour mettre en place des systèmes d'enseignement et de formation professionnels de niveau mondial et développer l'apprentissage en milieu professionnel.
18. Cela dit, il faudrait créer des opportunités d’apprentissage qui donneraient plus que seulement des compétences visant l’employabilité. Martha Nussbaum, dans son ouvrage «Les émotions démocratiques. Comment former le citoyen du XXIe siècle?», plaide en faveur de l’enseignement des humanités, dans la mesure où elles sont la base de la démocratie. Une politique de l’éducation fondée essentiellement sur l’idée d’utilité ne pourra pas répondre aux besoins des sociétés européennes modernes: «La logique ou la connaissance factuelle seules ne suffisent pas à mettre les citoyens en rapport avec le monde complexe qui les entoure.» La conception des politiques éducatives – et des programmes – doivent de ce fait assurer un équilibre dans le développement des connaissances et des compétences scientifiques et humanistes. Ces politiques devraient également s’efforcer d’autonomiser les apprenants en tant que protagonistes du processus de réalisation de leur plein potentiel.
19. De même, la conception des politiques culturelles devrait être menée de manière holistique. En guise d’exemple, lorsqu’on examine la question de l’accès à la culture et de la participation à la vie culturelle, il est indispensable d’analyser et de comprendre la participation (qui, pourquoi et comment) et la non-participation (qui et pourquoi pas), les facteurs qui entravent et marginalisent et ceux qui encouragent et autonomisent, la participation quantitative et la participation qualitative et, au final, de ne pas se cantonner aux chiffres mais d’étudier l’impact au niveau de l’individu et de la société.
20. Je voudrais attirer l’attention sur quelques objectifs majeurs à prendre en compte dans le développement d’une vision stratégique des politiques nationales de la culture et de l’éducation:
  • lutter contre les inégalités et la marginalisation;
  • combattre les clivages qui mènent à l’intolérance et à l’extrémisme;
  • accompagner une croissance socio-économique durable dans une économie de marché mondialisée et un environnement en péril.
21. Je pense que ces défis ne peuvent être relevés efficacement sans une stratégie politique globale, comprenant:
  • l’autonomisation des individus et la levée des obstacles posés à l’accès à l’éducation et la culture;
  • la conciliation de l’identité et de la diversité dans les sociétés européennes;
  • le renforcement de la compétitivité dans une économie de marché mondialisée grâce à la créativité et à l’innovation;
  • le développement d’une culture sociétale participative, de la citoyenneté active et d’une démocratie vivante.

2.3. Repenser le financement et l’allocation des ressources

22. Les politiques culturelles et éducatives supposent des financements adéquats. Les parlements jettent les fondements d’une mise en œuvre solide des politiques en approuvant les budgets nationaux et en examinant la répartition des allocations budgétaires. C’est pourquoi ils devraient étudier les moyens de faire meilleur usage des ressources existantes.
23. A cet égard, la compréhension des liens d’interdépendance entre la culture, l’éducation et d’autres domaines d’action nous montre une première direction; il faut faire en sorte de renforcer les synergies entre les divers secteurs et d’opérer de manière plus collaborative, en évitant toute concurrence inutile entre les institutions publiques concernées (par exemple les ministères).
24. D’autre part, les pouvoirs publics fixent le cadre dans lequel les financements sont alloués, y compris ceux provenant de sources non publiques. Les parlements devraient en prendre note lorsqu’ils examinent d’autres politiques, par exemple les politiques fiscales ou de mécénat, ou encore les politiques en matière de financement privé des établissements d’enseignement supérieur, pour lesquels la conformité avec les cadres de qualifications nationaux est un critère important 
			(12) 
			Recommandation
CM/Rec(2007)6 du Comité des Ministres relative à la responsabilité
publique pour l’enseignement supérieur et la recherche.. Les parlements devraient également examiner s’il convient d’orienter une bonne part des financements publics vers des domaines intéressants mais n’attirant que peu de fonds non publics, de compléter les financements privés, ou de combiner ces deux options. Enfin, les parlements devraient faire en sorte de consacrer des financements publics suffisants pour garantir l’égalité des chances et la non-discrimination tant en ce qui concerne l’accès aux événements culturels en tant que spectateur que la pleine participation en tant qu’artiste.
25. Il conviendrait également de revoir les politiques relatives aux grandes infrastructures. De quelles nouvelles infrastructures avons-nous besoin et où sont-elles le plus nécessaires? Ces infrastructures ne se limitent pas aux routes, aux hôpitaux, aux installations énergétiques, aux aéroports, etc. Elles englobent également les institutions culturelles et éducatives. La contribution que ces institutions peuvent apporter à la réduction des disparités régionales, au développement, à renforcer la cohésion sociale et améliorer la qualité de vie est fonction des circonstances nationales.
26. L’utilisation des infrastructures existantes devrait être réexaminée à la lumière de leur rôle dans l’accès des individus à la culture et dans la promotion de l’expression, de la créativité et de l’innovation culturelles. A titre d’exemple, aujourd’hui, près de 90 % des budgets publics alloués à la culture 
			(13) 
			N’inclut pas le sport
(voir la conception élargie de la culture en vigueur dans les pays
nordiques), les événements sportifs étant dans une large mesure
financés par des acteurs non publics. sont consacrés à l’entretien de grandes infrastructures (opéras, théâtres ou musées) qui ne profitent qu’à 10 % de la population. Ce constat devrait nous amener à mieux étudier comment encourager l’accès d’un plus grand nombre de personnes aux infrastructures culturelles, à réfléchir à l’intérêt de ces institutions pour nos populations et à adopter une approche de la politique culturelle axée sur la démocratie. Il pourrait également s’avérer utile d’évaluer dans quelle mesure les politiques de l’enseignement supérieur pourraient parvenir à un meilleur équilibre entre la nécessité de soutenir les centres d’excellence (par exemple les universités renommées) et celle d’éviter la polarisation géographique dans l’éducation.
27. La disponibilité de professionnels qualifiés dans l’éducation et la culture est une autre question très importante. Des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie doivent être offertes et la formation professionnelle renforcée, afin que tous ceux qui travaillent dans le domaine de l’éducation et de la culture soient à même d’appliquer des approches modernes et innovantes. L’éducation et la culture en ligne sont des secteurs en évolution qui méritent attention et soutien afin de tirer pleinement profit des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

2.4. Orienter les réformes systémiques et évaluer leur impact

28. Pour combler le fossé entre la conception des politiques et leur application pratique, les parlements doivent orienter les réformes systémiques et évaluer leur impact, dans le cadre de leur fonction de contrôle. Pour renforcer leurs capacités de surveillance dans les domaines de l’éducation et de la culture, ils devraient demander l’instauration d’un commissaire parlementaire ou d’un médiateur ayant pour rôle d’encourager l’accès aux droits culturels et éducatifs et leur exercice effectif 
			(14) 
			Voir:
«Guide de la pratique parlementaire», Manuel élaboré conjointement
par l’Union interparlementaire (IPU) et l’UNESCO, 2003, p. 9. Ce
haut responsable, qui devrait rendre compte au parlement, enquêterait
sur les plaintes déposées par des citoyens s’estimant victimes de
discrimination dans l’exercice de leurs droits culturels (y compris
en matière d’éducation).. Dans un premier temps, il conviendrait d’étendre les compétences du médiateur national afin que son mandat englobe les droits culturels et éducatifs.
29. Les parlements pourraient également mettre en place des procédures spécifiques pour contrôler les suites données aux instruments de «droit souple», y compris aux recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux Etats membres et aux résolutions et recommandations de l’Assemblée parlementaire dans les domaines de la culture et de l’éducation. En effet, il ne suffit pas d’adopter des recommandations et des résolutions. Des suites adéquates doivent être données à ces textes, non seulement par le Comité des Ministres, mais également par nos autorités nationales, y compris nos parlements.
30. Le Conseil de l’Europe a élaboré d’excellents instruments politiques, mais ils ne sont pas tous pleinement mis en œuvre. Il s’agit là d’une tâche ardue, et c’est bien pour cette raison que les parlements nationaux devraient être appelés à s’en charger. Chaque parlement pourrait établir une liste de contrôle et fixer une feuille de route pour la mise en œuvre des instruments politiques adoptés au niveau du Conseil de l’Europe. Les parlements pourraient ainsi analyser les politiques des gouvernements et vérifier leur conformité avec les instruments du Conseil de l’Europe.

2.5. Faire preuve de proactivité et veiller à garantir un processus de réforme participatif

31. Le rôle des parlementaires en matière de sensibilisation et de mobilisation ne devrait pas être négligé lorsqu’il est question de réformes d’envergure dans l’éducation et la culture. Ils devraient maintenir des contacts étroits avec l’ensemble de la société, mais également avec les habitants de leurs circonscriptions. Ils devraient apporter des réponses à leur électorat et prêter attention aux besoins des citoyens, être proactifs en menant campagne pour les réformes envisagées: dûment informer les populations locales sur les questions en jeu, leur faire comprendre l’intérêt des réformes, inciter les citoyens à participer au débat public, relayer leurs attentes auprès des assemblées nationales et européennes, et mobiliser la communauté pour mettre en œuvre les réformes.
32. La participation des jeunes aux processus de réforme au plan national devrait être appréciée à sa juste valeur et encouragée. Comme le soulignait l’Assemblée dans sa Recommandation 1978 (2011) «Vers une convention-cadre européenne relative aux droits des jeunes», «les parlements nationaux des Etats membres ont une responsabilité essentielle» à cet égard. L’Assemblée les a appelés en particulier à «promouvoir la participation des jeunes aux processus démocratiques et décisionnels réels, notamment en multipliant les possibilités de dialogue entre représentants nationaux des associations de jeunesse et commissions parlementaires concernées, et en favorisant la mise en place de parlements de jeunes» (paragraphe 8.2).

3. La dimension européenne des politiques de la culture et de l’éducation

33. Les mécanismes parlementaires en place au sein de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe peuvent contribuer à faire avancer les politiques culturelles et éducatives.

3.1. Compétences de l’Union européenne dans les domaines de la culture et de l’éducation – fondement juridique

34. Cette section récapitule les principales dispositions relatives à l’action de l’Union européenne dans les domaines de la culture et de l’éducation, telle qu’elle ressort des versions consolidées du Traité sur l’Union européenne (TUE) et du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) faisant suite au Traité de Lisbonne (2009) 
			(15) 
			Tous
les textes juridiques de l’Union européenne sont publiés sur le
site web EUR-Lex.. Le Traité de Maastricht (1992) avait déjà établi le fondement juridique des actions menées par la Communauté européenne dans les secteurs de l’éducation et de la culture 
			(16) 
			L’article
3.p du Traité de Maastricht
incluait dans l’action de la Communauté «une contribution à une
éducation et à une formation de qualité ainsi qu’à l’épanouissement
des cultures des Etats membres». Les compétences dans le domaine
de l’éducation étaient détaillées à l’article 126 (puis, suite au
Traité d’Amsterdam de 1997, à l’article 149 de la version consolidée
du Traité instituant la Communauté européenne (TCE)); les compétences
dans le domaine de la culture étaient précisées à l’article 128
(puis à l’article 151 du TCE). Le contenu de ces dispositions est
désormais repris aux articles 165 et 167 du TFUE.. Toutefois, le Traité de Lisbonne a précisé davantage l’étendue et la nature de la compétence de l’Union européenne dans ces deux domaines, qui est subsidiaire à celle des Etats membres.
35. L’article 2.5 du TFUE dispose que «[d]ans certains domaines (…), l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des Etats membres, sans pour autant remplacer leur compétence dans ces domaines». L’article 6 du TFUE énumère ces domaines d’action qui incluent notamment la culture (6.c) et l’éducation (6.e, mentionnant également la formation professionnelle, la jeunesse et le sport). L’article 165.1 de ce même traité explicite le champ d’intervention de l’Union européenne dans le domaine de l’éducation: «L’Union contribue au développement d’une éducation de qualité en encourageant la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des Etats membres pour le contenu de l’enseignement et l’organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique. (…)»
36. L’article 165.2 du TFUE présente une liste d’objectifs concrets, notamment «développer la dimension européenne dans l’éducation; (…) développer l’échange d’informations et d’expériences sur les questions communes aux systèmes d’éducation des Etats membres; (…) encourager la participation des jeunes à la vie démocratique de l’Europe».
37. De même dans le domaine de la culture, l’article 167.1 du TFUE dispose que «[l]’Union contribue à l’épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun». L’article 167.2 précise quant à lui que «[l]’action de l’Union vise à encourager la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action» dans des domaines spécifiés 
			(17) 
			Il s’agit de: l'amélioration
de la connaissance et de la diffusion de la culture et de l'histoire
des peuples européens; la conservation et la sauvegarde du patrimoine
culturel d'importance européenne; les échanges culturels non commerciaux; la
création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de
l'audiovisuel.. Par ailleurs, l’article 167.4 prévoit que «[l]’Union tient compte des aspects culturels dans son action au titre d’autres dispositions des traités, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures».
38. La formulation des dispositions susmentionnées du TFUE – en l’occurrence, l’emploi de termes comme «si nécessaire», «appuyer», «coordonner», «compléter», «en encourageant» ou «contribue» – ne laisse aucun doute quant à la nature subsidiaire de la compétence de l’Union européenne dans les domaines de l’éducation et de la culture.
39. Ces dispositions doivent être lues à la lumière de la disposition générale relative au principe de «subsidiarité» introduit à l’article 5.3, première phrase, du TUE par le Traité de Lisbonne: «En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres (…), mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union (…)». L’article 5.4 introduit une autre limite à l’action de l’Union européenne: «En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l‘action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités.»
40. En des termes simples, ces dispositions visent à exclure toute intervention de l’Union européenne dès lors qu’une question peut être réglée de manière efficace par les Etats membres (c’est-à-dire par les pouvoirs publics au niveau central, régional ou local) et à permettre à l’Union européenne d’intervenir lorsque les Etats membres (seuls) semblent dans l’incapacité d’atteindre de manière suffisante les objectifs des traités. Il est par conséquent clair que l’action de l’Union européenne dans les domaines de la culture et de l’éducation n’est pas censée remplacer, mais accompagner et appuyer les politiques nationales de la culture et de l’éducation, en encourageant les synergies et en défendant la dimension européenne de ces politiques, dans la mesure où cette action s’avère nécessaire pour atteindre les objectifs des traités.

3.2. Rôle des parlements nationaux dans le cadre juridique de l’Union européenne

41. Le Traité de Lisbonne souligne le rôle joué ou susceptible d’être joué par les parlements nationaux au sein de l’Union européenne. L’article 12 du TUE reconnaît explicitement que «[l]es parlements nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union» de différentes manières. J’en citerai trois, énumérées dans ce même article:
«a) en étant informés par les institutions de l’Union et en recevant notification des projets d’actes législatifs de l’Union conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne; b) en veillant au respect du principe de subsidiarité conformément aux procédures prévues par le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité; (…) f) en participant à la coopération interparlementaire entre parlements nationaux et avec le Parlement européen, conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne.»
42. Ces dispositions générales présentent un intérêt tout particulier pour les deux domaines d’action qui font l’objet du présent rapport (culture et éducation) et sont d’autant plus pertinentes dans ce cadre que le Traité de Lisbonne, entre autres, en limitant formellement la compétence de l’Union européenne dans les domaines de la culture et de l’éducation aux actions visant à encourager, appuyer et compléter celles des Etats membres, reconnaît le rôle fondamental des parlements nationaux en leur qualité de décideurs politiques et de législateurs dans ces deux secteurs. Les parlements nationaux sont bien armés pour préserver la compétence nationale en matière de culture et d’éducation: ils sont habilités à le faire et en ont la responsabilité.
43. Mais la question n’est pas tant pour chaque parlement national de protéger les intérêts nationaux de son propre pays et de son domaine de compétence; il s’agit également, et d’après moi principalement, de savoir comment faire bon usage de cette compétence de manière synergique, comment travailler dans le cadre de l’Union européenne afin d’orienter la politique culturelle et éducative au niveau national et européen. C’est pourquoi j’apprécie la référence faite à l’article 12.f du TUE à la coopération interparlementaire et suis d’avis que l’on pourrait faire bien davantage pour améliorer cette coopération dans les domaines de la culture et de l’éducation.

3.3. Promotion des politiques de la culture et de l’éducation par les parlements nationaux dans le cadre du Conseil de l’Europe

44. Au sein du Conseil de l’Europe, les politiques culturelles et éducatives reposent sur un ensemble de fondements communs: la promotion des droits de l’homme, de la citoyenneté démocratique et des attitudes positives en faveur du dialogue et de sociétés inclusives.
45. Pour que les sociétés européennes puissent évoluer, les individus devraient être en mesure de nouer entre eux des relations respectueuses. Or certains éléments de nos sociétés ont tendance à rejeter ceux perçus comme «différents». Ainsi, en raison de la méfiance entre individus de cultures différentes, nous ne tirons pas pleinement profit de la richesse de la diversité.
46. Les politiques de la culture et de l’éducation peuvent contribuer à changer cette tendance et avoir une influence positive sur le processus d’édification d’une société plus cohésive. Nous devons redoubler d’efforts au sein du Conseil de l’Europe et renforcer de concert les programmes qui ont pour objectif d’offrir à nos peuples les éléments indispensables à un «dialogue interculturel» constructif – c’est-à-dire un échange de vues ouvert et respectueux entre des personnes et des groupes de différentes origines et traditions ethniques, culturelles, religieuses et linguistiques, dans un esprit de compréhension et de respect mutuels 
			(18) 
			Voir
point 1.4 du Livre blanc sur le dialogue interculturel «Vivre ensemble
dans l’égale dignité» (2008).. Les parlements nationaux devraient soutenir et encourager davantage une telle évolution.
47. Le dialogue n’est possible et ne peut être effectif qu’à condition qu’il y ait un réel désir et une capacité de s’y engager. Le partage des valeurs universelles défendues par le Conseil de l’Europe en est une condition préalable. «Le dialogue est en effet impossible s’il n’y a pas respect de l’égale dignité de tous les individus, des droits de l’homme, de la primauté du droit et des principes démocratiques. 
			(19) 
			Voir
point 3.4, ibid.»
48. Cependant, nous devrions également nous efforcer d’établir le contact avec ceux qui ne partagent pas nos valeurs – ou, tout au moins, nos opinions politiques. Le pouvoir du dialogue de rapprocher par-delà les différences ne doit pas être sous-estimé. Des conférences internationales réunissant les Etats membres du Conseil de l’Europe et des pays non membres de l’Organisation, dont en particulier des pays musulmans, devraient être régulièrement organisées (à l’instar de la Conférence des ministres responsables de la culture, tenue en 2008 à Bakou (Azerbaïdjan)).
49. L’éducation à la citoyenneté démocratique contribue au développement des compétences favorisant une participation active à la vie sociale et politique, ce qui n’exclut pas nécessairement un engagement dont le seul objectif serait de promouvoir un point de vue personnel. L’éducation aux droits de l’homme peut permettre de comprendre les droits fondamentaux, sans pour autant garantir leur reconnaissance dans la pratique. L’environnement ne sera propice au vivre ensemble dans la dignité qu’à la condition que les individus «aient la volonté de respecter» les droits des autres. Or cette condition présuppose que le respect de la dignité et des droits de l’homme d’autrui soit étroitement lié aux valeurs et convictions personnelles.
50. L’acceptation de la diversité ne va pas de soi. Elle nécessite un engagement actif qui n’est possible qu’à condition de le vouloir. Le fait de porter un regard indifférent sur sa vie, en témoin passif de son propre destin ainsi que de celui d’autrui, empêche le dialogue. Comme l’écrivait Václav Havel, «[l]a tragédie de l’homme moderne n'est pas qu’il en sache de moins en moins sur le sens de la vie, mais que cela ne le dérange presque plus» 
			(20) 
			Lettres à Olga: juin
1979-septembre 1982 (1988), p. 237.. Pour que les hommes commencent à se préoccuper – et à entrer en contact – avec les autres, la première étape consiste à développer au plus tôt les capacités des individus à faire preuve d’empathie. Le développement de telles capacités facilitera «l’établissement de liens de solidarité […] qui à leur tour permettront la cohésion de la société dans son ensemble» 
			(21) 
			«Empathic
education: the transformation of learning in an interconnected world»,
Jeremy Rifkin, <a href='http://chronicle.com/article/Empathic-Education-The/65695/'>http://chronicle.com/article/Empathic-Education-The/65695/</a> [traduction non officielle]..
51. L’éducation et la culture doivent jouer un rôle important en développant des attitudes positives et des capacités telles que l’empathie. Nos sociétés ont besoin de personnes dotées d’une grande ouverture d’esprit, fermement attachées aux valeurs démocratiques et aux droits de l’homme, disposées à interagir de manière constructive et à accepter de se voir opposer des avis différents, capables de porter un jugement critique et d’apprécier ce qui peut rapprocher les gens au lieu d’insister sur les causes potentielles de clivages. Ces compétences fondamentales, transmises par l’éducation et la culture, aideront à relever les défis sociaux, culturels, économiques et environnementaux du XXIe siècle.

3.3.1. Politiques de l’éducation visant à vivre ensemble dans la dignité

52. Le «Livre blanc sur le dialogue interculturel – Vivre ensemble dans l’égale dignité» du Conseil de l’Europe met en lumière l’importance cruciale des compétences interculturelles pour la culture démocratique et la cohésion sociale. La diversité des cultures devrait être prise en compte lors de l’élaboration des politiques éducatives. D’un côté, l’éducation devrait répondre au besoin des membres de communautés différentes de voir leur culture reconnue et respectée dans les processus éducatifs. De l’autre, l’éducation devrait aider les personnes issues de divers milieux culturels à exprimer leur point de vue et à participer à la vie de la société en tant que citoyens responsables.
53. Il convient de pratiquer le dialogue interculturel pour qu’il devienne partie intégrante de la vie quotidienne. Nos politiques éducatives devraient renforcer les possibilités existantes et favoriser le développement de nouvelles possibilités de pratiquer ce dialogue: depuis les échanges au sein de l’école et de la famille jusqu’au lieu de travail, où les équipes sont composées de personnes d’horizons culturels différents, ou encore dans le cadre d’activités sportives où le fait de jouer ensemble devient une expérience interculturelle.
54. «Les compétences nécessaires au dialogue interculturel ne sont pas automatiquement maîtrisées: elles doivent être acquises, pratiquées et entretenues tout au long de la vie» 
			(22) 
			Voir point 4.3 du Livre
blanc sur le dialogue interculturel, op.
cit.; le Livre blanc recommande de ce fait qu’elles fassent partie de l’éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme ainsi que de la formation des enseignants.
55. L’apprentissage et la pratique du dialogue interculturel devraient faire partie du Programme Pestalozzi 
			(23) 
			Le Programme Pestalozzi
(<a href='http://www.coe.int/pestalozzi'>www.coe.int/pestalozzi</a>) est dirigé par le Comité directeur du Conseil de l’Europe
pour les politiques et pratiques éducatives s'appuyant sur un réseau
d’Agents de liaison nationaux dans les 50 Etats signataires de la
Convention culturelle européenne (STE no 18).
Le Programme organise de 30 à 40 formations par an, soit à Strasbourg soit
dans les Etats membres, atteignant un total de près de 1 000 professionnels
de l'éducation directement chaque année. Une série de séminaires
de formation des enseignants sur l'éducation à la citoyenneté démocratique
a été organisée en partenariat avec le Centre européen Wergeland,
basé à Oslo, Norvège (<a href='http://www.theewc.org/'>www.theewc.org/</a>). du Conseil de l'Europe, qui est un programme de formation et de renforcement des capacités s’adressant aux professionnels de l’éducation. Le programme vise à soutenir les Etats membres dans le passage des politiques à des pratiques éducatives en accord avec les valeurs du Conseil de l'Europe. Le Programme Pestalozzi peut aider les professionnels de l’éducation à acquérir des compétences pour s'engager dans le dialogue interculturel et pour faciliter le développement de ces compétences chez leurs élèves.
56. Il convient également de suivre les progrès réalisés en matière d’acquisition des compétences spécifiques au dialogue interculturel; à cet effet, il convient de mettre au point des définitions des compétences spécifiques: «Les autorités publiques compétentes et les établissements éducatifs devraient se servir, autant que possible, des définitions des compétences essentielles à la communication interculturelle pour élaborer et mettre en œuvre les programmes d’enseignement et les filières d’études à tous les niveaux du système éducatif, y compris la formation des enseignants et les programmes éducatifs pour adultes. 
			(24) 
			Voir
point 5.3 du Livre blanc sur le dialogue interculturel, op. cit.»
57. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a proposé que l’Organisation commence à travailler à l’élaboration d’un cadre européen des compétences pour l’éducation à la citoyenneté démocratique, aux droits de l’homme et à la compréhension interculturelle 
			(25) 
			Document de réflexion
SG/Inf(2012)17 présenté lors du Débat thématique du Comité des Ministres:
«Vivre ensemble implique disposer d’un grade de compétences communes
en matière de dialogue interculturel et démocratique ainsi qu’un système
d’attitudes, de comportements et de valeurs communes. Peut-on les
enseigner?», en s’inspirant des travaux déjà réalisés par le Conseil de l’Europe dans ce domaine et en les poursuivant. Il convient de saluer cette proposition. Le cadre européen aiderait les éducateurs dans leur tâche d’évaluation des compétences et d’organisation des activités éducatives afin de garantir une meilleure progression dans le processus d’apprentissage. En se fondant sur ce cadre, les Etats membres pourraient revoir le contenu des programmes d’enseignement nationaux et réfléchir à la conception d’un curriculum européen commun pour l’enseignement primaire et secondaire dans ce domaine.

3.3.2. Politiques culturelles visant à vivre ensemble dans la dignité

58. Dans le rapport «Le droit de chacun de participer à la vie culturelle» 
			(26) 
			Doc. 12815. Rapport de la commission de la culture, de la science
et de l’éducation (Rapporteure: Mme Muriel Marland-Militello, France,
PPE/DC)., nous déclarions que «la dignité et l’intimité de chaque être humain dans sa liberté d'expression, sa liberté de développer son identité, s'expriment à travers les constructions culturelles» et que «le culturel est ce qui donne du sens au tissu social et politique du moment mais aussi ce qui situe l'homme dans le monde» (paragraphe 35). C’est pourquoi, la culture est l’essence même de ce que nous sommes en tant qu’individus et en tant que sociétés.
59. La culture nous distingue les uns des autres 
			(27) 
			Voir Recueil de la
Conférence «La gouvernance culturelle: des challenges aux changements»,
Bled (Slovénie), 11-12 novembre 2011, Editions du Conseil de l’Europe,
p. 11.; mais c’est également elle qui nous lie, car elle est porteuse de valeurs qui rapprochent les individus. C’est bien souvent grâce à la culture que nous engageons le dialogue en premier lieu. Les activités culturelles favorisent la découverte d’expressions culturelles diverses et contribuent ainsi à la compréhension mutuelle et au respect 
			(28) 
			Voir
point 4.4 du Livre blanc sur le dialogue interculturel, op. cit.. Les citoyens créatifs, engagés dans des activités culturelles, produisent de nouveaux espaces et possibilités de dialogue. La musique, l’art et la danse peuvent également s’avérer de puissants outils d’éducation interculturelle; apprendre à apprécier différentes formes d’expression de la créativité devrait faire partie de la découverte de l’autre.
60. La conférence 2011 du groupe de réflexion CultureWatchEurope du Conseil de l’Europe sur le thème de «La gouvernance culturelle: des challenges aux changements», organisée en coopération avec le ministère slovène de la Culture, a avalisé six principes fondamentaux qui doivent régir la conception et la mise en œuvre de la politique culturelle. Quatre de ces principes sont particulièrement pertinents s’agissant du débat sur le dialogue interculturel: la culture au service des droits fondamentaux et de la démocratie; le soutien aux œuvres créatives et imaginatives; la liberté d’expression culturelle et de circulation des œuvres d’art; le soutien aux artistes et aux acteurs de la culture 
			(29) 
			Voir
Recueil de la Conférence «La gouvernance culturelle: des challenges
aux changements», op. cit..
61. L’échange de bonnes pratiques et le réexamen des politiques dans les Etats membres du Conseil de l’Europe sont un bon point de départ pour progresser dans ces domaines. Le Compendium des politiques et tendances culturelles en Europe est un outil fort utile à cet égard. Il aborde les questions prioritaires et les défis politiques du moment dans les domaines suivants: droits culturels et éthique; diversité culturelle; dialogue interculturel; rôle des différents partenaires dans un système de gouvernance en évolution; soutien à la créativité; participation à la vie culturelle; aspects économiques, juridiques et éducatifs des politiques culturelles; coopération culturelle internationale 
			(30) 
			Le
Compendium des politiques et tendances culturelles en Europe est
un outil de référence unique sur les politiques culturelles européennes
et un système d’information et de suivi en ligne disponible sur <a href='http://www.culturalpolicies.net/'>www.culturalpolicies.net/</a>..
62. Le Compendium est un système d’information et de suivi en ligne des politiques culturelles en Europe, régulièrement mis à jour. De nouveaux indicateurs et données sont régulièrement introduits pour suivre les développements politiques, les normes et les tendances. Des experts nationaux mènent des études et rédigent des profils de pays, y compris des chapitres sur les objectifs et principes généraux de la politique culturelle, les processus de décision et l’administration, les questions d’actualité s’agissant de l’élaboration de la politique culturelle et du débat y afférent, les principales dispositions juridiques dans le domaine culturel, le financement de la culture, les institutions publiques et les infrastructures culturelles, et les politiques spécifiques destinées à encourager la créativité et la participation.
63. L’Index des Cités interculturelles 
			(31) 
			Le programme Cités
interculturelles est une initiative conjointe entre le Conseil de
l'Europe et la Commission européenne. Voir la page principale du
projet: <a href='http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/cities/default_FR.asp'>www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/cities/default_FR.asp</a>?, et la méthodologie (en anglais uniquement): <a href='http://www.culturalpolicies.net/web/files/178/en/methodological_overview.pdf'>www.culturalpolicies.net/web/files/178/en/methodological_overview.pdf</a>. du Conseil de l'Europe est un outil supplémentaire qui peut aider les membres des parlements nationaux à faire des choix éclairés en ce qui concerne les politiques éducatives et culturelles. L'Index des Cités interculturelles est une référence pour les politiques de diversité au niveau local, qui peut être adapté afin d'évaluer les politiques de diversité au niveau national.
64. Les parlements nationaux devraient exploiter les outils disponibles au plan européen, tels que le Compendium des politiques et tendances culturelles en Europe et l’Index des Cités interculturelles du Conseil de l’Europe, dans leurs travaux relatifs à la politique culturelle. Ce Compendium peut fournir des idées quant aux actions à entreprendre pour développer des politiques culturelles visant à vivre ensemble dans la dignité. Il peut également mettre en lumière des domaines où il faudrait agir plus énergiquement. A titre d’exemple, l’analyse des priorités montre que très peu de pays citent le dialogue interculturel parmi leurs priorités nationales dans le domaine de la culture 
			(32) 
			Autriche, Azerbaïdjan,
Roumanie, Suède, Ukraine, <a href='http://www.culturalpolicies.net/web/files/93/en/2011_MON_Policy_Priorities.pdf'>www.culturalpolicies.net/web/files/93/en/2011_MON_Policy_Priorities.pdf</a>. Des actions spécifiques des parlements nationaux peuvent aider à réviser les priorités politiques pour placer le dialogue interculturel au premier plan.
65. Le dialogue interreligieux est un élément constitutif du dialogue interculturel: nos politiques devraient également prendre en considération la nécessité d’encourager les communautés confessionnelles à s’engager activement dans la promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit dans une Europe multiculturelle 
			(33) 
			Voir point 3.5 du Livre
blanc sur le dialogue interculturel, op.
cit.. Dans mon rapport sur «La dimension religieuse du dialogue interculturel», qui a mené à l’adoption par l’Assemblée de la Recommandation 1962 (2011), je soulignais qu’il était indispensable que les personnes de toutes les convictions et de toutes les visions du monde, qu’elles soient religieuses ou non, acceptent d’intensifier le dialogue en s’appuyant sur l’affirmation commune de l’égale dignité de toutes les personnes et sur l’adhésion sans réserve aux principes démocratiques et aux droits de l’homme. Ce sont là deux conditions essentielles pour développer une nouvelle culture du vivre ensemble.
66. L’Assemblée a appelé à une série d’actions spécifiques. Elle a recommandé par exemple «aux autorités publiques aux niveaux local et national de faciliter les rencontres organisées dans le cadre du dialogue interreligieux ainsi que d’encourager et de soutenir les projets développés en commun par plusieurs communautés, y compris avec les associations humanistes et non religieuses, qui visent à consolider les liens sociaux (…)» 
			(34) 
			Recommandation 1962
(2011) sur la dimension religieuse du dialogue interculturel, paragraphe
12.. De plus, l’Assemblée a recommandé «aux Etats et aux communautés religieuses de reconsidérer ensemble, sur la base des orientations données par le Conseil de l’Europe, les questions de l’enseignement du fait religieux, de l’enseignement confessionnel et de la formation des enseignants et des ministres du culte ou cadres religieux, en suivant une approche holistique» 
			(35) 
			Ibid.,
paragraphe 13.. Elle a par ailleurs invité les Etats «à se donner les moyens nécessaires pour passer des déclarations aux réalisations sur le terrain» 
			(36) 
			Ibid.,
paragraphe 15.. Nous devrions donner suite à ces recommandations dans nos parlement nationaux, en commençant par établir une liste donnant une vue d’ensemble des actions entreprises pour renforcer le dialogue interculturel et pour planifier les actions futures.
67. Les parlements devraient créer un cadre institutionnel et juridique offrant toutes les conditions requises pour la démocratie culturelle et le dialogue interculturel. Ce cadre devrait bien entendu inclure une législation antidiscrimination complète et prévoir la création d’organes indépendants chargés de contrôler sa mise en œuvre effective, mais également comporter une culture démocratique bien établie au sein de l’ensemble des autorités publiques et des administrations (notamment, mais pas seulement, celles œuvrant dans les domaines de la culture et de l’éducation). Ces dernières devraient s’en tenir à une stricte neutralité lorsque des questions culturelles et religieuses sont en jeu, mais faire également preuve de sensibilité et répondre aux attentes d’une population culturellement diversifiée.
68. En conclusion, j’aimerais souligner que les parlements nationaux doivent jouer un rôle essentiel dans la formulation des futures politiques culturelles et éducatives et pour obtenir l’adhésion aux décisions politiques dans ces domaines.

3.4. Rôle spécifique de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

69. L’Assemblée parlementaire joue un rôle déterminant en promouvant des politiques culturelles et éducatives qui reflètent les valeurs prônées par le Conseil de l’Europe et en dispensant des orientations sur les améliorations à apporter à la législation nationale pour traiter des questions brûlantes dans ces domaines.
70. En notre qualité de membres de l’Assemblée parlementaire, nous avons le devoir de sensibiliser nos parlements nationaux respectifs à l’importance de l’éducation et de la culture, notamment en diffusant des informations sur les activités du Conseil de l’Europe. Il nous appartient, en tant qu’organe parlementaire paneuropéen, d’assurer la visibilité dans nos pays de nos travaux conjoints. De plus, notre Assemblée pourrait mettre en œuvre une série d’actions pour soutenir le développement des politiques de la culture et de l’éducation:
  • offrir des services consultatifs aux parlements nationaux et à leurs commissions, notamment sur la base des résultats des exercices de suivi gouvernementaux et parlementaires;
  • sensibiliser aux politiques et aux initiatives du Conseil de l’Europe, en les décrivant en des termes plus faciles à comprendre et à accepter par les parlements nationaux;
  • faciliter les échanges d’expériences entre les commissions de la culture et de l’éducation des divers parlements nationaux;
  • organiser des sessions d’information (séminaires, tables rondes, conférences, etc.) pour les parlementaires, le personnel des commissions et d’autres agents parlementaires (y compris le personnel des groupes politiques parlementaires);
  • aider à la création de services de documentation et de recherche parlementaires dans le contexte du renforcement des capacités des parlements, en favorisant la libre circulation de l'information, des connaissances et données, par le recours aux outils et sources d’information existants du Conseil de l’Europe.
71. L’Assemblée parlementaire devrait encourager la mise sur pied d’un projet collaboratif entre le secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe et la Commission européenne. Gardant à l’esprit qu’aux termes des articles 165.3 et 167.3 du TFUE, l’Union européenne et ses Etats membres sont appelés à favoriser la coopération avec le Conseil de l’Europe dans les domaines de la culture et de l’éducation, le Conseil de l’Europe devrait s’employer de façon proactive à renforcer cette coopération.
72. L’Assemblée devrait saluer les programmes conjoints existants dans ces domaines, depuis les programmes nationaux 
			(37) 
			Par exemple, le programme
conjoint «Education à la citoyenneté démocratique et aux droits
de l’homme en Turquie» (2011-2014, total: 5,8 millions d’euros)
et le Projet conjoint Union européenne/Conseil de l’Europe «Soutien
à la promotion de la diversité culturelle au Kosovo» (2009-2012,
total: 2,5 millions d’euros). [Toute référence au Kosovo dans le
présent document, qu'il s'agisse de son territoire, de ses institutions
ou de sa population, doit être entendue dans le plein respect de
la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'Organisation des
Nations Unies, sans préjuger du statut du Kosovo.] et régionaux 
			(38) 
			Par
exemple, un programme pour l’Europe du Sud-Est «Processus de Ljubljana
II: Réhabiliter notre patrimoine commun» (2011-2014, total: 500 000
euros). jusqu’aux programmes thématiques paneuropéens 
			(39) 
			Par exemple, le programme
conjoint «Médiation interculturelle pour les communautés roms» (2011-2012,
total: 1 million d’euros), le programme conjoint «Itinéraires culturels
européens» (2011-2013, total: 300 000 euros), et le programme conjoint
«Cités interculturelles» (2011-2013, total: 666 000 euros)., et préconiser la mise en place d’un nouveau programme paneuropéen visant à mettre en pratique les recommandations du Livre blanc sur le dialogue interculturel «Vivre ensemble dans l’égale dignité» et la Recommandation 1975 (2011) de l’Assemblée «Vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle: suites à donner au rapport du Groupe d’éminentes personnalités du Conseil de l’Europe». Par ailleurs, des programmes spécifiques à certains pays, consacrés à l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme, sur le modèle de celui destiné à la Turquie, pourraient être envisagés pour d’autres pays d’Europe, voire au-delà.
73. L’Assemblée devrait également nouer des contacts plus étroits et travailler en collaboration avec le Parlement européen dans ces domaines. Je pense que l’Assemblée est bien placée pour devenir le centre de la coopération interparlementaire européenne en matière de culture et d’éducation.
74. Enfin, les débats sur les politiques nationales de la culture et de l’éducation et leur coordination informelle doivent être renforcés au sein de l’Assemblée parlementaire.

4. Conclusions: Vers un renforcement des politiques de la culture et de l’éducation en Europe

4.1. Promouvoir des politiques de la culture et de l’éducation qui favorisent la citoyenneté démocratique et le dialogue interculturel

75. Les politiques culturelles et éducatives sont essentielles pour préserver nos valeurs fondamentales communes, à savoir les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit, et jouent un rôle capital dans l’instauration d’une société où règne la cohésion et où les citoyens vivent ensemble dans la dignité. L’éducation et la culture sont les fondements mêmes de la participation des citoyens.
76. Les politiques de la culture et de l’éducation devraient être conçues:
  • pour garantir à tout un chacun des possibilités d’éducation appropriées et promouvoir activement la participation à la vie culturelle;
  • pour susciter un profond attachement aux valeurs démocratiques et aux droits de l’homme et développer la capacité des individus à faire des choix de manière responsable et en exerçant leur esprit critique;
  • pour valoriser l’interculturalité et promouvoir une attitude positive vis-à-vis de la diversité, renforçant ainsi les possibilités de dialogue interculturel et encourageant les échanges culturels et éducatifs par-delà les frontières, en supprimant les obstacles administratifs à ces échanges;
  • pour favoriser la créativité et l’innovation (individuelles et collectives) et sensibiliser à la nécessité d’une exploitation durable des ressources dans le cadre de nos économies mondiales.
77. Dans cette perspective, les programmes et projets visant à promouvoir une culture démocratique, le dialogue interculturel et l’éducation aux droits de l’homme et à la citoyenneté démocratique devraient continuer de bénéficier de notre soutien et faire partie des priorités du Conseil de l’Europe. Les parlements pourraient en particulier inviter les gouvernements à faire rapport sur les actions entreprises pour mettre en œuvre le Livre blanc sur le dialogue interculturel «Vivre ensemble dans l’égale dignité» (2008), lancé par les ministres des Affaires étrangères du Conseil de l’Europe lors de leur 118e session ministérielle, et la Recommandation 1975 (2011) de l’Assemblée «Vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle: suites à donner au rapport du Groupe d’éminentes personnalités du Conseil de l’Europe».
78. Par ailleurs, l’Assemblée devrait se féliciter de la proposition du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’engager des travaux sur un cadre européen des compétences pour l’éducation à la citoyenneté démocratique, aux droits de l’homme et à la compréhension interculturelle et devrait suggérer de les intégrer au programme d’activités de l’Organisation pour la prochaine période biennale.
79. Les parlements devraient exploiter les outils disponibles au plan européen, par exemple le Compendium des politiques et tendances culturelles en Europe et l’Index des Cités interculturelles du Conseil de l’Europe, dans leurs travaux politiques, et notamment lors de la définition des politiques et stratégies culturelles visant à vivre ensemble dans la dignité.
80. Une attention particulière devrait être portée à l’introduction de l’apprentissage et de la pratique interculturels dans les programmes de formation initiale et continue des enseignants et des éducateurs, ainsi que dans les programmes de formation continue des enseignants menés par le Conseil de l’Europe, par exemple le programme Pestalozzi.

4.2. Renforcer le rôle des parlements nationaux et de l’Assemblée parlementaire dans l’élaboration des politiques éducatives et culturelles

81. Les parlements nationaux devraient réaffirmer leur attachement à la culture et à l’éducation en tant que piliers essentiels de nos régimes démocratiques. Ils devraient ouvrir à nouveau un large débat sur ces politiques et encourager la participation des citoyens au débat et la contribution des acteurs concernés aux réformes des politiques. Dans les domaines de la culture et de l’éducation, les politiques devraient mieux concilier la nécessité d’apporter des réponses appropriées aux besoins à court terme et les perspectives à long terme: les parlements devraient proposer une vision et une stratégie cohérente. La législation proposée devrait reposer sur une approche plus globale accordant l’attention voulue aux multiples défis et au contexte mondial.
82. Les parlements devraient également être mieux équipés pour exercer leur fonction de contrôle, notamment en étant mieux informés par les gouvernements et en entretenant des contacts étroits avec les parties prenantes concernées des secteurs de la culture et de l’éducation, en particulier avec les organisations de la société civile.
83. Les parlements devraient renforcer la coopération interparlementaire aux plans régional et européen, ainsi que la coopération entre les parlements nationaux, d’un côté, et le Parlement européen (s’agissant des Etats membres de l’Union européenne) et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, de l’autre.
84. Les délégations nationales auprès de l’Assemblée devraient être encouragées à mettre en place, dans leurs parlements respectifs, les dispositions nécessaires pour informer de manière adéquate les commissions parlementaires compétentes sur les activités du Conseil de l’Europe dans les domaines de l’éducation et de la culture. Elles pourraient établir une liste de contrôle et fixer une feuille de route pour la mise en œuvre des instruments politiques adoptés au niveau du Conseil de l’Europe.
85. Notre Assemblée devrait créer de nouvelles possibilités de dialogue avec les parlements nationaux (leurs commissions compétentes), en veillant à défendre la responsabilité politique des parlements nationaux dans les domaines de la culture et de l’éducation et à renforcer la visibilité des travaux de l’Assemblée et du Conseil de l’Europe et leur impact sur l’élaboration des politiques nationales. Outre les conventions applicables du Conseil de l’Europe 
			(40) 
			La Convention de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales (STE no 5,
1950), et, plus précisément, son Protocole no 1 (STE no 9,
1952) (article 2 du Protocole); la Convention culturelle européenne (STE no 18,
1954); la Convention européenne relative au statut juridique des
travailleurs migrants (STE no 93, 1977)
(en particulier les articles 6, 14 et 15); la Charte européenne
des langues régionales ou minoritaires (STE no 148,
1992); la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
(STE no 157, 1995) (en particulier les
articles 6, 12, 13, 14, 15 et 17); la Charte sociale européenne
(révisée) (STE n° 163, 1996) (en particulier les articles 7, 10
et 17); la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives
à l’enseignement supérieur dans la région européenne (STE no 165, 1997);
la Convention-cadre sur la valeur du patrimoine culturel pour la
société (STCE no 199, 2005)., l’annexe au présent rapport énumère plusieurs textes adoptés par notre Assemblée ces dernières années et d’autres instruments du Conseil de l’Europe. Nous devrons nous efforcer de mieux faire connaître ces textes et instruments et encourager les parlements nationaux à en tirer un meilleur parti.
86. Enfin, l’Assemblée devrait s’efforcer de renforcer la coopération avec le Parlement européen en matière d’éducation et de culture, en impliquant les commissions pertinentes, et, au besoin, développer des actions communes au plan européen en mettant en avant la dimension européenne des politiques culturelles et éducatives.

Annexe – Instruments récents du Conseil de l'Europe dans le domaine des politiques culturelles et éducatives

(open)

A. Résolutions et recommandations de l’Assemblée Parlementaire (sélection)

  • Education

Résolution 1907 (2012) sur la gouvernance des établissements d'enseignement supérieur dans l'Espace européen de l'enseignement supérieur

Résolution 1906 (2012) et Recommandation 2005 (2012) sur la consolidation et l’ouverture internationale de l’Espace européen de l’enseignement supérieur

Résolution 1904 (2012) sur le droit à la liberté de choix éducatif en Europe

Résolution 1803 (2011) et Recommandation 1965 (2011) sur l’éducation contre la violence à l’école.

Recommandation 1892 (2009) sur la contribution du Conseil de l’Europe au développement de l’espace européen de l’enseignement supérieur

Recommandation 1884 (2009) sur l’éducation culturelle: promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation

Recommandation 1849 (2008) «Pour la promotion d’une culture de la démocratie et des droits de l'homme par l’éducation des enseignants»

Recommandation 1836 (2008) «Exploiter pleinement le potentiel de l’apprentissage électronique pour l’enseignement et la formation»

Recommandation 1720 (2005) sur l’éducation et la religion

En préparation: Jeunes européens: un défi éducatif à relever d’urgence (Rapporteure: Mme Komar) (Doc. 12256)

  • Culture

Recommandation 2001 (2012) sur la protection et la mise à disposition du patrimoine culturel audiovisuel

Recommandation 1990 (2012) sur le droit de chacun de participer à la vie culturelle

Résolution 1883 (2012) sur les cimetières juifs

Recommandation 1975 (2011) «Vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle: suites à donner au rapport du Groupe d'éminentes personnalités du Conseil de l'Europe»

Recommandation 1962 (2011) sur la dimension religieuse du dialogue interculturel

Résolution 1743 (2010) et Recommandation 1927 (2010) sur l’Islam, l’islamisme et l’islamophobie en Europe

Recommandation 1942 (2010) sur la recherche d’un équilibre entre le sauvetage des découvertes archéologiques et les projets d’aménagement

Recommandation 1884 (2009) sur l’éducation culturelle: promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation

B. Recommandations du Comité des Ministres (sélection)

Recommandation CM/Rec (2012)13 en vue d’assurer une éducation de qualité

Recommandation CM/Rec(2011)6 relative au dialogue interculturel et à l’image de l’autre dans l’enseignement de l’histoire

Recommandation CM/Rec(2011)4 relative à l'éducation à l'interdépendance et la solidarité mondiales

Recommandation CM/Rec(2010)7 sur la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme;

Recommandation CM/Rec(2009)7 sur les politiques cinématographiques nationales et la diversité des expressions culturelles

Recommandation CM/Rec(2009)4 sur l'éducation des Roms et des Gens du voyage en Europe

Recommandation CM/Rec(2008)12 sur la dimension des religions et des convictions non religieuses dans l'éducation interculturelle

Recommandation CM/Rec(2007)13 relative à l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'éducation

Recommandation CM/Rec(2007)6 relative à la responsabilité publique pour l'enseignement supérieur et la recherche

Recommandation Rec(2006)5 sur le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la promotion des droits et de la pleine participation des personnes handicapées à la société: améliorer la qualité de vie des personnes handicapées en Europe 2006-2015

Recommandation Rec(2005)13 sur la gouvernance et la gestion du patrimoine universitaire

Recommandation Rec(2003)8 sur la promotion et la reconnaissance de l'éducation non formelle des jeunes

C. Autres instruments

Livre blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel «Vivre ensemble dans l’égale dignité» (2008)

Rapport du Groupe d’éminentes personnalités du Conseil de l’Europe «Vivre ensemble – Conjuguer diversité et liberté dans l’Europe du XXIe siècle» (2011)

Le Compendium des politiques et tendances culturelles en Europe est un outil de référence unique sur les politiques culturelles européennes et un système d’information et de suivi en ligne, disponible sur www.culturalpolicies.net/

Le Programme Cités interculturelles est une initiative conjointe entre le Conseil de l'Europe et la Commission européenne. Voir la page principale du projet: www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/cities/default_FR.asp?

Programme Pestalozzi du Conseil de l’Europe