1. Introduction
1.1. Procédure
1. La proposition de résolution intitulée «Renforcer
l’institution du médiateur en Europe» a été transmise à la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme le 24 juin 2011
. Le 4 octobre 2011, la commission
m’a nommé rapporteur.
2. Les 21 et 22 novembre 2011, j’ai assisté à un séminaire consacré
à «La défense des droits et les bonnes pratiques en matière de gestion
privée des services publics. Le rôle du médiateur» à Barcelone,
Espagne. Ce séminaire, qui était organisé conjointement par l’Institut
international de l’Ombudsman (IIO) et le Cercle d’Economia,
m’a permis d’établir des contacts et d’échanger des idées avec les
médiateurs de différents pays et les membres de leur personnel,
ainsi que d’autres fonctionnaires et des universitaires. Le 25 juin 2012,
la commission a tenu un échange de vues avec le Médiateur européen,
M. Nikiforos Diamandouros. Je tiens à remercier M. Rafael Ribó,
président de l’IIO et médiateur catalan, pour son invitation au
séminaire de Barcelone, et M. Diamandouros pour ses observations
pertinentes sur le rôle et la situation actuelle des institutions
du médiateur en Europe.
3. J’ai également effectué deux visites d’information, l’une
le 17 décembre 2012 à Copenhague, le Danemark ayant été l’un des
premiers pays à établir une institution du médiateur, dont le modèle
a été suivi par bon nombre d’autres pays, et l’autre le 4 avril 2013
en Turquie (Ankara), où l’institution du médiateur n’a été créée
que récemment. A Copenhague, j’ai rencontré le médiateur parlementaire
danois, M. Jørgen Steen Sørensen, et deux directrices adjointes
de l’Institut danois des droits de l’homme, Mme Charlotte Flindt Pedersen
et Mme Louise Holck
. A Ankara, je me suis entretenu
avec M. Mehmet Nihat Őmeroğlu, le médiateur récemment nommé, M. Mehmet
Elkatmiş, son adjoint, M. Kenan Őzdemir, sous-secrétaire adjoint au
ministère de la Justice, ainsi que des députés et des représentants
de la société civile
. Le 16 avril 2013, j’ai aussi rencontré
la médiatrice espagnole, Mme Soledad Becerril Bustamante (
Defensora del Pueblo), et son adjointe
Mme Concepció Ferrer i Casals (
Adjunta
Segunda).
1.2. Rôle et définition
du médiateur
4. La proposition de résolution sus-mentionnée souligne
que les médiateurs tiennent lieu d’intermédiaires entre les particuliers
et l’administration et promeuvent le respect des droits de l’homme
et de l’Etat de droit. La plupart des Etats membres du Conseil de
l’Europe ont mis en place des bureaux de médiateur. Le développement
des services nationaux de médiateurs, auxquels est assignée une
mission étendue de protection des droits et des intérêts des citoyens,
confirme la tendance à une reconnaissance accrue du fait que, dans
une société démocratique, la loi s’impose à l’administration
. Toutefois, cette tendance
n’est pas suivie dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe,
certains n’ayant pas encore établi de telles institutions ou leur
ayant confié un mandat très restreint. Il serait donc utile d’examiner
de manière plus approfondie les problèmes et défis que rencontrent
les Etats et les institutions du médiateur aujourd’hui en Europe.
A cette fin, je me propose d’étudier plus particulièrement les questions
suivantes: comment garantir au mieux l’indépendance des médiateurs;
le type et l’étendue de leur mandat leur permettent-ils de traiter efficacement
les cas de mauvaise administration et de protéger efficacement les
droits de l’homme; la multiplication de ce type d’institutions,
au niveau régional/local et/ou dans certains domaines de la vie,
a-t-elle un impact négatif sur les médiateurs nationaux (généralistes)
et quelles répercussions la crise économique a-t-elle sur leur mandat
et leur fonctionnement?
5. Aux fins du présent rapport, le terme «médiateur» s’entend
comme une institution chargée d’examiner le cas des particuliers
victimes de la «mauvaise administration». Ce dernier terme regroupe
les actes illégaux et les violations des droits de l’homme, mais
également, par exemple, les retards excessifs, la non-communication
d’informations et l’impolitesse ou l’insensibilité
.
D’après la Commission européenne pour la démocratie par le droit
(Commission de Venise), le modèle le plus souvent suivi est celui
d’un «fonctionnaire indépendant jouant un rôle primordial d’intermédiaire
entre la population et l’administration centrale et locale et ayant
compétence pour contrôler les activités de l’administration grâce
à des pouvoirs d’investigation et d’accès à l’information, ainsi
que pour adresser à cette dernière des recommandations sur la base
du droit et de l’équité au sens large, afin de combattre et de réparer
les violations des droits de l’homme et les cas de mauvaise administration
». Ainsi, dans le présent
rapport, je m’en tiendrai aux caractéristiques de cette institution
telles que décrites par la Commission de Venise, indépendamment
de la diversité des intitulés utilisés dans les Etats membres (par
exemple Défenseur des droits en France,
Difensore
Civico en Italie ou
Defensor
del Pueblo en Espagne).
1.3. Institutions du
médiateur et institutions nationales des droits de l’homme (INDH)
6. La formule d’invention récente «institutions nationales
des droits de l’homme» (INDH) inclut les médiateurs, mais tous les
médiateurs ne sont pas des INDH. Ce terme englobe également les
commissions indépendantes, les instances chargées des questions
d’égalité, les mécanismes d’examen des plaintes contre la police
et les institutions similaires
. Toutes
contribuent à la défense des droits de l’homme; elles ont été mises
en place dans la plupart des pays pour protéger et promouvoir les
droits de l’homme, après l’adoption par l’Organisation des Nations
Unies des «Principes de Paris» en 1993
. Au sein des Nations Unies, la Déclaration
et le Programme d’action de Vienne adoptés par la Conférence mondiale
sur les droits de l’homme le 25 juin 1993 réaffirment le rôle important
et constructif des INDH
. Le 16 juillet 2012, le Conseil
des droits de l’homme a adopté la Résolution 20/14
, dans laquelle il encourage les
Etats membres à «créer des institutions nationales efficaces, indépendantes
et pluralistes pour la promotion et la protection de tous les droits
de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, ou à les renforcer
s’il en existe déjà
».
Concernant plus spécifiquement les Etats membres du Conseil de l’Europe,
la Déclaration de Brighton invitait également les Etats membres
à établir des institutions nationales indépendantes chargées des
droits de l’homme afin d’assurer la mise en œuvre effective de la
Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) au niveau national
. Etant donné que mon mandat ne porte
que sur l’institution du «médiateur», conformément à la proposition
de résolution, je ne traiterai pas des autres types d’institutions
nationales des droits de l’homme dans mon rapport.
2. Histoire
et évolution de l’institution du médiateur
2.1. Le médiateur en
Europe
7. D’après l’Institut international de l’Ombudsman,
il existe aujourd’hui des institutions du médiateur (nationales,
régionales ou locales) dans près de 140 pays à travers le monde
.
Le premier ombudsman (ensuite appelé «Chancelier de la Justice»)
a été nommé en Suède en 1709 par le roi Charles XII et, en 1809, le
Parlement suédois a acquis le droit d’élire un ombudsman parlementaire
indépendant des pouvoirs exécutif et judiciaire, chargé de protéger
les droits des citoyens
; cette mesure a marqué la fin de
la monarchie absolue. Les institutions du médiateur ultérieures
ont été établies en Finlande en 1920, au Danemark en 1955 et en
Norvège en 1962
. Les médiateurs scandinaves
se divisent en deux catégories: le modèle de l’autorité disciplinaire
(modèle suédo-finlandais) et le modèle de la juridiction quasi-administrative
(modèle dano-norvégien), qui s’est étendu à d’autres régions du
monde et que j’examinerai ci-après (voir section 6.1 concernant
ma visite à Copenhague)
. Dans le
premier modèle, le médiateur a une obligation statutaire de superviser
l’application des droits et libertés fondamentaux. Il peut engager
des poursuites pénales ou disciplinaires à l’encontre de fonctionnaires;
il se focalise sur leur comportement et non sur les décisions des pouvoirs
publics
. Dans la
pratique, ces médiateurs ont plutôt tendance à exprimer des critiques
et à formuler des recommandations, sans exercer leurs pouvoirs formels.
La Suède et la Finlande ont également établi diverses institutions
spécialisées, par exemple le Médiateur pour les enfants, le Médiateur
pour l’égalité ou le Médiateur pour la protection des données
.
8. La création de l’institution du médiateur du Danemark et des
institutions similaires dans d’autres pays était une réponse à la
multiplication des fonctions de l’administration publique (notamment
dans le domaine des affaires sociales) après la seconde guerre mondiale
et reflétait le caractère inadéquat du contrôle exercé par le pouvoir
judiciaire
.
9. Au Royaume-Uni, l’institution du médiateur parlementaire a
été établie en 1967, mais ce pays a opté pour un modèle «faible»,
car son médiateur exerce ses activités via le «filtre des députés»
. La France, qui dispose d’un système
bien développé de tribunaux administratifs
, a mis en place en 1973 le Médiateur
de la République, qui était alors nommé par le Conseil des ministres
et auquel l’accès était filtré par les députés. Bien que cette institution
ait évolué ces dernières années
et que le filtre parlementaire
n’existe plus, le Défenseur des droits actuel, consacré par la Constitution
depuis 2008, est maintenant désigné par le Président de la République
sous réserve d’approbation par les commissions permanentes de l’Assemblée
nationale et du Sénat
.
10. Une troisième «vague» d’institutions du médiateur est née
des changements politiques intervenus dans les pays qui sont passés
d’un régime autoritaire à un régime démocratique (au Portugal en
1976, en Espagne en 1981 et en Grèce en 1997)
. L’Espagne a choisi le modèle suédois
«fort» et mis en place des médiateurs régionaux dans les provinces,
du fait de son système fédéral
. En Europe centrale et orientale,
la Pologne a été le premier pays à se doter d’une institution du
médiateur («le Médiateur pour les droits des citoyens» –
Rzecznik Praw Obywatelskich) en
1988
. Celle-ci est basée sur le modèle
«fort»; le médiateur, qui est élu par le parlement et «protège les
droits et libertés de l’homme et du citoyen énoncés dans la Constitution
et d’autres textes de loi
», mène
ses propres enquêtes. Il peut notamment demander l’ouverture de
procédures disciplinaires ou autres, participer aux procédures en
matière civile et administrative avec les mêmes droits qu’un procureur,
ou saisir la Cour constitutionnelle pour contester la constitutionnalité
des lois
.
Le modèle polonais, qui a souvent été cité en exemple
, a été suivi par d’autres pays
de la région, parmi lesquels la Hongrie en 1990 et la Géorgie, la
Lituanie, la Lettonie, la République de Moldova, la Roumanie, la
Fédération de Russie et l’Ukraine dans les années 1990
.
11. Bien que dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe,
les services du médiateur s’inspirent du schéma danois
,
il existe aujourd’hui divers modèles et mandats adaptés aux besoins
propres à chaque pays. Certains services s’occupent des violations
des droits fondamentaux, tandis que d’autres privilégient la mauvaise
administration; certains sont chargés de recueillir les plaintes
et de servir d’intermédiaire entre les citoyens et les pouvoirs
publics, alors que d’autres sont habilités à saisir les tribunaux
. Bon nombre d’Etats membres
du Conseil de l’Europe ont mis en place des médiateurs à l’échelon régional
ou local ou pour un domaine d’activité spécifique (entre autres
Autriche, Belgique, Bulgarie, Grèce, Pays-Bas, Fédération de Russie,
Espagne et Royaume-Uni). Au Royaume-Uni, le gouvernement a institué
en 1967 le Médiateur des services de santé
. Il existe aux Pays-Bas un Médiateur
municipal de la ville d’Amsterdam
. La Belgique compte, en plus de
l’institution du Médiateur fédéral (dotée de deux médiateurs, l’un
néerlandophone et l’autre francophone), un Médiateur de la ville
de Gand, un Médiateur flamand, un Médiateur de la Wallonie, un Ombudsman
de la communauté germanophone et un service du Médiateur de la communauté
française, ainsi qu’un Service de médiation pensions
. Certains Etats membres (par exemple l’Italie
et la Suisse) disposent uniquement de médiateurs locaux et/ou régionaux
.
Dans d’autres Etats membres (par exemple en France et en Ukraine),
le médiateur surveille non seulement l’administration publique en
général, mais également les actes de certaines entreprises publiques
(notamment les entreprises de services publics)
.
12. Certains Etats membres n’ont toujours aucune institution du
médiateur, comme le Liechtenstein (car elle serait trop coûteuse
au regard de la taille du pays, sachant que d’autres mécanismes
de recours sont en place)
. L’Allemagne,
qui dispose d’un système particulièrement solide et accessible de
juridictions administratives, n’a pas de médiateur général mais
certaines instances exercent des activités de médiation, comme la
Haute autorité fédérale de lutte contre les discriminations
, les institutions générales du médiateur existant
dans certains
Länder et les
commissions des pétitions du
Bundestag et
des parlements des
Länder .
2.2. Le droit à une
bonne administration et le Médiateur européen
13. Ces dernières années, le rôle de l’institution du
médiateur s’est étendu, parallèlement à l’émergence du «droit à
une bonne administration», né du souci de garantir l’égalité de
traitement et le droit de l’administré à voir ses affaires traitées
équitablement par les pouvoirs publics. Ce nouveau droit, c’est-à-dire
«le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement
et dans un délai raisonnable» est désormais incorporé dans l’ordre
juridique de l’Union européenne (article 41.1 de la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne
) et doit être respecté par les institutions,
organes et organismes de l’Union européenne. Il comporte: a) le
droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle
qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre;
b) le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans
le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret
professionnel et des affaires; c) l’obligation pour l’administration
de motiver ses décisions (article 41.2). Il comprend également le
droit à la réparation de tout préjudice causé par les institutions
de l’Union européenne ou par leurs agents dans l’exercice de leurs
fonctions, «conformément aux principes généraux communs aux droits
des Etats membres» (article 41.3). La Convention européenne des
droits de l’homme traite de certaines de ces questions dans son article 6,
qui prévoit le droit à un procès équitable, et dans son article 13,
qui garantit le droit à un recours effectif.
14. Depuis 1995, tout citoyen de l’Union européenne peut saisir
le Médiateur européen d’une plainte relative à un cas de mauvaise
administration dans l’action des institutions de l’Union européenne
.
Exerçant ses fonctions en pleine indépendance et impartialité, le
Médiateur européen est élu par le Parlement européen pour enquêter
et faire rapport sur les plaintes déposées par les citoyens de l’Union
européenne
.
A cette fin, les organes et institutions de l’Union européenne
doivent lui communiquer toutes les
informations qu’il demande dans un délai de trois mois. Le Médiateur
formule alors des recommandations et remet un rapport au Parlement
européen et à l’institution, à l’organe, au service ou à l’organisme
concerné. La personne dont émane la plainte doit être informée du
résultat de l’enquête
. Le Médiateur
européen a défini les Principes du service public pour les fonctionnaires
de l’Union européenne, qui incluent l’engagement envers l’Union européenne
et ses citoyens, l’intégrité, l’objectivité, le respect d’autrui
et la transparence
.
15. Grâce au Réseau européen des médiateurs, le Médiateur européen
collabore également avec les institutions nationales et régionales
des Etats membres de l’Union européenne, d’Islande, de Norvège et
des pays candidats, ainsi qu’avec la commission des pétitions du
Parlement européen. Ce réseau, créé en 1996, tient lieu de mécanisme
de coopération pour le traitement des affaires entre les institutions
et de plate-forme de mise en commun de l’expérience, des informations
et des bonnes pratiques, au travers de séminaires et de visites
effectuées par le Médiateur européen dans les différents pays
.
3. L’action de promotion
de l’institution du médiateur menée par le Conseil de l’Europe
– L’Assemblée parlementaire
16. L’Assemblée a déjà souligné l’importance de l’institution
du médiateur dans ses
Recommandations 757 (1975) et
1615 (2003), dans lesquelles elle invitait les Etats membres à mettre
en place une telle institution. La deuxième recommandation mentionne
les 15 caractéristiques essentielles d’un médiateur modèle, qui
sont les suivantes:
- la création
au niveau constitutionnel d’une fonction réservée à une personne
qualifiée et expérimentée,
- la garantie de son indépendance à l’égard de l’objet de
ses enquêtes,
- une procédure exclusive et transparente de nomination
et de révocation par le parlement,
- l’incompatibilité de la fonction avec toute autre activité
rémunérée,
- une immunité personnelle contre toute poursuite relative
à l’exercice de ses attributions officielles,
- la nomination d’un adjoint défini,
- la garantie de moyens suffisants à l’exercice des attributions
conférées à l’institution,
- la garantie d’un accès rapide et illimité à toutes les
informations nécessaires à l’enquête,
- une procédure interne garantissant le respect des normes
administratives les plus exigeantes dans l’activité même de l’institution,
- l’accessibilité au public de l’information relative au
but, à la procédure et aux pouvoirs du médiateur,
- une procédure de dépôt des plaintes facilement et largement
accessible, simple et gratuite,
- la garantie de la confidentialité et, en cas de communication
publique, de l’anonymat des enquêtes,
- la compétence de donner des avis sur des propositions
de réformes législatives ou réglementaires,
- l’exigence que l’administration fournisse des réponses
complètes, décrivant la mise en œuvre des conclusions,
- la présentation par le médiateur d’un rapport annuel au
parlement.
– Le Comité des Ministres
17. Le Comité des Ministres a examiné à plusieurs reprises la
question de la protection de l’administré contre la mauvaise administration,
ce qui a conduit à l’adoption des textes suivants:
- la Résolution 77 (31) du Comité
des Ministres sur la protection de l’individu au regard des actes
de l’administration , qui énumère la liste des
droits individuels des citoyens vis-à-vis de l’administration publique;
- la Recommandation N° R (80) 2 du Comité des Ministres
concernant l’exercice des pouvoirs discrétionnaires de l’administration,
qui complète les principes énoncés dans la Résolution 77 (31) ;
- la Recommandation N° R (85) 13 du Comité des Ministres
relative à l’institution de l’Ombudsman, qui recommande aux Etats
membres de nommer un médiateur au niveau national, régional ou local,
de l’habiliter à engager des enquêtes et à donner des avis sur les
questions afférentes aux droits de l’homme et de renforcer ses pouvoirs
par d’autres moyens, de manière à encourager le respect effectif de
la bonne administration ;
- la Recommandation N° R (97) 14 du
Comité des Ministres relative à l’établissement d’institutions nationales
indépendantes pour la promotion et la protection des droits de l’homme,
qui recommande aux Etats membres d’examiner la possibilité d’établir
des institutions nationales efficaces pour la protection et la promotion
des droits de l’homme, en particulier des ombudsmen;
- la Recommandation N° R (2000) 10 du Comité des Ministres
sur les codes de conduite pour les agents publics ,
qui contient un Code modèle de conduite pour les agents publics;
- la Recommandation CM/Rec(2007)7 du Comité des Ministres
relative à une bonne administration ,
qui synthétise les différents droits reconnus à l’égard des administrations
publiques en un droit à la bonne administration dont elle précise
le contenu dans un Code modèle de bonne administration.
– Le Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe
18. Le mandat du Commissaire aux droits de l’homme prévoit qu’il
coopère avec les institutions nationales du médiateur et facilite
l’exercice de leurs activités
.
Ses recommandations et avis, par exemple, conseillent aux gouvernements
de mettre en place des mécanismes de protection des droits de l’homme
à l’échelon national (c’est notamment le cas de la Recommandation
de 2009 sur les activités systématiques de mise en œuvre des droits
de l’homme au niveau national, du Point de vue de 2006 sur les médiateurs,
principaux défenseurs des droits de l’homme
et
de l’Avis de 2011 sur les structures nationales de promotion de l’égalité
).
Cela dit, le Commissaire n’est pas chargé de l’examen des affaires
ou requêtes individuelles, pour une question de répartition des
compétences avec la Cour européenne des droits de l’homme.
– Le Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux du Conseil de l’Europe
19. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a également réfléchi
au rôle joué par le médiateur dans la défense des droits des citoyens.
En 1999, il a appelé à la création de telles institutions, tant
au niveau national que régional ou local
.
En octobre 2011, il a adopté une résolution et une recommandation
sur «La fonction d’ombudsman et les pouvoirs locaux et régionaux
».
Le Congrès y déplorait d’importantes lacunes à l’échelon local et
régional et préconisait l’augmentation des effectifs et des ressources
des services du médiateur. La recommandation précitée invitait les
Etats membres à veiller à ce que «les services de l’ombudsman soient dotés
de personnels indépendants, impartiaux et compétents, rémunérés
à la mesure de leurs responsabilités et ayant une connaissance des
administrations visées par les plaintes qu’ils examinent» et «soient financièrement
indépendants et disposent de ressources suffisantes pour pouvoir
mener les enquêtes nécessaires au traitement des plaintes
».
– La Commission de Venise
20. La Commission de Venise a publié plusieurs avis et recommandations
sur l’institution du médiateur dans différents pays, y compris des
Etats non membres du Conseil de l’Europe
. Le document établi en 2011 intitulé
«Compilation on the Ombudsman institution»
donne
une vue d’ensemble de ce sujet et contient des lignes directrices
concernant en particulier le statut du médiateur, les caractéristiques
de son mandat, son indépendance budgétaire ainsi que ses compétences
et ses pouvoirs d’investigation.
21. Compte tenu de la variété de textes et de définitions relatifs
aux médiateurs et aux institutions nationales des droits de l’homme,
j’ai décidé de me focaliser dans le présent rapport sur certaines
caractéristiques essentielles de l’institution du médiateur, figurant
dans le document précité de la Commission de Venise, «Compilation
on the Ombudsman Institution» de décembre 2011
:
- Garantie constitutionnelle:
afin de protéger l’institution du médiateur contre les fluctuations
politiques, son existence et les principes fondamentaux de son activité
doivent être inscrits dans la Constitution ;
- Conditions d’exercice de la fonction: elles ne doivent
pas être trop restrictives; la condition première est que le médiateur
soit hautement respecté/tenu en haute estime par le public . Le médiateur «ne doit occuper aucun poste
incompatible avec l’exercice effectif de ses fonctions officielles
ou son impartialité et la confiance du public en celle-ci » (par exemple, il ne devra pas occuper
une autre fonction publique ou être affilié à un parti politique);
- Procédure de nomination: le médiateur doit être élu par
le parlement; si cette procédure fait intervenir un autre organe,
la composition de ce dernier doit être fixée d’avance par la loi,
la procédure doit être transparente et il importe d’obtenir une
majorité qualifiée ou un vaste consensus pour assurer la confiance
du public dans le médiateur ;
- Organisation: «Un médiateur unique peut mieux convenir
à certaines phases du développement démocratique d’un Etat, un système
à plusieurs médiateurs à d’autres .» S’il y a au moins un médiateur adjoint
(par exemple, pour un domaine particulier), la répartition du travail
pourra être précisée dans des règles internes et il conviendrait
que le titulaire de cette fonction soit nommé par le médiateur ou
par l’autorité de nomination sur recommandation du médiateur ;
- Indépendance et statut: bien qu’il n’y ait pas de modèle
européen standardisé s’agissant du statut du médiateur (il est assimilé
à un fonctionnaire ou à un magistrat), celui-ci doit occuper un
rang élevé qui se reflète dans son niveau de rémunération, et jouir
d’une immunité fonctionnelle ;
- Budget: l’indépendance budgétaire de l’institution du
médiateur revêt une importance primordiale et son budget doit être
inclus dans le budget annuel global de l’Etat. La Commission de
Venise a proposé quelques critères pour garantir l’indépendance
budgétaire relative de cette institution: son budget ne pourra être
réduit que par rapport à l’année financière précédente, et uniquement
d’un pourcentage inférieur ou égal aux réductions budgétaires appliquées
aux autres branches du pouvoir, compte tenu d’éléments tels que
l’évolution du nombre de plaintes; le médiateur pourrait également
être autorisé à soumettre ses propres propositions concernant son
budget ;
- Mandat: le médiateur doit avoir compétence pour contrôler
les actes de l’exécutif (hormis pour les questions ayant trait au
fonctionnement interne du gouvernement), y compris du Premier ministre
ou du Président (sauf si les activités de ce dernier sont de nature
politique ou exceptionnelle, par exemple une déclaration de guerre).
Le médiateur doit également avoir le droit de saisir la Cour constitutionnelle relativement
à des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales et
avoir le droit de rencontrer sans entraves et en privé les personnes
privées de liberté. Bien que le médiateur soit principalement chargé
de la «protection» des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
la Commission de Venise a également accueilli positivement les lois
incluant la «promotion» de ces droits et libertés dans le mandat
du médiateur .
Le médiateur doit également bénéficier de pouvoirs d’investigation,
tels que le droit de demander toutes les informations dont il a
besoin à tout organe de l’Etat ou organe municipal et à leurs agents,
le droit d’être reçu sans délai par les chefs d’Etat et autres représentants
de l’Etat et le droit d’enquêter de sa propre initiative sur des
affaires présentant une importance publique particulière ;
- Conditions à observer pour le dépôt de plaintes: le droit
de saisir le médiateur doit être accordé non seulement aux «citoyens»,
mais également à toute «personne» (y compris les étrangers et les personnes
morales) .
4. Les médiateurs
et le système d’accréditation des Nations Unies
22. Bien que mon travail soit axé sur l’institution du
médiateur et non sur les INDH, il peut être utile d’examiner les
«Principes de Paris
» et les travaux
du CIC (Comité international de coordination des institutions nationales
pour la promotion et la protection des droits de l’homme) en matière
d’accréditation des institutions nationales des droits de l’homme,
qui nous fournissent quelques données intéressantes. Le CIC, via
son sous-comité d’accréditation (SCA), accrédite les INDH en conformité
avec les Principes de Paris et réexamine cette accréditation tous
les cinq ans, dans le respect des principes de transparence, de
rigueur et d’indépendance
. Le processus d’accréditation passe
au crible le fonctionnement des INDH dans la pratique
.
23. Les six principaux critères à respecter par une INDH, tels
qu’ils découlent des Principes de Paris, sont les suivants: 1. un
mandat «aussi étendu que possible», reposant sur les normes universelles
en matière de droits de l’homme et comportant la double responsabilité
de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme; 2. l’indépendance
vis-à-vis du gouvernement; 3. l’indépendance garantie par la Constitution
ou par la législation; 4. des pouvoirs d’investigation adéquats;
5. le pluralisme, notamment par la composition, et/ou la coopération
effective; 6. des ressources humaines et financières adéquates
.
Hormis les numéros 1 et 5, ces critères sont conformes aux critères
généraux précités concernant les institutions du médiateur. En ce
qui concerne le critère numéro 1 relatif à la promotion et à la
protection des droits de l’homme, certains médiateurs se sont vu
attribuer de vastes fonctions dans ce domaine (par exemple en Espagne)
en plus de la mission traditionnelle de gestion des plaintes pour
mauvaise administration.
24. Les Principes de Paris définissent les normes minimales à
respecter mais n’imposent pas de modèle ou de structure particuliers
pour les INDH
. Certains
instruments juridiques internationaux, comme le Protocole facultatif
se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(OPCAT) de 2002 ou la Convention des Nations Unies relative aux
droits des personnes handicapées (CRPD) de 2006 font référence à
ces principes tout en exigeant l’établissement d’un «mécanisme indépendant»
pour suivre la mise en œuvre des droits qu’ils contiennent
.
25. D’après le système d’accréditation du CIC, qui inclut trois
types de statuts d’accréditation (A, B et C
), il
y a au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe 11 institutions
du médiateur ayant le statut «A»
– c’est
à dire conformes aux principes de Paris – et six institutions du
médiateur ayant le statut «B», c’est à dire partiellement conformes
à ces principes
. Les institutions suivantes ont
été accréditées dans la catégorie «A»: l’Avocat du peuple de la
République d’Albanie, le Défenseur des droits de l’homme de l’Arménie,
le Commissaire aux droits de l’homme de l’Azerbaïdjan, le Médiateur
de la République de Croatie, le Bureau du défenseur public de la
Géorgie, le Médiateur polonais, le
Provedor
de Justiça portugais, le Commissaire aux droits de l’homme
de la Fédération de Russie, le Protecteur des citoyens de la République
de Serbie, le
Defensor del Pueblo espagnol
et le Commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien.
Figurent dans la catégorie «B»: le Conseil du Médiateur autrichien,
le Médiateur de la République de Bulgarie, le Commissaire parlementaire
hongrois pour les droits civiques, le Médiateur de «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», le Médiateur pour les droits de l’homme
de la République de Slovénie et le Médiateur pour l’égalité de la
Suède. Les seules INDH dotées du statut «C» sont des commissions
ou instituts des droits de l’homme.
26. Il est intéressant de noter que la plupart de ces institutions
se situent dans les pays d’Europe centrale et orientale. En ce qui
concerne la Scandinavie, seul le Médiateur pour l’égalité de la
Suède respecte pleinement les Principes de Paris, bien qu’il y ait
quatre INDH dans ce pays
. Comme l’a
noté l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA)
, en 2012, sur les 27 Etats
membres de l’Union européenne, seuls trois – la Pologne, le Portugal
et l’Espagne – avaient des institutions du médiateur en totale conformité
avec les Principes de Paris c’est-à-dire de manière générale des
institutions uniques, désignées par le parlement et principalement
chargées de la protection juridique individuelle et du traitement
des plaintes pour mauvaise administration
.
27. Le fait que de nombreux Etats au sein du Conseil de l’Europe
n’aient pas de médiateurs accrédités par le CIC ne signifie pas
nécessairement que ces Etats ne disposent pas d’institutions indépendantes
de ce type. Pour diverses raisons, les Etats peuvent ne pas avoir
demandé d’accréditation, ou leurs institutions peuvent ne plus être
accréditées
.
Certains Etats peuvent également avoir une demande d’accréditation
en cours (par exemple le Médiateur chypriote ou le Médiateur parlementaire
finlandais)
.
D’après la FRA, les critères suivants posent des difficultés aux
Etats membres (de l’Union européenne) lorsqu’ils demandent l’accréditation du
CIC:
- leur mandat doit être
adéquat, suffisamment vaste et clair, et couvrir l’ensemble des
droits de l’homme, leur promotion et leur protection;
- ils doivent présenter un degré d’indépendance satisfaisant
vis-à-vis du gouvernement dans la sélection et la nomination des
organes directeurs et dans l’allocation des budgets;
- ils doivent être dotés de ressources suffisantes pour
traiter un vaste ensemble de questions relatives aux droits de l’homme .
28. Dans sa Résolution 20/14 de 2012, le Conseil des droits de
l’homme des Nations Unies s’est félicité qu’un «nombre croissant
d’Etats créent ou envisagent de créer des institutions nationales
pour la promotion et la protection des droits de l’homme conformément
aux Principes de Paris» et a constaté avec satisfaction que les
institutions nationales sont de plus en plus nombreuses à demander
leur accréditation par l’intermédiaire du CIC. Il a également pris
note avec satisfaction des efforts faits par les Etats membres qui
ont accordé à leurs INDH plus d’autonomie et d’indépendance, notamment
en leur conférant des pouvoirs d’enquête ou en renforçant ces pouvoirs.
Il a encouragé les INDH, y compris les institutions du médiateur,
à demander leur accréditation
.
5. Etudes de cas
5.1. Le modèle scandinave
(dano-norvégien): le médiateur parlementaire danois
29. Le médiateur parlementaire danois (
Folketingets Ombudsmand), établi
par un amendement à la Constitution danoise de 1953, est l’une des
plus anciennes institutions du médiateur dans le monde; c’est pourquoi
j’ai choisi d’effectuer une visite d’information dans ce pays. Au
Danemark, il n’y a pas de tribunaux administratifs spécialisés et
le médiateur joue un rôle primordial dans la protection du droit
à une bonne administration
. Cette institution est basée sur le
modèle du «tribunal quasi-administratif (le modèle dano-norvégien)»;
en d’autres termes, elle fonctionne comme un quasi-tribunal chargé
de contrôler les pouvoirs publics et d’évaluer les principes généraux
d’une bonne administration
.
Sa compétence s’étend à tous les domaines de l’administration publique
(article 7(1) de la loi sur le médiateur)
. Les avis du médiateur ne sont pas
juridiquement contraignants mais sont exprimés au nom du parlement
et peuvent énoncer des critiques (ce qui se produit dans 20 % des
cas), formuler des recommandations ou exprimer son point de vue
sur une affaire
.
Le médiateur inspecte un grand nombre d’institutions, comme les
prisons, les établissements psychiatriques et les foyers sociaux
et joue le rôle de mécanisme national de prévention au titre du
Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la
torture (OPCAT)
. Il n’y a qu’un médiateur au Danemark et
la loi interdit d’utiliser cette dénomination pour d’autres institutions/organes.
30. Au cours de ma visite à Copenhague, j’ai rencontré le 5e médiateur
parlementaire danois, M. Jørgen Steen Sørensen, nommé en février 2012,
qui m’a apporté de nombreux éclaircissements sur le fonctionnement
de ses services, sur la procédure de nomination – qui repose sur
un consensus politique – ainsi que sur ses relations avec le parlement.
Ces deux derniers points ne sont que partiellement régis par la loi
et sont le résultat d’un système de coopération informel. Le Parlement
danois (
Folketing) joue un
rôle d’employeur vis-à-vis du médiateur et l’élit à la majorité
des voix après chaque élection générale. Ce poste ne fait pas l’objet
d’un avis de vacance et généralement, sur la base d’un consensus
politique, la commission des questions juridiques du Parlement prend
contact avec des candidats potentiels, qui doivent être politiquement neutres
. Chaque année, le médiateur présente
un rapport annuel au
Folketing.
31. Au cours de ma visite, j’ai salué en particulier la transparence
de cette institution et son accessibilité, les citoyens/requérants
pouvant facilement rencontrer la personne qui s’occupe de leur cas,
voire quelquefois le médiateur lui-même. Nous avons également discuté
de la question de la protection des droits de l’homme: le médiateur
danois, qui n’a pas d’obligation statutaire de protéger les droits
fondamentaux des citoyens, s’est montré plutôt mesuré lorsqu’il
s’agissait d’évoquer les instruments internationaux relatifs à la
protection des droits de l’homme et s’est focalisé sur les droits
fondamentaux garantis dans la Constitution danoise. Cette approche
a fait l’objet de quelques critiques dans la doctrine
.
32. Le médiateur danois reçoit entre 4 000 et 5 000 plaintes par
an (pour environ 5,6 millions d’habitants) et compte près de 100 employés
(dont quelque 60 juristes). Il
n’a pas d’accréditation auprès du CIC et n’en a pas fait la demande
car ce n’est pas une institution nationale des droits de l’homme
chargée de la protection et de la promotion des droits de l’homme,
contrairement à l’Institut danois des droits de l’homme (qui a le
statut d’accréditation «A» du CIC)
.
5.2. L’institution nouvellement
créée du médiateur turc
33. La Turquie a longtemps été le plus grand Etat membre
du Conseil de l’Europe non doté d’une institution de type médiateur.
Une étape importante a été franchie avec la révision constitutionnelle du 12 septembre 2010,
qui a rendu possible la création d’une telle institution, et l’adoption
de la loi sur l’institution du médiateur le 14 juin 2012
.
En juin 2012, le parlement a décidé de créer l’Institution nationale des
droits de l’homme de Turquie.
34. L’institution du médiateur a commencé à fonctionner le 29 mars 2013,
avec un effectif de près de 250 personnes (dont quelque 50 agents
auxiliaires) pour environ 74 millions d’habitants. Au 3 avril 2013, soit
le jour précédant ma visite, ses services avaient reçu près de 300 plaintes.
35. Le médiateur, qui est nommé pour quatre ans, «examine et fait
des propositions concernant l’ensemble des actes, opérations, comportements
et réactions de l’administration, dans un esprit de justice reposant
sur les droits de l’homme, de légalité et de conformité avec les
principes d’équité, par la création d’un mécanisme indépendant et
efficace de réclamation concernant les services publics» (article 1
de la loi sur l’institution du médiateur). Le médiateur et ses adjoints
doivent être indépendants et impartiaux et ne peuvent recevoir d’instructions
des autres autorités
. Toute
personne physique ou morale peut saisir le médiateur après épuisement
des voies de recours internes
.
Lorsqu’il examine les plaintes, le médiateur peut demander tout document
aux autorités compétentes, nommer des experts et entendre des témoins;
son enquête doit être finalisée dans un délai de six mois
.
A l’issue de son travail d’enquête, le médiateur peut formuler des recommandations
aux autorités compétentes. Chaque année, le médiateur présente un
rapport annuel au parlement, par l’intermédiaire de la commission
mixte composée de membres de la commission des pétitions et de la
commission d’enquête sur les droits de l’homme
.
36. Bien que ces mesures aient été accueillies avec satisfaction
par le Conseil de l’Europe
, des controverses sont nées autour
de la personne nommée par le Parlement turc en tant que premier
médiateur turc, M. Mehmet Nihat Őmeroğlu, en raison de ses prétendues
relations proches avec les cercles gouvernementaux
et de sa participation, en tant
qu’ancien juge de la Cour de Cassation, à la confirmation en 2006
de la condamnation de l’écrivain arménien Hrant Dink pour «dénigrement
de l’identité turque»
. La désignation
de ses adjoints, dont la plupart auraient également – c’est ce qui
a été souligné – des liens étroits avec le parti au pouvoir, le
parti AKP, a également été critiquée
.
Toutes ces préoccupations ont été soulevées par les représentants
de la société civile que j’ai rencontrés à Ankara et qui se plaignaient
de l’instrumentalisation de cette institution par le gouvernement.
Il convient également d’ajouter que notre collègue de l’Assemblée,
Mme Josette Durrieu (France, SOC) a affirmé dans son très récent
rapport sur «Le dialogue postsuivi avec la Turquie» que ces problèmes
«risquent quelque peu de compromettre la crédibilité de cette nouvelle
institution, ce qui serait extrêmement dommageable
».
A ce propos, il est intéressant de noter que bien que l’article 10
de la loi sur l’institution du médiateur contienne un certain nombre
de conditions que doivent remplir le médiateur et ses adjoints,
y compris une liste des infractions pénales pour lesquelles ils ne
doivent pas avoir été condamnés, aucune référence n’est faite au
critère de «l’autorité morale» contenu dans les lois pertinentes
de certains pays
.
37. Au cours de ma visite à Ankara, j’ai rencontré M. Őmeroğlu,
M. Mehmet Elkatmiş, l’un des cinq médiateurs adjoints, ainsi que
M. Mustafa Tutulmaz, Secrétaire général du service du médiateur.
J’ai été accueilli chaleureusement par son cabinet. Nous avons eu
un échange de vues ouvert et constructif sur les possibilités d’amélioration
du fonctionnement du service et j’ai formulé quelques propositions
en ce sens. J’ai également exprimé des préoccupations concernant
l’étendue du mandat du médiateur (il n’était pas clair pour moi
dans quelle mesure il inclut les actes des forces militaires et
la loi en exclut les actes du Président
), l’accès
à cette institution (bien qu’il soit possible de déposer une plainte
en ligne, la majeure partie de la population turque, en particulier
dans les zones rurales, n’a pas accès à internet; il est également
possible de porter plainte via les services des gouverneurs des
provinces ou des districts, mais je suis d’avis que cela décourage
les requérants potentiels; le médiateur m’a informé que les plaintes
peuvent également lui être adressées par courrier), le caractère
politique de la procédure de désignation des cinq médiateurs adjoints
(qui ont été nommés par la commission mixte composée de membres
de la commission des pétitions et de la commission d’enquête sur
les droits de l’homme, et non par la Grande Assemblée elle-même)
et le fait que le
médiateur n’ait pas compétence pour saisir la Cour constitutionnelle
afin de contester la constitutionnalité de dispositions juridiques.
Par ailleurs, je ne voyais pas très bien comment interpréter le
champ matériel de l’article 1 de la loi sur l’institution du médiateur
(par exemple, en ce qui concerne les actes de discrimination) car
d’après les militants des droits de l’homme, ce dernier ne couvrait
pas la protection des droits de l’homme.
38. Bien qu’il soit certainement trop tôt pour évaluer l’efficacité
de cette nouvelle institution du médiateur, il est utile de rappeler
que dans sa
Résolution 1925
(2013) du 23 avril 2013, l’Assemblée a invité le Parlement turc
«à réévaluer les critères de sélection et d’élection du médiateur
et de ses adjoints pour garantir la crédibilité et l’efficacité
de cette institution nouvellement mise en place et son financement».
6. Nouveaux défis
pour l’institution du médiateur
6.1. Obligations découlant
de l’OPCAT
39. Le Protocole facultatif à la Convention des Nations
Unies contre la torture (OPCAT), adopté le 18 décembre 2002
,
exige la mise en place d’un mécanisme interne de prévention de la
torture appelé «mécanisme national de prévention» (MNP): bien souvent,
les institutions du médiateur exercent cette fonction, en totalité
ou en partie. Dans la région du Conseil de l’Europe, c’est le cas
dans 21 Etats membres, à savoir l’Albanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan,
la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la République tchèque, le Danemark,
l’Estonie, la Géorgie, la Hongrie, le Luxembourg, le Monténégro,
la Pologne
, la République de Moldova, la Serbie,
la Slovénie, l’Espagne, la Suède, «l’ex-République yougoslave de
Macédoine» et l’Ukraine
.
40. Outre la question du financement, le fait d’assumer cette
mission supplémentaire, qui implique d’effectuer des visites régulières
dans tous les lieux de privation de liberté, peut poser des difficultés
à ces institutions. Il faudra peut-être que les médiateurs, qui
se consacrent principalement au traitement des plaintes pour mauvaise
administration, orientent leurs activités vers les droits de l’homme
et privilégient une approche multi-disciplinaire et préventive
.
6.2. Obligations découlant
de la législation anti-discrimination
41. D’autres tâches peuvent être confiées aux médiateurs
en vertu des instruments juridiques européens de lutte contre la
discrimination. Le droit de l’Union européenne – et plus particulièrement
la Directive sur l’égalité raciale
, la Directive sur l’égalité
entre hommes et femmes en matière de biens et services
et la Directive sur
l’égalité entre hommes et femmes
–
demande expressément aux Etats membres de l’Union européenne d’établir
et de mettre en œuvre des mécanismes de suivi pour la promotion
de l’égalité de traitement sans distinction fondée sur le genre
ou l’origine raciale ou ethnique
. Par conséquent, certaines INDH,
y compris des médiateurs, ont été chargées de la promotion de l’égalité
de traitement
. Tel est le cas en Autriche, en
Croatie, à Chypre, en République tchèque, en France, en Grèce, en
Lettonie et en Pologne. D’autres Etats ont mis en place de nouveaux
organes spécialisés (y compris des médiateurs) à cette fin (par exemple,
le Commissaire pour l’égalité entre hommes et femmes ou l’égalité
de traitement en Estonie et le médiateur pour l’égalité en Suède).
42. Ces obligations découlant du droit de l’Union européenne sont
conformes à celles issues des recommandations de la Commission européenne
contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe,
bien que ces dernières ne soient pas juridiquement contraignantes
et ne concernent que la discrimination raciale. Les Recommandations
de politique générale n° 2
et n° 7
recommandent la création d’organes
nationaux spécialisés et indépendants pour lutter contre le racisme
et la discrimination raciale au niveau national.
6.3. Multiplication
des institutions du médiateur
43. Comme l’a fait observer l’Agence des droits fondamentaux,
certains pays sont dépourvus de médiateurs accrédités par le CIC
mais disposent d’institutions du médiateur chargées du traitement
des cas de mauvaise administration et d’une multitude d’autres organes
dotés de mandats différents, axés sur des thèmes, des droits ou
des groupes cibles spécifiques: il y a alors un risque de chevauchement
des mandats, surtout s’il n’y a pas de coordination entre ces organes
. Cela pourrait créer de la
confusion chez les requérants potentiels quant aux recours disponibles
et constituer une entrave majeure à la protection effective des
droits de l’homme. Au Royaume-Uni, par exemple, où il y a cinq institutions
du médiateur, les chevauchements superflus et la complexité du secteur
des médiateurs ont été critiqués
.
44. Un autre problème est lié à l’externalisation et à la privatisation
des services publics; celles-ci aboutissent à la création de médiateurs
du secteur privé, ce qui brouille un peu plus encore le paysage
des institutions du médiateur. Tel a notamment été le cas au Royaume-Uni
avec la privatisation de secteurs tels que l’approvisionnement en
eau et en électricité et les télécommunications dans les années 1980
et la mise en place de systèmes privés de règlement des conflits
(comme le médiateur privé pour les télécommunications et l’énergie
ou le dispositif d’arbitrage en matière de communication et de services
internet). D’autres pays ont fait de même; par exemple, un médiateur
de l’énergie a été créé en Belgique et il existe des «médiateurs»
pour la protection des consommateurs au Danemark. Dans ce contexte,
il peut s’avérer encore plus difficile pour les citoyens de trouver
le moyen de recours approprié; de plus, ces organes de règlement
des conflits étant souvent financés par le secteur privé lui-même,
on peut s’interroger sur leur indépendance. Sans entrer davantage
dans les détails de ce problème, qui touche à des questions plus
complexes concernant la protection du consommateur, je partage l’avis
du médiateur des services publics du Pays de Galles, M. Peter Tyndall,
selon lequel les médiateurs des services publics devraient conserver
leur compétence dans de tels cas
.
6.4. L’impact de la
crise économique sur les institutions du médiateur
45. Dans sa
Résolution 1651
(2009), l’Assemblée a examiné les conséquences de la crise
financière mondiale et s’est dite préoccupée par ses conséquences
économiques sur «les conditions de vie des citoyens européens et
du reste du monde, avec des répercussions qui risquent à terme de
saper les fondements mêmes de la démocratie
». Il va sans dire que les
fondements de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de
l’homme seraient également touchés si le rôle du médiateur venait
à être diminué par des mesures d’austérité. Comme l’a souligné le
Conseil des droits de l’homme de l’ONU dans sa Résolution 20/14
de juillet 2012, «l’importance de l’indépendance financière et administrative
et de la stabilité des institutions nationales de défense des droits
de l’homme» est essentielle pour la promotion et la protection des
droits de l’homme
.
46. Le problème des effets de la crise économique et des mesures
d’austérité sur le fonctionnement des INDH est suivi de près par
M. Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe. Au cours de ses réunions avec les représentants des
INDH en 2012, M. Muižnieks s’est «inquiété face à la diminution
des ressources financières et humaines des INDH et à leur fusion
pour constituer des entités plus grandes» et a «recommandé aux gouvernements
d’associer les INDH à toutes les phases du processus budgétaire
afin d’ajouter une perspective “droits de l’homme” aux mesures de
lutte contre la crise
».
47. En mai 2012, le Commissaire aux droits de l’homme a indiqué
qu’en Grèce, en Irlande, en Lettonie et au Royaume-Uni, par exemple,
les institutions nationales des droits de l’homme ont vu leur budget
ou leurs effectifs diminuer et que dans des pays comme l’Espagne
ou la République slovaque, des bureaux de médiateurs régionaux ou
des services décentralisés ont dû fermer
. Il craignait notamment que les réductions
budgétaires touchant les différentes INDH n’aient un effet particulièrement
dommageable sur les groupes les plus vulnérables comme les enfants,
les personnes âgées, les personnes handicapées, les Roms, les migrants,
les demandeurs d’asile et les réfugiés.
48. A la suite de sa visite au Portugal en mai 2012, le Commissaire
aux droits de l’homme a noté que le médiateur portugais n’avait
pas été «touché de manière disproportionnée par les mesures d’austérité»,
que ses services continuaient à «remplir efficacement» leur mandat
et qu’ils
n’étaient pas confrontés à une restructuration ou à une fusion avec
d’autres institutions
.
De même, au cours de mes visites à Copenhague et Ankara, les médiateurs
danois et turc m’ont assuré que leurs institutions n’étaient pas
concernées par les compressions budgétaires, ce qui est un bon signe.
A ce propos, je tiens à encourager les gouvernements et les parlements
à poursuivre dans cette voie en dépit des difficultés économiques.
Au cours de ma visite à Ankara, je me suis dit préoccupé par le
fait que les fonds destinés à la première année d’activité du médiateur n’étaient
pas inclus dans le budget général, mais dans le budget de réserve,
en dépit des garanties financières prévues par la loi
: j’espère que
cette mesure n’était que provisoire.
49. Il convient également de souligner que les institutions du
médiateur peuvent être sous-financées par rapport aux nouvelles
tâches qui leur sont confiées du fait de leurs obligations internationales
– par exemple celles découlant de l’OPCAT, qui les oblige à mettre
en place un mécanisme national de prévention – ou des règlements
de l’Union européenne relatifs à l’égalité de traitement. Tel a
été le cas, par exemple, du médiateur polonais, auquel le parlement
n’a pas accordé des fonds suffisants à cette fin en 2011 et 2012
. En France, la fusion en 2011 des
quatre instances, le Médiateur de la République, le Défenseur des
enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et
pour l’égalité et la Commission nationale de la déontologie de la sécurité
en un Défenseur des droits a entraîné la mise en commun de leurs
budgets sans augmentation des ressources pour la nouvelle autorité
.
7. Conclusion
50. En dépit de leur hétérogénéité, les institutions
du médiateur présentent des caractéristiques communes dans tous
les pays et ordres juridiques, notamment leur indépendance et leur
impartialité. Le médiateur doit être libre d’examiner toute question
relevant de sa compétence, de recueillir des informations sans avoir
à demander l’approbation des autorités, et ses services doivent
être dotés de ressources financières adéquates pour garantir un
traitement gratuit, rapide et efficace de toutes les plaintes, n’exigeant
qu’un minimum de formalités Dans son point de vue de 2006, M. Thomas
Hammarberg, ancien Commissaire aux droits de l’homme, a affirmé
que «le médiateur doit être au-dessus de toute politique partisane
et n’accepter d’instructions de personne (...) Ce principe doit
être garanti par la loi et orienter la façon dont les titulaires
du poste sont nommés
».
Il a indiqué clairement que les médiateurs ne peuvent obtenir des
résultats notables que lorsque leur intégrité est respectée par
le pouvoir en place, car l’application des droits de l’homme reste une
question de volonté politique.
51. Comme l’a souligné M. Diamandouros, Médiateur européen, au
cours d’un échange de vues avec la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme en juin 2012, la capacité des institutions nationales
des droits de l’homme et des institutions du médiateur dépend du
degré de mise en œuvre de l’état de droit et du fonctionnement des
institutions démocratiques. Au début des années 1990, bon nombre
de pays postcommunistes ont créé des institutions du médiateur sur
la base du modèle nordique, qui existait alors depuis près de deux
siècles. Cela dit, lorsque la Suède ou la Finlande ont établi leur
institution du médiateur, le contexte était différent, ce qui explique
pourquoi leurs médiateurs pouvaient par exemple poursuivre des juges,
ce qui ne serait pas possible aujourd’hui dans un Etat où l’Etat
de droit est encore fragile. La situation de l’Etat de droit a donc
un impact considérable sur l’efficacité de l’institution du médiateur:
on ne peut renforcer la seconde sans consolider la première. Il
convient également de garder à l’esprit que les considérations de droits
de l’homme étaient au cœur des processus de création des institutions
du médiateur en Europe centrale et orientale ainsi que dans les
anciens pays totalitaires comme la Grèce, le Portugal ou l’Espagne.
Par conséquent, lorsque l’on examine l’évolution de ces institutions
dans les pays qui ne les ont mises en place que récemment (parmi
lesquels la Turquie), il faut tenir compte de la situation générale
de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme qui
y prévaut.
52. Cela ne signifie pas pour autant que la situation des institutions
du médiateur en Europe occidentale est idéale. Le mandat de certains
médiateurs reste limité. Ainsi, au Royaume-Uni, il n’y a pas d’accès
direct au Commissaire parlementaire: toute plainte adressée à cette
institution doit en premier lieu être présentée à un député, qui
peut à son gré la transmettre au Commissaire parlementaire
. En France, la procédure de désignation
du Défenseur des droits par le président de la République peut susciter
des craintes quant à son indépendance. Enfin, plusieurs grands pays,
comme l’Allemagne ou l’Italie, n’ont pas d’institutions nationales (généralistes)
du médiateur. Il conviendrait de tenir compte des divers ordres
et traditions juridiques, et notamment de la position et de l’efficacité
de la justice (administrative), d’où la nécessité d’appliquer les normes/recommandations
européennes ou internationales de manière flexible.
53. Bien que tous les médiateurs ne soient pas des INDH, les chiffres
relatifs à la mise en place de ces dernières reflètent quelques
tendances intéressantes. Comme cela a été illustré précédemment,
le nombre d’institutions du médiateur accréditées par le CIC reste
très faible dans la zone géographique du Conseil de l’Europe, en
dépit des efforts de la communauté internationale pour promouvoir
le concept d’INDH et les Principes de Paris. Dans son rapport de
2010 sur les INDH dans les Etats membres de l’Union européenne
, l’Agence des droits fondamentaux
a conclu que ces institutions ne bénéficiaient pas d’un appui politique suffisant
dans tous les Etats membres. Elle a constaté:
- qu’elles manquent d’indépendance et d’efficacité (à la
lumière des Principes de Paris);
- que l’existence, dans de nombreux Etats membres, de plusieurs
organismes publics indépendants compétents en matière de droits
de l’homme contribue à une dispersion des ressources et à des lacunes dans
les mandats;
- que leurs mandats limités, ne couvrant pas l’examen des
plaintes des particuliers, affaiblissent souvent leur crédibilité.
54. Ces conclusions doivent être prises en considération lorsque
l’on effectue une analyse approfondie de la situation des médiateurs
en Europe. La prolifération des organes de type médiateur reste
une tendance (en dépit de certaines évolutions inverses, comme en
France); elle s’explique principalement par la multiplication des
organes spécialisés dont la création est requise par les traités
internationaux de droits de l’homme (par exemple l’OPCAT) ou d’autres
instruments juridiques. Or, cela peut brouiller le «paysage des
médiateurs» et décourager les plaignants potentiels de faire usage
des recours existants, bien qu’une telle tendance négative puisse
être enrayée par une coordination régulière et renforcée entre ces
institutions. Par ailleurs, la concentration de ces missions supplémentaires
au sein d’une même institution du médiateur qui s’occupait jusqu’alors
du traitement des plaintes pour mauvaise administration risque de
surcharger cette dernière, en particulier si les ressources sont
insuffisantes.
55. Les mesures d’austérité prises en temps de crise économique
peuvent frapper les institutions du médiateur dans tous les Etats
membres du Conseil de l’Europe et je souscris aux conclusions de
la Conférence de Wellington de l’lIO de novembre 2012, lesquelles
s’opposent à toute restriction financière qui limiterait l’indépendance
du médiateur et «restreindrait sa capacité à protéger les droits
fondamentaux de tous
». En période
de crise économique, le médiateur est le mieux placé pour protéger
les personnes vulnérables, qui sont souvent en conflit avec l’administration
publique sur les questions d’emploi ou les questions sociales; son rôle
est donc crucial pour la protection des droits fondamentaux.
56. Les institutions du médiateur ont également des obligations.
Afin de préserver leur crédibilité, elles doivent être réactives,
respecter les délais prévus par la loi et être accessibles à toute
personne ayant une réclamation à faire. Une bonne coopération avec
la société civile et les médias, en particulier pour les institutions
du médiateur nouvellement créées, est également nécessaire pour
accroître leur visibilité et les rendre plus accessibles aux citoyens.