1. Contexte et
portée du présent rapport
1. Le présent rapport se fonde sur deux propositions
de résolution: «Les vols de la honte en Europe» (
Doc. 12926), déposée par Mme Strik et
plusieurs de ses collègues le 25 avril 2012, et «Retours effectifs
et équitables des migrants en situation irrégulière et des demandeurs
d’asile déboutés» (
Doc.
12771), déposée par M. Clappison et plusieurs de ses collègues
le 22 septembre 2011. Les deux propositions mettent en lumière la
nécessité d’évaluer la dimension des droits de l’homme du renvoi
de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile déboutés
dans leurs pays d’origine.
2. Les troubles géopolitiques à l’échelle mondiale, l’instabilité
économique, les taux de chômage élevés et le nombre sans cesse croissant
de personnes s’efforçant d’atteindre l’Europe, que ce soit pour
y trouver asile ou du travail, sont autant de défis importants auxquels
l’Europe est confrontée. Selon l’Agence européenne pour la gestion
de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des
Etats membres de l’Union européenne (Frontex), le nombre de franchissements
illégaux des frontières détectés est passé de 104 000 en 2009 à
141 000 en 2011. L’afflux massif de migrants met à l’épreuve la
gestion du contrôle des frontières des Etats et rallonge la durée
de traitement des décisions d’octroi d’un droit de séjour ou de
rapatriement des intéressés, faisant ainsi peser de fortes pressions
sur le système.
3. En 2012, près de 300 000
ressortissants de pays tiers en séjour
irrégulier ont reçu l’ordre de quitter le territoire d’un Etat membre
de l’Union européenne
. 159 490 personnes ont effectivement été
rapatriées. Parmi elles, 82 630 ont été renvoyées de force
.
Malheureusement, il est très difficile d’obtenir des informations
précises sur les chiffres exacts, les Etats membres de l’Union Européenne
ne souhaitant pas communiquer les informations correspondantes.
4. Les opérations d’éloignement se font par voie maritime, terrestre
ou aérienne et relèvent de la responsabilité de chaque Etat membre
et des autorités chargées de les exécuter. La pratique suivie pour
les opérations de retour varie selon les pays. La plupart du temps,
les retours sont organisés et exécutés par les forces de police
, ou
dans d’autres cas par les gardes-frontières
ou les employés
d’une société privée, comme par exemple au Royaume‑Uni. Depuis 2004,
Frontex s’est chargée d’organiser des opérations conjointes de retour
forcé, suite à la décision du Conseil du 29 avril 2004
.
5. Ces retours, qui impliquent plusieurs pays, destinations et
rapatriés, posent un problème particulier dans la mesure où il est
très difficile de déterminer à quel pays incombe la responsabilité
de l’éloignement et de ses différentes étapes. Les normes générales
et les dispositions en place concernant les éloignements forcés
sont jugées, pour l’heure, insuffisantes ou trop peu spécifiques
pour un processus comportant des risques aussi importants. Malgré
de récents efforts de coopération
, il n’existe aucune
harmonisation des procédures d’éloignement.
6. De nombreux exemples montrent que beaucoup de ces retours
ne se passent pas dans les meilleures conditions et que les personnes
concernées sont souvent victimes de mauvais traitements, qui ont,
dans quelques rares cas, entraîné la mort.
7. Le présent rapport a pour objet d’analyser le processus de
renvoi des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile
déboutés, et plus particulièrement les normes relatives aux droits
de l’homme en la matière. A cet effet, j’aimerais examiner les différentes
étapes qui jalonnent le processus de retour et les parties impliquées
ainsi que les moyens permettant de s’assurer du respect par les
Etats membres de leurs obligations en matière de droits de l’homme.
Le but ultime est de définir des lignes directrices et des normes communes,
conformes aux valeurs du Conseil de l’Europe, pouvant servir de
recommandations pour garantir un niveau minimum de protection des
rapatriés et des personnes intervenant dans le processus d’éloignement.
8. Afin de dresser un tableau aussi complet que possible de la
situation, j’ai effectué une visite d’information au centre de rétention
de Metsälä, Helsinki (Finlande), rencontré des représentants des
autorités publiques et d’organisations non gouvernementales (ONG)
et organisé une audition sur «Les retours effectifs et équitables
des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile
déboutés: protection des droits fondamentaux et de la dignité des
rapatriés» (Genève, 26 novembre 2012). J’ai également accompagné
un vol de retour forcé d’Helsinki (Finlande) à Istanbul (Turquie),
ce qui m’a permis de voir concrètement comme se déroule une procédure
d’éloignement forcé.
2. Champs
d’application juridique et juridictionnel
9. La procédure d’éloignement est régie par la législation
nationale, le droit de l’Union européenne et le droit international.
Les Etats membres de l’Union européenne sont liés par l’ensemble
minimal de garanties énoncé dans la Directive Retour de l’Union
européenne (2008/115/CE) adoptée en juin 2008 et entrée en vigueur
à la fin de l’année 2010. Les normes des droits de l’homme s’appliquent
également.
2.1. La Directive Retour
de l’Union européenne
10. Le Traité d’Amsterdam confère à la Communauté européenne
le droit de lutter contre l’immigration clandestine, notamment au
moyen de mesures de rapatriement
.
Depuis lors, l’Union européenne a élaboré une politique selon laquelle
l’éloignement de migrants en situation irrégulière et de demandeurs
d’asile déboutés est essentiel pour assurer la crédibilité d’une
législation et d’une politique communes en matière de migration
et d’asile
.
En 2004, l’Union européenne a adopté le programme de La Haye qui
recommande à la Commission «la mise en place d’une politique efficace
d’éloignement et de rapatriement basée sur des normes communes,
afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon
humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux
et de leur dignité»
. En 2008,
elle a adopté la «Directive Retour». L’adoption de ce texte a suscité
beaucoup de critiques, y compris par le Conseil des droits de l’homme
des Nations Unies, quant à la durée de rétention potentiellement
excessive. Toutefois, l’objectif de cette directive, qui est de
créer des normes uniformes régissant la procédure de retour, a été
salué
.
11. La Directive Retour énonce qu’il «est nécessaire de fixer
des règles claires, transparentes et équitables afin de définir
une politique de retour efficace, constituant un élément indispensable
d’une politique migratoire bien gérée»
. L’emploi de mesures
coercitives et les limites à cet emploi sont définis aux articles
8.4 et 8.5. Le placement en rétention ne se justifie que pour préparer
le retour et/ou procéder à l’éloignement (article 15).
12. Le processus d’éloignement, aussi appelé «fin du séjour irrégulier»,
fait l’objet du chapitre II de la Directive. Les Etats membres sont
tenus de prendre une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un
pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. La Directive
a été critiquée à cet égard pour ne pas avoir explicitement mentionné
les obligations relatives aux droits fondamentaux telles qu’énoncées
dans la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5)
.
13. L’article 8.4 dispose qu’il peut être procédé à l’éloignement
mais conformément aux droits fondamentaux et dans le respect de
la dignité et de l’intégrité physique du rapatrié. Avant d’accepter
la Directive, le Parlement européen a tenté d’ajouter à cette disposition
des normes contraignantes supplémentaires et il est fait référence
à la Décision du Conseil 2004/573/CE
relative à l’organisation de vols communs
et à ses orientations communes sur les mesures de sécurité. La nécessité
d’un système efficace de contrôle du retour forcé est également
soulignée, sans que soient toutefois précisés quels sont ou quels devraient
être les mécanismes y afférents
.
14. Plusieurs études sur la politique de retour de l’Union européenne
ont été menées et bon nombre d’entre elles ont souligné que l’objectif
premier était l’efficacité et l’efficience, et non les droits de
l’homme des rapatriés
.
2.2. Le Conseil de l’Europe
15. Le Conseil de l’Europe dispose d’un grand nombre
de textes applicables dans ce domaine. Le premier est l’article 3
de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit
la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.
La Convention européenne pour la prévention de la torture et des
peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE n° 126) et ses
articles 2 et 7 traitent respectivement du droit des membres du
Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants (CPT) de visiter les centres
de rétention et de la possibilité pour ce comité d’effectuer des
visites lorsque les circonstances l’exigent.
16. L’Assemblée Parlementaire a adopté un grand nombre de texte
sur cette question, comme la
Résolution 1788
(2011) sur «Protéger les réfugiés et les migrants en situation
d’extradition et d’expulsion: indications au titre de l’article
39 du règlement de la Cour européenne des droits de l’homme», la
Résolution 1742 (2010) «Les programmes de retour volontaire: un moyen humain,
économe et efficace d’assurer le rapatriement des migrants en situation
irrégulière», la
Résolution
1741 (2010) «Les accords de réadmission, un mécanisme de renvoi
des migrants en situation irrégulière»; la
Résolution 1707 (2010) sur la rétention administrative des demandeurs d’asile
et des migrants en situation irrégulière en Europe, la
Recommandation 1645 (2004) sur l’accès à l’assistance et à la protection pour les
demandeurs d’asile dans les ports maritimes et les zones côtières
en Europe, et la
Recommandation
1547 (2002) sur les procédures d’expulsion conformes aux droits
de l’homme et exécutées dans le respect de la sécurité et de la
dignité.
17. En mai 2005, le Comité des Ministres a adopté les Vingt principes
directeurs sur le retour forcé
, qui trouvent leur origine dans
la
Recommandation 1547
(2002) de l’Assemblée citée ci-dessus. Ce code de bonne conduite
vise essentiellement à regrouper «les diverses directives élaborées
par plusieurs organes du Conseil de l’Europe en un seul texte pragmatique
à utiliser par les gouvernements dans l’élaboration des lois et règlements
nationaux en la matière». Ce texte devait également servir «à l’orientation
des personnes qui prennent une part directe ou indirecte aux mesures
d’expulsion». Les principes directeurs s’appliquent aux procédures
d’éloignement des étrangers dont la présence sur le territoire d’un
des Etats membres du Conseil de l’Europe est irrégulière. Le refoulement
aux frontières ne rentre pas dans leur champ d’application.
18. Le CPT a également élaboré des lignes directrices
sur ce sujet. Conjointement aux
vingt principes directeurs ci-dessus, elles serviront de base aux
normes et lignes directrices communes proposées dans le présent
rapport.
2.3. Autre législation
internationale
19. Dans ce contexte, j’aimerais également rappeler le
Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(OPCAT), adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2002
et entré en vigueur en 2006, qui établit un système de visites inopinées
et non restrictives dans tous les lieux de détention, tout en mettant
plus l’accent sur la prévention que sur la réaction, ainsi que les
conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur
les travailleurs migrants (nos 97 et
143) et la Convention internationale sur la protection des droits
de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
20. Compte tenu de l’objet du présent rapport, il apparaît donc
nécessaire d’examiner tout d’abord le rôle et l’implication des
différentes parties intervenant dans le processus d’éloignement,
le rôle et la responsabilité des Etats de départ et d’accueil, que
ce soit pour le retour par air, par terre ou par mer, et d’examiner
la conformité aux droits de l’homme du traitement des rapatriés
pendant le processus d’éloignement afin de proposer des approches
visant à une harmonisation au niveau européen. Une telle harmonisation
pourrait s’effectuer sous la forme de normes régionales qui couvriraient
notamment la question de la protection des personnes à éloigner
contre les traitements inhumains et dégradants et leur assurerait
ainsi une protection spécifique en tant que groupe vulnérable.
3. Le processus d’éloignement
21. L’éloignement de migrants en situation irrégulière
et de demandeurs d’asile déboutés fait partie intégrante de la politique
de gestion des migrations et du contrôle des frontières propres
à chaque Etat. Toutefois, ces rapatriements doivent se faire dans
le respect des droits de l’homme universels et les personnes concernées
doivent être traitées humainement et dignement.
22. Les personnes en attente ou en cours d’éloignement sont particulièrement
vulnérables et ne sont pas toujours bien informées de leurs droits,
du processus juridique, du système décisionnel et de la culture,
du climat et de la langue du pays où elles sont retenues. Certaines
ont vécu un traumatisme dans leur propre pays ou ont subi un voyage
éprouvant depuis leur pays d’origine, voyage au cours duquel elles
ont pu perdre des proches ou avoir été victimes de l’exploitation
et ont vécu de longues périodes de rétention sans certitude quant
à leur avenir. L’éloignement comprend habituellement trois phases:
la phase préalable au retour, le retour proprement dit et la phase
postérieure au retour. La phase préalable au départ commence dès
lors qu’une décision de retour a été prise par les autorités nationales.
Selon l’article 7 de la Directive Retour, le rapatrié doit disposer
d’un «délai approprié» pour quitter le pays d’accueil. Dans les
Etats non membres de l’Union européenne, la pratique varie selon
la législation nationale en vigueur. Les accords bilatéraux constituent
le mécanisme le plus couramment utilisé pour réglementer la migration,
comme les accords entre la France et le Sénégal, par exemple. Les
Etats membres de l’Union européenne peuvent utiliser leurs propres accords
bilatéraux ou utiliser les accords négociés par l’Union européenne.
3.1. Retours volontaires
23. Les retours volontaires constituent la manière la
plus digne et humaine de renvoyer des migrants. Il est essentiel
pour le respect des droits de l’homme que l’intéressé agisse librement.
C’est également un moyen, pour l’Etat concerné, de réduire les coûts
. Selon un
rapport de l’Assemblée de 2010 sur «Les programmes de retour volontaire:
un moyen efficace, humain et économe d’assurer le rapatriement des
migrants en situation irrégulière», le coût d’un retour volontaire,
y compris l’aide à la réintégration, représente le tiers de celui
d’un retour forcé
. La Directive Retour précise que
l’Etat membre peut accorder à l’intéressé un délai approprié allant
de sept à trente jours pour le départ volontaire à compter de la
date à laquelle la décision d’éloignement a été rendue. Cependant,
d’après la Directive, les Etats membres ne sont pas tenus d’accorder un
tel délai dès lors que la personne constitue un danger pour la sécurité
nationale
.
24. Dans sa
Résolution
1742 (2010), l’Assemblée appelle les Etats membres à recourir davantage
à la pratique des retours volontaires et à coopérer avec l’Organisation
internationale pour les migrations (OIM). Dans sa
Recommandation 1926 (2010), elle recommande au Comité des Ministres d’inviter l’un
de ses comités intergouvernementaux à élaborer des principes directeurs
sur le retour volontaire assisté qui pourraient utilement compléter
les Vingt Principes directeurs sur le retour forcé. Malheureusement,
cette recommandation n’a pas été suivie par le Comité des Ministres.
25. Le recours aux programmes de retour volontaire assisté varie
d’un pays à l’autre. Selon une étude menée en 2011 par l’Union européenne
, l’Allemagne a procédé en 2009 à 17 612
retours forcés et seulement 3 107 retours volontaires. Pour la même
période, la Suisse fait état de 5 421 retours forcés et 1 793 retours
volontaires. En Finlande, 2 411 décisions de retour ont été prises
en 2011 mais 259 retours seulement étaient volontaires
.
26. Conformément à l’objectif du programme mené en 2011 par le
Gouvernement finlandais d’accélérer la procédure de retour des demandeurs
d’asile déboutés, le ministère de l’Intérieur a lancé un projet
visant à consolider le système des retours volontaires et à modifier
la législation en conséquence. Le but est d’offrir aux demandeurs
d’asile déboutés ou aux personnes dont l’asile a été révoqué la
possibilité de rentrer volontairement dans leur pays d’origine ou
de résidence. Les autorités finlandaises ont acquis une certaine expérience
en la matière grâce à un projet mené conjointement par l’OIM et
le Service finlandais de l’immigration.
27. L’OIM apporte chaque année son aide pour quelques 20 à 30 000
retours volontaires par l’intermédiaire de ses programmes d’aide
au retour volontaire et à la réintégration. La réussite de ces programmes
dépend de la coopération des migrants, de la société civile et des
gouvernements des pays hôtes et d’origine
.
28. Dans un entretien accordé au quotidien finlandais suédophone
Hufvudstadsbladet le 30 octobre
2012
, le
directeur du Service finlandais de l’immigration déclarait que les
retours volontaires peuvent constituer une option plus sûre pour
les migrants en situation irrégulière. En effet, lorsque les forces
de police sont parties prenantes, elles remettent automatiquement
le rapatrié aux autorités du pays d’origine. Le système actuel ne prévoit
aucun suivi de la personne une fois de retour. La procédure de retour
volontaire, dont le développement et l’amélioration sont une étape
essentielle dans le respect des droits de l’homme des migrants,
devrait être utilisée à chaque fois que possible.
3.2. Retours forcés
29. Une fois qu’il a été établi que le retour volontaire
n’est pas une option envisageable, la procédure de retour forcé
entre en jeu. L’article 9 de la Directive Retour inclut une disposition
permettant aux Etats membres de reporter l’éloignement en cas de
risque de refoulement, par exemple, ou si l’état physique ou mental
de la personne à éloigner ne le permet pas.
30. Cela ne va cependant pas sans poser de problème. Dans un rapport
de 2011, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne
(FRA) note que face à un migrant faisant l’objet d’une procédure
de retour qui ne peut être appliquée, aucun texte européen, pas
même la Directive Retour, ne prévoit de mécanisme permettant de
mettre fin aux situations de flou juridique résultant d’une «inéloignabilité
acquise»
. Dans ses observations
relatives à une proposition du gouvernement visant à modifier la
loi finlandaise sur les étrangers, la Section finlandaise d’Amnesty
International souligne également le risque de création d’un tel
flou juridique
. Selon
la FRA, «après l’évaluation de la Directive Retour, programmée en
2014, la Commission européenne devrait proposer des amendements
visant à garantir le respect des droits fondamentaux des personnes
non éloignées»
.
31. Le processus d’éloignement varie selon les pays. En Finlande
par exemple, la personne à éloigner est convoquée au commissariat
de police pour y être entendue et permettre aux forces de police
d’évaluer sa situation afin de trouver la procédure la mieux adaptée
à l’objectif visé
. En attendant son éloignement, l’intéressé
est placé au centre de rétention de Metsälä, à Helsinki, qui peut
accueillir 40 personnes ou, à défaut de place disponible, dans un
centre de détention de la police
. Le CPT a
critiqué la Finlande pour sa faible capacité d’accueil
.
Aux Pays-Bas, par exemple, les personnes en attente d’éloignement
sont hébergées dans des centres bien plus grands. En France, en
Belgique, en Allemagne et en Suisse, le centre de rétention est
situé à proximité de l’aéroport. Toutefois, les endroits mis à disposition
pour les personnes en attente d’éloignement sont souvent inadaptés.
Pour exemple, les halles mises à disposition à Genève (Suisse),
où il n’y a pas de salles d’attente et de préparation distinctes,
si bien que l’on ne peut pas séparer les personnes à rapatrier des
autres voyageurs.
32. Les éloignements peuvent être organisés par le pays d’accueil
ou, s’agissant des Etats membres de l’Union européenne, conjointement
sous la forme d’un vol commun, tel que défini dans la Décision du
Conseil 2004/573/CE. Cette dernière énonce les orientations communes
pour la phase précédant le retour, le vol lui-même, la phase de
transit et la phase d’arrivée. Elle comprend également des dispositions
en cas d’échec de l’opération d’éloignement
. La personne à éloigner
est escortée depuis le lieu de rétention jusqu’à ce qu’elle soit
à bord du moyen de transport et reste sous la responsabilité du
pays d’accueil jusqu’à sa remise aux autorités de son pays d’origine.
La phase de transit constitue l’étape la plus critique de la procédure d’éloignement.
C’est généralement à ce moment-là que des cas de mauvais traitements
peuvent se produire.
33. En outre, d’après Amnesty International en Finlande, les cas
d’échec de l’éloignement entraînent des situations à haut risque,
qui devraient être prises en considération dans les normes et lignes
directrices communes sur l’éloignement.
3.2.1. Le recours à la
force et les cas de mauvais traitement
34. Le recours à des mesures coercitives ou de contrainte
est limité aux cas où la personne à éloigner représente un danger
pour elle-même ou pour les personnes intervenant dans le processus
d’éloignement. Les autorités et les agents d’escorte, s’ils ont
reçu une formation adéquate, savent qu’ils sont toujours en position
de force dans les situations difficiles. Selon les lignes directrices
du CPT, le recours à la force et les moyens de contrainte devraient
être limités au strict nécessaire. Pour des raisons de sécurité,
les autorités procédant à l’éloignement peuvent également décider
de séparer des membres d’une même famille.
35. Sans entrer dans les détails, j’aimerais toutefois exposer
brièvement quelques-uns de ces cas. Le premier exemple est le cas
de M. Samson Chukwu, demandeur d’asile nigérian, mort en Suisse
après avoir été maintenu dans une position qui a entraîné une asphyxie.
L’agent de police responsable n’a fait l’objet d’aucune poursuite
pénale. En Allemagne, M. Aamir Mohamed Ageeb, de nationalité soudanaise,
est mort par asphyxie. La police des frontières n’a pas été poursuivie.
En Autriche, M. Marcus Omofuma, de nationalité nigériane, est mort
par suffocation; là non plus, les trois fonctionnaires de police
en cause n’ont pas été inculpés. Récemment, à Zurich, un demandeur
d’asile nigérian est décédé lors d’un retour forcé.
36. En ce qui concerne les autres Etats membres, il est bon de
rappeler que le Royaume-Uni ne dispose d’aucune ligne de conduite
relative au niveau de contrainte à appliquer, ni d’aucun système
de contrôle du recours à la contrainte. J’ai été informée qu’au
total, neuf cas de décès sont survenus lors de procédures de retour
forcé en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en France, en Hongrie,
au Royaume-Uni et en Suisse.
3.2.2. Le contrôle des
retours forcés
37. La présence d’observateurs indépendants tout au long
de la procédure d’éloignement est un bon moyen de prévenir les cas
de mauvais traitements et de veiller à ce que les Etats membres
respectent leurs obligations en matière de droits de l’homme. En
tant qu’organe indépendant du Conseil de l’Europe, le CPT a déjà
contrôlé un vol d’éloignement et a élaboré, depuis 2003, des lignes
directrices pour l’éloignement d’étrangers par la voie aérienne.
38. Au Danemark, c’est l’ombudsman qui est chargé, depuis le 1er avril
2011, du contrôle du renvoi vers des pays tiers de réfugiés qui
séjournent de manière illégale au Danemark
. Le retour forcé peut être
accompagné ou simplement observé. S’il s’agit d’une simple observation,
c’est la police qui escorte le rapatrié. Le contrôle couvre la période
à compter de la décision de renvoi jusqu’à l’arrivée dans le pays
d’accueil. L’Ombudsman s’efforce de veiller à ce que la police respecte
le plus possible les droits de l’homme et ne recoure à la force qu’en
cas d’absolue nécessité.
39. Aux Pays-Bas, où, selon le Conseil néerlandais pour les réfugiés,
les incidents de recours excessif à la force contre les rapatriés
sont rares, une commission indépendante a été créée pour superviser
l’ensemble du processus de retour forcé. Des lignes directrices
ont été mises en place pour identifier les situations où l’usage de
la force est autorisé.
40. En France, les contrôles ont uniquement lieu avant l’expulsion
ou si la tentative d’expulsion échoue en raison d’une intervention
juridique de dernière minute ou parce que le pilote ou l’équipage
d’un vol commercial refuse d’accepter le rapatrié à bord. Dans ce
cas, la personne est renvoyée dans un centre de rétention où est présente
l’une des cinq ONG avec qui le ministère de l’Intérieur a passé
un contrat. Selon France Terre d’Asile (FTA), l’une des ONG agréée
par le ministère, les migrants rapportent souvent un usage excessif
de la force par les escortes policières pendant les tentatives d’expulsion.
41. En Belgique, le contrôle est diligenté par l’Office des Etrangers
du Service public fédéral intérieur et se fait en collaboration
avec les services de police, l’Inspection sociale et le Service
public fédéral des Finances. La plupart du temps, les migrants en
situation irrégulière sont dans des centres fermés où la durée initiale
de la rétention est de deux mois. Cette période peut être prolongée
par le ministre ou son/sa représentant(e). La Belgique dispose de
six centres fermés, dont un situé dans la zone de transit de l’aéroport
de Bruxelles. Les migrants en situation irrégulière qui refusent
de partir de leur plein gré sont escortés par la police jusque dans l’appareil.
La police escorte la personne et monte à bord lorsque cette dernière
a refusé plus de deux fois.
42. En Suisse, selon un rapport de la Commission nationale de
prévention de la torture (CNPT), différentes formes d’entraves sont
utilisées: attache-poignets, attache-chevilles et même, parfois,
un casque de boxe pour une immobilisation totale de l’intéressé,
afin d’empêcher le rapatrié de se blesser.
3.3. Accords de réadmission
43. Les retours forcés sont problématiques dès lors que
le pays d’origine refuse le retour de la personne à éloigner
. Dans une telle situation,
le pays d’accueil est contraint de reprendre la personne. C’est habituellement
le cas lorsque l’identité et la nationalité de l’intéressé n’ont
pu être correctement établies, mais le refus peut également être
fondé sur d’autres arguments. Pour éviter ce genre de situation,
l’Union européenne a signé des accords de réadmission.
44. Les accords de réadmission sont conclus entre l’Union européenne
et des pays non membres de l’Union. Ils établissent clairement les
obligations et les procédures qui incombent aux autorités des pays
non membres de l’Union européenne et des Etats membres de l’Union
européenne et définissent quand et comment réadmettre des personnes
en séjour irrégulier sur le territoire de l’Union européenne
. Ces accords, considérés comme purement
techniques par la Commission européenne, ont cependant des implications
en matière de droits de l’homme
. Par conséquent, après avoir révisé
en 2011 sa politique relative aux accords de réadmission, la Commission
européenne a décidé de formuler à l’intention des Etats membres
un ensemble de recommandations leur rappelant leurs obligations
internationales en matière de droits de l’homme
. Ce faisant,
elle n’est toutefois pas revenue sur son objectif principal, à savoir
l’efficacité des retours
.
45. L’Union européenne a signé des accords de réadmission avec
plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe non membres de l’Union
européenne
.
Cependant, d’après un article sur l’accord de réadmission conclu
entre l’Union européenne et l’Albanie, ces instruments ne contiennent
pas de dispositions suffisantes garantissant la protection des droits
de l’homme des personnes renvoyées. Dans le cas de l’Albanie, les
Etats membres procèdent à des retours alors même que ce pays n’est
pas toujours en mesure de respecter les normes minimales énoncées
dans l’accord. Dans une telle situation, le principe de «pays tiers
sûr» prévaut sur toute considération relative aux droits de l’homme
.
46. Les incidences des accords de réadmission sur les droits de
l’homme constituent un problème que l’Assemblée devra examiner plus
en détail à l’avenir, en particulier en ce qui concerne la pratique.
4. Parties intervenant
dans le processus d’éloignement
47. Au nombre des parties intervenant dans le processus
d’éloignement figurent notamment les personnels d’escorte sous contrat
public ou privé, les organismes de coordination de vols de retour
forcé communs (Frontex), les gardes‑frontières et les forces de
police, le personnel médical accompagnant, les commandants de bord,
l’administration aéroportuaire, les agents des compagnies aériennes
et la police des frontières aux points de débarquement. S’ajoutent
des avocats et des ONG qui apportent une aide ou se chargent de
la procédure de recours contre la décision de retour.
4.1. Personnes à éloigner
48. Le processus d’éloignement est un processus très
difficile pour la personne concernée qui peut souffrir d’un traumatisme
lié en premier lieu à la raison pour laquelle elle a demandé l’asile
ou à son entrée illégale dans le pays. Si la procédure d’asile a
été longue, la personne peut déjà s’être attachée au pays dans lequel elle
réside et même avoir tissé des liens avec d’autres personnes. Lorsqu’une
décision d’éloignement est prise, la personne concernée risque de
devoir attendre longtemps dans un centre de rétention.
49. La personne à éloigner a plusieurs droits, dont l’un des principaux
est celui de faire appel de la décision de retour. Ce droit peut
faire retarder ou reporter le retour, ce qui ajoute au stress que
subit la personne à éloigner, qui est déjà vulnérable. Pour respecter
les droits de l’homme et la dignité de la personne, il importe de
veiller à ce que la procédure de recours soit facilitée et ne se
prolonge pas inutilement.
50. Une fois la décision d’éloignement prise, les autorités compétentes
communiquent à la personne concernée la date et l’heure fixées.
Elles pourraient, pour une raison ou une autre, décider de ne pas
donner ces informations. Le directeur du centre de rétention de
Metsälä et un membre du CPT m’ont confirmé que ces retours, lorsque
la personne concernée connaît la date de son départ bien à l’avance,
étaient généralement plus faciles que ceux dont la date n’était
pas connue. Une norme commune pourrait porter sur la fixation d’un délai
dans lequel les personnes à éloigner seraient informées de la date
de départ
,
ce qui permettrait de procéder aux préparatifs nécessaires au rapatriement.
51. Il importe aussi de noter que certaines des personnes concernées
ont été reconnues coupables d’infractions pénales et que leur expulsion
est prévue par le droit pénal. Ces personnes relèvent de dispositions législatives
différentes de celles applicables au retour des migrants irréguliers.
4.2. Rôle du personnel
d’escorte
52. Le processus d’éloignement occasionne beaucoup de
souffrances et n’est pas sans difficulté, ce qui peut aussi peser
lourdement sur le personnel d’escorte. Il peut arriver, bien que
cela soit rare, que les personnes à expulser soient menaçantes,
d’où des risques pour ceux qui interviennent dans le processus de retour.
Il est déjà arrivé que des personnels d’escorte soient blessés,
parfois même mortellement. A ce sujet, il importe d’insister sur
la nécessité de dispenser une formation et un soutien appropriés
aux personnes associées aux opérations d’éloignement. La Belgique
dispose d’un système de tutorat destiné aux nouveaux personnels
d’escorte et les Pays‑Bas et la France limitent la durée pendant
laquelle une personne peut servir d’escorte.
53. Le Royaume-Uni a confié sa procédure d’éloignement à une entreprise
privée, mais les éloignements sont très souvent organisés par la
police, voire par les gardes‑frontières.
54. Selon les informations que j’ai pu obtenir, des différences
de comportement peuvent être constatées d’un chef d’escorte à l’autre
en ce qui concerne la contention physique complète ou le recours
à des mesures plus souples. En règle générale, ceci dépend de l’expérience
acquise par les chefs d’escorte. Il apparaît ainsi nécessaire d’encourager
les échanges d’informations et d’expériences entre les chefs d’escorte
des différents pays.
55. Certains experts ont critiqué les retours gérés uniquement
par la police. Il importe de veiller à ce que différents professionnels
soient associés à l’ensemble du processus. La Belgique, par exemple,
fait appel à des travailleurs sociaux et à des psychologues, ce
qui pourrait servir d’exemple à d’autres pays.
4.3. Rôle des autres
personnels (personnel médical, commandants de bord, personnel navigant)
56. Tous les organismes de transport ont leurs propres
règles de sécurité. Lors des vols de retour, la sécurité du personnel,
des passagers, des escortes et de la personne à éloigner relève
de la responsabilité du commandant de bord. Si celui‑ci estime que
la personne à éloigner présente des risques, la procédure de retour
peut être interrompue même avant l’embarquement. Il est donc important
d’établir une bonne coopération avec la compagnie aérienne et de
veiller à ce que son personnel soit convenablement formé pour garantir
un retour effectif et équitable. Tout incident qui prolongerait
la procédure d’éloignement est source de stress pour la personne
à éloigner et pour les autorités procédant à l’éloignement.
4.4. Rôle de Frontex
57. L’agence Frontex est chargée de la coordination des
activités des gardes‑frontières pour le maintien de la sécurité
aux frontières extérieures de l’Union européenne. Les Etats demeurent
toutefois souverains dans les décisions portant sur l’octroi de
l’asile et les décisions d’éloignement et sont responsables de la
partie de frontière qui se trouve sur leur territoire. La décision
ultime leur appartient. Frontex a pour mission essentielle d’aider
à garantir des normes communes et un niveau élevé d’efficacité.
Son rôle s’arrête à la frontière.
58. Dans ce contexte, je tiens à saluer M. Mikael Cederbratt pour
son excellent rapport intitulé «Frontex: responsabilités en matière
de droits de l’homme» (
Doc. 13161), dans lequel il fait état des inquiétudes exprimées
en ce qui concerne le respect des droits de l’homme et le manque
de transparence et propose des mesures pour améliorer le contrôle
démocratique exercé par le Parlement européen, ainsi que des formations aux
droits de l’homme pour les personnes participant aux opérations
de l’Agence.
59. Frontex est chargée d’organiser des vols communs de retour
forcé, c’est-à-dire de regrouper sur un même vol des ressortissants
de pays extérieurs à l’Union européenne qui font l’objet de mesures d’éloignement.
Ces personnes sont convoyées vers l’Etat membre chargé d’organiser
le vol où elles embarquent à bord d’un avion et voyagent ensemble
vers l’aéroport de destination qui se trouve dans un pays tiers
. Le vol de retour peut faire de
multiples escales. Frontex sert d’intermédiaire, coordonnant les
autorités nationales qui souhaitent participer à un vol de retour
commun. L’agence ne dispose toutefois pas d’informations sur la
situation des personnes à éloigner. Les données à caractère personnel
qu’elle traite se limitent à celles qui sont nécessaires aux fins
d’une opération de retour conjointe et sont supprimées au plus tard
10 jours après la fin de l’opération.
4.5. Rôle des organismes
de contrôle
60. Le CPT a toujours recommandé la mise en place d’un
système de structures nationales indépendantes pouvant se rendre
régulièrement dans les lieux tels que les prisons ou les commissariats
de police. Avec l’entrée en vigueur, en juin 2006, du Protocole
facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
un regard neuf a été porté sur le contrôle des lieux de détention
et sur la prévention de la torture. Ce traité a donné lieu à la
création du sous‑comité pour la prévention de la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT), qui
dispose de pouvoirs très similaires à ceux du CPT. Cependant, les
Etats qui ont adhéré au protocole sont aussi invités à prévoir,
au niveau interne, des mécanismes nationaux de prévention (MNP)
ayant des pouvoirs de contrôle étendus dans les lieux de détention.
61. C’est ainsi que l’on constate une interaction très positive
entre le CPT et les MNP et, partant, avec le SPT. Les MNP sont souvent
mieux placés pour continuer à observer les procédures d’éloignement
et les conditions dans lesquelles les migrants et les réfugiés vivent
et la manière dont ils sont traités dans les centres de rétention.
62. Depuis 2011, les MNP sont autorisés à accompagner les migrants
en situation irrégulière et les réfugiés pendant le vol, ce qui
leur permet de voir s’ils sont traités avec humanité. Dans le cadre
de son mandat, le CPT a la possibilité d’observer le déroulement
des procédures d’éloignement depuis plus longtemps, mais la première
opération d’observation d’un vol d’éloignement n’a été organisée
qu’en 2012.
63. Toutefois, le travail des organismes de contrôle s’arrête
dès que la personne rapatriée a été remise aux autorités du pays
d’origine. A ce jour, le mandat du personnel d’escorte et des organismes
de contrôle ne va pas plus loin. Il s’agit là d’un vide juridique
à combler, d’autant que le CPT et les MNP ont constaté que les conditions
à l’arrivée pouvaient être pires pour les demandeurs d’asile déboutés
ou les migrants en situation irrégulière que pour les condamnés.
A leur retour, les demandeurs d’asile déboutés sont souvent rejetés
par la population locale et/ou par leur famille et vivent dans un
isolement complet.
64. Des représentants des MNP et de Frontex se sont réunis en
juin 2012 à Belgrade dans le cadre d’un projet conjoint de l’Union
européenne et du Conseil de l’Europe intitulé Projet européen des
mécanismes nationaux de prévention pour discuter du rôle revenant
à chacun dans la lutte contre les mauvais traitements et la torture
lors des éloignements par voie aérienne, maritime ou terrestre.
Cet échange de vues a mis en évidence le rôle de plus en plus important
dévolu par les Etats membres à Frontex, même si les Etats demeurent
souverains en la matière. Ce rôle devient de plus en plus complexe.
Les vols communs soulèvent un certain nombre de questions, portant
notamment sur la responsabilité et le suivi des vols, y compris
le partage des responsabilités entre Frontex et les Etats membres.
Il est vrai que lorsque plusieurs Etats membres sont concernés par
un vol de retour, il est très difficile de savoir qui est responsable
et quel est le pays chargé du contrôle.
65. Compte tenu de ce qui précède, il a été proposé, au cours
de cet échange de vues, d’approfondir la réflexion sur l’établissement
d’une communication entre les différentes parties et son développement,
en proposant notamment de désigner une personne chargée de la communication
pour informer les MNP du pays d’arrivée, à tous les stades et à
tout moment, de la mise en place et de la programmation de vols
communs.
66. En conclusion, il est essentiel que les systèmes de prévention
de la torture prennent le relais au niveau national, notamment en
cas de mauvais traitements répétés ou systématiques, et qu’ils soient
chargés d’effectuer des visites ad hoc et d’assurer un contrôle
des vols communs affrétés par les Etats membres et par Frontex.
4.6. Rôle des ONG
67. Les diverses ONG ont aussi un rôle important à jouer
dans la procédure de retour. Dans de nombreux pays, elles offrent
un soutien à la personne rapatriée sous forme de conseils, de services
d’interprétation et d’assistance juridique. Elles ont souvent des
bureaux régionaux dans les pays d’origine et l’aide qu’elles apportent
après le retour devrait aussi être examinée.
68. Ayant reçu des informations d’ONG, d’avocats et d’autres personnes
au sujet de problèmes éventuels lors des retours forcés au départ
de la Finlande, Amnesty International Finlande a décidé d’étudier
la question plus attentivement. Aucun organe externe n’étant chargé
de contrôler les pratiques et de recueillir systématiquement des
informations sur les éloignements (quoique le médiateur parlementaire
soit en charge des plaintes individuelles), Amnesty a mis en place
un projet visant à réunir des informations en interrogeant des personnes
expulsées après l’échec des procédures d’éloignement les concernant,
ainsi que des avocats et des hauts responsables. Amnesty a ainsi
contribué à la mise en place d’un organe de contrôle externe spécifique
dans ce pays concernant les pratiques d’éloignement. L’ONG a informé
le ministère de l’Intérieur de l’insuffisance du système de suivi
interne des autorités de police en charge des éloignements.
5. Protection des
rapatriés contre les mauvais traitements et la torture pendant le
processus d’éloignement
69. Le présent rapport a pour objet de trouver un point
d’équilibre approprié et proportionné entre les aspects sécuritaire
et humanitaire pour que les personnes à éloigner soient traitées
avec dignité. Dans le contexte actuel, la balance penche malheureusement
le plus souvent du côté de la sécurité, au détriment de la dignité.
Si l’on y ajoute la vulnérabilité des personnes à éloigner et l’absence
potentielle de voies de recours juridiques accessibles et effectives
contre tout mauvais traitement infligé au cours de l’éloignement,
le processus d’éloignement apparaît comme une période à risque
.
5.1. Portée et applicabilité
de normes en matière d’éloignement
70. La portée géographique des normes régionales concerne
l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe et ces normes
devraient s’appliquer à toutes les étapes du processus d’éloignement,
c’est‑à‑dire depuis la prise en charge de la personne à éloigner
au centre de rétention, son transfert vers le point d’embarquement,
le temps passé dans la zone d’attente du port ou de l’aéroport,
l’embarquement à bord de l’aéronef ou du navire, le vol ou la traversée,
jusqu’à la remise de l’intéressé aux autorités du pays de destination.
71. Il en va de même des normes de protection concernant les transports,
qui doivent inclure les éloignements par voie aérienne, maritime
ou terrestre. Pour garantir et renforcer la protection des droits fondamentaux
des personnes à éloigner au cours de la procédure, il apparaît nécessaire
de mettre en place deux grands axes d’intervention, à savoir, la
formulation tout d’abord, de lignes directrices ou de normes régionales
communes sur la procédure d’éloignement et la protection des personnes
à éloigner contre les risques de mauvais traitements ou de torture,
et deuxièmement, le renforcement des mécanismes de contrôle, en
particulier des organismes nationaux mandatés pour surveiller les
risques de mauvais traitements et de torture des personnes privées
de liberté pendant la procédure d’éloignement.
5.2. Normes applicables
à toutes les parties
72. L’analyse des risques effectuée par les autorités
avant que l’éloignement ait lieu détermine la façon dont une personne
est éloignée. La formulation de lignes directrices ou de normes
régionales communes sur le processus de retour forcé et la protection
des personnes à éloigner contre les risques de mauvais traitements ou
de torture serait utile pour toutes les parties prenantes et pour
les organismes qui contrôlent le processus. Cela permettrait d’assurer
la transparence et la cohérence d’une procédure qui, en l’état actuel,
peut donner lieu à des abus. En outre, ces normes seraient uniques,
car elles porteraient sur la privation de liberté, depuis la prise
en charge de la personne au centre de rétention jusqu’à son arrivée
dans le pays d’origine, ainsi que sur la procédure et sur toutes
les questions concernant l’éloignement.
73. Ces normes devraient couvrir toutes les étapes des opérations
simples et conjointes de retour forcé. En tout premier lieu, il
faudrait veiller à obtenir une normalisation des niveaux de risque
et des mesures de sécurité, tels que l’usage de la force, le port
d’armes, etc. Au cours de ma mission d’observation a également été
évoquée la nécessité de procéder à des examens médicaux afin de
vérifier si l’intéressé était apte à prendre l’avion et de prévoir
un matériel médical approprié dans tous les espaces de transport
et zones d’attente utilisés pendant l’éloignement. J’ai également
pu constater que le personnel d’escorte était systématiquement informé
et rendait compte par écrit du déroulement de la procédure, ce qui
suppose un comportement approprié de sa part. A cette fin, il est
essentiel que toutes les parties concernées (personnel d’escorte,
agents des compagnies aériennes, commandants de bord, gardes‑frontières,
équipes de contrôle et équipes opérationnelles) puissent bénéficier
d’une formation portant sur les droits de l’homme, mais également
d’une formation visant à les sensibiliser aux aspects interculturels,
et qu’elles puissent suivre des cours de langues.
74. Un autre élément à prendre en considération et à inclure dans
les normes est celui de la préparation au retour des intéressés.
Il est impératif d’assurer le recours systématique à des interprètes
et de permettre aux personnes éloignées d’informer leur famille
ou leurs amis de leur retour. Il est également important d’accorder une
attention particulière aux groupes vulnérables tels que les enfants
et les femmes. Il convient d’éviter à tout prix de placer des enfants
dans des centres de rétention. D’ailleurs, je me félicite qu’un
rapport sur cette question soit en cours de préparation au sein
de notre Assemblée
.
75. Dans ce contexte, et à la suite d’un échange de vues avec
le CPT, j’ai préparé une liste de procédures et de mesures à observer
pendant les vols communs. Cette liste s’articule autour de quatre
points: avant le vol, dans le centre de rétention; pendant le vol;
et à l’arrivée.
76. Avant le vol, il est important que les personnes qui accompagnent
la personne à éloigner aient autant d’informations que possible
sur le vol, sur la ou les personnes concernées, sachent si le retour
est volontaire ou forcé et soient au courant de la situation et
de l’origine des personnes. A cette fin, des réunions d’information doivent
être organisées avec toutes les parties concernées pour obtenir
toutes les informations nécessaires au sujet de la personne qui
va être rapatriée.
77. Lorsque les parties concernées arrivent au centre de rétention,
l’une des premières actions à entreprendre est de vérifier si la
personne a connaissance de la mesure d’éloignement dont elle fait
l’objet et si elle y consent ou non. Les parties qui l’accompagneront
doivent avoir connaissance de son dossier médical. En l’absence
de personnel médical, des mesures doivent être prises pour obtenir
les informations nécessaires.
78. La personne à éloigner devra récupérer ses effets personnels
et il faudra veiller à ce qu’elle soit informée de la possibilité
de faire recours avant la fermeture définitive des portes de l’avion.
79. La plupart des critiques concernant ces retours conjoints
portent sur la manière dont la personne à éloigner est traitée pendant
le transfert entre le centre de rétention et l’aéroport, voire pendant
le vol. En cas de retour volontaire, la personne devrait être accompagnée,
et ne pas être entravée pendant le transfert ni pendant le vol.
Nous avons malheureusement été informés de quelques cas dans lesquels
la personne avait été entravée, attachée de telle sorte qu’elle
avait du mal à respirer alors qu’elle s’était montrée tout à fait coopérative.
Il en va bien entendu autrement lorsque la personne est éloignée
de force et montre des signes de révolte. Le respect de la dignité
humaine suppose toutefois une attitude et un traitement respectueux
dans tous les cas.
80. Une fois dans l’avion, les personnes accompagnatrices doivent
s’assurer que le bagage de la personne rapatriée est bien dans la
soute. La personne rapatriée ne devrait pas porter de menottes ni
être ligotée, afin d’avoir une certaine liberté de mouvement. Selon
la durée du vol, un repas devrait lui être servi; il convient cependant
de veiller à ce qu’on ne lui donne pas d’eau chaude ou d’aliments
trop chauds si elle se montre très nerveuse ou agressive.
81. A l’arrivée, pour éviter les regards et protéger le mieux
possible la personne rapatriée, il est conseillé de la faire sortir
de l’avion en dernier. Dans certains pays, les autorités viennent
la chercher à bord. Il importe de veiller à ce qu’elle soit bien
traitée au moment où elle est prise en charge. Elle doit être informée
de la possibilité qu’elle a de porter plainte au moment où elle
sort de l’avion si elle le souhaite.
82. Il faut aussi préciser que tout usage de la force pendant
la procédure d’éloignement est synonyme d’échec de la procédure.
Des consignes claires devraient être données pour savoir quand avoir
recours à la force et ce recours ne devrait être autorisé qu’en
cas d’absolue nécessité. Ces consignes ne peuvent toutefois être
appliquées de manière satisfaisante que si le personnel d’escorte
et les parties concernées ont suivi une formation appropriée de
sensibilisation aux risques et aux problèmes.
6. Mise en place d’un
contrôle effectif de la procédure d’éloignement
83. Conformément au droit international, les Etats membres
ont l’obligation de prévenir tout traitement inhumain ou dégradant
par une législation efficace et d’autres mesures nécessaires. Une
mesure de prévention essentielle est le contrôle effectué par les
autorités ayant le droit de priver une personne de sa liberté. A
ce sujet, le CPT a déclaré que les retours forcés constituaient
une grave menace pour l’exercice des droits de l’homme.
84. Il est essentiel de savoir qui est responsable du contrôle
en cas de retour conjoint avec plusieurs escales et qui a le droit
d’intervenir sans enfreindre la loi, notamment en cas de mauvais
traitements flagrants. L’expérience montre que les situations varient
selon les pays, notamment lorsque la personne rapatriée de force
oppose une résistance. Dans la plupart des cas, l’intervention est
confiée à l’administration et à la police. Compte tenu de ces différences,
il est apparu nécessaire de procéder à une harmonisation, par voie
de traité, des mesures de sécurité devant être prises ou autorisées,
notamment lorsqu’il est fait usage de la force.
85. Pour éviter des violations des droits de l’homme pendant les
retours, il est essentiel que les procédures de contrôle soient
indépendantes, neutres et effectives pendant toute la durée du processus.
L’absence d’observateurs indépendants est inquiétante sur les vols
charters où, selon certaines ONG, le niveau de contention physique
est plus élevé que sur les vols commerciaux, car il n’y a pas de
témoins.
6.1. Propositions de
normes pour la procédure de contrôle
86. Dans une publication du 10 novembre 2011 intitulée
«Comparative Study for Best Practice in Forced Return Monitoring»
, le Centre international pour le
développement des politiques migratoires (ICMPD), conjointement
avec la Direction générale de la justice, de la liberté et de la
sécurité de la Commission européenne, examine les bonnes pratiques
en matière de contrôle des retours forcés dans les 27 pays de l’Union
européenne ainsi qu’en Islande, en Norvège et en Suisse. Sur la
base de ses constatations, il formule une série de recommandations
pour la procédure de contrôle. L’étude conclut que le système de
contrôle en place doit satisfaire les conditions minimales et être
effectif et transparent pour garantir un traitement des rapatriés
conforme aux normes nationales et internationales (effectives) en
matière de droits de l’homme (et l’obligation de rendre compte)
.
87. L’étude comprend une série de recommandations pour aider les
Etats membres à mettre en place un système qui tienne compte des
principes susmentionnés:
1) L’organisation chargée du contrôle devrait être différente
des autorités de police.
2) Les personnes chargées du contrôle devraient être automatiquement
informées des opérations de retour imminentes.
3) Les possibilités de financement existantes devraient être
développées au maximum.
4) La coopération entre toutes les parties prenantes devrait
être facilitée et encouragée.
5) Toutes les étapes du retour forcé, de la phase qui précède
le retour à l’arrivée/accueil dans le pays de destination, devraient
faire l’objet d’un contrôle général.
6) Les personnes chargées du contrôle devraient pouvoir décider
des cas à contrôler en fonction de critères convenus.
7) L’observation peut aller au‑delà du contrôle de l’interaction
entre les responsables et les rapatriés pour comprendre d’autres
tâches.
8) Les responsables d’équipes de toutes les parties prenantes
«sur le terrain» devraient être constamment en rapport pour recenser,
prévenir et désamorcer les problèmes, en particulier, mais pas uniquement,
lorsque les personnes chargées du contrôle n’ont pas de pouvoir
d’intervention.
9) Les autorités devraient se servir des rapports de contrôle
comme lignes directrices en vue d’une amélioration systématique.
10) Pour les opérations de retour conjointes:
- La personne chargée du contrôle
devrait être désignée par le pays pilote (ou les pays qui renvoient
le plus grand groupe de personnes par avion). Les opérations de
retour conjointes concernant un grand groupe de personnes devraient
être contrôlées par plusieurs personnes.
- Les personnes chargées du contrôle devraient rédiger un
rapport commun (par opération de retour) qu’ils adresseraient à
Frontex, ce qui aiderait l’Organisation à développer les lignes
directrices et les normes applicables aux opérations de retour conjointes
et permettrait d’évaluer les opérations de retour. Par souci de
transparence, Frontex devrait rendre compte annuellement au Parlement
européen des conclusions dégagées à l’issue du contrôle et des actions
prises.
- A plus long terme, un groupe de contrôle devrait être
créé dans les Etats membres de l’Union européenne, formé à la surveillance
des vols communs conformément aux lignes directrices définies par Frontex
ainsi qu’au droit international des droits de l’homme, aux droits
fondamentaux de l’Union européenne, etc .
88. Selon un rapport de la section finlandaise d’Amnesty
International, il faudrait que la législation nationale définisse
l’objet et le champ d’application du contrôle en indiquant les raisons
de ce dernier et le type d’action que la personne chargée du contrôle
devrait prendre sur la base des constatations. L’organe de contrôle devrait
examiner la légalité du retour et la manière dont les forces de
police respectent ses instructions. Ces observations devraient être
confrontées aux normes, recommandations et bonnes pratiques internationales existantes
. A ce sujet, Amnesty
International Finlande souligne par ailleurs qu’il ne faut pas oublier
qu’il est du devoir des Etats de mettre en place des mécanismes
de contrôle interne efficaces pour prévenir la torture. L’une des
tâches essentielles des organes de contrôle externe devrait être
de s’assurer de l’efficacité des mécanismes de contrôle interne
(vérifiant par exemple l’établissement d’un rapport après chaque
opération d’éloignement et l’analyse régulière de ces rapports par
des hauts responsables et des organes de contrôle).
6.2. Qui devrait être
responsable du contrôle?
89. Au niveau national, les mécanismes nationaux de prévention
de la torture des Etats membres du Conseil de l’Europe et, au niveau
régional, le CPT ont commencé à suivre la question du traitement
des rapatriés pendant le processus d’éloignement pour surveiller
les risques de mauvais traitements ou de torture, conformément à
leur mandat respectif
.
Ces entités ont toutefois un vaste mandat et une zone géographique étendue
à couvrir, c’est‑à‑dire tous les lieux où les personnes sont ou
pourraient être privées de liberté. Le processus d’éloignement est
l’un des nombreux sujets que ces entités doivent traiter. Dans certains
Etats
, des entités de contrôle
supplémentaires ont été désignées dans ce domaine au titre de l’article 8.6
de la «Directive retour», tandis que d’autres Etats ont choisi de
s’en remettre à leurs MNP respectifs pour mener à bien cette tâche.
Il est impératif de consolider les MNP et les entités de contrôle
préventif intervenant à l’échelle régionale et internationale, comme
le CPT et le Sous‑comité de la prévention des Nations Unies (chargé également
de procéder à un suivi dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
qui ont ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants), au moyen de ressources supplémentaires pour leur
permettre de s’acquitter efficacement de cette tâche
sans
nuire à leurs autres missions de surveillance.
90. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de procéder à une
évaluation des coûts en tenant compte des ressources humaines et
financières nécessaires pour assurer un contrôle effectif du processus
d’éloignement. Certains MNP ou autres mécanismes de contrôle sont
souvent empêchés de remplir leur mandat en raison de ce manque de
ressources humaines et financières. Les Etats devraient envisager
la possibilité de remédier à cette situation.
91. Au moment des retours, il devrait incomber à l’Etat prenant
la mesure d’éloignement (en cas de retours simples) et/ou à Frontex
(en cas de retours conjoints) d’informer systématiquement les MNP
des pays de départ et d’arrivée suffisamment à l’avance pour leur
permettre de suivre le déroulement de l’éloignement. En outre, en
cas de vols communs, il est essentiel que les MNP soient informés
des normes de protection, des régimes de sécurité et des stratégies
d’exécution préalablement convenus par les Etats membres et par Frontex
à un stade précoce de la planification pour pouvoir procéder au
contrôle de l’opération d’éloignement.
7. Conclusions
92. La Directive retour de l’Union européenne met l’accent
sur l’efficacité des retours et non sur les droits des rapatriés.
Cette orientation résulte de la politique de gestion des migrations
qui a pour but d’indiquer clairement que les personnes qui entrent
dans l’Union européenne illégalement seront renvoyées. Cela étant, l’efficacité
ne saurait l’emporter sur les obligations des Etats membres en matière
de droits de l’homme.
93. Les systèmes de contrôle variant considérablement d’un pays
européen à l’autre, il apparaît indispensable d’élaborer des normes
communes applicables par tous les Etats ainsi que d’harmoniser la législation
pour le contrôle et les personnes effectuant les contrôles.
94. Le contenu des normes communes (pour les retours forcés simples
et conjoints) pourrait couvrir:
- la
normalisation des niveaux de risque relativement aux opérations
de retours forcés et des mesures de sécurité correspondantes, comme
l’usage direct de la force;
- la priorité systématique aux retours volontaires, par
rapport aux retours forcés, et l’application de normes identiques
quelles que soient les modalités du retour;
- les techniques de contrainte acceptables/inacceptables,
y compris la contention chimique, assorties de garanties;
- le comportement jugé acceptable des personnels d’escorte,
des contrôleurs indépendants et d’autres parties concernées;
- le type de matériel d’escorte autorisé à bord;
- l’établissement de programmes de formation communs pour
les différents intervenants: personnels d’escorte, personnel médical
accompagnant, agents des compagnies aériennes, commandants de bord,
gardes‑frontières, etc., de même que pour les équipes opérationnelles
et les équipes d’observation;
- le caractère approprié de la préparation des personnes
à éloigner avant le retour, par exemple: le recours à des interprètes
pour expliquer la situation; le recours à des médiateurs culturels;
l’information des familles et de la personne placée en rétention
pour éviter tout effet de surprise;
- la sélection appropriée et adéquate du personnel d’escorte:
procédures transparentes et ouvertes; équipes pluridisciplinaires
composées de femmes et d’hommes; personnels d’escorte sensibilisés
aux aspects interculturels et dotés de compétences linguistiques
ou accompagnés d’interprètes; procédures disciplinaires claires
et appropriées pour punir les infractions commises par les acteurs
concernés, etc.;
- l’expertise médicale: examens médicaux systématiques et
indépendants afin de déterminer, au cas par cas, si les personnes
à éloigner sont aptes à prendre l’avion; présence de médecins pour
les accompagner; examens médicaux après tout échec d’éloignement;
tenue de dossiers médicaux sur tous les aspects de santé concernant
l’éloignement; présence d’un matériel médical approprié dans tous les
espaces de transport et de rétention utilisé pendant l’éloignement;
suivi ou contrôle médical;
- consignes claires en cas d’échec de l’éloignement: débriefing
systématique du personnel et des personnes retenues; comptes rendus
écrits; examens médicaux, etc.;
- lignes directrices spécifiques pour l’éloignement d’enfants
et de groupes vulnérables, en particulier les femmes enceintes et
les personnes atteintes de maladies graves.
95. Le CPT et le Centre international pour le développement des
politiques migratoires ont dressé des listes détaillées de critères
pour le contrôle des procédures de retour. Ces listes offrent une
bonne base pour l’harmonisation des procédures. A cet égard, j’aimerais
insister sur l’importance de garantir le même niveau de professionnalisme
quel que soit le pays qui met en place un organe de contrôle. Sur
les vols communs, les organes de contrôle pourraient, par exemple,
comprendre des groupes ad hoc de représentants de différents pays.
96. Les règles harmonisées sur les procédures et les organes de
contrôle pourraient inclure les points suivants:
- les critères susmentionnés tels
qu’ils ont été définis par le Centre international pour le développement des
politiques migratoires;
- toutes les parties devraient garantir la pleine indépendance
des organes de contrôle; à cet égard, il serait important de séparer
le contrôle et l’exécution des procédures.
- les organes de contrôle et leurs observateurs devraient
être informés bien avant les retours et avoir la possibilité de
contrôler toutes les étapes de la procédure, à partir de la décision
d’éloignement;
- les ambassades locales et/ou les ONG ayant des sections
dans le pays d’origine devraient être chargées du contrôle après
l’arrivée de la personne éloignée dans son pays d’origine;
- les organes de contrôle devraient aussi avoir le droit
d’examiner la qualité du contrôle interne des autorités en charge
des retours;
- les procédures à suivre à l’issue d’une mission d’éloignement
menée à bien ainsi qu’en cas d’échec d’une mission, comprenant un
compte-rendu obligatoire.