1. Introduction
1. Par «changement d’affiliation politique postélectoral»,
on entend le fait qu’un parlementaire ou un groupe de parlementaires
change d’affiliation politique au niveau national pendant son mandat
électoral. Ce phénomène, également connu sous l’appellation de «nomadisme politique»,
est courant dans de nombreux parlements d’Etats membres du Conseil
de l’Europe.
2. Le changement d’affiliation politique n’est pas un phénomène
récent; il existe depuis plusieurs décennies dans de nombreux pays
d’Europe et dans le reste du monde. Parfois rare, il n’est jamais
totalement absent et varie dans le temps. Pourtant, malgré l’importance
de ce phénomène sur tous les continents
, il suscite peu
d’intérêt, notamment de la part des acteurs de la vie politique
et parlementaire, de sorte que son ampleur et son intensité restent
sous-estimées
.
3. Lorsqu’ils se produisent, de tels faits soulèvent critiques
et interrogations – notamment sur les plans déontologique et moral
– mettant en cause l’opportunisme politique, la perte de confiance
des citoyens envers la classe politique ou la discipline interne
des partis. Dans un rapport de 2009, la Commission européenne pour la
démocratie par le droit (Commission de Venise) du Conseil de l’Europe
soulignait pourtant l’importance de l’indépendance du mandat des
parlementaires, de la liberté d’opinion et de la liberté de ne pas
être soumis à un «mandat impératif»
. Ces mêmes principes figurent
au nombre des normes promues par l’Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe (OSCE)
, en application des critères de Copenhague.
4. En dehors de ces critiques d’ordre général, le passage postélectoral
de membres de l’Assemblée parlementaire d’un groupe politique à
un autre ou leur retrait d’un parti en vue de siéger en tant que
députés indépendants sont susceptibles d’influer sur l’équilibre
de la représentation politique au sein des délégations nationales
à l’Assemblée.
5. Le Règlement de l’Assemblée (article 6.2.
a) dispose que les parlements nationaux
doivent nommer leurs représentants et suppléants parmi leurs membres
en veillant à la représentation équitable des partis ou groupes
politiques qui y sont représentés. A cet égard, le changement d’affiliation
politique postélectoral peut aussi affecter la composition des délégations
nationales auprès de l’Assemblée parlementaire et servir de fondement
à une contestation des pouvoirs de délégations concernées. La proposition
de résolution renvoyée à la commission du Règlement, des immunités
et des affaires institutionnelles pour rapport suggère donc d’analyser
les raisons qui conduisent au changement d’affiliation politique
ainsi que ses répercussions sur le fonctionnement des parlements
en vue de «compléter les critères posés par le Règlement en ce qui
concerne la représentation équitable des partis ou groupes politiques
au sein d’une délégation nationale»
.
6. Pour obtenir des informations de première main sur les dispositions
et les statistiques existantes concernant ce phénomène, un questionnaire
a été envoyé en novembre 2013 aux correspondants des parlements
nationaux via le Centre européen de recherche et de documentation
parlementaires (CERDP)
. Les questions portaient
essentiellement sur les points suivants: dispositions constitutionnelles,
législatives et réglementaires qui régissent le changement d’affiliation
politique postélectoral, mécanismes de contrôle interne, garanties
existantes au niveau parlementaire, et exemples récents de membres
ayant changé d’affiliation politique au cours de leur mandat et
réaction de l’opinion publique.
7. Quarante réponses au questionnaire ont été reçues émanant
de 36 parlements nationaux
.
Les informations globales et détaillées ainsi obtenues ont permis
de se faire une idée précise sur la façon dont cette question est
gérée en interne, sur les évolutions récentes et sur les principaux
problèmes à résoudre. Ces informations nous permettent en outre
d’examiner si les règles visant à d’assurer une représentation équitable des
partis et groupes politiques au sein des délégations nationales
sont toujours pertinentes.
2. Le phénomène
du changement d’affiliation politique dans les Etats membres du
Conseil de l’Europe
8. Les exemples de changement d’affiliation politique
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe ne manquent pas. Dans
certains pays politiquement instables, on enregistre souvent de
forts pourcentages de changement d’affiliation, par exemple en Grèce
et en Italie, où, entre 1996 et le printemps 2000, un député sur quatre
a changé de parti au moins une fois
; c’est aussi le cas dans les jeunes démocraties
comme la Hongrie, la Roumanie et la République tchèque. Parmi les
exemples récents, citons la Roumanie, où 35 parlementaires ont changé
d’affiliation au cours de l’actuelle législature (soit 8 %), et
la République tchèque, où 12 % de l’ensemble des parlementaires,
soit 24, ont fait de même pendant la législature 2010-2013
. En Ukraine, le phénomène a
pris de telles proportions – 60 % des parlementaires auraient changé
de parti politique au moins une fois entre la 3e et
la 4e législatures (1998-2002 et 2002-2006),
certains ayant même changé de groupe une dizaine de fois – que le
législateur a pris des mesures pour mettre un terme à cette pratique
.
9. A l’inverse, dans les démocraties plus anciennes comme la
Norvège et la Suède, ces événements sont très rares. Ainsi, en Norvège,
les deux dernières législatures n’ont pas connu de changement d’affiliation politique,
tandis qu’en Suède, au cours de la législature actuelle, un cas
seulement a été signalé.
10. On pourrait avancer qu’un Etat est plus ou moins prédisposé
aux changements d’affiliation selon sa stabilité ou instabilité
politique et la force ou la faiblesse de ses institutions. Ces paramètres
peuvent aussi expliquer pourquoi, à la suite d’une période de troubles
internes et de volatilité politique, tel pays jusqu’ici non sujet
à ce phénomène affiche des taux plus élevés de changement d’affiliation
politique. C’est en particulier le cas de la Grèce. Si, dans le
passé, les changements d’affiliation n’y étaient pas très courants,
ils se sont anormalement multipliés en raison de la crise économique
et des tensions qui en ont résulté. Ainsi, depuis le début de la
législature actuelle (à savoir 2012), 15 députés ont déjà changé
d’affiliation. Cela étant, il est peu probable que ce phénomène
se cantonne aux nouvelles démocraties ou aux démocraties faiblement institutionnalisées,
car de nombreux autres paramètres influencent ce choix.
3. Les raisons qui
motivent le changement d’affiliation politique
11. Sur la base des informations réunies, plusieurs paramètres
expliquent la décision de certains législateurs de changer de parti:
considérations idéologiques et électorales, ambition politique,
achat de voix. Autrement dit, ce choix résulte en règle générale
d’interactions de nature stratégique entre les parlementaires, les
dirigeants des partis politiques, les différents partis, les systèmes
législatifs et les systèmes de partis ainsi que l’électorat
.
12. Lorsqu’un membre quitte son parti politique ou en est exclu,
trois choix se présentent à lui: s’inscrire en tant que membre indépendant/non
inscrit, rejoindre un autre groupe politique ou créer un nouveau
groupe. Il va de soi que, au-delà de ce que les règles parlementaires
permettent ou non en la matière (voir chapitre 4), les raisons qui
sont à l’origine de la situation de changement d’affiliation vont
influencer ce choix.
3.1. Raisons idéologiques
13. Dans la plupart des cas, le changement de parti résulte
d’un désaccord avec la ligne, les principes, les valeurs ou le projet
politique du parti, voire le dirigeant du parti. Lorsque le règlement
du parlement ne l’interdit pas, les parlementaires «nomades» seront
alors davantage portés à créer leur propre groupe politique, ou
à rejoindre un autre groupe idéologiquement plus proche.
14. Les exemples suivants illustrent ce constat:
- En 2008, José Paulo de Carvalho,
membre du groupe parlementaire portugais CD-SPP (Centre Démocratique
Social–Parti Populaire), a quitté son groupe en invoquant de profondes
divergences concernant la stratégie politique générale du parti
et la capacité de ce dernier à répondre aux demandes pressantes
de la société. Conformément au règlement de l’Assemblée de la République,
il a par la suite siégé en qualité de membre non inscrit.
- En République tchèque, en 2012, suite à un scandale de
corruption impliquant le chef du parti «Affaires publiques» et à
la sortie du parti de la coalition au pouvoir, 14 membres ont quitté
le groupe parlementaire, certains d’entre eux pour créer un nouveau
parti soutenant la majorité au pouvoir (tout en siégeant à la chambre
en qualité d’indépendants, conformément au règlement).
- En France, la scission du groupe UMP à l’Assemblée nationale
en novembre 2012, suite à la bataille pour la présidence du parti
– 70 membres de l’UMP ont créé un nouveau groupe «Rassemblement-UMP»
(mais ont rejoint à nouveau le groupe UMP en janvier 2013) constitue
un cas à part où il est sans doute moins question d’idéologie que
de divergences personnelles.
- En 2013, trois membres du Parlement andorran ont quitté
le groupe social-démocrate, et on rejoint le «groupe parlementaire
mixte» (c’est-à-dire les non-inscrits), conformément au règlement,
tout en constituant un nouveau parti politique.
- Au Canada, les sept changements d’affiliation au cours
de la présente législature relèvent de divergences idéologiques,
ou d’une réaction à l’encontre d’un dirigeant de parti mis en cause
dans un scandale.
3.2. Exclusion
15. Outre le fait que des législateurs puissent expressément
choisir de changer de parti, le changement d’affiliation peut aussi
résulter de la décision d’un parti d’exclure un ou plusieurs de
ses membres. Cet aspect particulier touche à la réglementation interne
du parti et à ses mécanismes disciplinaires, qui sont activés en cas
de comportement perturbateur, de violation de la discipline du parti,
de désaccord avec la ligne ou le dirigeant du parti, ou de vote
contre la ligne du parti.
16. Le 2 juin 2011, le groupe parlementaire chypriote du Parti
démocratique (DIKO), qui appartenait alors à la coalition gouvernementale,
a décidé d’exclure l’un de ses membres, en l’occurrence M. Zacharias
Koulias. Cette exclusion a été causée par le refus de M. Koulias
de voter en faveur de la réélection du dirigeant du parti DIKO à
la présidence de la Chambre. Cette décision a soulevé un tollé au
sein du parti, également parce que la décision de M. Koulias de
ne pas soutenir la candidature de son parti a été déterminante pour
l’élection du président de la Chambre et a modifié, in fine, l’équilibre des pouvoirs
en son sein.
17. En Finlande, au cours de la législature actuelle, l’Alliance
de gauche, qui fait partie de la coalition gouvernementale, a exclu
deux de ses représentants, M. Markus Mustajärvi et M. Jyrki Yrttiaho,
qui ont ensuite constitué leur propre groupe parlementaire de sensibilité
de gauche. Ces deux membres ont été exclus après avoir voté contre
l’élection du Premier ministre et s’être rangé aux côtés de l’opposition
lors du vote de confiance au gouvernement concernant le débat sur
le programme gouvernemental.
18. Le Royaume-Uni fournit plusieurs exemples de membres de la
Chambre des Communes exclus de leur groupe politique; tel est le
cas au cours de la présente législature dans le cadre du scandale
des dépenses parlementaires (ainsi, un membre suspendu du groupe
travailliste en 2010 est devenu indépendant, avant d’être réintégré
en 2012 dans le groupe, puis à nouveau en être exclu quelques mois
plus tard face à de nouvelles charges), ou à l’encontre de membres
confrontés à des poursuites pénales.
19. Ces différents cas soulèvent plusieurs questions quant à l’équilibre
entre l’exercice libre du mandat électoral par les parlementaires
et leur subordination à la ligne de leurs partis respectifs. Comment
les partis contrôlent-ils l’exercice du mandat politique? Dans quelle
mesure ce contrôle doit-il être considéré comme légitime?
20. Les réglementations dépendent des partis et varient selon
les pays. Toutefois, quasiment aucun Etat membre du Conseil de l’Europe
ne sanctionne le départ d’un parlementaire de son parti, ni le vote
contre la ligne du parti, par la perte du siège parlementaire. La
discipline partisane ne saurait remettre en cause le principe de
libre disposition du mandat… et, inversement, rares sont les parlementaires
prompts au suicide politique. De nombreux partis ont néanmoins fixé
des règles en matière de suspension et d’exclusion. Il pourrait
être souhaitable de conserver ces mécanismes destinés à protéger
le système de partis dans certaines limites (voir également le chapitre
5).
3.3. Stratégie politique,
profit personnel, pot-de-vin
21. L’opportunisme constitue la dernière explication
au nomadisme parlementaire, et met en exergue les ambitions et buts
personnels. Dans ce cas, le changement n’est rien d’autre que le
résultat d’une stratégie, à savoir le calcul d’un profit personnel
en termes d’ambition ou de gains d’influence politique ou le résultat
d’une corruption, à savoir une rétribution financière ou autre en
échange d’un changement d’affiliation.
22. La décision de quitter un parti pour en rejoindre un autre
peut relever d’une stratégie globale de «survie» politique, en particulier
à l’approche d’une échéance électorale. Ainsi, à l’approche des
élections législatives de 2014 en République de Moldova, par vagues
successives les membres du Parti des Communistes de la République
de Moldova ont rejoint le Parti des Socialistes de la République
de Moldova ou le nouveau parti, «Patria». Dans les démocraties récentes
où le système parlementaire est encore faible et le système de partis volatile,
on observe que la loyauté au parti s’efface devant l’intérêt personnel.
Le membre d’un parti politiquement fragilisé sera tenté de vouloir
rejoindre la majorité au pouvoir. Ainsi, à l’issue des élections législatives
de 2012 en Géorgie, neuf parlementaires du Mouvement national uni
ont fait défection pour rejoindre le bloc rival «Rêve géorgien»
(alors qu’un élu «Rêve géorgien» est devenu indépendant).
23. Il est probable que la corruption des partis politiques constitue
un problème majeur dans les pays en développement ou en transition,
où les institutions politiques s’avèrent plutôt faibles. Mais dans
un contexte plus général, la corruption des responsables politiques
a aussi pour effet de saper la confiance de l’opinion dans la politique
et de menacer la pérennité de la démocratie.
24. Un exemple est fourni par l’accusation portée contre l’ex-premier
ministre italien, Silvio Berlusconi, pour corruption de l’ex-sénateur
Sergio de Gregorio. M. Berlusconi a été accusé d’avoir versé, en
2007, 3 millions d’euros à Sergio de Gregorio – alors membre du
parti de centre-gauche d’Antonio di Pietro «Italia dei Valori» –
en vue de l’amener à changer d’affiliation politique. Le passage
de M. de Gregorio au centre-droit a contribué à renverser le gouvernement
de Romano Prodi, ce qui a provoqué une nouvelle élection, remportée
par M. Berlusconi. Sergio de Gregorio ayant coopéré avec les enquêteurs,
il a été condamné à 20 mois de prison, tandis que le procès de M. Berlusconi
est toujours en cours.
4. Les effets du changement
d’affiliation politique
4.1. Sur la situation
et le statut des parlementaires concernés
25. Contrairement à ce qui a cours dans certains pays
situés hors de l’Europe
,
dans aucun Etat membre du Conseil de l’Europe n’existe la possibilité
de révoquer, en cours de législature, le mandat d’un parlementaire qui
change d’affiliation politique
.
Pour autant, de nombreux pays ont pris des mesures destinées à décourager
cette pratique et à réduire la fragmentation des partis. Ainsi,
il existe dans plusieurs Etats membres une obligation des parlementaires
de siéger dans le groupe politique du parti au titre duquel ils
ont été élus (Autriche, Belgique, République tchèque, Estonie, entre
autres).
26. Le Portugal fait ici figure d’exception: en vertu de l’article
8 du Statut des membres de l’Assemblée de la République, les parlementaires
qui adhèrent à un parti politique autre que celui sous la bannière
duquel ils ont été élus perdent leur siège de député. Bien que les
règles constitutionnelles ne soient pas explicites à ce sujet, les
experts portugais soutiennent que les membres qui changent de groupe
parlementaire doivent aussi perdre leur siège, même s’ils n’adhèrent
pas à un parti autre que celui auquel ils appartenaient au moment
de l’élection. Cela étant, pour garantir la liberté fondamentale
des députés et du parlement, les membres qui, de leur plein gré
ou par choix de leur parti, quittent un groupe politique sans en
rejoindre un autre ne perdent pas leur siège, mais deviennent «non
affiliés».
27. En Estonie, la réglementation sur ce sujet est assez proche:
lorsqu’un député quitte son groupe, il n’est officiellement pas
en mesure d’en rejoindre un autre, car le règlement intérieur dispose
que les membres du Riigikogu issus de la liste de candidats d’un
même parti politique ne peuvent former qu’un seul groupe. Autrement
dit, en cas de changement d’affiliation, les membres concernés deviennent
indépendants.
28. Lorsqu’un membre quitte son groupe politique, il pourrait
en théorie avoir le choix de s’inscrire en tant que membre indépendant,
de rejoindre un autre groupe politique qui représente mieux ses
convictions, ou de créer un nouveau groupe. Or, les règles varient
considérablement d’un pays à l’autre; certains, par exemple, interdisent
le changement de groupe politique pendant une législature, les parlementaires
qui souhaitent changer d’affiliation étant alors obligés d’exercer
leur mandat en tant que membre non inscrit/indépendant (par exemple
en Belgique, en Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie et en Estonie).
Les cas de membres rejoignant le groupe des indépendants sont donc
très fréquents.
29. De même, la procédure parlementaire peut aussi permettre la
création, en cours de législature, de nouveaux groupes parlementaires.
Ce fut le cas du groupe «Ensemble pour la Serbie», créé en 2012
par un courant dissident composé de sept membres du Parti démocratique
serbe. La seule limite imposée par le règlement serbe est que les
groupes parlementaires doivent compter au minimum cinq membres.
30. Toutefois, la création d’un nouveau groupe peut être subordonnée
à des conditions restrictives, requérant généralement un nombre
minimal de membres (parfois un nombre supérieur à celui requis pour
les groupes constitués en début de législature comme en République
tchèque; ce minimum requis n’existe pas en Finlande où un groupe
peut ne comprendre qu’un seul membre). En Autriche, la création
d’un groupe n’est possible que dans les 30 jours suivant l’ouverture
de la législature.
31. De nouveaux groupes peuvent aussi résulter de la fusion ou
de la scission de partis existants. Dans le premier cas, plusieurs
groupes fusionnent en une nouvelle entité; dans le second, la désintégration
d’un groupe conduit à la création de deux ou plusieurs groupes distincts.
32. Des législations anti-défection en Europe ont instauré des
mesures pour sanctionner le choix de changement d’affiliation politique
en cours de législature. En règle générale, ces mesures sont les
suivantes:
- obligation pour
le parlementaire concerné de s’inscrire sous l’étiquette «indépendant»
ou non-inscrit (par exemple en Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie
et Estonie);
- perte de certains droits de participation et de représentation
et de privilèges (aides financières et représentation dans les commissions
notamment) et réduction de ses pouvoirs.
33. Dans l’ensemble, les lois anti-défection sévères sont rares
dans les démocraties anciennes, mais fréquentes dans les démocraties
plus récentes, lesquelles font souvent valoir qu’elles constituent
des mesures temporaires destinées à consolider un système de partis
chaotique
.
34. En Irlande, les députés qui quittent un parti parlementaire
et deviennent indépendants se voient habituellement réduire leur
temps de parole au Dáil, qu’il s’agisse des affaires émanant du
gouvernement ou des députés. En outre, ils n’ont plus accès aux
ressources du groupe parlementaire tels travaux de recherche ou
service de presse.
35. En Suède, les députés qui quittent un groupe en cours de législature
ne peuvent ni former un nouveau groupe ni en rejoindre un autre
au cours de la même législature. Rien ne les empêche toutefois de
former un groupe-parti informel, qui n’a pas de statut officiel
et ne bénéficie d’aucune subvention financière ou autre avantage.
36. Dans la plupart des parlements, le changement de groupe entraîne
la perte de toutes les fonctions dans les organes parlementaires
(commissions, délégations auprès des organisations internationales,
etc.) détenues au titre de l’ancien groupe politique (Autriche,
Bulgarie), soit automatiquement, soit sur décision de l’Assemblée/Chambre
ou des commissions (Croatie). Dans certains cas, le parlementaire
concerné perd de plein droit ses fonctions de membre de commission
(Andorre, France). Dans d’autres, il peut toutefois conserver son
siège en commission mais en perdant ses fonctions de président ou
de vice-président de commission (Canada).
37. Cette mesure a en général un caractère automatique, mais elle
suppose parfois une décision formelle du parlement. Ainsi, le député
Josip Salapić (Croatie) ayant quitté l’Union démocratique croate
en 2012 et étant devenu, le même jour, membre de l’Alliance démocratique
croate de Slavonie et Baranja, a perdu toutes ses fonctions représentatives,
alors qu’un autre député, Mirela Holy, ayant quitté le parti social-démocrate
en 2013, a pu conserver ses fonctions d’abord en tant qu’indépendante,
puis comme membre du groupe du développement durable.
38. D’autres parlements ont une réglementation plus souple: au
Danemark, le parlementaire conserve son siège en commission mais
perd toute fonction de président ou de vice-président.
39. Les parlementaires qui changent d’affiliation politique sont
non seulement soumis à des restrictions internes, mais doivent aussi
faire face à l’électorat. En règle générale, la population voit
ces changements d’un mauvais œil, la frustration du public à cet
égard étant des plus manifestes lorsque les députés agissent dans le
but de réaliser un profit personnel. En revanche, les cas de changement
d’affiliation motivés par des divergences idéologiques sont plus
acceptables. Quoi qu’il en soit, ces députés doivent faire face
à une perte de crédibilité et risquent davantage de ne pas être
réélus.
4.2. Sur la situation
des groupes politiques
40. Les groupes politiques qui connaissent des défections
peuvent rencontrer diverses difficultés en fonction de l’étendue
du phénomène. Parmi les répercussions principales, citons le risque
de sous-représentation, voire de disparition, la réduction des contributions
et aides financières et la perte d’influence politique dans les
organes parlementaires.
41. La sous-représentation a une incidence sur les groupes qui,
en vertu du règlement intérieur, doivent compter un nombre minimal
de membres pour exister. En Belgique, les groupes politiques de
la Chambre doivent compter au minimum cinq membres. Lorsqu’un groupe
ne peut plus prétendre à cette qualification, ses membres peuvent
soit rejoindre un autre groupe existant soit continuer de siéger
en tant que membres indépendants. Dans cette dernière hypothèse,
ils sont soumis à des restrictions supplémentaires, notamment le
retrait de leurs droits de vote dans les commissions parlementaires.
42. En Andorre également, un groupe politique qui passe en dessous
du seuil minimal est automatiquement dissous et ses membres rejoignent
le groupe parlementaire mixte (c’est-à-dire les non-inscrits).
43. La République tchèque a également mis en place une limitation
en ce qui concerne la création de nouveaux groupes politiques en
cours de législature: les groupes doivent compter dix membres au
minimum, contre seulement trois en début de législature. D’autres
restrictions prévoient que les groupes politiques récemment constitués
ne sont pas autorisés à être représentés proportionnellement dans
les organes de la Chambre (sauf s’il en est décidé autrement par
vote en plénière) et que la contribution publique continue d’appartenir
au parti politique sur la liste duquel le député figurait au moment
de l’élection.
4.3. Sur la composition
des organes parlementaires
44. Le changement de groupe politique affecte aussi les
organes parlementaires, telles les commissions dont la composition
s’établit en règle générale à la proportionnelle des groupes, les
fonctions à la tête de ces organes étant également attribuées sur
la base de l’appartenance à un groupe.
45. S’agissant des sièges dans les organes parlementaires (commissions,
délégations dans les organisations internationales, etc.) attribués
sur la base de la représentation proportionnelle des groupes:
- soit le groupe politique ayant
perdu un ou des membres du fait d’un changement d’affiliation conserve les
sièges, cette distribution ne pouvant faire l’objet d’une révision
pendant toute la durée de la législature (Belgique, sauf en cas
de disparition du groupe ou de division du groupe en deux);
- soit la composition des organes est modifiée pour tenir
compte du changement d’affiliation d’un ou de membres, soit de manière
automatique (Bulgarie) soit sur décision de l’Assemblée/Chambre
ou des commissions (Croatie, Chypre, Estonie, Finlande, République
tchèque);
- soit la composition des organes n’est pas modifiée, à
l’exception des présidences ou vice-présidences de commission.
46. A Chypre, lorsqu’un changement d’affiliation politique se
produit, la commission de sélection de la Chambre des représentants
décide des changements à apporter à la composition des commissions.
En règle générale, la participation des membres aux commissions
n’est pas modifiée; cependant, si le membre concerné était officiellement
désigné par le parti pour occuper une fonction officielle – président
d’une commission, porte-parole parlementaire, membre d’une délégation
parlementaire auprès d’une organisation internationale, etc. –,
le parti lance une procédure de nomination et nomme un nouveau membre.
47. Au Luxembourg, en vertu de son règlement, la Chambre des Députés
décide, sur proposition de la Conférence des Présidents, du nombre
de sièges à attribuer, commission par commission, aux groupes politiques
et aux membres indépendants, de manière proportionnelle. Les changements
d’affiliation politique sont relativement rares au Luxembourg et
il n’existe pas de dispositions écrites régissant la réorganisation
des commissions parlementaires. C’est pourquoi ces questions sont
examinées au cas par cas par la Conférence des Présidents. Récemment,
il a été décidé que les députés devaient conserver leur siège dans
les commissions auxquelles ils participaient avant leur changement
d’affiliation.
48. En République slovaque, les députés qui changent d’affiliation
politique conservent normalement leur siège. Cela étant, quatre
commissions – la commission des mandats et des immunités, la commission
sur l’incompatibilité de fonctions, la commission des affaires européennes
et la commission des affaires constitutionnelles et juridiques –
doivent obligatoirement être constituées sur la base du principe
de proportionnalité et les membres qui changent d’affiliation politique
sont tenus de renoncer à leur qualité de membre.
4.4. Sur le fonctionnement
institutionnel global
49. Le changement d’affiliation d’un grand nombre de
parlementaires est susceptible d’entraîner des conséquences d’un
tout autre ordre de mesure, pouvant même conduire un Etat à l’instabilité
politique. Ainsi, en février 2014, le Parti national libéral roumain
a quitté le gouvernement de coalition et rejoint l’opposition. Cet événement
a marqué la dissolution officielle de l’Union sociale-libérale de
coalition, qui regroupait le PNL et le PSD (Parti social-démocrate).
Le Premier ministre roumain social-démocrate, Victor Ponta, est
néanmoins parvenu à assurer la continuité du gouvernement de gauche
grâce à la participation de l’UDMR, le parti ethnique hongrois.
50. En Albanie, en 2013, la défection d’un seul membre de l’opposition
qui a rejoint la coalition parlementaire et gouvernementale au pouvoir,
a permis à celle-ci de disposer des 84 sièges nécessaires à l’adoption
de lois exigeant une majorité qualifiée des trois cinquièmes des
députés au parlement.
5. Réglementer le
problème: des approches nationales hétérogènes
51. Il ressort de ce qui précède des différences majeures
en matière de réglementation concernant le changement d’affiliation
politique en Europe. Il convient de souligner que dans certains
pays, en général les démocraties stables, le changement d’affiliation
politique, peu répandu, n’est pas perçu comme un problème; dans
d’autres pays en revanche, cette pratique est prise davantage au
sérieux, car le nombre de défections est si élevé qu’il menace la
stabilité institutionnelle et la représentation politique. Les pays
européens peuvent être classés selon leur degré plus ou moins élevé
de réglementation dans ce domaine. Trois systèmes ont ainsi été
mis en évidence: strictement réglementé, modérément réglementé et
sous-réglementé.
5.1. Systèmes strictement
réglementés
52. Cette catégorie comprend les pays dont la législation
encadre de façon systématique le phénomène du changement d’affiliation
politique, dont les dispositions sont, en règle générale, les plus
sévères et où ce phénomène est normalement très fréquent. Les meilleurs
exemples sont l’Autriche, l’Espagne et la Hongrie.
53. Dans le passé, en Autriche, le changement d’affiliation politique
de membres isolés survenait de temps à autre, mais la situation
a radicalement changé en 2012 avec la création d’un nouveau parti
et la démission de membres du Conseil national de leur groupe parlementaire
pour le rejoindre et créer un nouveau groupe politique. A la suite
de cet événement, le Conseil national a, en juin 2013, décidé de
modifier son règlement de telle sorte qu’il n’est aujourd’hui possible
de constituer un groupe parlementaire que pendant les 30 jours qui
suivent la séance constituante de la chambre nouvellement élue.
De plus, les députés qui étaient candidats sur la même liste ne
sont autorisés à former qu’un seul et même groupe parlementaire.
Les possibilités de changement d’affiliation postélectoral des députés
sont aujourd’hui plus limitées, deux solutions seulement s’offrant
à eux: devenir des parlementaires non affiliés à un groupe ou à
un parti, ou rejoindre un groupe existant. Le règlement dispose
en outre que les groupes parlementaires décident des nominations
et des fonctions occupées par leurs membres dans les commissions;
en conséquence, lorsqu’un membre quitte son groupe parlementaire,
celui-ci invalide immédiatement les appartenances et les fonctions
du membre en question.
54. En vertu des dispositions en vigueur en Hongrie, les membres
qui quittent leur groupe ou qui en sont exclus doivent être considérés
comme indépendants; ce n’est que six mois après leur départ qu’ils
peuvent éventuellement rejoindre un autre groupe. S’agissant de
la participation aux organes parlementaires, l’Assemblée nationale
a le droit, pendant sa séance constituante, de dresser la liste
des commissions ainsi que le nombre de leurs vice-présidents et
de leurs membres, sur la base d’un consensus entre les différents groupes
parlementaires. Le nombre de membres délégués par chaque groupe
aux commissions permanentes est déterminé au prorata de l’effectif
du groupe. En cas de changement d’affiliation politique, il incombe
au groupe concerné de décider si le député peut ou non continuer
de siéger à la commission.
55. En Espagne, le transfert d’un groupe parlementaire à un autre
est accepté à condition qu’il survienne au cours des cinq premiers
jours d’une session, cette règle ne s’appliquant pas au groupe mixte.
Si, au cours d’une législature, l’effectif d’un groupe parlementaire
passe à moins de la moitié du minimum requis pour la constitution
d’un groupe, le groupe en question est dissous et ses membres rejoignent
automatiquement le groupe mixte. S’agissant de la participation
des parlementaires aux commissions, le changement d’affiliation politique
entraîne aussi la perte de certains privilèges, notamment la fonction
de président, de vice-président ou de porte-parole dans les commissions
et autres organes parlementaires.
5.2. Systèmes modérément
réglementés
56. Sont considérés comme modérément réglementés tous
les systèmes qui disposent d’une réglementation sur cette question,
mais qui s’appuient essentiellement sur des mécanismes non contraignants ou
donnent lieu à des examens au cas par cas.
57. Au Danemark, un changement d’affiliation politique n’a pas
d’incidence sur la participation d’un membre à des commissions pendant
l’année parlementaire où ce changement intervient, étant donné que
les commissions sont établies en début d’année. Cela étant, les
présidents ou vice-présidents qui changent d’affiliation politique
perdent souvent leur poste. S’agissant des membres ordinaires qui
siègent dans des commissions et changent d’affiliation politique,
ils ne participent de nouveau à des commissions que si le parti qu’ils
représentent désormais compte suffisamment de membres pour être
représenté dans des commissions.
58. En République slovaque, mis à part les quatre commissions
qui doivent être constituées sur la base du principe de proportionnalité
et dont les membres doivent renoncer à leur siège en cas de changement d’affiliation
politique, les députés qui changent d’affiliation conservent leur
qualité de membre dans les organes parlementaires. Cela étant, si
le membre concerné est président ou vice-président de commission,
il ne perd pas son siège ex lege,
mais en application d’une pratique politique selon laquelle le parlement
met au vote la révocation de son mandat et l’élection d’un nouveau
président.
59. En Croatie, à la suite d’un changement d’affiliation politique
d’un parlementaire, la commission des élections, des nominations
et de l’administration élabore et soumet à l’Assemblée, après examen
approfondi, un projet de décision concernant la révocation du mandat
du membre de l’organe de travail et la nomination d’un nouveau membre.
Le projet de décision est ensuite examiné en session plénière, laquelle
décide in fine si le parlementaire
en question peut ou non rester membre des mêmes organes de travail.
5.3. Systèmes sous-réglementés
60. Dernière catégorie, les systèmes sous-réglementés
peuvent être définis comme ceux dans lesquels les litiges sont pour
l’essentiel résolus non par des normes et des réglementations, mais
par la conciliation et le dialogue. On les trouve habituellement
dans les pays où les changements d’affiliation politique sont quasiment inexistants.
61. En Suède, les nominations au parlement restent valables pour
la totalité de la législature. Un député qui quitte son groupe a
donc le droit de continuer de siéger dans les mêmes commissions.
Cela étant, en règle générale, les membres indépendants abandonnent
de leur plein gré leur siège pour ne pas rompre l’équilibre politique
dans les travaux des commissions.
62. En Norvège, un député a le droit de changer de parti politique
en cours de législature, mais cette possibilité n’est pas expressément
réglementée par une disposition, car elle est vue comme une conséquence du
fait que le mandat appartient personnellement au député. S’agissant
du maintien de la participation à des commissions parlementaires,
la situation n’est pas non plus expressément réglementée, mais fait
souvent l’objet d’une négociation avec le parti politique.
63. Une pratique quasi identique existe en Finlande, où la Constitution
ne prévoit rien en ce qui concerne la réorganisation des organes
en cours de législature. Les décisions sont entièrement du ressort
de la session plénière et du Conseil du président, qui peuvent faire
des propositions à ce sujet. Cela étant, en pratique, ces questions
sont généralement réglées par la négociation, ce qui permet d’éviter
de reconstituer l’organe concerné.
6. Implications du
changement d’affiliation politique de ses membres pour l’Assemblée
parlementaire
6.1. Dispositions réglementaires
existantes
64. Le Règlement de l’Assemblée parlementaire ne régit
pas expressément le changement d’affiliation politique de ses membres
pendant leur mandat électoral. Il fait néanmoins référence au caractère
équitable de la représentation politique, comme condition de validité
des pouvoirs présentés par les délégations nationales, qui peut in fine fournir une raison de contester
ceux-ci.
65. L’article 6.2.
a dispose
que «les délégations parlementaires nationales doivent être composées
de façon à assurer une représentation équitable des partis ou groupes
politiques existant dans leurs parlements». Parallèlement, en vertu
de l’article 7, les pouvoirs des délégations nationales peuvent
être contestés en Assemblée au motif spécifique que la composition
des délégations concernées ne répond pas aux exigences d’une représentation
équitable. A cet égard, en 2011, l’Assemblée a adopté des principes
visant à apprécier la notion de représentation équitable des partis
ou groupes politiques dans les délégations nationales à l’Assemblée
parlementaire (
Résolution
1798 (2011) sur la représentation équitable des partis ou groupes politiques
des parlements nationaux au sein de leurs délégations à l’Assemblée
parlementaire)
.
66. Il n’en demeure pas moins que ces dispositions n’intègrent
pas la problématique du changement d’affiliation politique au sein
des délégations nationales.
6.2. Conséquences du
changement d’affiliation politique nationale sur le fonctionnement
de l’Assemblée parlementaire
67. Les pouvoirs des délégations nationales sont ratifiés
à l’ouverture de la session ordinaire et pour la durée de celle-ci
(un an). Lorsqu’un membre d’une délégation change de groupe politique
dans son parlement en cours d’année, il n’est pas rare que celle-ci
souhaite procéder à la modification de sa composition, en général
à la demande de l’ancien groupe politique du parlementaire concerné,
qui souhaite pourvoir le siège par un autre de ses membres. Or,
tant le Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1)
(article 25) que le Règlement de l’Assemblée (article 11.4) ne prévoient
la possibilité de procéder à de nouvelles désignations en cours d’année
que pour pourvoir des sièges vacants par suite de décès ou de démission.
68. Tel a été le cas de M. Michel Hunault (France, GDE) en 2010,
qui a quitté son parti politique national mais s’est maintenu dans
la délégation alors que celui-ci souhaitait pourvoir à son remplacement.
On citera également M. Yusuf Ziya Irbeç, membre de la délégation
turque, qui a démissionné de son groupe politique en mars 2011 mais
qui est resté membre de la délégation jusqu’à la ratification par
l’Assemblée d’une nouvelle délégation en octobre 2011, nonobstant
les dispositions du règlement de la Grande Assemblée nationale turque
qui prévoient que la démission du groupe entraîne ipso facto celle des délégations
auquel le membre appartient.
69. En janvier 2012, les pouvoirs non encore ratifiés de la délégation
parlementaire de l’Ukraine ont été contestés, en vertu de l’article 7,
au motif que la composition de la délégation ne satisfaisait pas
au critère de représentation équitable des partis ou groupes politiques.
De fait, la commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles avait relevé que la liste des membres de la délégation
ukrainienne contenait des informations trompeuses sur l’affiliation
politique de trois membres, qui étaient inscrits comme membres du
Bloc Ioulia Timochenko alors qu’ils siégeaient en réalité au parlement
sous d’autres étiquettes politiques
. La commission
du Règlement a noté que l’insécurité juridique pesant sur le fonctionnement
des institutions parlementaires ukrainiennes – groupes de parlementaires
quittant un bloc pour un autre; création en 2010 et 2011 de deux
groupes de députés; parlementaires devenus indépendants, mais faisant
plus ou moins officieusement cause commune avec la majorité – ainsi
que la difficulté à obtenir des données fiables concernant le nombre
exact de parlementaires affiliés à des formations d’opposition,
ne lui ont pas permis d’évaluer dans quelle mesure les critères
énoncés dans le Règlement de l’Assemblée en matière de représentation
politique équitable avaient été satisfaits.
6.3. Conséquences du
changement d’affiliation à un groupe politique de l’Assemblée parlementaire
sur le fonctionnement de celle-ci
70. Le changement d’affiliation à un groupe politique
au sein de l’Assemblée parlementaire n’est pas rare. On se souviendra
ainsi que l’ensemble des parlementaires français membres de l’UMP
avait massivement quitté le groupe GDE en janvier 2004, pour rejoindre
le groupe PPE/DC. Plus récemment, en juin/juillet 2014, le groupe
GDE (devenu depuis CE) a pris la decision de suspendre ses membres
russes et d’exclure deux parlementaires italiens de la Lega Nord
– tous ayant rejoint les rangs des non-inscrits.
71. Il va de soi que si le départ volontaire ou l’exclusion d’un
membre isolé ne constitue en soi pas un obstacle au bon fonctionnement
de l’Assemblée (par exemple, M. Remigijus Ačas, membre de la délégation lituanienne,
était affilié au GDE entre 2008 et 2011, puis à l’ADLE en 2013-2014),
le départ massif de parlementaires d’un groupe de l’Assemblée pour
un autre soulève des questions bien spécifiques, notamment parce
que le nombre de membres affiliés à un groupe conditionne la dotation
budgétaire qui lui est versée ainsi que la répartition des postes
dans les bureaux des commissions, le nombre de sièges à pourvoir
dans trois commissions (commission de suivi, commission du Règlement,
des immunités et des affaires institutionnelles, et, à partir de
janvier 2015, commission sur l’élection des juges à la Cour européenne
des droits de l’homme) et la position sur la liste des orateurs
en séance plénière.
72. En juillet 2014, le rapporteur a adressé un questionnaire
aux groupes politiques de l’Assemblée afin d’évaluer plus précisément
l’ampleur du phénomène du changement d’affiliation politique au
sein des délégations nationales et ses répercussions sur les groupes,
et de connaître les règles internes que les groupes étaient susceptibles
d’appliquer dans les cas en cause.
73. Les réponses fournies par les secrétariats des groupes établissent
qu’il n’existe aucune règle formelle spécifique régulant le changement
d’affiliation politique. D’une manière générale, on observe que
les règlements intérieurs et statuts des groupes politiques de l’Assemblée
déterminent davantage les conditions d’affiliation, que la suspension
et l’exclusion du groupe
.
De même, tous les groupes ne tiennent pas de registre en la matière,
ni de statistiques. Les décisions de changement d’affiliation politique
des membres, pour des raisons idéologiques ou autres – qu’il s’agisse
de la démission d’un parti national adhérent ou de l’affiliation à
un autre groupe politique de l’Assemblée –, ou du changement d’adhésion
d’un parti national à un groupe politique, font l’objet d’un examen
par les groupes au cas par cas.
7. Conclusions
et propositions
74. La commission du Règlement a examiné de manière approfondie
le phénomène du nomadisme politique dans les parlements nationaux
en Europe, l’ampleur du changement d’affiliation politique au sein
des délégations nationales de l’Assemblée, ses conséquences éventuelles
pour la composition des délégations nationales ainsi que les dispositions
qui régissent le fonctionnement de l’Assemblée en la matière.
75. La commission constate l’extrême hétérogénéité au niveau national
des positions face au phénomène du nomadisme politique – et plus
encore des réglementations existantes, qui sont complexes et varient grandement
d’un Etat à l’autre. Le présent rapport ne vise donc pas à déterminer
si le changement d’affiliation politique constitue ou non un droit
des parlementaires – inhérent à la nature de leur mandat – ou doit
être autorisé ou au contraire interdit. En revanche, il entend promouvoir
une plus grande prise en compte du phénomène au niveau des parlements
nationaux, mais également au niveau des groupes politiques de l’Assemblée
parlementaire.
76. Ainsi, les parlements nationaux sont invités:
- à lancer une réflexion approfondie
sur le changement d’affiliation politique des membres, afin de déterminer
l’opportunité d’adopter des mesures restreignant le changement de
groupe politique;
- à réviser leur réglementation interne si celle-ci ne comporte
pas déjà des dispositions spécifiant la possibilité ou l’interdiction
du changement d’affiliation politique, ainsi que les conditions
et les conséquences d’un changement d’affiliation politique;
- à tenir compte des changements d’affiliation politique
en cours de législature dans la composition des organes parlementaires
et leurs présidences; à déterminer ou clarifier les règles et procédures déterminant
les conséquences pour les groupes politiques et leurs membres, notamment
en termes de participation et de représentation dans les organes
parlementaires, des modifications intervenues en cours d’année dans
leur composition;
- à promouvoir des règles déontologiques spécifiques en
matière d’intégrité des membres, afin de prévenir et de sanctionner
certains actes de corruption comme l’achat ou la vente de votes,
ou l’achat d’un parlementaire pour qu’il change de groupe;
- à établir un registre des changements d’affiliation de
leurs membres.
77. S’agissant de prendre en compte au niveau des groupes politiques
de l’Assemblée parlementaire les conséquences du changement d’affiliation
politique, la commission considère qu’il serait souhaitable que
les groupes politiques mettent en œuvre les propositions suivantes:
- compléter leur statut ou règlement
intérieur, le cas échéant, afin d’y rendre plus explicites les valeurs
et principes qui fondent le groupe et les objectifs qu’il promeut,
et d’y inclure des dispositions spécifiant la procédure, les conditions
et les conséquences d’un changement d’affiliation politique, d’une
suspension, d’une exclusion ou d’une démission d’un membre;
- établir un registre des changements d’affiliation de leurs
membres au niveau national, ainsi qu’à l’Assemblée;
- inviter les partis politiques nationaux affiliés à promouvoir
dans leur réglementation interne des règles spécifiques établissant
les conditions et les conséquences d’un changement d’affiliation
politique, d’une suspension, d’une exclusion ou d’une démission
d’un membre.
78. La commission considère, en outre, qu’il n’y a pas lieu de
modifier le Règlement de l’Assemblée ou d’élaborer une réglementation
pararéglementaire spécifique pour traiter le problème à son niveau.
Toutefois, les parlements nationaux sont appelés à prendre dûment
en compte les changements d’affiliation politique de leurs membres
de nature à modifier la représentativité de leurs délégations:
- avant l’ouverture de chaque
session annuelle de l’Assemblée, en transmettant des pouvoirs qui
tiennent compte de toute modification intervenue dans la composition
des groupes politiques et l’équilibre des forces politiques entre
la majorité et l’opposition;
- en cours de session, en informant la présidence de l’Assemblée
de tout changement intervenu dans l’affiliation politique de ses
membres.