1. Introduction
1. La Principauté de Monaco a adhéré au Conseil de l’Europe
le 5 octobre 2004. L’Assemblée parlementaire a ouvert une procédure
de suivi à la suite de l’adoption de son
Avis 250 (2004) relatif à la demande d’adhésion de la Principauté de
Monaco au Conseil de l’Europe. Dans sa
Résolution 1690 (2009) relative au respect des obligations et engagements de
Monaco, l’Assemblée a décidé de clore la procédure de suivi et de
poursuivre le dialogue avec les autorités monégasques sur les questions
évoquées dans cette résolution, en particulier au paragraphe 18
de celle‑ci et sur toute autre question qui pourrait se poser du
fait des obligations de Monaco en tant qu’Etat membre du Conseil
de l’Europe, à savoir:
- la
ratification des protocoles nos 1 et
12 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE nos 9, 177
et 5);
- la ratification de la Charte sociale européenne (révisée)
(STE no 163);
- la ratification de la Convention sur la cybercriminalité (STE
no 125);
- l’adoption, dans les meilleurs délais, d’une nouvelle
loi sur le fonctionnement et l’organisation du Conseil National
permettant de tenir compte des modifications constitutionnelles
intervenues en 2002;
- la réforme du Code de procédure pénale et la finalisation
de la réforme du Code pénal;
- l’examen de la question des conventions et des traités
internationaux nécessitant le vote d’une loi de ratification par
le Conseil National.
2. La commission de suivi m’a nommé rapporteur pour le dialogue
postsuivi avec Monaco en février 2014, quand l’ancienne rapporteure,
Mme Anne Brasseur, a été élue Présidente
de l’Assemblée parlementaire. Je tiens à rendre hommage à son travail.
Pendant la période concernée par le présent rapport, la commission
de suivi a demandé à la Commission de Venise un avis sur l’équilibre
des pouvoirs dans la Constitution et la législation de la Principauté
de Monaco
. L’Assemblée a
observé le 10 février 2013 l’élection des Conseillers nationaux,
en incluant des conclusions dans son rapport d’observation
.
3. Pour préparer le présent rapport, j’ai effectué trois visites
d’information à Monaco, du 5 au 6 juin 2014, du 5 au 7 novembre
2014 et le 20 février 2015
,
et j’ai eu des contacts réguliers avec les représentants de ce pays
au Conseil de l’Europe:
3.1. Durant
sa réunion à Paris le 14 novembre 2014, la commission de suivi a
organisé une audition avec la participation de M. Laurent Nouvion,
Président du Conseil National, et de M. Jacques Rit, Président de
la Commission spéciale en charge de la modification de la loi électorale
ainsi que de la loi sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil
National. L’audition a permis de dégager une vue d’ensemble des
attentes et des contraintes qu’implique l’appartenance de Monaco
au Conseil de l’Europe et l’état d’avancement de l’élaboration de
la loi sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil National.
3.2. Le 25 novembre 2014, j’ai rencontré à Strasbourg M. José
Badia, Conseiller de gouvernement pour les relations extérieures
et la coopération, en présence de Mme l’Ambassadrice
Claudette Gastaud, Représentante permanente de Monaco auprès du
Conseil de l’Europe pour discuter en particulier les mécanismes
de ratification des instruments internationaux.
3.3. Enfin, j’ai organisé une réunion de travail qui s’est
tenue le 10 décembre 2014 à Paris avec M. Laurent Anselmi, Délégué
aux affaires juridiques auprès du Gouvernement de Monaco, M. Jean-Laurent Ravera,
Chef du Service du droit international, des droits de l’homme et
des libertés fondamentales du Gouvernement de Monaco, et M. Jörg
Polakiewicz, Directeur du Conseil Juridique et du droit international
public au Conseil de l’Europe. Des contacts ont également été établis
avec M. Régis Brillat, Secrétaire exécutif du Comité européen des
Droits sociaux. Je tiens à remercier ces deux hauts fonctionnaires
du Secrétariat du Conseil de l’Europe pour leur disponibilité et
leurs conseils. Ces rencontres et ces consultations m’ont permis
de me familiariser avec les spécificités du pays – qui ont été pleinement
reconnues par le Conseil de l’Europe lors de l’adhésion de Monaco
à l’Organisation.
3.4. Lors de ma visite du 20 février 2015, j’ai pu examiner,
avec le Ministre d’Etat M. Michel Roger et les membres du gouvernement
d’une part, le Président du Conseil National, M. Nouvion, et les
membres du Conseil National et de la délégation monégasque auprès
de l’Assemblée parlementaire d’autre part, l’état d’avancement des
procédures en cours visant à finaliser le respect des derniers engagements,
et j’ai encouragé les autorités à poursuivre leurs efforts et leur
concertation.
3.5. En mars 2015, j’ai pris connaissance des commentaires
transmis
par le Président du Conseil National, le Président de la délégation
de Monaco auprès de l’Assemblée parlementaire et le Gouvernement
monégasque, à l’avant-projet de rapport qui leur avait été soumis,
et qui ont inspiré la rédaction finale de ce rapport.
4. Je tiens à remercier chaleureusement le Président et les membres
du Conseil National de Monaco et les autorités monégasques pour
les discussions ouvertes, franches et constructives que nous avons
eues, et pour avoir organisé des contacts à haut niveau, y compris
avec S.A.S. le Prince Albert II, avec le Ministre d’Etat M. Roger
et avec les Conseillers de gouvernement, le Président du Conseil
National, M. Nouvion et la délégation de Monaco à l’Assemblée parlementaire,
qui est présidée par M. Jean-Charles Allavena. J’ai tout particulièrement
été encouragé à poursuivre mes efforts par les entrevues positives
que j’ai eues avec S.A.S. le Prince Albert II et par sa volonté
de traiter toutes les questions en suspens et de soutenir le processus d’élaboration
de solutions juridiques.
5. Conformément aux conclusions formulées par mon prédécesseur
en 2011 et en 2012, j’ai entrepris d’étudier, avec les autorités
monégasques, les possibilités qui permettraient à Monaco de respecter
les derniers engagements pris par la Principauté lors de son adhésion
au Conseil de l’Europe, il y a 10 ans, énoncés dans la
Résolution 1690 (2009) sur le respect des obligations et engagements de Monaco.
Le présent rapport reflète les discussions avec les autorités monégasques
et s’inspire aussi des constatations faites par différents mécanismes
de suivi du Conseil de l’Europe, en particulier du rapport établi
par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) publié le 8 février 2011 ainsi que ses conclusions du 19 mars
2014
, des rapports de conformité sur
Monaco adoptés par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO)
du 1er octobre 2010 et du 7 décembre
2012 (premier et deuxième cycles d’évaluation)
et du 20 juin 2014 (troisième cycle
d’évaluation)
et des rapports d’étape soumis
par Monaco au Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte
contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL)
de 2011 et 2013
.
2. Les spécificités
de Monaco dans le contexte de l’accord d’adhésion au Conseil de
l’Europe
6. Avant de poursuivre, rappelons les spécificités de
Monaco:
6.1. La Principauté, dont
le territoire fait à peine 2,2 km², compte 36 000 résidents, mais
seuls 8 000 d’entre eux sont des citoyens monégasques. Par conséquent,
les citoyens monégasques – qui composent 21,5 % de la population
– sont en minorité dans leur pays. Ils bénéficient de ce fait d’un traitement
préférentiel, notamment en matière d’emploi et de logement. L’application
de cette «préférence nationale» est considérée comme indispensable
pour permettre aux citoyens de Monaco de vivre sur le territoire
de la Principauté. Monaco génère plus de 50 000 emplois. Il représente
un pôle économique dont profitent les régions voisines (France et
Italie). Le taux de chômage y est très bas: ce contexte de bonne
santé économique conduit à ce que l’application de la priorité nationale
, qui semble être souple, n’entraîne
pas de tensions sociales entre les communautés nationales.
6.2. La population se caractérise également par la présence
des «enfants du pays»
,
qui tend à diminuer en raison du vieillissement de cette population,
de la pression immobilière et des naturalisations. Une définition
plus précise de la notion d’enfant du pays, voire la création d’un
statut, est actuellement à l’étude.
6.3. Comme l’expliquent les experts en droit constitutionnel
du Conseil de l’Europe, Monaco s’est dotée d’un système unique en
son genre de monarchie constitutionnelle limitée dans laquelle la
loi procède de la volonté commune du Prince souverain et du Conseil
National. Un réseau d’organes consultatifs atténue les pouvoirs
étendus du Prince par rapport aux pouvoirs limités du Conseil National. Plusieurs
mécanismes incitent au dialogue, au compromis et au consensus: les
luttes politiques sont remplacées par un fonctionnement consensuel
des institutions. Le gouvernement n’est pas responsable devant le
Conseil National.
Le régime
politique actuel jouit d’un large consensus dans la population, et
parmi les dirigeants politiques; ils sont attachés à ce régime et
ne souhaitent pas le modifier.
6.4. L’exercice du pouvoir législatif est, en Principauté,
une compétence partagée. L’article 66 de la Constitution précise
en effet que «la loi implique l’accord des volontés du Prince et
du Conseil National. L’initiative des lois appartient au Prince.
La délibération et le vote des lois appartiennent au Conseil National.
La sanction des lois appartient au Prince, qui leur confère force
obligatoire par la promulgation». La vie parlementaire est donc
basée sur le consensus et la négociation: ainsi le Conseil National
doit être en mesure de convaincre le gouvernement s’il souhaite
amender, et faire aboutir l’adoption, d’un projet de loi, sachant
que le gouvernement dispose de la faculté conférée par la Constitution
de «retirer le projet de loi avant le vote final». Le Conseil National
a l’entière maîtrise de son agenda et de l’examen des projets de
lois – une possibilité toutefois tempérée par la faculté du Prince de
convoquer le Conseil National en session extraordinaire. Alors que
l’initiative des lois appartient au Prince (Article 66, paragraphe
2), le Conseil National dispose d’un droit d’initiative indirect:
depuis la réforme constitutionnelle de 2002, il peut formuler des
propositions de loi. Dans les six mois suivant leur réception, le
Ministre d’Etat doit faire connaître sa position. Soit il transforme
cette proposition de loi, éventuellement amendée, en un projet,
qui doit ensuite être déposé dans un délai d’un an, soit il décide d’interrompre
la procédure législative. Cette décision doit être explicitée par
une déclaration, qui, selon la Constitution, «peut être» – et, dans
la pratique
est – débattue
par le Conseil National lors d’une séance publique de la session
ordinaire
.
6.5. Néanmoins, le fait que le gouvernement, de même que le
Directeur des Services judiciaires, soit responsable exclusivement
devant le Prince et non pas devant le Conseil National pose un véritable
défi pour la démocratie, bien que le Souverain et le Conseil National,
qui partagent le pouvoir législatif, se contrôlent mutuellement.
Les experts du Conseil de l’Europe ont donc souligné que «le partage
des compétences réciproques est fondamental»
:
si le domaine de la loi et celui du règlement sont clairement définis
par la Constitution
, la Constitution
ne précise pas comment résoudre les cas de doute et les cas nouveaux
. Il y a une autre question juridique non
résolue qui avait déjà été évoquée par les précédents rapporteurs
de l’Assemblée parlementaire et à laquelle il faudra réfléchir à
l’avenir: dans les cas où une loi de ratification n’est pas nécessaire,
«de nouvelles incriminations et peines pénales peuvent être créées
par le biais d’une seule ordonnance souveraine portant application
d’un traité international prévoyant de telles incriminations et
peines pénales, alors que l’article 20 de la Constitution prévoit
que nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de
la loi»
.
6.6. La Principauté de Monaco est historiquement liée à la
France. Le 8 novembre 2005, Monaco et la France ont signé la Convention
destinée à adapter et à approfondir la coopération administrative
entre la République française et la principauté de Monaco
, que la France a ratifiée
en 2008. Depuis lors, afin de garantir le respect du principe de
non-discrimination, les citoyens monégasques peuvent être nommés
à de hautes fonctions publiques et gouvernementales, ce qui jusqu’alors
avait été réservé aux ressortissants français.
7. Depuis son adhésion en 2004, Monaco joue un rôle actif au Conseil
de l’Europe. Monaco a signé et ratifié 45 traités du Conseil de
l’Europe, et signé cinq traités supplémentaires: le Protocole additionnel
à la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte sociale
européenne (révisée), la Convention sur la cybercriminalité ainsi
que la
Convention
concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale et son Protocole (STE no 127
et STCE no 208) le 13 octobre 2014
. Monaco contribue activement aux
travaux du Conseil de l’Europe, comme en témoigne l’implication
de la délégation monégasque dans les travaux de l’Assemblée parlementaire,
la contribution essentielle de Monaco à l’organisation d’une Conférence
de haut niveau consacrée aux droits de l’enfant en avril 2006 et
d’une Conférence sur la stratégie du Conseil de l’Europe pour les
droits de l’enfant 2012-2015 les 20 et 21 novembre 2011, sous la
présidence de S.A.R. la Princesse de Hanovre, et le financement
de nombreuses activités du Conseil de l’Europe par des contributions volontaires.
8. Le 5 octobre 2014, à l’occasion du 10e anniversaire
de l’adhésion de la Principauté de Monaco au Conseil de l’Europe,
les autorités monégasques ont déposé leurs instruments de ratification
pour la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des
enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201,
«Convention de Lanzarote») et pour la Convention du Conseil de l’Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE no 210,
«Convention d’Istanbul»). Elles ont ainsi confirmé que la Principauté
est fermement ancrée dans l’Organisation, attachée à ses idéaux et
désireuse de soutenir ses activités.
9. Aujourd’hui, Monaco doit faire face à un certain nombre de
défis mondiaux et trouver le juste équilibre entre la préservation
de sa spécificité et l’ouverture au monde. Lors de mes visites,
j’ai discuté avec différentes parties prenantes des conséquences
des grandes tensions sur le marché immobilier pour la population monégasque,
des défis posés par la réforme du régime des pensions de 2012 et
la législation du travail, en particulier dans le secteur public,
de la situation de l’économie et des entreprises locales face à
la mondialisation, etc.
10. En même temps, la Principauté va s’engager dans des négociations
importantes avec l’Union européenne: le 16 décembre 2014, le Conseil
européen «[a] réaffirm[é] sa volonté de nouer des liens plus étroits
avec Andorre, Monaco et Saint-Marin», estimant qu’«une association
plus étroite avec ces trois Etats est dans l’intérêt de l’Union
européenne. Il attend avec intérêt d’approfondir et de renforcer
les relations actuelles avec ces pays, qui sont étendues mais fragmentées,
en tenant compte de l’importance que revêt une approche cohérente»
. Cela devrait permettre à la Commission
européenne de lancer des négociations avec Monaco, ce qui pourrait
avoir des répercussions non négligeables sur son développement économique.
3. Examen des progrès
réalisés dans le respect des derniers engagements à remplir par
Monaco
11. A la suite de l’organisation des auditions et réunions
susmentionnées, j’ai proposé d’établir une feuille de route pour
mener à son terme le dialogue postsuivi, proposition qui a été approuvée
par la commission de suivi à l’occasion de sa réunion du 14 décembre
2014 et partagée avec les autorités monégasques. Le 19 janvier 2015,
des informations supplémentaires ont été envoyées par S.E. M. Roger,
Ministre d’Etat, ainsi que par M. Nouvion, Président du Conseil
National, et M. Allavena, président de la délégation monégasque auprès
de l’Assemblée parlementaire. Je suis persuadé qu’avec une volonté
politique forte et un niveau élevé de coopération et de confiance,
nous pourrons résoudre le problème des derniers engagements à honorer. J’insiste
une fois de plus sur le fait que le Conseil de l’Europe reste à
la disposition de Monaco pour apporter le savoir-faire et les recommandations
nécessaires à l’élimination de tout obstacle juridique qui pourrait
encore l’empêcher de ratifier ces instruments internationaux. La
feuille de route incluait les demandes suivantes à l’intention des
autorités de Monaco:
3.1. Ratification des
protocoles nos 1 et 12 à la Convention européenne des droits de
l’homme
12. Lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, Monaco
s’est engagé à ratifier les Protocoles nos 1
et 12
à la Convention
européenne des droits de l’homme. Le Protocole no 1
concerne notamment la protection de la propriété, l’instruction
et les élections libres. Le droit de propriété, tel qu’il est entendu
par la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi la «socialisation
de la notion de bien» telle qu’elle résulte de l’interprétation
de la Cour, combinée avec l’application du principe général de non-discrimination
posé par l’article 14 de la Convention, préoccupe les autorités
monégasques
,
où la législation prévoit des droits d’accès au logement différenciés
pour les citoyens, les «enfants du pays», les résidents ou les étrangers,
ainsi qu’une réglementation particulière de la propriété foncière
. Cette question
a fait l’objet de discussions à plusieurs reprises avec les autorités
monégasques, et récemment à nouveau lors de ma réunion à Paris le
10 décembre 2014 avec M. Anselmi, Délégué aux Affaires Juridiques
auprès du Gouvernement de Monaco, et M. Polakiewicz, Directeur du
Conseil juridique et du droit international public du Conseil de
l’Europe. Dans sa lettre du 19 janvier 2015, le Ministre d’Etat,
M. Roger, a souligné que le gouvernement continuerait à examiner avec
attention toutes les solutions qui ont été envisagées lors de la
réunion du 10 décembre 2014, «car elles sont susceptibles de mener
à la ratification à terme du Protocole no 1
et de la Charte sociale». Le soutien exprimé par le Ministre d’Etat
est un signe encourageant.
13. Tenant compte des obstacles qui pourraient empêcher la ratification
du protocole, les autorités monégasques ont mené le 27 février 2015,
en collaboration avec le Conseil de l’Europe, une expertise approfondie
de la faisabilité d’une ratification et des options juridiques envisageables
(réserves, déclarations) dont dispose Monaco pour ratifier ces instruments,
tenant compte des spécificités de Monaco, et ont sollicité le savoir-faire
du Conseil de l’Europe sur la rédaction possible de réserves. Deux
options ont été explorées:
13.1. La
première option consisterait à formuler une réserve qui n’exclurait
du champ d’application de l’article premier du Protocole no 1
que certaines dispositions de la Constitution, en particulier celles tenant
aux priorités réservées aux nationaux et aux droits ouverts aux
étrangers. Une telle option présenterait toutefois un risque important
de voir déclarer la réserve non valide par la Cour, notamment eu
égard au caractère trop général des dispositions constitutionnelles
qui en seraient le fondement.
13.2. La seconde option procéderait d’une formulation «par énumération
exclusive», se basant sur une liste exhaustive des normes juridiques
internes à soustraire à l’application dudit article premier. Cependant,
un tel procédé ne pourrait couvrir d’éventuelles dispositions adoptées
après la ratification du Protocole. Les autorités estiment qu’une
telle réserve serait effectivement impropre à prendre en considération,
au fur et à mesure de leur émergence, les nouveaux besoins, sans
préjudice de la voir, là aussi, écarter par la Cour qui déduirait
son caractère trop général de l’abondance des textes figurant sur
ladite liste.
14. Sur la base de cet avis, le gouvernement a fait savoir que,
bien que Monaco ait fait son possible, en toute bonne foi, pour
honorer ses engagements internationaux en la matière, ceci à la
faveur de nombreux échanges et entretiens avec les services techniques
du Conseil de l’Europe, la ratification du Protocole no 1 peut
difficilement être envisagée. Le même raisonnement peut, a fortiori,
être suivi pour ce qui est du Protocole no 12
.
Toutefois, j’ai bien noté que les autorités monégasques avaient
à cœur de trouver une solution et je me félicite de l’idée de charger
un groupe de travail d’étudier de nouveaux éléments techniques qui
pourraient permettre d’envisager une ratification
,
après l’expérience positive et utile des consultations techniques précédemment
organisées avec les experts du Conseil de l’Europe. J’ai aussi noté
que les autorités monégasques et les experts du Conseil de l’Europe
s’accordaient à penser qu’à l’heure actuelle, aucun des deux mécanismes
de réserve étudiés (voir paragraphe 13) ne permettrait de préserver
pleinement les spécificités monégasques.
15. En ce qui concerne la ratification du Protocole no 12
à la Convention européenne des droits de l’homme et compte tenu
des réponses données par les autorités, je ne peux qu’encourager
les autorités monégasques à examiner plus avant, avec le Conseil
de l’Europe, les solutions qui pourraient permettre à la Principauté
de surmonter les obstacles juridiques et de ratifier cet instrument.
16. Je considère que la ratification de ces deux protocoles contribuerait
à protéger davantage encore les droits de l’homme à Monaco. A cet
égard, je voudrais saluer la décision très positive prise en octobre
2013 par le Prince de créer le Haut-Commissariat à la protection
des droits, des libertés et à la médiation
.
Mme Anne Eastwood a été nommée au poste
de Haut-Commissaire en février 2014. Son mandat concerne la protection des
droits de l’homme (articles 15 à 27) et la lutte contre les discriminations
(articles 28 à 32). Elle est également responsable de la médiation.
La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) considère
«que l’institution du Haut-Commissariat marque un progrès sensible
qui va dans le sens d’une meilleure protection contre le racisme
et la discrimination» tout en appelant à une plus grande indépendance de
cette institution
.
3.2. Ratification de
la Charte sociale européenne (révisée)
17. La Charte sociale européenne (révisée) a été ratifiée
par 33 Etats membres et signée par 12 (dont Monaco, en 2004). Bien
que les normes sociales soient considérées comme étant élevées à
Monaco, il y a une crainte que l’applicabilité directe de la Charte
sociale européenne (révisée) puisse porter atteinte au «pacte social»
établi à Monaco ainsi qu’à l’application de la «préférence nationale»
et à certaines allocations sociales spécifiques qui sont réservées
à ses citoyens.
18. Il faut rappeler à ce propos qu’en 2004, au moment de l’adhésion
de la Principauté de Monaco au Conseil de l’Europe, l’Assemblée
avait encouragé l’Organisation à tenir compte des régimes préférentiels
dont bénéficient les ressortissants monégasques en matière de logement
ou d’emploi, mais avait souligné dans le même temps que la Charte
sociale européenne (révisée) offrait la flexibilité nécessaire pour
tenir compte des spécificités des parties
.
19. Suite à cette série de consultations, j’ai invité les autorités
monégasques à réaliser, en coopération avec le Conseil de l’Europe,
une expertise approfondie sur la faisabilité d’une ratification
de la Charte sociale européenne (révisée), à identifier les articles
et alinéas que Monaco
pourrait
accepter et les options juridiques (déclarations) dont dispose Monaco
pour ratifier cette charte dans le respect des spécificités du pays,
et à identifier les mécanismes appropriés relatifs à l’applicabilité
de la Charte veillant à ce que les effets juridiques de la Charte
ne portent pas atteinte aux spécificités de Monaco.
20. Malgré les difficultés évoquées par les autorités, eu égard
aux spécificités de Monaco, le gouvernement a annoncé, le 11 mars
2015, qu’il était disposé à trouver une solution juridique. Nous
nous félicitons de la volonté du gouvernement de réfléchir à la
formulation d’un texte juridique permettant de ratifier la Charte sociale
européenne (révisée). Cependant, en ce qui concerne ce point précis,
le gouvernement est toujours à la recherche d’une solution appropriée
sur le plan politique et technique. Nous exprimons notre confiance
dans le processus, qui est déjà engagé, et exhortons l’ensemble
des parties concernées à trouver les mécanismes adéquats et à entreprendre
des démarches législatives pour mener ce processus à terme dès que
possible, en coopération avec les experts du Conseil de l’Europe.
21. Je pense que la ratification de la Charte sociale, qui offre
la possibilité d’une ratification «à la carte», pourrait être un
signal fort, qui marquerait la détermination de Monaco à préserver
ses normes sociales déjà élevées. J’encourage vivement les autorités
monégasques à étudier plus avant toutes les solutions juridiques qui
leur permettraient d’honorer cet engagement, en préservant dans
le même temps les spécificités de la Principauté. En dernier recours,
si, pour des motifs sérieux et justifiés, une ratification ne semble
pas réalisable pour le moment, Monaco devrait intégrer l’essence
des droits garantis par la Charte sociale européenne (révisée) dans
son droit interne.
3.3. Ratification de
la Convention sur la cybercriminalité
22. La ratification de la Convention du Conseil de l’Europe
sur la cybercriminalité, signée par Monaco en mai 2013, est sur
le point d’être achevée: le Conseil National a adopté le 5 décembre
2013 la loi no 1402 portant approbation
de ratification de la Convention sur la cybercriminalité.
23. Le 28 février 2015, le gouvernement a soumis au Conseil National
un projet de loi relative à la lutte contre la criminalité technologique
visant à mettre en conformité la législation monégasque avec les stipulations
conventionnelles. Nous attendons à présent que le Conseil National
adopte rapidement ce projet de loi pour permettre au gouvernement
de déposer les instruments de ratification. Le Président du Conseil National
m’a indiqué que le vote d’adoption de cette loi sera à l’ordre du
jour de la séance publique des 16 et 17 juin 2015.
3.4. Adoption, dans
les meilleurs délais, d’une nouvelle loi sur le fonctionnement et l’organisation
du Conseil National permettant de tenir compte des changements constitutionnels intervenus
en 2002
24. En décembre 2009, le gouvernement a déposé devant
le Conseil National le projet de loi modifiant la loi no 771
du 25 juillet 1964 sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil
National. La création en 2013 de la «Commission spéciale en charge
de la modification de la loi électorale ainsi que de la loi sur
l’organisation et le fonctionnement du Conseil National» a accéléré
l’élaboration de la loi. La commission de suivi a été informée de
l’état d’avancement des travaux de cette Commission lors de sa réunion
du 14 novembre 2014. M. Nouvion, Président du Conseil National,
et M. Rit, Président de la Commission spéciale, ont présenté les
changements importants qui pourraient être réalisés grâce à cette
loi pour accroître la capacité administrative du Conseil National,
faciliter le travail des conseillers nationaux à temps partiel (avec
le recrutement d’assistants parlementaires), officialiser le rôle
des groupes politiques, élargir le Bureau du Conseil National avec
la participation de l’opposition, etc.
25. Le 14 décembre 2014, la Commission Spéciale a adopté à l’unanimité
les modifications de la loi no 771 sur
l’organisation et le fonctionnement du Conseil National, qui ont
été transmises au gouvernement. Le projet du Règlement intérieur
du Conseil National devrait être examiné d’ici à la fin du mois
de mars 2015. Nous nous félicitons de ces progrès. Nous attendons
maintenant du gouvernement qu’il examine rapidement la loi modifiée,
afin de permettre au Conseil National de l’adopter en temps utile.
A cet égard, j’ai été informé que le gouvernement n’a pas relevé
de difficultés majeures de nature à retarder l’examen du projet
de loi amendé dans le texte transmis par le Conseil National. J’ai
été satisfait d’apprendre que le Président du Conseil National a
décidé d’inscrire le vote d’adoption de cette loi lors de la séance
publique du Conseil National des 16 et 17 juin 2015.
3.5. Réforme du Code
de procédure pénale et finalisation de la réforme du Code pénal
26. Plusieurs mesures positives ont été prises afin de
réformer le Code de procédure pénale et le Code pénal (comme attendu
en 2009) et d’autres dispositions légales, et ainsi harmoniser la
législation monégasque avec les normes du Conseil de l’Europe dans
les domaines des droits fondamentaux et de la lutte contre la corruption.
Comme cela avait été noté par mon prédécesseur, Mme Brasseur, le
pragmatisme des instances judiciaires qui se basent sur la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme avant même l’adoption
des lois requises mérite d’être salué. Le Président du Tribunal
Suprême, M. Linotte, m’a également informé de l’élaboration d’une
future Ordonnance Souveraine qui permettra de formaliser des pratiques
déjà existantes afin d’intégrer, de manière explicite, des principes
du procès équitable résultant de la Convention européenne des droits
de l’homme. Signalons notamment:
- l’adoption
de la loi no 1398 du 24 juin 2013 sur
l’administration et l’organisation du système judiciaire;
- l’adoption de la loi no 1399
du 25 juin 2013 portant réforme du Code de procédure pénale en matière
de garde à vue;
- l’adoption de la loi no 1394
du 9 octobre 2014 portant réforme des Codes pénal et de procédure
pénale en matière de corruption et de techniques spéciales d’enquête;
- la soumission au Conseil National, le 10 décembre 2012,
du projet de loi no 879 portant diverses mesures
en matière de responsabilité de l’Etat et de voies de recours.
- l’élaboration d’une Ordonnance Souveraine ayant pour objet
l’intégration explicite des principes du procès équitable résultant
de la Convention européenne des droits de l’homme dans le corps
des règles d’organisation et de procédure propres au Tribunal Suprême,
qui devrait être publiée d’ici la fin mars 2015 .
27. L’engagement est donc rempli de manière satisfaisante ou est
en voie de l’être.
28. Membre de la Convention pénale sur la corruption (STE no 173)
depuis 2007, Monaco est soumis à une procédure régulière de suivi
du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO). De ce point de vue,
nous saluons la réforme initiale de la loi sur le financement des
campagnes électorales, afin de réglementer non seulement les dépenses
de campagne, mais aussi les dons effectués dans le cadre de telles
campagnes. Citons à cet égard la loi no 1389
du 2 juillet 2012 relative au financement des campagnes électorales,
qui devrait être prochainement révisée, après le dépôt, le 2 octobre
2014, du projet de loi no 924 modifiant
la loi de 2012
.
29. De plus, il faut aussi noter l’adoption de la loi no 1364
du 16 novembre 2009 portant statut de la magistrature. Cette loi
a notamment permis la création d’un Haut Conseil de la Magistrature
présidé par le Directeur des Services Judiciaires, et des avancées
en matière de formation et d’évaluation des magistrats, y compris
celle des magistrats français détachés. Cette loi a également autorisé
la création d’un syndicat de la magistrature en 2011.
30. Dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent,
des avancées ont été notées depuis le dernier rapport avec l’adoption
de la loi no 1362 du 23 juillet 2009
qui a permis de renforcer le dispositif
de détection anti-blanchiment, et de renforcer les moyens du Service
d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (SICCFIN).
Par ailleurs, l’Ordonnance souveraine no 3561
modifiant
la législation de 2002 sur la répression du financement du terrorisme
a été adoptée le 9 décembre 2011. Monaco continue de faire l’objet d’un
suivi de la part de MONEYVAL, qui évalue la législation et sa mise
en œuvre, y compris l’application de mesures préventives par des
entreprises et professions financières et non financières. La loi
anti-blanchiment de 2009 impose aussi aux avocats l’obligation de
signaler dans certains cas au Procureur général toute transaction
suspecte. Mme Boisson, Directrice du
SICCFIN, a indiqué en novembre 2014 que 500 à 600 déclarations de
transactions suspectes sont enregistrées chaque année
. Au terme de la procédure,
seul un nombre limité d’affaires fait l’objet de poursuites. On
m’a expliqué qu’il est nécessaire d’identifier les infractions sous-jacentes
– qui ont souvent lieu à l’étranger –, de faire face aux difficultés
rencontrées avec les commissions rogatoires internationales et obtenir
les informations nécessaires à l’étranger. Dans le même temps, j’ai
été impressionné par les réponses rapides fournies par Monaco (deux
mois en moyenne) aux commissions rogatoires internationales.
3.6. Examen de la question
des conventions et des traités internationaux nécessitant le vote d’une
loi de ratification par le Conseil National
31. L’article 14 de la Constitution prévoit la ratification
des traités internationaux par le Prince et après examen préalable
et adoption d’une loi de ratification par le Conseil National dans
certains cas spécifiques
pour les traités qui:
i. affectent l’organisation constitutionnelle;
ii. entraînent la modification de dispositions législatives
existantes;
iii. entraînent la participation de membres du Conseil National
à une organisation internationale;
iv. créent une charge budgétaire de nature ou de destination
nouvelle.
32. Depuis l’entrée en vigueur de cette disposition constitutionnelle
en 2002, seules sept lois de ratification ont été adoptées par le
Conseil National et promulguées en vue de la ratification d’instruments
juridiques internationaux.
33. Sur la base de la
Résolution
1690 (2009), j’ai abordé la question de l’implication du Conseil
National dans la ratification des instruments internationaux. En
évoquant cette question lors de mes visites à Monaco, j’ai pu constater
que les membres du Conseil National sont, dans l’ensemble, d’accord
pour ne pas modifier la Constitution à cet égard. J’ai toutefois
aussi eu le sentiment que toutes les parties prenantes gagneraient
à trouver des modalités adéquates, formelles ou informelles, pour
développer la communication entre le gouvernement et le Conseil
National chaque fois que Monaco envisage la ratification de nouveaux
instruments internationaux et, dans certains cas, l’élaboration
de réserves et de déclarations. La ratification d’instruments internationaux
est fondamentalement un processus positif qui met en valeur les
normes et réunit un large consensus. Une telle «interaction» ne
porterait en aucune manière atteinte aux prérogatives du Prince
qui «représente la Principauté dans ses rapports avec les puissances
étrangères» (article 13 de la Constitution) et «signe et ratifie
les traités et accords internationaux» (article 14 de la Constitution).
34. Tout en respectant pleinement les dispositions constitutionnelles
exigeant l’adoption de lois de ratification par le Conseil National,
comme le spécifie l’article 14 de la Constitution, j’ai encouragé
les autorités monégasques à trouver les mécanismes appropriés, éventuellement
inscrits dans le Règlement intérieur du Conseil National, pour garantir
l’information régulière et la consultation non contraignante du
Conseil National quand Monaco envisage de ratifier une convention
ou un traité, et d’élaborer des réserves ou des déclarations à ces
instruments. J’avais alors suggéré que ceci puisse être fait par
un échange de lettres entre le gouvernement et le Conseil National
pour établir la procédure permettant la consultation régulière du
Conseil National dans ce domaine.
35. Cette possibilité a été accueillie favorablement par le Président
du Conseil National et le Président de la délégation de Monaco –
qui ont estimé cette démarche «nécessaire et utile afin de formaliser
le modus operandi de ce processus
constitutionnel» – et reçu un accueil favorable du Ministre d’Etat,
M. Roger: celui-ci a indiqué, dans une communication adressée le
18 février 2015 au Président du Conseil National, sa disponibilité
à envisager, «comme cela se pratique à l’ouverture de chaque session
ordinaire du Conseil National pour les projets de loi, de dresser
régulièrement lors des réunions de la Commission des Relations Extérieures
avec le gouvernement un état de toutes les conventions et traités
en discussion nécessitant, ou non, le vote d’une loi de ratification
en application de l’article 14 de la Constitution. Ce serait l’occasion
tout à la fois d’informer le Conseil National mais également de
répondre aux questions formulées par les élus». Je me réjouis de
ce fait de l’accord conclu en février 2015, suite à un échange de
lettres entre le Ministre d’Etat et le Président du Conseil National,
qui prévoit un modus operandi visant
à l’information régulière et à la consultation non contraignante
du Conseil National dès lors que Monaco envisage de ratifier une
convention ou un traité. Les modalités pratiques et régularité de
ces échanges restaient à préciser. J’ai été toutefois informé, le
11 mars 2015, par le Ministre d’Etat que cette procédure pourrait
être initiée rapidement. Il s’agit là d’un progrès indéniable, qui
répond aux attentes formulées par l’Assemblée parlementaire en 2009.
4. Conclusions
et perspectives d’avenir
36. Depuis son adhésion au Conseil de l’Europe en 2004,
Monaco a réalisé des progrès dans plusieurs domaines. Il est incontestable
que son appartenance au Conseil de l’Europe a eu de profondes répercussions sur
la législation et les pratiques de Monaco et stimulé l’adoption
de normes plus élevées et de meilleures pratiques démocratiques,
notamment dans les domaines de la lutte contre les discriminations,
de la lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux,
et de la défense des droits de l’homme, en particulier les droits
de la femme et de l’enfant. Avec la ratification récente des Conventions
d’
Istanbul et de
Lanzarote à l’occasion du 10e anniversaire
de l’adhésion de Monaco au Conseil de l’Europe, Monaco a confirmé
que la Principauté était fermement ancrée dans l’Organisation et
attachée à ses idéaux et qu’elle contribuait à ses activités.
37. En gardant à l’esprit les spécificités de Monaco qu’il convient
de respecter et les difficultés objectives auxquelles la Principauté
a dû faire face pour combiner le respect des engagements vis-à-vis
du Conseil de l’Europe et la sauvegarde de ces particularismes juridiques,
vitaux pour pérenniser la présence des citoyens monégasques sur
leur territoire, je salue la détermination des autorités monégasques, tant
le gouvernement que le Conseil National, pour identifier au cours
de ces derniers mois, en étroite collaboration avec le Conseil de
l’Europe, les solutions juridiques nécessaires pour honorer ses
derniers engagements d’adhésion, 10 ans après avoir rejoint le Conseil
de l’Europe. Je me félicite du dialogue constructif engagé et des
progrès réalisés, malgré des ressources administratives et humaines
limitées compte tenu de la taille du pays. Cela peut expliquer une
apparente lenteur du processus législatif ainsi que certaines difficultés
rencontrées pour mettre en œuvre rapidement des réformes concernant
des domaines essentiels tels que la justice, les institutions démocratiques
ou le dialogue entre les partenaires sociaux.
38. Je suis également convaincu que Monaco a la capacité de s’adapter
aux nouveaux défis démocratiques ainsi qu’à un monde mondialisé
en mutation et que, tout en préservant le caractère unique de son
régime, Monaco continuera à réformer ses institutions. La «Commission
spéciale en charge de la modification de la loi électorale ainsi
que de la loi sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil
National» a d’ores et déjà engagé les travaux de modernisation de
la législation électorale: le Conseil National a ainsi adopté, le
9 octobre 2014, la loi no 1409 sur les
élections nationales et communales
, ainsi qu’une modification de l’article
47 de la loi de 1968 (portant sur la validité des bulletins de vote)
votée le 26 novembre 2014
. Une réflexion globale sur le système
électorale devrait être menée à l’avenir.
39. Dans l’avenir, Monaco devrait aussi être en mesure d’aligner
sa législation et sa Constitution sur les pratiques qui se sont
développées dans le pays, et de procéder aux clarifications indispensables
(entre la législation et les ordonnances, par exemple). La question
du droit à l’amendement budgétaire, soulevée par les membres de
l’opposition, mériterait aussi réflexion. Les autorités pourraient
s’inspirer des compétences spécialisées du Conseil de l’Europe et
des pratiques des Etats membres. Je me félicite de la coopération fructueuse
établie avec le Conseil de l’Europe. Je suis donc persuadé que Monaco
améliorera encore sa législation et ses normes, dans la mesure où
la Principauté fait l’objet de plusieurs mécanismes de suivi qui formulent
des recommandations. Le Conseil de l’Europe reste aussi à la disposition
des autorités monégasques pour leur apporter ses compétences spécialisées
et son assistance juridique.
40. Pour conclure, je tiens à insister une nouvelle fois sur l’importante
contribution de Monaco au Conseil de l’Europe et sur les mesures
importantes prises par la Principauté depuis son adhésion à l’Organisation
en 2004 pour relever ses normes et aligner ses pratiques sur les
normes du Conseil de l’Europe. L’Assemblée prend acte de ces efforts,
sachant que la Principauté de Monaco doit faire face à de nombreuses
contraintes sur le plan des ressources humaines et des capacités
administratives et qu’il lui est essentiel de maintenir le traitement
préférentiel (en matière de logement, d’emploi et de prestations
sociales) réservé à ses citoyens, jugé vital pour pérenniser la
présence des Monégasques sur leur propre territoire.
41. Le présent rapport attire l’attention sur les progrès substantiels
accomplis par Monaco et sur le fait qu’il a honoré, ou est sur le
point d’honorer, quatre des derniers engagements souscrits en 2004,
à savoir:
- la ratification
de la Convention sur la cybercriminalité;
- l’adoption, dans les meilleurs délais, d’une nouvelle
loi sur le fonctionnement et l’organisation du Conseil National
permettant de tenir compte des modifications constitutionnelles
intervenues en 2002;
- la réforme du Code de procédure pénale et la finalisation
de la réforme du Code pénal;
- l’examen de la question des conventions et des traités
internationaux nécessitant le vote d’une loi de ratification par
le Conseil National.
42. En ce qui concerne la ratification des Protocoles nos 1
et 12 à la Convention européenne des droits de l’homme et de la
Charte sociale européenne (révisée), nous notons que, bien qu’aucune
solution juridique acceptable n’ait pu être trouvée à ce stade pour
honorer ces engagements, les autorités monégasques restent disposées
à continuer d’étudier les solutions juridiques, notamment en ce
qui concerne la Charte sociale européenne, qui pourraient ouvrir
la voie à une ratification de ces instruments. Je tiens à réaffirmer
ma confiance dans la capacité de Monaco à régler ces questions en
suspens, notamment par la création du groupe de travail proposé
par les autorités, en coopération avec le Conseil de l’Europe.
43. Tout en se félicitant des résultats obtenus par Monaco concernant
la majorité des engagements souscrits lors de son adhésion en 2004,
l’Assemblée attend à présent que Monaco progresse sur la voie du respect
des engagements restants. Dans l’attente de nouvelles avancées sur
ces questions, j’avais, dans un premier temps, envisagé de proposer
la poursuite du dialogue postsuivi avec Monaco. Toutefois, tenant compte
des positions exprimées par plusieurs membres de la commission de
suivi le 17 mars 2015, et de l’engagement renouvelé des autorités
à poursuivre les travaux sur les questions encore en suspens, comme me
l’a indiqué le Ministre d’Etat, j’ai proposé à la commission d’amender
ma proposition d’origine et de suggérer la fin du dialogue postsuivi,
à la lumière des progrès réalisés depuis 2009 et des efforts déployés
par Monaco pour honorer ses engagements. L’Assemblée devrait continuer
à suivre les développements législatifs et institutionnels, notamment
par le biais des rapports périodiques préparés par la commission
de suivi de l’Assemblée, conformément à la
Résolution 2018 (2014). L’Assemblée et le Conseil de l’Europe restent disposés
à accompagner la Principauté de Monaco dans ses futures réformes.