Avis de commission | Doc. 13826 | 23 juin 2015
Evaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
A. Conclusions de la commission
(open)



B. Amendements proposés au projet de résolution:
(open)Amendement A (au projet de résolution)
Au paragraphe 5.7, remplacer la deuxième phrase par la suivante:
«Elle salue les efforts déployés par le parlement pour associer plus activement le Conseil national des droits de l’homme, des communautés d’experts et des organisations non gouvernementales au processus législatif et préconise d’étendre cette pratique afin que leurs voix puissent mieux se faire entendre.»
Amendement B (au projet de résolution)
Au paragraphe 5.9, après les mots «la criminalisation de», ajouter les mots «l’adultère et de».
Amendement C (au projet de résolution)
Après le paragraphe 5.9, insérer le paragraphe suivant:
«reste concerné par l’absence de progrès relatifs aux sujets de préoccupation évoqués au paragraphe 9 de la Résolution 1942 (2013), tels que le recours à la torture, les traitements inhumains ou dégradants, les mauvaises conditions de détention, les violations de la liberté d’expression, de l’indépendance des médias, et des libertés d’association et de réunion pacifique.».
Amendement D (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 10.5, remplacer les mots «notamment ceux qui sont signalés par des organisations de la société civile et par les médias» par les mots «ainsi qu’aux autres sujets de préoccupation signalés par les Nations Unies, la société civile et les médias».
Amendement E (au projet de résolution)
Au paragraphe 8, à la fin de la première phrase, ajouter: «, notamment la torture, les traitements inhumains ou dégradants, les violations du droit à un procès équitable et les violations des libertés d’expression, de réunion et d’association».
C. Exposé des motifs, par M. Xuclà, rapporteur pour avis
(open)
1. Amendement A (au projet de résolution)
Note explicative:
L’amendement a pour objet de mettre en avant le rôle du Conseil
national des droits de l’homme (CNDH) dans le processus d’élaboration
d’une législation conforme aux normes internationales des droits
de l’homme. Comme indiqué dans le rapport de M. Klich ,
le rôle de cette institution n’a fait que croître au cours des dernières
années. Le Parlement marocain a pris en compte un tiers des observations
et propositions du CNDH. Cette évolution mérite d’être saluée, mais
le Parlement marocain devrait être encouragé à tenir encore plus souvent
compte de la position du CNDH lors de l’élaboration de la législation.
2. Amendement B (au projet de résolution)
Note explicative:
En référence à la dépénalisation de l’homosexualité, il convient
de ne pas oublier que l’adultère constitue toujours un crime dans
le Code pénal marocain. Une affaire récente rapportée par Human
Rights Watch (HRW) (concernant la condamnation
à une peine d’emprisonnement de dix mois du journaliste Hicham Mansouri
et de sa co-accusée, une jeune femme de 30 ans) témoigne de l’application
aujourd’hui encore de ces dispositions. Comme noté par le HRW, le
ministère de la Justice a même proposé d’amender le Code pénal pour
alourdir les sanctions en cas d’adultère, en assortissant la peine
d’emprisonnement d’une amende.
La pénalisation de l’adultère est contraire au droit au respect
de la vie privée, tel qu’inscrit à l’article 17 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), et porte atteinte
aux droits des femmes . D’où la nécessité
de recommander la dépénalisation de l’adultère.
3. Amendement C (au projet de résolution)
Note explicative:
Cet amendement tend à mettre l’accent sur la situation des droits de l’homme au Maroc, qui ne s’est pas améliorée depuis que je me suis penché sur cette question en 2013, en qualité de rapporteur pour avis.
Dans sa Résolution
1818 (2011), l’Assemblée a estimé qu’un certain nombre de mesures
concrètes, énumérées au paragraphe 8, étaient essentielles pour
renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales
au Maroc. Dans sa Résolution
1942 (2013), l’Assemblée a exprimé ses préoccupations s’agissant
en particulier du recours présumé à la torture, des traitements
inhumains ou dégradants, des mauvaises conditions de détention,
des violations des libertés de religion et d’expression, de l’indépendance des
médias, et des libertés d’association et de réunion pacifique .
Comme l’ont mis en lumière les Nations Unies et des ONG internationales
de premier plan militant en faveur des droits de l’homme, la plupart
de ces questions posent encore problème.
Dans sa Résolution
1818 (2011), l’Assemblée a souligné la nécessité de «prévenir la torture et les traitements
inhumains ou dégradants à l’encontre des personnes privées de liberté;
lutter contre l’impunité des
auteurs d’actes de torture et de sévices» (paragraphe 8.13, emphase
ajoutée). En dépit de l’adhésion du Maroc, en novembre 2014, au
Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants, des allégations graves d’abus à cet égard continuent
d’être signalées . A titre
d’exemple, dans son rapport du 19 mai 2015, Amnesty International dénonce
des actes de torture commis au Maroc, affirmant par ailleurs l’existence
d’une culture d’impunité
. Son rapport repose sur
173 allégations d’actes de torture et autres mauvais traitements
entre 2010 et 2014
, allant
de passages à tabac et de maintien dans des positions douloureuses
à des techniques d’asphyxie et de simulacre de noyade ou des violences
psychologiques et sexuelles. La plupart de ces actes ont été commis durant
la détention et la majorité des victimes étaient des individus accusés
d’infractions liées au terrorisme ou de menaces à la sécurité nationale,
des manifestants, des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile. Par
ailleurs, les autorités ont poursuivi et emprisonné des personnes
ayant rapporté de tels mauvais traitements, les accusant de «fausse
déclaration» et de «calomnie à l’égard des forces de sécurité»
. Ces conclusions ont également été corroborées
par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Juan E. Méndez,
à la suite de sa visite au Maroc en septembre 2012
. Comme souligné par le
Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, la
torture et autres mauvais traitements sont souvent utilisés pour
arracher des aveux, qui ne sont que très rarement rejetés par la
juridiction de jugement
.
Concernant les conditions de détention (mentionnées au paragraphe
8.13 de la Résolution
1818 (2011)), elles ne semblent toujours pas conformes aux normes
et principes des Nations Unies relatifs aux établissements pénitentiaires.
Il convient de s’attaquer au problème du surpeuplement carcéral
(par exemple, certaines cellules sont dépourvues de lit et présentent
une aération défectueuse), comme l’ont reconnu elles-mêmes les autorités
marocaines . Ce
surpeuplement est principalement dû au recours excessif à la détention provisoire
; selon la FIDH, 50 %
des détenus sont en détention préventive
. Par ailleurs, le Groupe de travail des
Nations Unies sur la détention arbitraire a reçu des allégations
selon lesquelles «le Maroc aurait servi de point d’origine, de transit
et de destination à des “transfèrements secrets” opérés dans le
cadre de la lutte internationale contre le terrorisme. (…) Ces “transfèrements
secrets” auraient été accompagnés de détention au secret et/ou dans
des lieux secrets, d’actes de torture et de mauvais traitements,
notamment lors des interrogatoires des suspects.»
.
Concernant la liberté d’expression et l’indépendance des médias
(évoquées au paragraphe 8.18 de la Résolution 1818 (2011)), les journalistes et militants font souvent l’objet
de poursuites et sont placés en détention pour avoir publiquement
critiqué le Roi, des responsables de l’Etat et des institutions
étatiques (notamment la police) ,
voire d’autres gouvernements arabes
.
Des ONG ont aussi rendu compte de l’interprétation extrêmement large
faite de la législation anti-terroriste, qui sert souvent de prétexte
pour mettre en accusation et condamner des journalistes
.
La liberté d’association et de réunion pacifique (évoquée
au paragraphe 8.19 de la Résolution
1818 (2011)) continuent également de poser problème, même si la
Constitution garantit la libre jouissance de ces droits. Malgré
l’existence de milliers d’associations indépendantes, les responsables
gouvernementaux entravent l’enregistrement de bon nombre d’entre
elles, notamment celles militant en faveur des droits des Sahraouis, des
Amazighs (Berbères), des migrants subsahariens et des chômeurs.
Au Sahara occidental, les autorités s’opposent à la reconnaissance
juridique de toutes les organisations locales de défense des droits
de l’homme soutenant l’indépendance de ce territoire, même lorsqu’elles
ont été reconnues par une décision de justice . La
FIDH
et
Amnesty International
ont
également rendu compte du refus par les autorités d’enregistrer «Freedom
Now», une ONG dont la vocation est de défendre la liberté d’expression,
ainsi que certaines antennes de l’Association marocaine des droits
de l’homme (AMDH)
. Par ailleurs, il
y a quelques jours à peine, deux chercheurs d’Amnesty International
ont été expulsés du Maroc au motif qu’ils constituaient «une menace
pour l’ordre public»
. Concernant
la liberté de réunion pacifique, il a été fait état à de nombreuses reprises
du recours par les forces de sécurité à une force excessive contre
les manifestants (des militants, étudiants, travailleurs et chômeurs
défendant les réformes ou la justice sociale), ayant entraîné des
morts et des blessés. Certains des manifestants ont également été
placés en détention et condamnés à des peines de prison (notamment
ceux qui ont participé à une manifestation syndicale à Casablanca
en avril 2014) et certains événements ont été interdits, en particulier
au Sahara occidental
.
4. Amendement D (au projet de résolution)
Note explicative:
Cet amendement cherche à mettre en lumière quelques autres sujets de préoccupation (non mentionnés dans l’amendement D proposé), par exemple les violations du droit à un procès équitable, les mauvais traitements infligés aux migrants en situation irrégulière et la traite d’êtres humains. Il souligne également que ces points ont été rapportés par la société civile et les médias, mais aussi par les organes des Nations Unies.
Le respect du droit à un procès équitable reste un problème,
comme rapporté par de nombreuses ONG, en particulier dans le contexte
de l’utilisation d’aveux obtenus par la torture ou d’autres mauvais
traitements (voir ci-dessus). Selon le Rapporteur spécial des Nations
Unies sur la torture, de nombreuses affaires soumises aux tribunaux
reposent entièrement sur de tels aveux . Il a également été fait
état d’accusations à motivation politique dans certaines affaires
et du refus des tribunaux d’autoriser les avocats de la défense
à procéder à un contre-interrogatoire des témoins de l’accusation
ou à citer des témoins à décharge
.
Une attention spéciale devrait également être portée aux droits
de l’homme des réfugiés, demandeurs d’asile et migrants en situation
irrégulière. Si depuis 2013, le Maroc a mené une politique plus
humanitaire s’agissant de la légalisation des migrants en situation
irrégulière, des cas de recours excessif à la force par la police contre
ces personnes, des décès non élucidés et des procès non équitables
ont été signalés . Comme
l’a noté la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la traite
des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, Mme Joy
Ngozi Ezeilo, à la suite de sa visite au Maroc en juin 2013, le
Maroc compte quelque 20 000 migrants clandestins et le nombre de
victimes de la traite dans ce pays a nettement augmenté au cours des
dernières années
.
La Rapporteure spéciale a par conséquent formulé plusieurs recommandations
à l’attention du gouvernement concernant l’instauration d’un cadre
juridique et institutionnel visant à combattre ce phénomène.
5. Amendement E (au projet de résolution)
Note explicative:
Cet amendement a pour objet de citer certains des principaux
problèmes des droits de l’homme au Sahara occidental, tels que le
recours à la torture, les traitements inhumains ou dégradants, les
mauvaises conditions de détention, des violations du droit à un
procès équitable et des libertés d’expression, d’association et
de réunion, soulignés dans le rapport de M. Klich (voir paragraphes
82-89) et la Résolution
2004 (2014) de l’Assemblée .