FR18CR04

AS (2018) CR 04

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la quatrième séance

Mardi 23 janvier 2018 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Nicoletti, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. Élection du Commissaire aux droits de l’homme et élection d’un juge à la Cour
européenne des droits de l’homme au titre de l’Espagne

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, je vous rappelle que nous procédons ce jour à l’élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et à l’élection du juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Espagne.

Les deux scrutins ont été suspendus à 13 heures. Ils reprennent immédiatement.

Ils se déroulent dans la rotonde derrière la Présidence et seront clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après, dans les conditions habituelles, sous le contrôle des scrutateurs que nous avons désignés par tirage au sort ce matin. Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

Les résultats des deux scrutins seront annoncés si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

2. Modifications dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT* – Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2018) 01 Addendum 3.

Ces propositions sont adoptées.

3. Communication du Comité des Ministres

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la communication du Comité des Ministres à l’Assemblée, qui sera présentée par M. Samuelsen, ministre des Affaires étrangères du Danemark et Président du Comité des Ministres.

Après sa communication, M. Samuelson répondra aux questions des membres de notre Assemblée.

Monsieur le Ministre, cher Président, c’est un très grand plaisir pour moi que de vous accueillir dans cet hémicycle dans le cadre de la présidence danoise du Comité des Ministres. Nous sommes extrêmement sensibles à votre disponibilité et à votre bonne volonté pour venir nous parler et explorer les moyens concrets qui permettraient à notre Assemblée de contribuer à la mise en œuvre des priorités de votre Présidence.

Les membres de la Commission permanente de l’Assemblée ont eu la possibilité d’avoir un premier échange de vues avec la ministre danoise de la Coopération et du développement, Mme Ulla Tørnæs, à Copenhague en novembre dernier. À cette occasion, les membres de l’Assemblée se sont vivement félicités des priorités identifiées, notamment la possibilité qui nous est offerte par la Présidence danoise d’approfondir notre réflexion portant sur l’avenir du système des droits de l’homme européen.

Quant aux autres domaines définis comme une priorité, tels l’égalité de genres, le droit des personnes en situation de handicap, la participation des enfants au processus démocratique ou encore la lutte contre la torture, ce sont autant de questions dont l’Assemblée estime également qu’elles requièrent une action immédiate. C’est la raison pour laquelle je puis réaffirmer ici le fort soutien que l’Assemblée apporte à la présidence danoise. Je ne doute pas qu’ensemble nous pourrons avancer dans la bonne direction vers un Conseil de l’Europe sachant répondre aux défis de l’avenir.

Je vous remercie à nouveau de votre présence, Monsieur le Ministre. Nous nous réjouissons de votre intervention.

M. SAMUELSEN, ministre des Affaires étrangères du Danemark, Président du Comité des Ministres* – Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, je suis très heureux d’intervenir pour la première fois devant votre Assemblée en tant que Président du Comité des Ministres.

Je suis déjà venu à Strasbourg de nombreuses fois, en tant que membre de «l’autre» parlement, le Parlement européen. C’est cependant une première pour moi, et aussi une première pour vous, Monsieur le Président. Je souhaiterais à cet égard commencer cette intervention en vous félicitant chaleureusement pour votre élection. Je tiens à vous assurer que la Présidence danoise travaillera en étroite coopération avec vous, et le Secrétaire Général, à un moment où notre Organisation doit faire face conjointement à de défis majeurs.

En novembre de l’année dernière, ma collègue, Mme Ulla Tørnæs, ministre de la Coopération et du développement, a présenté à votre Commission permanente les priorités de la présidence danoise. Aujourd’hui, je vous ferai part de quelques aspects importants concernant ces priorités et vous informerai des travaux du Comité des Ministres depuis votre précédente session.

Mesdames et Messieurs, je commencerai par la priorité principale de la Présidence danoise: la poursuite de la réforme du système européen des droits de l’homme.

Au cours du processus de réforme actuel, beaucoup a été fait pour mettre en place un système des droits de l’homme à la fois plus équilibré, plus ciblé et plus efficace. Nous sommes sur la bonne voie. Nous allons dans la bonne direction. Cependant, nous ne sommes bien sûr pas encore au bout du chemin. Plutôt que d’occulter les problèmes, nous devons engager un dialogue constructif, ouvert et honnête sur la manière de les résoudre. Nous devons nous employer à ce que les réformes déjà adoptées soient mises en œuvre. Il faut pour cela, entre autres conditions, que tous les États membres ratifient le Protocole 15 tel qu’il a été adopté à Brighton.

Nous voulons aussi explorer de nouveaux outils sur la manière d’établir un dialogue plus étroit entre les niveaux européen et national concernant l’application et le développement de la Convention des droits de l’homme. L’Assemblée parlementaire est à cet égard une instance importante. Nous aurons en particulier pour priorité de faciliter l’intervention des États membres dans les affaires portées devant la Cour – et la possibilité pour eux de défendre leur point de vue. Nous y voyons un outil important pour promouvoir un dialogue constructif sur l’interprétation de la Convention.

Lors de la Conférence d’experts à haut niveau tenue au Danemark en novembre, nous avons eu un débat très constructif que nous souhaitons vivement poursuivre. En avril, nous tiendrons une conférence ministérielle à Copenhague, avec pour ambition d’adopter une déclaration politique qui contribuera à améliorer et rendre plus efficace le système européen des droits de l’homme.

Outre notre priorité principale, quatre autres thèmes sont à l’ordre du jour de notre Présidence.

Le premier est l’égalité des chances. La nouvelle stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité de genre sera lancée lors d’une conférence qui se tiendra au Danemark en mai 2018. De plus, en coopération avec vous, nous organiserons une conférence sur les bonnes pratiques et les politiques inclusives concernant la vie privée et familiale des couples de même sexe.

Le deuxième de ces thèmes concerne les personnes handicapées. Sur la base des conclusions du séminaire sur la sensibilisation aux droits des personnes handicapées, tenu à Copenhague en décembre 2017, des mesures ont été prises pour vaincre les préjugés et modifier la manière dont les personnes handicapées sont perçues.

La troisième priorité concerne la place des enfants et des jeunes dans la démocratie. Leur implication dans ce domaine est capitale. Lors d’un séminaire prévu à Copenhague les 23 et 24 avril 2018, nous souhaitons appuyer les efforts du Conseil de l’Europe pour renforcer des compétences démocratiques telles que la compréhension mutuelle, la réflexion et la pensée critique.

Enfin, la lutte contre la torture est une priorité essentielle pour le Danemark. Il est très important pour nous de progresser dans ce domaine. La torture intervient souvent au début de la garde à vue et de la détention provisoire. Nous accueillerons une conférence sur ce thème en mars 2018 à Copenhague. Le but sera de partager et d’élaborer des bonnes pratiques.

Chers membres de l’Assemblée parlementaire, je n’ignore pas que notre Présidence intervient dans une période difficile pour le Conseil de l’Europe. Je veux parler de la participation de la délégation russe à vos travaux. Le Comité des Ministres et moi-même, en tant que Président, suivons de très près le dialogue en cours entre votre Assemblée et les autorités russes.

En tant que Président, je me suis employé à mieux faire connaître cette situation. À Bruxelles, hier, j’ai évoqué la question devant le Conseil des affaires étrangères.

La création d’une commission ad hoc sur «le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire» a été une mesure importante, à la suite du rapport Nicoletti appelant à la tenue d’un Sommet du Conseil de l’Europe. Le 13 décembre dernier, les Délégués des Ministres ont tenu un échange de vues constructif avec M. Nicoletti en sa qualité de rapporteur sur cette question.

J’ai noté avec intérêt la réunion que le Comité des Présidents de votre Assemblée a tenue le 14 décembre à Paris avec des députés du Parlement russe. J’espère vivement que tous les efforts consentis en vue de rapprocher les différents points de vue aboutiront à des résultats concrets.

Enfin, sur ce point, j’espère que la Fédération de Russie va maintenant respecter ses engagements auprès du Conseil de l’Europe en commençant à verser sa contribution obligatoire à notre budget.

Mesdames et Messieurs, depuis votre précédente session, le Comité des Ministres a pris un certain nombre de décisions concernant la situation au sein des différents États membres. Parmi celles-ci, j’aimerais mentionner la décision adoptée dans l’affaire opposant M. Ilgar Mammadov à l’Azerbaïdjan.

Le Comité des Ministres a en effet lancé le mois dernier une procédure d’infraction contre l’Azerbaïdjan en raison du refus persistant des autorités d’assurer la libération immédiate et inconditionnelle de M. Mammadov. L’Assemblée parlementaire sera tenue informée de l’évolution de ce dossier étant donné l’intérêt particulier que vous portez à la situation de M. Mammadov.

Concernant l’Ukraine, le Comité des Ministres a adopté une série de décisions dans lesquelles il a encouragé les autorités à poursuivre le processus de réforme de façon à s’assurer que le droit interne et la pratique de l’Ukraine soient pleinement conformes aux normes du Conseil de l’Europe. J’espère que les discussions en cours sur un nouveau Plan d’action seront finalisées rapidement. Le Comité a également souligné l’importance particulière des libertés fondamentales en Ukraine comme la liberté d’expression, la liberté des médias et la liberté d’association et de réunion, ainsi que des droits de toutes les personnes appartenant à des minorités nationales.

De ce point de vue, la situation en Crimée et dans l’est de l’Ukraine ne peut être ignorée. En ce qui le concerne, le Comité des Ministres s’est exprimé à maintes reprises en faveur de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.

Bien sûr, la décision prise récemment par la Turquie de mettre fin à son statut de grand contributeur rend la situation financière de l’Organisation encore plus compliquée. Le Comité des Ministres travaille actuellement à minimiser cet impact autant que possible. Le Comité examinera prochainement des mesures plus pérennes et ajustera en conséquence le Programme et Budget pour 2018-2019.

Lors de sa session de décembre, la Commission de Venise a adopté deux avis concernant les réformes judiciaires en Pologne. Il est très important que les recommandations de la Commission soient mises en œuvre, le Conseil de l’Europe étant en mesure d’apporter toute l’assistance que les autorités polonaises pourraient juger nécessaire.

En dehors de son espace géographique actuel, le Conseil de l’Europe entend poursuivre la coopération avec le Bélarus. Il convient cependant de rappeler que l’intégration du Bélarus au sein de notre Organisation ne pourra avoir lieu que sur la base de nos valeurs et de nos principes. Si le Conseil de l’Europe a joué un rôle clef dans l’abolition de la peine de mort en Europe, notre devoir est aussi d’agir pour que ce châtiment inhumain soit aboli partout dans le monde là où il subsiste encore.

Cela me conduit à une réflexion plus générale. Dans deux ans, le Conseil de l’Europe célèbrera son 70ème anniversaire, qui marquera un jalon dans notre coopération au sein de la famille européenne. Cette célébration sera une occasion historique d’avoir un débat de portée générale et approfondi sur l’avenir du Conseil de l’Europe et les priorités de l’Organisation. Ce débat devra avoir pour objectif général d’améliorer le Conseil de l’Europe et de le rendre plus efficace encore. Ce processus est déjà à l’œuvre avec les réformes menées actuellement à l’initiative du Secrétaire Général, mais ce n’est pas le moment d’y mettre un terme.

J’espère par conséquent que les ministres des Affaires étrangères seront aussi nombreux que possible pour assister à la réunion ministérielle qui se tiendra les 17 et 18 mai au château de Kronborg d’Elseneur, le château d’Hamlet, où nous prévoyons de tenir un débat thématique sur l’avenir du Conseil de l’Europe.

En bref, être ou ne pas être, telle est la question pour le Conseil de l’Europe.

LE PRÉSIDENT* – Nous vous remercions, Monsieur Samuelson, pour cette présentation très claire des priorités de votre présidence.

Nous allons maintenant aborder les questions. Je rappelle qu’elles ne doivent pas dépasser 30 secondes. Il s’agit de poser une question et non de faire un discours.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

Mme SCHOU (Norvège), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – La Présidence danoise présente un programme très circonstancié et ambitieux. Je salue en particulier sa volonté de mettre l’accent sur la mise en œuvre de la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme et sur la ratification du Protocole n° 15 par tous les États membres.

Le Conseil de l’Europe est aujourd’hui confronté à des difficultés budgétaires importantes, la Fédération de Russie ayant décidé de suspendre le versement des deux tiers de sa contribution au budget de 2017. La Turquie a par ailleurs annoncé qu’elle ne serait plus un grand contributeur au budget de l’Organisation.

Quelle est votre position à l’égard de cette situation délicate et que pourra faire le Danemark pour y remédier?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Le Conseil de l’Europe est effectivement confronté à une situation budgétaire extrêmement délicate. Le solde restant à payer par la Fédération de Russie pour 2017 équivaut approximativement à 22,3 millions d’euros. En outre, la décision prise par les autorités turques de ne plus être grand contributeur au budget de l’Organisation entraînera une perte de 20 millions d’euros. Cette situation aura évidemment des retombées extrêmement négatives sur les capacités opérationnelles de l’Organisation.

Face à la décision de la Turquie de réduire sa contribution, le Secrétaire Général a pris un certain nombre de mesures en attendant que le Comité des Ministres prenne des décisions afin d’opérer des ajustements pérennes dans le Programme et Budget pour 2018-2019. En ce qui concerne le non-versement de la contribution russe, comme il vous l’avait annoncé au mois d’octobre, mon prédécesseur a écrit à M. Lavrov pour lui faire part de son regret de cette décision qui met en péril le bon fonctionnement du Conseil de l’Europe. Il a rappelé au ministre russe des Affaires étrangères que le versement de cette contribution constituait une obligation inconditionnelle que la Fédération de Russie avait acceptée de sa propre volonté.

En coopération avec le Secrétaire Général, j’ai essayé de jouer un rôle actif pour remédier à cette situation. Le dialogue que votre Comité des Présidents a lancé avec la Fédération de Russie, ainsi que l’initiative de créer une commission ad hoc, constituent des éléments importants. Si la Fédération de Russie continue de suspendre sa contribution en 2018, cette situation aura sans aucun doute des retombées délétères sur le fonctionnement général de l’Organisation puisqu’elle entraînerait une perte de 32,8 millions d’euros pour le budget du Conseil de l’Europe, soit 11,6 % du budget général. Nous devons par conséquent prendre ce problème très au sérieux et je puis vous assurer que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour y remédier.

M. CRUCHTEN (Luxembourg), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – En ce qui concerne la situation très délicate des demandeurs d’asile dans la région des Balkans, nous recevons des informations de plus en plus inquiétantes sur des violations systématiques des droits de l’homme les plus élémentaires par les forces de police et les gardes-frontières, en particulier aux frontières entre la Hongrie et la Serbie et entre la Serbie et la Croatie. Selon des sources indépendantes - des organisations non gouvernementales (ONG) et des bénévoles – au moins 857 cas de violences extrêmes ont été signalés rien que pour l’année 2017.

Que peut faire le Comité des Ministres pour mettre un terme immédiatement à ces incidents et pour forcer les autorités de Hongrie et de Croatie à respecter leurs obligations au titre de la Convention européenne des droits de l’homme?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Ces événements récents n’ont pas encore fait l’objet d’une discussion au Comité des Ministres.

Nous sommes tous conscients des obligations assumées par les États membres, conformément au droit international, à l’égard des migrants et des réfugiés. Je pense plus particulièrement à la Convention de Genève de 1951, relative au statut des réfugiés, et à son protocole de 1967, à la Convention européenne des droits de l’homme et, enfin, à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

En ce qui concerne la situation à la frontière entre la Hongrie et la Serbie, le représentant spécial du Secrétaire Général pour les migrations et les réfugiés a effectué une visite d’établissement des faits en Serbie, prolongée en Hongrie dans deux zones de transit, en juin 2017. Son rapport a été publié en octobre dernier.

Je suis convaincu que le Gouvernement hongrois suivra les recommandations qui figurent dans ce rapport afin de respecter les normes internationales qui existent en matière de droits de l’homme.

M. TÜRKEŞ (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Les droits des réfugiés, protégés par le droit international, doivent être respectés; or, nombreux sont les pays qui ne le font pas. Quelles mesures pourriez-vous adopter pour remédier à cette situation, au cours de votre présidence?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Il est certain que le traitement de cette crise est une responsabilité qui incombe à tous les États membres et qu’il nécessite une réponse qui se fonde sur le respect des droits de l’homme et la solidarité. Nous sommes tous conscients des obligations dévolues aux États membres en vertu du droit international pour ce qui est des migrants et des réfugiés; elles découlent, en particulier, de la Convention de Genève de 1951, de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Veiller à la mise en œuvre des différents engagements qui ont été souscrits tout en gérant l’afflux des réfugiés et des migrants représente un défi majeur pour tous les États membres du Conseil de l’Europe. Le Comité des Ministres rappelle régulièrement les obligations qui leur sont dévolues à cet égard, y compris dans le cadre de la présidence danoise.

Toutefois, le Conseil de l’Europe n’est qu’une des nombreuses organisations et institutions qui œuvrent en ce domaine. Par conséquent, ses activités doivent se centrer sur ses domaines de compétence, là où il peut réellement apporter une valeur ajoutée. Il s’agit d’atteindre deux objectifs principaux: d’abord, répondre à l’arrivée massive de migrants; ensuite, lutter contre la discrimination et veiller à l’intégration, cela en se fondant sur les mesures proposées par le représentant spécial du Secrétaire Général sur les migrations et les réfugiés. Ce dernier a déjà effectué nombre de visites dans différents États membres et élaboré des suggestions concrètes permettant d’améliorer le traitement réservé aux réfugiés, soulignant la nécessité de respecter les normes internationales. Je n’oublie pas, enfin le plan d’action du Conseil de l’Europe, lancé en 2016, qui vise à construire des sociétés inclusives.

L’intérêt très vif manifesté par l’Assemblée parlementaire à la situation des migrants et des réfugiés est particulièrement opportun.

Mme SOTNYK (Ukraine), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Mon groupe se félicite des priorités du Comité des Ministres, mais le Conseil de l’Europe traverse des temps difficiles et il me semble que son engagement en faveur de ses principes et de ses valeurs est bien souvent sapé par un certain nombre d’États membres.

Selon vous, comment notre Organisation peut-elle trouver un équilibre entre la nécessité de la coopération entre les pays et la préservation de ses principes et de ses valeurs?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – D’abord, la coopération politique est nécessaire afin de promouvoir les principes et les valeurs du Conseil de l’Europe. Ce dernier joue un rôle unique en tant que forum paneuropéen pour le dialogue politique et la coopération en vue de promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit.

Le Comité des Ministres œuvre en tant que forum où il est possible d’élaborer les solutions européennes aux problèmes communs que doivent affronter les 47 États membres, mais aussi les solutions aux défis qui se posent aux pays individuellement.

Ensuite, les activités de coopération technique ne sauraient ignorer les principes et les valeurs du Conseil de l’Europe. Cette coopération vise à faciliter pour les États membres la mise en œuvre des normes contraignantes au plan juridique du Conseil de l’Europe. Bien souvent, les affaires devant la Cour donnent une bonne indication des problèmes spécifiques qui se posent dans chaque pays.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Monsieur le Ministre, je vous félicite pour l’appel à la réconciliation que vous avez lancé, entre l’Assemblée parlementaire et la délégation de la Fédération de Russie. J’espère que tout le monde vous aura entendu.

Vous avez donné la priorité à un certain nombre de questions. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme servirait vos objectifs, mais force est de constater que nous sommes toujours au point mort au bout de neuf ans.

Votre présidence est-elle prête à réaliser des efforts considérables pour accélérer la procédure d’adhésion de l’Union européenne à la Convention ou faut-il accepter que cet objectif ne soit pas atteint?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Cette question a été discutée à plusieurs reprises par le Comité des Ministres avec des hauts fonctionnaires de l’Union européenne. L’adhésion de cette dernière est toujours une priorité du Conseil de l’Europe et donc de la présidence danoise. Cette adhésion est essentielle pour compléter la construction d’une grande Europe dans un domaine aussi important que les droits de l’homme.

Tous nos interlocuteurs de l’Union européenne ont rappelé que l’adhésion est une obligation au regard de l’article 6 du Traité de Lisbonne et ont confirmé qu’elle reste une priorité pour l’Union européenne.

En décembre 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un avis sur le projet d’accord qui avait été négocié entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne en vue de l’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne examinent cet avis. Ce n’est qu’ensuite que les travaux en vue de l’adhésion pourront reprendre. J’espère que tout cela se fera très bientôt. Le Comité des Ministres et la présidence danoise continueront de suivre cette question avec attention.

Mme GAMBARO (Italie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Notre groupe approuve les différents points que vous avez mentionnés dans votre intervention, notamment l’intention d’augmenter l’implication des jeunes dans le processus démocratique et d’améliorer leur esprit critique.

Avez-vous envisagé des mesures concrètes qu’il conviendrait de prendre à l’école, à l’université ou ailleurs?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – La principale priorité de la présidence danoise est de poursuive la réforme du système des droits de l’homme pour en assurer l’efficacité et la pérennité. L’égalité de genre, les personnes handicapées, la jeunesse et la démocratie ainsi que la lutte contre la torture sont les autres priorités que j’ai énumérées dans mon intervention. Nous allons travailler sur ces questions avec les futures présidences croate et finlandaise. Notre présidence continuera à suivre aussi toutes les questions identifiées par la présidence tchèque sortante. Je serai à votre disposition ultérieurement pour des réponses plus détaillées.

LE PRÉSIDENT* – Nous en avons fini avec les questions des porte-parole des groupes. Nous poursuivons la liste des orateurs, en regroupant les questions par séries de trois.

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Ma question porte sur le problème de la sécurité et du terrorisme en Europe. Dernièrement, nous avons reçu des informations quant à l’installation massive de terroristes venus de l’étranger dans les territoires occupés par l’Arménie en Azerbaïdjan. Ces terroristes, selon des informations récentes, sont installés dans le district occupé de Qubadli. Nous savons que, dans l’ensemble, les territoires occupés sont utilisés depuis longtemps comme un refuge et un camp de formation pour des terroristes appartenant à un réseau terroriste international arménien.

Quelle est votre position au sujet de ces événements récents? Ils constituent une menace sérieuse pour notre continent et le monde. Quelles sont les mesures de prévention qui sont de votre ressort et que vous pourriez prendre à cet égard?

Mme BARTOS (Hongrie)* – Ma question est liée à celle de ma collègue italienne, Mme Gambaro. La présidence danoise accorde une attention toute particulière à la participation des jeunes à la démocratie. Cependant, des comportements que nous observons en Europe entraînent un certain scepticisme au sein de la société européenne. Comment pourriez-vous motiver les jeunes Européens pour mieux participer à la vie démocratique?

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Le changement des comportements et des préjugés concernant les personnes handicapées fait partie des priorités de la présidence danoise. De quelle façon le Conseil de l’Europe pourrait-il faire la différence, par le truchement du Comité des Ministres et de l’Assemblée parlementaire, notamment pour lutter contre la discrimination des personnes handicapées sur le marché du travail?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – La première question concerne certaines des conséquences regrettables et même dramatiques du conflit du Haut-Karabakh. Les tensions et les violences qui touchent les civils préoccupent vivement le Comité des Ministres. Il est capital que l’Arménie et l’Azerbaïdjan respectent leur engagement auprès du Conseil de l’Europe de régler ce conflit par des moyens pacifiques. Les efforts actuels déployés sous l’égide des coprésidents du Groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération de l’Europe (OSCE), en vue d’une solution négociée, ont mon plein appui.

Une nouvelle réunion entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays a eu lieu la semaine dernière, afin d’évoquer la mise en œuvre d’accords précédents. J’espère que ces progrès pourront se poursuivre, afin de trouver rapidement une solution pacifique au conflit. Le Conseil de l’Europe peut permettre de réunir des conditions propices à un accord de paix, en soutenant des mesures de renforcement de la confiance. Les coprésidents du Groupe de Minsk considèrent que ces mesures sont une contribution précieuse au processus de négociation. Nous allons poursuivre nos efforts dans ce domaine, jusqu’à ce qu’un accord puisse être conclu.

Concernant la deuxième question, comme cela a été indiqué dans ma communication, la participation de la délégation russe aux activités de votre Assemblée est une question qui est du ressort de cette dernière. Cependant, cette situation a des retombées directes sur l’ensemble de l’Organisation, entraînant des déséquilibres dans le fonctionnement des deux principaux organes du Conseil, l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres. Par conséquent, le Comité des Ministres et moi-même suivons avec beaucoup d’attention l’évolution de la situation et ses développements les plus récents. Je me félicite de votre décision de créer une commission ad hoc sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire. Elle se réunira pour la première fois ce jeudi. Le fait que des représentants de la Fédération de Russie participent aux activités de cette commission constitue un signe encourageant. C’est en tout cas mon avis. J’espère que des résultats fructueux verront le jour.

Nous sommes convaincus que le Conseil de l’Europe doit conserver son rôle de forum de dialogue et de coopération paneuropéen au niveau politique. En ma qualité de Président du Comité des Ministres, je continuerai d’utiliser tous les moyens en mon pouvoir, – au plan bilatéral ou multilatéral – pour sensibiliser mes collègues européens à l’importance de cette question.

Quant à la question de la protection du droit des handicapés, elle fait effectivement partie des priorités de la présidence danoise et du Comité des Ministres. Une nouvelle stratégie du Conseil de l’Europe en matière de handicap, sur la période 2017-2023, a été adoptée par le Comité des Ministres en novembre 2016. Son objectif est de parvenir à l’équité, à la dignité et à l’égalité des chances pour les personnes handicapées. Il convient de mettre un terme aux difficultés qu’elles rencontrent, pour leur donner l’indépendance, la liberté de choix, la participation pleine et entière à tous les domaines de la vie et de la société, y compris sur le marché du travail.

La présidence danoise, en s’appuyant sur cette stratégie, souhaite renforcer la coopération entre les États membres en matière de droits de l’homme pour les personnes handicapées et centrer son attention sur le changement des mentalités. Nous avons accueilli un séminaire de travail à Copenhague, en décembre dernier, dont l’objectif était de lancer des initiatives dans les États membres, en vue d’accomplir des progrès en termes de développement et de mise en œuvre de cette stratégie. Nous souhaitons également souligner combien il est nécessaire de lutter contre la violence et les abus à l’encontre des personnes handicapées, notamment les filles et les femmes handicapées.

Les membres de cette Assemblée peuvent jouer un rôle essentiel, dans un premier temps, en aidant à rendre plus visible le sort de ces personnes dans leur pays d’origine, mais également en favorisant la prise de conscience de la nécessité de mesures concrètes pour veiller à l’équité, à la dignité et à l’égalité des chances pour toutes les personnes handicapées.

M. ABUSHAHLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – La décision du Président Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël est une violation du droit international, des accords internationaux et des décisions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Quelle a été la réaction du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à ce sujet? Est-elle conforme à l’avis des ministres de l’Union européenne, qui ont confirmé leur préférence pour la solution des deux États? Pensez-vous que le temps est venu de reconnaître la Palestine comme un État occupé?

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Malheureusement, le nombre de conflits gelés augmente, essentiellement en Europe de l’Est: République de Moldova, Ukraine, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan…Avez-vous l’intention d’aborder ces questions complexes? Comment comptez-vous garantir le respect des droits fondamentaux dans ces zones?

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni)* – Les autistes – une personne sur cent souffre de cette affection – sont particulièrement défavorisés en matière d’éducation, d’emploi, d’accès aux services, et même d’espérance de vie. Une étude a montré que les autistes étaient deux fois plus susceptibles de mourir jeunes que les autres. Que prévoyez-vous de faire, pour eux et pour leurs familles, durant votre présidence?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Tout d’abord, la question du conflit israélo-palestinien n’a pas été discutée au Comité des Ministres, car elle ne fait pas partie du mandat du Conseil de l’Europe. Je n’ai donc pas de position officielle à vous communiquer sur ce sujet. Cependant, j’espère qu’une solution politique pour assurer une paix durable dans la région sera trouvée rapidement, dans le respect du droit international.

Se mettre d’accord sur le statut de Jérusalem sera probablement le point le plus difficile pour les parties. Le Danemark, pour sa part, adhère à la position de l’Union européenne sur ce sujet, et n’a pas l’intention de déplacer son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem. Dans le contexte actuel, tout déplacement d’une ambassade à Jérusalem ravivera non seulement le débat entre les parties, mais aura des conséquences sur l’ensemble de la région, car le statut de la ville de Jérusalem n’est pas une question uniquement bilatérale.

Monsieur Ghiletchi, les droits des populations qui vivent dans des zones de conflit doivent être garantis, conformément aux instruments du Conseil de l’Europe et plus particulièrement à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Comité des Ministres accorde toute son attention aux droits de ces personnes, notamment en assurant la supervision des arrêts prononcés par la Cour. Afin de garantir que toutes les populations vivant dans les régions en conflit soient pleinement protégées par les normes du Conseil de l’Europe, il est important d’assurer que toutes les instances des droits de l’homme de ce dernier puissent effectivement et correctement réaliser leur travail de contrôle. J’encourage donc les parties concernées par ces conflits à prendre toutes les mesures nécessaires pour donner un accès plein et entier aux instances de contrôle du Conseil.

Madame Gillan, comme je l’ai déjà indiqué à Mme Christoffersen, la protection et la promotion des droits des personnes handicapées – et cela inclut évidemment les autistes – est une priorité, tant pour la présidence danoise que pour le Comité des Ministres. Les autistes, comme d’autres handicapés, ont droit au respect de leur dignité, à une égalité d’accès aux services publics, et à l’emploi. Ils doivent bien entendu être protégés contre les discriminations.

La stratégie du Conseil de l’Europe, que nous appuyons pleinement, vise à garantir l’égalité, la dignité et l’égalité des chances pour toutes les personnes handicapées. Cela ne sera possible que si nous abattons les barrières qui empêchent les personnes souffrant de handicap de vivre de manière indépendante, de jouir de leur liberté de choix et de participer effectivement et pleinement à la vie de la société.

Sur la question des droits des personnes handicapés, la présidence danoise s’efforce de renforcer la coopération entre les États, en mettant l’accent sur le changement des comportements en vue de faire de vrais progrès. Mais pour que cela soit possible, il nous faut fournir un effort cohérent et durable. Dans ce contexte, l’Assemblée peut jouer un rôle majeur. Je vous encourage donc à rendre les handicapés plus visibles et à poursuivre votre action pour renforcer leurs droits fondamentaux, tant au niveau national qu’au niveau européen.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Nous avons déjà appelé votre attention sur deux Azerbaïdjanais détenus illégalement en Arménie, M. Guliyev et M. Asgarov. Que pouvons-nous attendre de vous qui venez de prendre vos fonctions de Président du Comité des Ministres?

Par ailleurs, un million de réfugiés et de déplacés azéris sont empêchés de rentrer chez eux en raison de l’occupation arménienne. Que répondez-vous à ces personnes qui attendent votre soutien?

M. XUCLÀ (Espagne)* – En ces temps dominés par les réseaux sociaux, le Secrétaire Général, M. Jagland, encourage la réflexion sur les fake news. Quelle est votre contribution à cette réflexion?

LE PRÉSIDENT* – M. Khader, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. KILIÇ (Turquie)* – Nous sommes ravis de voir que la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme compte parmi les priorités de la présidence danoise. Comment le Danemark entend-il préserver le programme de réformes actuel sans compromettre le statut de la Cour? Allez-vous, durant votre présidence, formuler des propositions concrètes?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Le Comité des Ministres n’a cessé de le dire et de le répéter: la médiation en vue du règlement du conflit du Haut-Karabakh relève du Groupe de Minsk de l’OSCE. Il est essentiel que l’Arménie et l’Azerbaïdjan respectent leur engagement de régler le conflit pacifiquement. Cela étant, le Conseil de l’Europe peut évidemment contribuer à créer les conditions favorables à la recherche d’un accord de paix, notamment par la mise en œuvre de mesures suscitant la confiance.

Concernant les fake news, la diffusion massive sur Internet d’informations douteuses représente effectivement un risque de plus en plus important pour le fonctionnement de nos démocraties, et les répercussions sur nos processus politiques peuvent être extrêmement graves. Ce problème a été au centre de l’attention du Secrétaire Général, dans son rapport de l’année dernière sur l’état de la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit.

Je crois que nous devons nous attaquer aux causes du problème, et pas seulement à ses symptômes. Il nous faut trouver un équilibre entre le respect des droits de l’homme et la participation démocratique.

Dans son rapport, le Secrétaire Général a fait référence à la plateforme du Conseil de l’Europe pour la promotion du journalisme et la protection des journalistes. Ceux-ci se heurtent à certaines difficultés aujourd’hui, dont les fake news, et la plateforme vise notamment à identifier d’éventuelles solutions à ces difficultés.

Ce dialogue a été initié. En outre, le Comité directeur sur les médias et la société de l’information – le CDMSI – se penchera sur le phénomène des fausses informations et de la manipulation de l’information, ainsi que sur toutes les menaces prenant naissance dans la sphère numérique, et énumérera les réactions envisageables.

Enfin, garantir l’efficacité à long terme du mécanisme de contrôle de la Convention européenne des droits de l’homme constitue une priorité clé de la présidence danoise du Comité des Ministres. Le Danemark a toujours été un fervent partisan du système européen des droits de l’homme et le demeure. Nous aimerions faire en sorte que celui-ci soit plus efficace à l’avenir et conserve son rôle capital en Europe.

Même si le processus de réforme actuellement en cours a abouti à des améliorations considérables, le système de la Convention européenne des droits de l’homme est toujours confronté à des défis de taille. Le nombre substantiel d’affaires en cours d’examen devant la Cour européenne des droits de l’homme constitue un obstacle majeur au bon fonctionnement de cette dernière et à sa crédibilité à long terme. La présidence danoise aimerait faire en sorte que les réformes adoptées soient appliquées, notamment grâce à la ratification par tous les États membres du Protocole n15 portant amendement à la Convention européenne des droits de l’homme.

Nous souhaitons également initier un nouveau dialogue au sujet des activités futures visant à réformer le système de la Convention européenne des droits de l’homme après 2019. La présidence danoise estime qu’un dialogue accru entre les grands acteurs, mené dans le respect du rôle et de l’indépendance de la Cour, renforcera l’autorité et l’efficacité du système de la Convention. Il devrait également permettre d’améliorer la compréhension réciproque entre les États membres et la Cour, ce qui renforcera l’appropriation du système de la Convention ainsi que l’appui dont il bénéficie.

Pour encourager ce dialogue, le Danemark a organisé une conférence de haut niveau, qui a rassemblé des experts à Kokkedal en novembre dernier. Sur la base de ses conclusions et du dialogue avec les parties prenantes qui s’est ensuivi, la présidence danoise organisera au mois d’avril prochain, au Danemark, une réunion ministérielle, sous l’égide du ministre de la Justice, ayant pour objectif l’adoption d’une déclaration politique dressant un état des lieux du processus de réforme actuellement en cours, mais aussi proposant de nouvelles mesures visant à renforcer le système de la Convention et à formuler des orientations relatives aux futures réformes.

LE PRÉSIDENT* – Nous devons à présent conclure cet échange de vues avec M. Samuelsen, que je remercie chaleureusement au nom de l’Assemblée, tant pour son intervention que pour ses réponses très précises.

Je vous rappelle que le scrutin pour l’élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et celui pour l’élection du juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Espagne sont en cours.

Ces scrutins seront clos à 17 heures.

M. Seyidov, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Nicoletti au fauteuil présidentiel.

4. Un revenu de citoyenneté de base, une idée qui se défend

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport de Mme Catalfo, au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, sur «Un revenu de citoyenneté de base, une idée qui se défend» (Doc. 14462). Ce rapport sera présenté par M. Schennach.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte vers 18 heures. J’interromprai donc la liste des orateurs vers 17 h 55, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et procéder aux votes nécessaires.

Monsieur Schennach, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation du rapport et la réponse aux orateurs.

M. SCHENNACH (Autriche), président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, suppléant Mme Catalfo* – Je suis un homme et je ne suis pas italien. Nonobstant, je puis vous présenter le rapport de notre collègue Nunzia Catalfo, qui est malheureusement malade, comme d’autres collègues, tels Liliane Maury Pasquier ou Sir Roger Gale. Que voulez-vous, c’est le mois de janvier: la grippe sévit.

Ce rapport sur le revenu universel – ou «revenu de citoyenneté de base» – a fait l’objet de fort longues discussions en commission des questions sociales. Il a fallu un certain temps pour que ce concept soit bien compris, car il procède d’une approche nouvelle, ou presque: les Églises catholique et protestante européennes, compte tenu du chômage massif des jeunes et du fait que de nombreux jeunes, qui ne gagnent pas assez pour quitter le foyer parental, doivent travailler et vivre dans des conditions précaires, ont estimé qu’il fallait trouver une solution. Le concept de revenu universel est le fruit de ce constat.

Nous évoquons souvent la nécessité de percevoir un revenu permettant de mener une vie digne. Le rapport de Mme Catalfo tâche justement de dissocier la question de la rémunération de celle du travail.

Nous vivons une époque marquée par la domination croissante de nouvelles technologies destructrices d’emplois. Elles en créent aussi, mais qui ne peuvent être occupés par les mêmes personnes. Ces domaines de pointe exigent des spécialistes. Les mères célibataires et d’autres personnes employées à temps partiel comme caissières dans les supermarchés sont de plus en plus évincées par les machines. Dès lors, comment leur assurer une rémunération? On estime qu’en Allemagne, par exemple, la numérisation pourrait supprimer un emploi sur deux. Tout le monde ne pourra pas se contenter de rester à la maison et de jouir des loisirs. Le rapport vise à réfléchir à ces questions et à proposer une nouvelle approche. Je vous invite à le soutenir, ainsi que le projet de résolution qu’il contient.

J’étais moi-même un peu sceptique au début mais il faut envisager de poser le problème différemment. Si, dans six ou sept ans, un très grand nombre d’emplois ont été détruits, il faudra bien trouver des solutions de remplacement. Dans ma ville, une pharmacie qui employait 20 personnes a été entièrement modernisée. Des robots gèrent les commandes, la logistique, la mise à disposition des médicaments, et il n’y a plus que cinq employés. On pouvait pourtant croire à la stabilité d’un tel emploi. Eh bien, tel n’a pas été le cas. Il faut donc repenser entièrement nos mécanismes de compensation des revenus.

Mme Catalfo a engagé cette réflexion. Issue d’un mouvement politique progressiste, elle a repris une idée développée par les Églises dans le cadre de la réflexion sociale. Nous avons de plus en plus besoin d’un revenu de citoyenneté de base. Mme Catalfo a démontré que l’on ne pouvait plus continuer comme avant, car si les jeunes ne peuvent plus quitter le foyer parental, les parents sont parfois eux-mêmes obligés de s’en remettre à l’aide des grands-parents. Aujourd’hui, Tanguy vit chez ses grands-parents, tout comme ses parents. Il faut donc trouver une autre façon d’assurer une rémunération minimale.

Il faut revoir les mécanismes de redistribution. Tout le monde veut jouir des services et de l’offre culturelle offerts par nos pays. Même les fraudeurs ou les évadés fiscaux aiment profiter des services proposés par l’État et les collectivités. Cela ne peut fonctionner que si chacun paie des impôts et des cotisations. Or aujourd’hui tout est de plus en plus déséquilibré.

Dans nos pays, nous avons prévu un minimum vital, qui n’est généralement pas lié à l’exercice d’un emploi. Le rapport propose d’améliorer nos systèmes visant à garantir un revenu minimal pour tous. Ce débat a toute sa place au Conseil de l’Europe. Mme Catalfo a fait un excellent travail. Elle dénonce des travers, notamment des formes de discrimination et d’arbitraire. Nous avons toutes et tous, dans nos pays – du moins je l’espère – des mécanismes assurant un revenu minimal. Ceux qui n’en auraient pas devraient impérativement y venir. Dans mon pays, il existe un socle social minimal. La nouveauté serait de mettre en place un revenu dissocié de toute condition sociale et de tout emploi. Dans ce contexte, il est indispensable d’ouvrir une nouvelle forme de dialogue social.

Je le répète, les mutations technologiques, l’introduction de sosies robotisés provoquent des mutations sociales considérables. Inutile de vouloir jouer les Don Quichotte et de pourfendre les robots, car leur multiplication est inévitable, mais il faut envisager d’autres mécanismes pour contrecarrer cette évolution. Si un supermarché de plusieurs centaines de mètres carrés n’a plus que trois salariés – je pourrais citer aussi l’hôtellerie, où la numérisation est en train de faire disparaître de nombreux emplois –, il faut employer les gens ailleurs.

Face à des évolutions irréversibles, il faut envisager de l’inédit. C’est ce que fait Mme Catalfo. Je vous invite à soutenir son rapport et le projet de résolution et à poursuivre ces réflexions sur les changements radicaux qui sont en train de s’opérer dans notre environnement. De nombreuses avancées, que nous n’envisageons même pas aujourd’hui, interviendront certainement. Il faut nous y préparer. Dans la mesure où les jeunes n’ont plus guère de possibilités de s’assurer les conditions d’une vie indépendante et autonome, il faut changer de cadre. Ce rapport est une première tentative en ce sens.

LE PRÉSIDENT* – Merci, Monsieur Schennach de vos propos aimables à l’égard de la rapporteure et de Sir Roger Gale. Il vous restera 1 minute 30 pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Pardon de commencer de façon négative, mais je suis en désaccord total avec tout ce qui vient d’être dit. J’émets de fortes réserves quant aux idées exprimées dans ce rapport.

Nous constatons tout d’abord que la situation internationale ne va pas dans le sens du point de vue développé dans le rapport. J’appelle votre attention sur le rejet par la Suisse, lors d’un référendum, de l’introduction d’un revenu de citoyenneté. Une expérience est en cours en Finlande; nous devons attendre avant d’en tirer des conclusions.

Mes réserves ont trait à différentes questions.

Premièrement, la question technologique. Il ne faut pas avoir peur de l’évolution et des progrès de la technologie, pas plus qu’il ne faut avoir des craintes quant au fait que le taux d’emploi puisse évoluer en conséquence. Ma première réserve sur le revenu de citoyenneté tient donc à l’absence de lien entre ce sujet et l’emploi.

Nous avons connu des réussites majeures au Royaume-Uni, qui ont incité les citoyens à abandonner leurs prestations sociales pour prendre un emploi. Cela démontre que ce rapport n’est pas fondé. À mes yeux, le revenu de citoyenneté pousse au laxisme et favorise le chômage. Trois millions de nouveaux emplois ont été créés au Royaume-Uni depuis 2010 – voici une contribution très précieuse aux statistiques en matière d’emploi.

Deuxièmement, le coût d’un tel dispositif pour le Royaume-Uni, par rapport aux prestations sociales allouées actuellement, a été évalué à 100 milliards de livres sterling. Ce dispositif ne tiendrait pas compte des besoins différents que connaissent les ménages. Or tout doit être chiffré. Ainsi, si un ménage connaît, par exemple, une situation de handicap, cela représente un coût supplémentaire. Or cette idée ne tient pas compte de statistiques claires et chiffrées. De plus, cet argent doit bien venir de quelque part. En l’occurrence, il viendra des contribuables et de l’imposition. Donc, en adoptant un tel dispositif, loin de réduire l’impôt, on augmente le taux d’imposition des contribuables.

Troisièmement, l’idée de passer à une couverture générale de l’État au lieu de prestations ciblées pose problème. Dès lors qu’il n’est pas ciblé, qu’il ne prend pas en compte le niveau de pauvreté, le revenu de citoyenneté est injuste et ne contribue pas à la réduction de la pauvreté. Ce système ne tient pas compte des besoins de chaque famille. Cela signifie que l’on va réduire les prestations allouées à certaines catégories de personnes, notamment les parents célibataires.

Enfin, le dispositif aura également un impact sur le salaire minimum. Mais, de toute façon, comment voulez-vous être intéressé par un salaire minimum et travailler si l’État verse déjà un revenu universel suffisant?

M. STEVANOVIĆ (Serbie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Pour le dire de manière assez franche et directe, je dirai que ce rapport, c’est l’arrivée du Père Noël.

Depuis plus de vingt ans, nous avons de vives discussions sur l’évolution du rapport de forces entre l’Europe et ses principaux concurrents en matière de technologie et d’entreprenariat. L’Europe perd son rôle prééminent sur les marchés et nous souffrons d’un taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes. Dans certaines régions d’Europe, cela pose un réel problème d’intégration. La croissance du PIB est limitée. Même si l’Europe reste le meilleur endroit où vivre, malheureusement, rien n’est jamais acquis.

Ce rapport revêt, en fait, un aspect très positif: il met au jour les problèmes actuels de l’État-providence européen et les conséquences que font peser sur lui des charges excessives et des problèmes fiscaux. Toutefois, la voie de recours proposée est néfaste et tout aussi infondée que les solutions proposées actuellement.

Aucune analyse n’est fournie quant au coût énorme que représentera ce revenu de citoyenneté de base. L’état de la sécurité sociale, en particulier celui du système de santé, n’est pas pris en considération. En fait, il faudra payer pour concrétiser un tel rêve. À n’en pas douter, fournir un revenu à hauteur de 60 % du revenu médian à tous les citoyens aura pour conséquence de réduire à néant la compétitivité de l’Europe et d’anéantir la volonté d’entreprendre. Cela entraînera une augmentation de la pauvreté et créera une société passive, au lieu d’une société d’individus actifs, cherchant à saisir leur chance en innovant pour améliorer la qualité de vie de tous les Européens.

La vision de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe est celle d’une Europe de citoyens libres, vivant dans la meilleure région du monde et qui devraient pouvoir entrer en compétition et en concurrence avec les autres grands marchés, une Europe des citoyens responsables.

Plusieurs paragraphes ne me conviennent pas dans le texte qui nous est soumis, notamment au sujet de la révolution numérique et de son caractère prétendument délétère. On nous dit que l’initiative proposée permettra d’améliorer la mobilité au sein de la société et de réduire les inégalités.

Mesdames et Messieurs, je viens d’une région d’Europe qui a vécu pendant 40 ans sous le joug d’un pouvoir qui se justifiait par le principe suivant: «Chacun doit pouvoir vivre en fonction de ses besoins et de ses moyens». Cela n’a pas fonctionné et ne fonctionnera jamais. Les seuls résultats en sont une situation chaotique et des violations des droits de l’homme.

Par ailleurs, l’une des nations européennes les plus riches a rejeté l’idée d’un revenu de citoyenneté de base par référendum, à une majorité écrasante.

Enfin, l’histoire des libertés politiques démontre qu’il n’y a jamais eu d’avancées sans liberté économique. Par conséquent, l’ADLE est totalement opposée à cette proposition de revenu de citoyenneté de base.

M. NORDQVIST (Danemark), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Il est temps que je puisse intervenir pour donner un ton plus optimiste et favorable à l’idée d’un revenu de citoyenneté de base. Permettez-moi, tout d’abord, de féliciter notre rapporteure, malheureusement absente.

Ce rapport pose énormément de questions très importantes et donne des pistes de réflexion utiles. Nous vivons une période de bouleversements, ce qui est toujours passionnant, mais aussi inquiétant: nous sommes confrontés à des défis. Il est vrai que le travail est en pleine mutation. De la même façon que nous sommes passés, jadis, d’une société agricole à une société industrielle, nous passons actuellement d’une société industrielle à quelque chose d’inédit; nous devons nous adapter.

Par ailleurs, nous voyons que les inégalités croissent, en Europe et dans le monde. Il faut songer à ce problème. Il y a de plus en plus de pauvres et de jeunes chômeurs. À cela s’ajoute, ne l’oublions pas, la crise climatique, qui exigera une modification radicale de nos modes de production.

Je sais bien que le revenu universel suscite des réactions très différentes, très contrastées dans nos pays, au sein de nos groupes politiques et dans nos partis nationaux eux-mêmes. Nous devrions lancer des expérimentations. Il faut envisager différents scénarios et trouver des solutions. Certains pays, du reste, ont déjà fait des tests. Apprenons au contact de ces pionniers, trouvons les meilleures solutions possibles. Quoi qu’il en soit, le moment est venu de trouver des solutions inédites.

Le rapport pose aussi une question essentielle concernant la fiscalité. Sans entrer dans les détails, il paraît clair que les multinationales et les individus très riches devraient payer leur juste part d’impôts. L’évasion fiscale doit définitivement entrer dans le passé.

Nous devons trouver des solutions innovantes mettant un terme aux conditions souvent punitives qui sont imposées au versement des prestations. Il faut également mettre en œuvre un véritable droit à un emploi décent, et ce même si, à l’avenir, il faudra sans doute partager l’emploi pour que chacun y trouve son compte.

En conclusion, le rapport arrive vraiment au moment opportun. Il pose les bonnes questions, et il faudra poursuivre la réflexion à l’avenir.

LE PRÉSIDENT* – Chers collègues, je vous rappelle qu’il vous reste très peu de temps pour voter pour l’élection du Commissaire aux droits de l’homme et pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Espagne. Il est quasiment l’heure de clore ces scrutins.

M. ZAVOLI (Saint-Marin), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Mon groupe et moi-même souhaitons féliciter le nouveau Président de l’Assemblée, Monsieur Nicoletti, et lui adresser nos vœux de succès.

La République de Saint-Marin, mon pays, offre à tous des conditions sociales parmi les plus généreuses dans le monde. Nous dépensons pour nos 33 000 concitoyens une grande part des ressources de l’État. Nous mettons en œuvre une véritable solidarité intergénérationnelle. Il existe des bourses d’études généreuses, ou encore des amortisseurs sociaux pour ceux qui ont perdu leur travail. Toute une série d’autres mesures ont été prises pour aider les personnes en situation de handicap.

Étendre ces mesures à une plus grande partie de la population serait d’application délicate. La soutenabilité du système envisagé pose des problèmes – notamment en matière de fiscalité – qu’il appartiendra à chaque pays de résoudre. Ce système pourrait également engendrer des situations de pauvreté.

Nous vivons dans un pays très généreux. Plutôt que de mettre en place un revenu universel, il nous semble plus opportun de concentrer l’action publique sur les personnes les plus précaires et de favoriser leur insertion sur le marché du travail. Il semble préférable d’aider les gens en situation difficile pour des périodes limitées dans le temps et de mettre en place un accompagnement du versement des prestations sociales, afin que les bénéficiaires retrouvent une activité digne dans la société.

LE PRÉSIDENT* – Il est maintenant 17 heures.

Les scrutins pour l’élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et pour l’élection du juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Espagne sont clos.

J’invite les quatre scrutateurs, MM. Oehme, Amon, Aktay et Sobolev à bien vouloir aller procéder immédiatement au dépouillement des deux scrutins.

Les résultats seront proclamés si possible avant la fin de la présente séance ou, à défaut, à l’ouverture de la prochaine séance.

Nous reprenons maintenant notre débat sur le revenu de citoyenneté de base.

Mme ÅBERG (Suède), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – L’idée d’un revenu de citoyenneté de base est fondée sur l’hypothèse selon laquelle la robotisation se traduira par des destructions massives d’emplois qu’il faudra compenser en créant de nouvelles sources de revenus. Cette hypothèse est fausse. La robotisation et la numérisation ne constituent pas des menaces; elles permettront, tout au contraire, de créer de nouvelles possibilités de générer des revenus. Les révolutions technologiques précédentes ont toujours débouché sur la création de nouveaux emplois.

L’institution d’un revenu de citoyenneté de base saperait la structure même des économies nationales. Combien de personnes, en effet, voudront encore occuper des emplois difficiles et mal rémunérés si l’écart entre leur salaire et le revenu garanti est négligeable? Qui voudra encore payer des impôts s’ils sont redistribués à des personnes capables de travailler mais qui ne le souhaitent pas?

Il est contradictoire d’affirmer que le revenu de base ne diminuera pas la volonté des gens de travailler et de soutenir dans le même temps que le but de ce revenu est de permettre à chaque citoyen de se tourner vers le bénévolat.

Les partisans du revenu de citoyenneté de base affirment qu’il entraînera une réduction des coûts administratifs. Cependant, un tel revenu ne couvrira pas les besoins des personnes qui souffrent de handicaps ou de maladies graves. Une assistance supplémentaire sera requise.

Une autre question est de savoir si ce revenu doit être associé à la citoyenneté ou à la résidence. Suffira-t-il de se rendre dans un pays ayant mis en place un tel revenu pour en bénéficier? Sera-t-il versé si un citoyen décide de partir à l’étranger? Qui contrôlera l’effectivité de la résidence? Ce système ne créera-t-il pas davantage de bureaucratie?

La plupart des gens ont besoin de la structure fournie par l’emploi. Le sentiment d’être utile est universellement apprécié. Comment profiter de vacances si l’on est toujours en congés?

Dans un État respectable, personne n’est laissé de côté, mais la priorité doit être donnée à ceux qui ne peuvent se suffire à eux-mêmes. Les personnes qui peuvent se prendre en charge doivent continuer à le faire.

Mme De SUTTER (Belgique), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – La pauvreté et les inégalités s’accroissent dans la plupart des pays en Europe. S’il est pessimiste de commencer par une telle affirmation, celle-ci est fondée sur des faits.

Ainsi que Mme Catalfo l’a mentionné dans son rapport, l’indice de Gini 2012 démontre qu’à cette date les taux les plus élevés en matière d’inégalités de revenus étaient enregistrés en Géorgie, en Fédération de Russie, en Turquie, en Grèce, en Bulgarie, au Portugal et en Espagne. Le revenu de citoyenneté pourrait constituer une solution pour réduire ces inégalités, mais tout dépend de la manière dont ce dispositif est compris, car il peut être entendu de manière libérale ou au contraire sociale. Un tel revenu ne pourra en aucune façon remplacer le système de sécurité sociale et appellera des ajustements; ceux-ci doivent être possibles afin que ceux qui désirent travailler gagnent plus que ceux qui ne travaillent pas.

Les gouvernements doivent garantir la protection sociale des citoyens, des migrants et des minorités. Malheureusement, il apparaît que tel n’est pas le cas dans certains États membres. Le Comité européen des droits sociaux est critique à l’égard de la situation observée dans notre région. Force est de constater que la pression du marché libre met à mal notre modèle social. Philipp Blom écrivait avec raison que le marché devait soutenir la démocratie et non l’inverse. Or nous ne progressons plus, ce qui constitue une menace pour la démocratie.

Dans ce contexte, toute idée, toute proposition visant à réduire les inégalités sociales et à renforcer les droits sociaux devrait être la bienvenue. À cet égard, nous devrions nous féliciter de ce débat sur un revenu de citoyenneté de base. Nous devons réinventer nos modèles sociaux et sortir des sentiers battus.

Au départ, j’étais critique à l’égard du concept, mais le rapport m’a incitée à penser qu’il est possible de créer un avenir meilleur pour les 45 millions de personnes qui ne disposent pas d’un revenu correct. Garantir un revenu pour le travail non rémunéré pourrait constituer la pierre angulaire d’un nouveau système social européen, un système redynamisé. Pour cela, nous devons faire preuve de courage et de volonté politique.

Mme DALLOZ (France) – «L’homme a besoin, pour être heureux, non seulement de jouir de ceci ou de cela, mais d’espérer, d’entreprendre et de changer», rappelait le philosophe Bertrand Russell.

Le rapport sur la mise en place d’un revenu de citoyenneté de base soulève plusieurs questions.

Vous proposez de le mettre en œuvre dans chaque pays, sur la base d’un panier de référence. En Europe, et encore plus dans la grande Europe, des disparités importantes existent entre les pays. Il est donc probable, comme on a pu le constater sur d’autres sujets sociaux, que si un tel revenu était mis en place sans un minimum d’harmonisation entre les États, certains citoyens seraient tentés d’aller là où le revenu de base est le plus intéressant, provoquant de fait une déstabilisation du système.

Sur le plan des principes, ce revenu «universel», de fait, ne le serait pas vraiment, puisque seuls les plus démunis le toucheraient – du moins dans sa totalité. Ce revenu ne serait pas non plus inconditionnel: l’application des propositions de revenu de citoyenneté de base exige une meilleure harmonisation entre le domaine de l’assistance et le marché du travail. Ce revenu tend à abolir les blocages qui entravent la sortie du chômage et de la pauvreté mais, dans les faits, ce n’est valable que si ce revenu est utilisé pour entreprendre.

Une autre interrogation porte sur l’idée selon laquelle le revenu de citoyenneté permettrait à chacun de participer à la vie démocratique. Personnellement, je ne pense pas que le fait d’être pauvre empêche de le faire. En revanche, il est clair qu’un revenu supplémentaire peut permettre de prendre des initiatives, de changer sa vie.

Deux expériences m’ont frappée. La première a été menée à Londres avec 13 sans-abri qui, avec 3 000 livres sterling versées par une ONG, sont sortis de la rue, ont entrepris et créé leur propre emploi, alors que les aides sociales en tous genres coûtaient beaucoup plus cher, sans résultat quant à la réintégration de ces personnes dans la société. La seconde, surtout, a été menée au Kenya, dans un village. Elle a permis, avec 500 euros par famille, de créer des micro-entreprises et de réparer les maisons. Mais il ne s’agit pas, dans ces exemples, de revenus versés à tous par l’État; ce sont des micro-projets réfléchis.

Le fait de ne pas exiger de retour pour le versement d’un revenu de citoyenneté serait une erreur. En revanche, donner sa chance à des personnes pauvres, au chômage, qui ont une idée de micro-projet, d’auto-entreprenariat, ce serait là un véritable revenu de citoyenneté. Ainsi, lors de l’expérience menée par l’ONG GiveDirectly, M. Faye, le fondateur, a précisé que c’était non pas un don gratuit, mais «une manière de donner le choix aux individus». Personnellement, je pense que cette façon de distribuer un revenu est plus efficace et permettrait d’éviter les écueils que j’ai pu signaler.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Je partage pleinement la position de la rapporteure et je veux souligner la responsabilité qui est la nôtre de lutter contre le creusement des inégalités. Chaque être humain doit pouvoir trouver sa place au sein de la société et mettre à profit ses compétences dans l’intérêt de tous, tout en bénéficiant de conditions de vie décentes et d’une protection sociale satisfaisante. L’accès au logement est avant tout lié au droit de travailler dans des conditions dignes et de jouir d’un salaire décent.

Le modèle norvégien de l’État-providence s’est construit en plusieurs étapes. Il est le fruit d’un dialogue et d’une coopération tripartites entre les organisations d’employeurs, les syndicats et le gouvernement, sur la base d’un égal accès des femmes et des hommes à l’emploi. Au fil du temps, nous avons élaboré un régime national d’assurance pour les personnes âgées, les handicapés et les parents célibataires. Ces droits fondamentaux ont été menacés récemment par le dumping social, le travail au noir et d’autres types de délits sociaux. Le chômage atteint désormais 4 % en Norvège et touche un nombre important de jeunes. Les migrants et les enfants font également partie des catégories les plus pauvres de la société. Le gouvernement conservateur a mené, en l’espace de cinq ans, une politique systématique de réduction des impôts, qui s’est accompagnée de graves coupes dans le système de sécurité sociale. La proportion de pauvres est passée de 7,5 % à plus de 9,3 %. Pour une raison mystérieuse, le Gouvernement norvégien applique une logique fondée sur la thèse, non étayée, selon laquelle ceux qui ont beaucoup veulent avoir davantage et ceux qui ont peu sont motivés en ayant encore moins.

Le revenu de citoyenneté de base a fait l’objet de débats en Norvège à maintes reprises. Jusqu’à présent, la majorité des partis politiques se sont montrés réticents à son égard. Nous craignons qu’une telle mesure nous incite à moins nous préoccuper de réformes approfondies du marché du travail et individualise les aspects néfastes du chômage, à l’opposé de la conception de l’État-providence, qui promeut le travail pour tous. Je soutiendrai néanmoins le projet de résolution car je suis convaincue que nous avons besoin d’un débat approfondi sur l’avenir de nos sociétés, sur la robotisation, la taxation des excédents, l’économie numérique et sur une nouvelle définition du travail, incluant une réflexion sur la distinction entre travail payé et travail volontaire.

M. WILSON (Royaume-Uni)* – Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni a envisagé la mise en place d’un revenu universel pour les plus pauvres. Dans son rapport sur l’assurance sociale, William Beveridge avait identifié cinq maux dont souffrait la population: la maladie, l’ignorance, la pauvreté, l’insalubrité et le chômage. Grâce à son travail, le gouvernement travailliste d’alors avait pu jeter les bases d’un système permettant d’atténuer ces fléaux, non pas avec un revenu de citoyenneté de base, mais avec un service universel de base, qui constituait pour chacun un filet de sécurité garantissant sa dignité. Ce système, qui s’appliquait à tous, y compris aux plus démunis, incluait des prestations en matière de logement et d’éducation et une pension.

Trois quarts de siècle plus tard, le débat se poursuit, mais la situation a évolué. Il faut continuer à expérimenter l’idée d’un revenu de citoyenneté de base en améliorant toujours les systèmes de sécurité sociale. En ce qui concerne le financement, l’expérience de la Finlande, mais aussi celle de l’Alaska depuis les années 1980, méritent d’être examinées.

Il faut s’attendre, à la suite de la mise en place d’un revenu de citoyenneté de base, à une augmentation des impôts et à des répercussions dans les urnes. Une mesure censée promouvoir l’universalité et l’égalité risque malheureusement d’être détournée par certains partis politiques.

L’intelligence artificielle et la robotisation entraîneront, il est vrai, une diminution du nombre d’emplois. Souvenons-nous toutefois que la révolution industrielle a entraîné, non pas des suppressions d’emplois mais plutôt une modification de la nature des emplois. Il convient donc de trouver des stratégies, en matière d’éducation et de formation, qui seront élaborées conjointement par le secteur privé et le secteur public. N’oublions pas, en effet, que c’est en œuvrant tous ensemble pour le bien de tous que nous avons amélioré la vie de nos concitoyens.

LE PRÉSIDENT* – M. O’Reilly, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Lord BLENCATHRA (Royaume-Uni)* – Je félicite la rapporteure pour son travail et lui souhaite beaucoup de succès lors des prochaines élections italiennes, car son mouvement anime de façon sympathique la vie politique, mais je crains de ne pouvoir approuver son rapport.

Je ne suis pas d’accord pour dire que n’importe qui, quel qu’il soit, devrait recevoir un revenu universel. Un tel droit n’existe pas, pour la bonne raison qu’il faut que quelqu’un paie. Je ne pense pas que des millions de personnes puissent toucher un tel revenu. Certes, il existe une opération pilote en Finlande, mais elle porte sur 2 000 personnes, qui sont par ailleurs des chômeurs. On ne peut pas transposer une telle mesure à une société toute entière. Une telle politique n’a jamais été envisagée.

M. Berlusconi a déjà renchéri sur les propositions de Mme Catalfo, en disant qu’il offrait beaucoup plus, mais une telle mesure coûterait des milliards. C’est totalement impossible. Si nous adoptions le revenu de base, certaines personnes souffriraient, notamment les handicapés, qui verraient leurs prestations diminuer. Non, cela ne peut pas marcher, à moins d’augmenter les impôts dans des proportions considérables, ce qui poserait d’autres problèmes. Les travailleurs n’auraient rien à y gagner. Des contreparties devraient être exigées – la recherche d’un emploi ou d’une formation, par exemple –, sinon le système ne ferait qu’encourager le chômage. De toute façon, le système devrait tenir des comptes de certaines catégories de personnes, telles que les malades ou les handicapés.

Par ailleurs, comme l’a très bien expliqué un collègue de la Chambre des communes, Nick Boles, dans un article, notre principale objection est de nature non pas pratique, mais morale: l’humanité a vocation à avoir une activité, à travailler. On ne doit pas chercher à créer un monde où la majorité des gens n’éprouverait pas le besoin de travailler.

M. BECHT (France) – Je remercie la rapporteure de ce texte sur un revenu de citoyenneté de base.

Je partage avec elle le constat d’une croissance inacceptable des inégalités de revenus mais aussi des conditions sociales. Dans le monde, l’année dernière, les 1 % les plus riches se sont accaparé 82 % de la richesse créée, alors que les 50 % les plus pauvres n’ont bénéficié d’aucune augmentation de leurs revenus. Cet aspect de la mondialisation n’est pas acceptable. Il l’est d’autant moins en Europe, continent qui a fait de la prospérité mais aussi de la solidarité les conditions de la paix entre ses nations. Cette situation n’est pas acceptable non plus car, parmi les plus fragiles, elle frappe des enfants qui voient leurs chances d’éducation et de promotion sociale s’évaporer dans la pauvreté du foyer au sein duquel ils sont nés.

Cela dit, je ne suis pas favorable à un revenu de citoyenneté qui serait versé à tous sans conditions de ressources et sans aucune contrepartie. Le statut de citoyen a toujours correspondu, en tant qu’il renvoie à l’appartenance à une communauté humaine, à un équilibre subtil entre des droits et des devoirs. Il ne peut donc, à mon sens, y avoir de versement d’un revenu permanent sans aucune contrepartie.

Je suggère aussi de réfléchir à un système différent, qui prenne en compte à la fois le droit au travail, le droit à la formation et la solidarité envers tous ceux qui seraient privés de travail du fait de la conjoncture ou des mutations structurelles, notamment celles de la révolution numérique que connaissent nos économies.

Ainsi, si un salaire minimum pouvait être garanti à tous, notamment à ceux qui sont privés d’emploi, il ne pourrait être versé que si la personne consentait à suivre une formation susceptible de lui permettre d’adapter ses compétences au marché du travail ou, en l’absence de formation. À défaut d’une formation, la personne devrait accomplir quelques heures de travail d’utilité sociale, au bénéfice de la collectivité: garder des enfants à la cantine ou après la classe, ou encore s’occuper de personnes âgées dépendantes.

En établissant ainsi des contreparties claires à ce salaire minimum permanent, nous garderions non seulement un lien fort avec l’ambition de trouver un travail pour tous, mais aussi un équilibre entre les droits et les devoirs inhérents à la citoyenneté. Enfin, nous assurerions un statut social à chaque individu, tout en veillant à ce que plus aucun d’entre nous, et particulièrement les enfants, ne puisse être plongé dans la pauvreté.

M. MANNINGER (Hongrie)* – L’Assemblée parlementaire doit considérer le fait d’avoir un niveau de vie décent comme la pierre angulaire de la justice sociale. Néanmoins, le revenu de base, fournissant à chaque citoyen, de façon permanente, une somme d’argent périodique sur laquelle il puisse vivre, nous paraît aller à l’encontre de cet objectif.

Selon les conclusions d’une étude menée par l’Organisation de coopération et de développement économiques – l’OCDE – en 2017, le financement actuel des prestations sociales n’est pas suffisant pour établir un revenu de base. Il faudrait pour cela d’importantes hausses d’impôts et des coupes drastiques dans d’autres prestations sociales. Si ce revenu se révélait bénéfique pour certaines personnes, d’autres tomberaient sous le seuil de pauvreté.

Il est clair que les répercussions de ce revenu seraient très différentes en fonction des pays ou des modèles de sécurité sociale. Certains résultats pourraient être positifs au niveau local dans des pays très développés, mais il conviendrait de réduire le nombre de bénéficiaires et de l’introduire progressivement dans différentes couches de population.

Même la Suisse a rejeté, par référendum, le revenu de base. Un tel modèle est fondé, me semble-t-il, sur une idéologie. J’ai vécu sous le régime communiste et on nous apprenait que nous aurions un avenir radieux le jour où tout le monde toucherait le même salaire. Certes, le revenu de base ne part pas de la même idée, mais ce n’est pas sans raison que certains le taxent d’utopie.

Les technologies de l’information et les machines intelligentes vont remplacer les êtres humains. Des millions d’emplois vont disparaître. Il est donc nécessaire de trouver de nouveaux emplois et d’envisager la reconversion des salariés. Dans les pays où les salaires sont bas, le revenu universel risquerait de dissuader les gens de travailler, même s’il suffisait tout juste à couvrir les besoins en matière de logement et d’alimentation. Cette disposition creuserait les inégalités.

En Europe, le revenu moyen est très différent d’un pays à l’autre. Les inégalités sont telles qu’il conviendrait d’ailleurs de commencer par les réduire. Le principal problème concernant le revenu de base est que d’aucuns pensent qu’il s’agit de la solution pour réduire les inégalités, au lieu de se demander pourquoi celles-ci se creusent en Europe – ce que montre l’indice de Gini –, alors que l’économie mondialisée produit de la croissance.

D’autres sujets sont également importants: comment partager de façon plus égale les bénéfices de la croissance économique et comment créer davantage d’emplois – emplois alternatifs, temps partiel, reconversions –, afin d’élever le niveau de vie des personnes à faible revenu?

M. GYÖNGYÖSI (Hongrie)* – Cette question représente un des défis les plus pressants pour l’Europe. Les inégalités sociales sont une vive source de tensions sur notre continent. Il s’agit de l’une des plus graves menaces pesant sur sa stabilité, à l’échelle des États membres comme à l’échelle paneuropéenne.

La situation est la suivante: des migrations de masse, venant de pays périphériques vers les pays centraux, de l’est vers l’ouest et du sud vers le nord, ont lieu. Le chômage des jeunes est une réalité. Il y a une pénurie de travailleurs qualifiés. De plus, dans certains pays européens, le salaire minimum est en-dessous du seuil de pauvreté, ce qui est tout à fait inadmissible. Ce rapport met enfin l’accent sur cette question.

Emmanuel Macron aborde la question du dumping social; la nouvelle administration autrichienne fait de même; M. Juncker, dans son récent discours, a parlé des inégalités sociales; dans la déclaration de Stockholm sur le pilier européen des droits sociaux, la question est aussi abordée de façon correcte. Il est excellent qu’une discussion ait enfin lieu sur un revenu de citoyenneté de base ou un revenu minimum universel. Il faudrait aussi une réglementation des salaires pour éliminer les tensions sociales. Cependant l’ensemble des débats ne tiennent pas assez compte des différences géographiques. On ne peut justifier des différences de salaires et des différences sociales au sein de notre continent, alors que l’Union européenne se définit comme un espace économique commun.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les pays de l’Europe occidentale sont obsédés par une économie libérale. Ils mènent une politique qui accorde la priorité aux bénéfices des multinationales et aux retours sur investissement des capitaux. Ces capitaux sont plus importants que les salaires des citoyens. C’est pourquoi nous connaissons une situation qui n’est plus tenable. Les pays orientaux et périphériques sont obsédés par l’idée qu’il est possible d’attirer des investissements étrangers directs grâce à du travail bon marché, des exemptions fiscales et une mauvaise règlementation des salaires. Mais ces configurations n’entraînent aucun développement économique et social.

Nous devons réformer nos politiques de cohésion sociale, il faut unifier les méthodes statistiques de mesure de nos indicateurs, il faut éliminer l’évasion et l’optimisation fiscales. J’attire également votre attention sur l’initiative citoyenne européenne l’ «Union des salaires», qui est sur la table aujourd’hui et traite toutes ces questions.

LE PRÉSIDENT* – Mme Aleksandra Tomić, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

M. MELKUMYAN (Arménie) – Ce sujet est essentiel. Nous devons chercher la meilleure solution, particulièrement difficile à trouver. En effet, le chômage est très élevé, les grandes entreprises sont moins efficaces, les petites et moyennes entreprises sont moins rentables, et le coefficient de Gini est très important. Nous devons cependant éviter tout dumping social. En Europe, ainsi que dans la plupart des pays du monde, la tension sociale ne diminue pas. Tout au contraire, elle prend de nouvelles formes. La tâche principale des États est de réduire les tensions et la polarisation de la société entre les riches et les pauvres.

Comment faire? La solution classique au problème serait d’une part la création de nouveaux emplois, et d’autre part la formation continue des travailleurs spécialisés, ainsi que des mesures d’équité pour les seniors et les handicapés. Il est évident que l’impôt sur le revenu des plus fortunés doit être supérieur à celui des pauvres. Cependant, voilà qui ne paraît pas non plus tout à fait équitable. Les États modernes doivent instaurer le concept du revenu minimum. Il faut en passer par la loi: il est nécessaire de mettre au point une mesure du panier de consommation de base ainsi qu’un salaire et une pension minimaux proportionnels. Nous soulignons l’importance de la définition des concepts de «panier de produits de première nécessité» et d’«inflation des prix» de ces produits.

Cependant, avec l’avènement de la quatrième révolution industrielle, les nouvelles technologies entraîneront la suppression de nombreux emplois. Il est indispensable de préparer la société, tout particulièrement les personnes d’âge moyen et les personnes plus âgées, en leur proposant une formation adéquate. C’est souvent l’État qui doit assumer la charge de cette formation et assurer un avenir sûr à ses citoyens. Les jeunes aussi doivent avoir la possibilité d’une vie plus indépendante et d’un épanouissement professionnel. Il ne faut pas opposer les jeunes et les plus âgés, les riches et les pauvres.

Voilà pourquoi l’instauration du revenu minimum par la loi a pour but d’équilibrer, sur la base d’un compromis, les relations entre les générations et de combattre, voire d’empêcher le dumping social. C’est une question urgente. Il est possible de créer un consensus social sur cette base, et de donner aux plus pauvres et à leurs enfants l’accès à des services d’éducation et de santé de haute qualité. Soutenons ce rapport et complétons-le par des mesures concrètes.

M. FRIDEZ (Suisse) – Mon pays, la Suisse, a eu l’occasion, voilà deux ans, de se prononcer sur un projet de revenu de base inconditionnel. Trois Suisses sur quatre ont refusé ce texte, totalement révolutionnaire pour un pays comme le mien, qui a permis de susciter de passionnants débats et d’ébranler quelques convictions. Surtout, il a réussi à rappeler que tout ne va pas si bien dans nos sociétés: on constate trop d’inégalités sociales, trop de différences dans l’échelle des revenus et l’impossibilité pour certains de trouver leur juste place au sein précisément de la société.

En abordant ce sujet, je ne peux m’empêcher de penser au célèbre livre de Thomas Moore, Utopia, livre qui à l’époque décrivait, en détail, un monde idéal. C’était il y a bien longtemps, et ce monde parfait, idéal, égalitaire au possible, ce monde rêvé, ce monde utopique ne montre malheureusement toujours pas le bout de son nez. Au contraire, notre société s’est construite dans la violence, sur les inégalités et aujourd’hui, de plus en plus, sur le chacun pour soi et l’indifférence.

Il est pourtant vrai qu’au fil des siècles, grâce aux luttes et aux sacrifices des travailleurs, nous sommes parvenus, à petits pas, à jeter les bases d’une société plus juste, avec un État fournissant des prestations sociales, un véritable filet de protection pour les plus pauvres. Mais malgré tout, ce monde reste imparfait et les inégalités trop nombreuses. Pour certains, c’est la course au profit, le travail effréné, la concurrence sans limite et, pour les autres, le chômage, la précarité, la peur du lendemain, l’obligation de se résoudre à la migration et à l’insécurité.

Ce texte jette les bases d’une nouvelle philosophie de vie avec la possibilité d’offrir à tout un chacun une existence digne et plus de temps pour s’épanouir, aimer, partager, aider, créer, tout simplement pour vivre: un concept qui représente une véritable révolution copernicienne par rapport aux valeurs traditionnelles et aux paradigmes qui régissent nos sociétés.

Un tel revenu de citoyenneté de base permettrait de mettre en avant de nouvelles priorités, de mettre l’humain au centre des préoccupations, de combattre l’aliénation de l’homme par la société, pour améliorer le vivre ensemble. Et au lieu de parler de produit intérieur brut, on pourrait parler de produit intérieur d’épanouissement, le PIE.

J’ai cependant bien conscience de toute la difficulté qu’une telle réorganisation du fonctionnement de notre société représente. Mais ce qui est en jeu, en définitive, c’est la cohésion sociale. Une société plus juste avec une meilleure répartition des richesses permettrait à chacune et à chacun de trouver sa place, de vivre en harmonie avec les autres et avec son environnement et, en fin de compte, de créer une société moins violente, plus tolérante, une société où régnerait la cohésion sociale.

Cette société serait mieux armée pour se battre contre l’un des fléaux qui nous guette: chez nous, les déshérités se sentent oubliés et ce phénomène fait le lit des populismes.

À l’époque, ce qui m’avait persuadé de soutenir ce projet en Suisse, était en rapport avec mes expériences au quotidien en tant que médecin généraliste. Je constatais des dysfonctionnements dans les systèmes d’aide à celles et ceux qui ne pouvaient pas travailler et donc gagner leur vie, du fait de problèmes de santé ou du manque d’emploi.

En Suisse, au final, si une personne ne peut subvenir seule à ses besoins, elle va toucher une aide pour vivre: une assurance perte de gain, l’assurance chômage, l’assurance invalidité ou finalement par subsidiarité, l’aide sociale. Mais pour la personne qui demande une aide, c’est un véritable parcours du combattant, les différentes caisses susceptibles, selon les cas, d’intervenir, se renvoyant la balle dans d’interminables procédures et expertises… Tout cela représente beaucoup d’énergie, beaucoup d’humiliations pour les personnes intéressées, beaucoup de perte de temps et de coûts administratifs, alors qu’un revenu de base inconditionnel aurait pu être une solution aisée.

Ce texte sent bon l’utopie, c’est pourquoi je lui apporterai mon soutien.

Mme MERGEN (Luxembourg)* – Monsieur le Président, chers collègues, j’ai beaucoup apprécié de contribuer à ce rapport. Dans mon pays, nous avons reconnu très tôt que certaines personnes étaient, pour une raison ou une autre, sans travail, et qu’elles vivaient, avec leurs familles, dans la pauvreté et la misère.

M. Jean-Claude Juncker, président de mon parti à l’époque, s’était fait fort de traduire dans les faits l’idée d’un revenu minimum garanti pour tous les citoyens: ce fut le cas en 1986.

Il faut dire qu’à cette époque, ce concept a rencontré une certaine opposition, en particulier après son introduction. La même opposition s’est manifestée lors des réunions de notre commission des questions sociales, de la santé et du développement durable. Cependant, la grande majorité de nos membres s’est – heureusement – dite favorable au rapport.

À l’époque, cette mesure a joué un grand rôle essentiellement pour les familles monoparentales, et en particulier pour les femmes ayant des enfants à charge. Elles ont ainsi constitué, pendant longtemps, le principal groupe de bénéficiaires, aux côtés des malades dont la pathologie n’ouvre pas de droit à une pension d’invalidité, comme c’est le cas pour la dépendance. Parmi les bénéficiaires du revenu de base au Luxembourg figurent également les personnes à emploi temporaire, à temps partiel ou à revenu irrégulier, dont le revenu est inférieur au salaire minimum. Pour toutes ces personnes, le revenu minimum garanti était essentiel. Cependant, gardons en mémoire qu’il faut conserver une différence entre le salaire minimum et le revenu de citoyenneté.

Le rapport de Mme Catalfo met le doigt là où ça fait mal, y compris dans mon pays: même s’il est élevé – car au Luxembourg, le revenu minimum garanti est l’un des plus élevés d’Europe –, le revenu de base ne permet pas aux personnes de vivre au-dessus du seuil de pauvreté, d’accéder à un logement par exemple. Le revenu de base ne suffit donc pas à assurer cette égalité des chances qu’il était censé établir.

Depuis son introduction chez nous, et bien qu’il ait été adapté régulièrement à l’indice du coût de la vie, il est resté insuffisant pour arriver à l’adéquation de 50 % du revenu médian ajusté. À l’avenir, pour calculer le revenu de citoyenneté, il faudra donc avoir recours à d’autres indicateurs, plus objectifs. Cela permettra d’offrir un niveau de vie plus décent et de toucher d’autres personnes, qui, comme on dit chez nous, n’ont «pas assez pour pouvoir vivre et trop pour pouvoir mourir.»

Mme KERESTECİOĞLU DEMİR (Turquie)* – Je souhaite avant tout remercier la rapporteure d’avoir abordé cette question essentielle et d’avoir ouvert le débat dans notre Assemblée.

Vivre dans des conditions décentes sans devoir se débattre avec la pauvreté est un droit de l’homme. Mais le système économique actuel force les gens à travailler pour vivre et crée un chômage de masse. Cela fait vingt ans que l’économie mondiale connaît une croissance rapide: d’après l’Organisation internationale du travail, cette croissance ne crée pas d’emplois; malgré cette croissance, le chômage ne baisse pas. Ce n’est d’ailleurs pas le seul problème. Bien des diplômés universitaires doivent aujourd’hui se contenter d’emplois qui ne correspondent pas à leur niveau de formation.

Par ailleurs, les prestations sociales censées réduire les inégalités dans notre société sont très fragmentaires. Seule une partie des personnes pauvres y a réellement accès. Dans bien des pays, les prestations de la sécurité sociale sont politisées et liées directement au gouvernement en place: en période électorale, on voit augmenter de manière spectaculaire ces prestations, distribuées comme une sorte de manne pour essayer de susciter un sentiment de gratitude dans la société.

Les prestations sociales reflètent également la division hommes-femmes en matière d’emploi. En effet, ce sont souvent les femmes qui sont chargées de la communication avec les travailleurs sociaux – notamment lors de l’enquête sur les ménages – et de l’accès aux prestations. Par exemple, en Turquie, 80 % des demandeurs sont des femmes. Il est donc nécessaire de mettre en place un autre type de système de sécurité sociale, et le revenu de citoyenneté de base est l’une des solutions possibles.

Les énormes subventions accordées aux entreprises et l’évasion fiscale des plus fortunés grèvent le budget: nous devons entreprendre des réformes fiscales audacieuses, le revenu de citoyenneté doit être abordable. La richesse et l’abondance de nos sociétés sont le fruit de tous les comportements individuels, nous avons donc tous le droit de recevoir une part égale de cette richesse.

Le degré de pauvreté qui existe actuellement dans nos sociétés est trop profond pour être résolu uniquement par des politiques sociales. La cause réelle de cette pauvreté est l’inégalité créée par les relations entre le travail et le capital: une répartition juste et équitable de l’économie est nécessaire, sans quoi un groupe minoritaire continuera d’accumuler des profits aux dépens des pauvres. Si ce revenu de citoyenneté ne résout pas entièrement la question de l’inégalité, il permettra néanmoins de sortir de la pauvreté des millions de personnes – femmes, enfants et hommes – et de trouver une solution honorable. C’est la raison pour laquelle j’apporte tout mon soutien à ce rapport.

M. BLAHA (République slovaque)* – Le rapport de Mme Catalfo est excellent. En tant que chercheur politique, j’aime son analyse et les preuves empiriques sur lesquelles elle s’appuie.

J’ai toujours admiré l’idée d’un revenu de citoyenneté de base et, comme cela est inscrit dans l’exposé des motifs du rapport, je considère que le modèle social européen est sous pression en raison de l’idéologie du marché libre.

Ce revenu de base peut donner à notre population davantage de liberté positive et de dignité humaine. J’aimerais appeler votre attention sur la notion alternative de revenu de participation, sur laquelle a travaillé le chercheur Claus Offe et qui me semble très prometteuse. Je suis d’accord pour considérer que la dignité de la vie humaine est un droit social élémentaire pour tous les êtres humains: ce n’est pas un droit qu’il faut mériter.

Nous ne devons pas vivre dans une jungle capitaliste darwinienne, mais dans une Europe sociale du XXIsiècle.

Par ailleurs, M. Schennach a tout à fait raison d’affirmer que la robotisation et les évolutions industrielles futures rendront indispensable le versement d’un revenu de citoyenneté de base à ceux qui seront au chômage. Je suis heureux qu’en Slovaquie la révolution consistant à en introduire un fasse l’objet d’un soutien de plus en plus large.

Néanmoins, nous devons bien comprendre les limites du système. Un revenu de citoyenneté de base est un revenu minimum garanti à tous les citoyens, mais il ne saurait remplacer les allocations sanitaires et sociales, qui sont fondées sur les besoins. Il peut remplacer certaines prestations avec lesquelles il ferait doublon, comme le propose le rapport, mais nous devons être prudents car certains libéraux souhaitent remplacer le système de Sécurité sociale par une unique prestation générale, ce qui serait un désastre. Je suis favorable à l’interprétation socialiste du revenu de base et non à son interprétation néo-libérale, entre lesquelles il existe une différence de taille.

Le caractère universel du revenu de base signifie que M. Bill Gates percevrait la même somme que des chômeurs vivant sous les ponts. Si ce système n’est qu’un complément des politiques sociales mises en place par l’État pour aider les pauvres, nous pouvons le tolérer, mais s’il remplace les politiques sociales complexes basées sur la redistribution et les besoins, il ne sera pas juste. Qui plus est, il ne serait pas juste d’aider les entreprises en remplaçant les salaires des employés par un tel revenu. Il est nécessaire qu’une pression majeure sur le salaire minimum accompagne l’instauration d’un revenu de citoyenneté de base.

Je crois non seulement à un revenu de base mais aussi à la cohésion et à la paix sociales. Il s’agit d’un outil permettant de lutter contre l’inégalité. Si les avantages sont généraux et indifférenciés, aucune redistribution n’aura lieu et nous en resterons à une économie de marché inéquitable. C’est pourquoi je soutiens l’idée d’un revenu de base qui serait le point de départ et non la ligne d’arrivée d’une politique sociale efficace.

M. MADISON (Estonie)* – Je suis surpris: jamais je n’aurais pensé qu’on ait l’idée, au XXIe siècle, de débattre au Conseil de l’Europe d’une forme de communisme! Au fond, le principal problème que pose le rapport, c’est que nous réfléchissons sur une mesure sans avoir la preuve qu’elle est réalisable. On m’opposera l’exemple finlandais, mais il n’a qu’un an et n’a fait l’objet d’aucune véritable évaluation. Nonobstant, nous exhorterions les États membres du Conseil de l’Europe à mettre en place un revenu universel, sans savoir où cela mène! C’est irresponsable! On ne peut jouer avec l’argent des contribuables et mettre en place un système qui fonctionnera peut-être mais qui peut-être ne fonctionnera pas.

Le communisme, en lui-même, était aussi une belle idée: chacun obtiendrait ce qu’il veut et travaillerait comme il peut. Cette idéologie n’a pas fonctionné. De même, je ne pense pas que le modèle du revenu universel puisse fonctionner. En effet, d’où viendrait son financement? Des contribuables et des entreprises, c’est-à-dire des gens qui travaillent. Je suis curieux de savoir combien d’entre vous, chers collègues qui allez voter sur ce texte, ont véritablement travaillé et mené une carrière! J’admets que chacun doit jouir des mêmes droits et des mêmes chances, mais l’égalité intégrale détruit toute liberté. De même, là où règne la liberté, l’égalité absolue n’existe pas. C’est la raison pour laquelle le dispositif proposé ne peut pas fonctionner.

En dernière analyse, je suis confiant ; je pense que la majorité de l’Assemblée n’adoptera pas les propositions du rapport. Comme disait Margaret Thatcher, qui ne manquait pas d’humour, le socialisme ne fonctionnera jamais car finalement il ne laissera pas d’argent aux gens!

Mme D’AMBROSIO (Saint-Marin)* – Je remercie Mme Catalfo pour son rapport ainsi que pour le projet de résolution qui sera mis aux voix tout à l’heure. Nous enjoignons les États membres à réfléchir à la mise en place d’une forme de revenu universel, également appelé revenu citoyen. Celui-ci est de plus en plus nécessaire, car des pans entiers de nos populations risquent de passer sous le seuil de pauvreté, ce qui les laisse en proie à l’humiliation et ronge leur dignité personnelle tout en ayant de nombreuses conséquences négatives, pour elles comme pour nos sociétés.

J’approuve l’idée selon laquelle un nouveau contrat social est nécessaire. Il faut assurer à chacun un niveau de vie adéquat. Il s’agit d’une priorité pour tous les pays. Ce n’est pas une question d’opportunité mais de justice sociale, qui est fondamentale dans toute démocratie. Toutes les expériences menées jusqu’à présent en matière de revenu universel sont bienvenues. Elles devraient permettre d’élaborer une bonne méthode, garante du respect et de la dignité des personnes ainsi que de l’équité.

J’aimerais proposer une autre mesure, qui n’est pas uniquement fondée sur la solidarité. Elle pourrait associer l’État et les citoyens les plus nécessiteux et servir d’exemple. Il s’agit d’une méthode fondée sur le travail. Je propose un travail minimum de citoyenneté, universellement reconnu, permettant de garantir la dignité des personnes et leur participation active à la vie sociale sans rompre le lien avec le monde du travail. Il fonderait un nouveau contrat social entre l’État et les citoyens.

Faute de temps, je ne puis détailler ce projet, mais le revenu universel comme le travail citoyen visent à restituer à chacun le bénéfice de la confiance et de l’équité. Il s’agit de deux systèmes universels qui ne s’excluent pas réciproquement, au contraire. Ces deux approches sont complémentaires et visent à garantir un niveau de vie digne. Le dispositif proposé ouvre à l’État la possibilité de mener des politiques actives et justes. Ma proposition d’un travail citoyen n’est pas simplement fondée sur la solidarité ou la subsidiarité.

Mme GÜNAY (Turquie)* – Je félicite Mme Catalfo pour son important rapport. Ce sujet constituera bien une préoccupation majeure pour l’Europe à l’avenir, car il en va du bien-être des citoyens ainsi que de la vie économique et sociale de l’Europe. N’oublions pas que l’Assemblée estime que la mise en place d’un revenu de citoyenneté de base constitue une meilleure solution que les actuels systèmes de Sécurité sociale. Nous n’en sommes pas moins conscients des difficultés que soulève une réforme aussi audacieuse des systèmes sociaux.

Je souscris pleinement à cette prise de conscience. La plupart des universitaires et des chercheurs estiment en effet que l’Europe traverse la pire crise de son histoire depuis la Seconde Guerre mondiale, du point de vue historique mais aussi éthique, social, politique et économique. Si l’on considère l’état de l’économie depuis 2010, notamment le taux d’endettement rapporté au PIB, on constate que la crise persiste en Europe. Soyons bien conscients qu’il faudra sans doute beaucoup de temps pour revenir au niveau antérieur à la crise. Cette réalité peut créer une profonde désaffection au sein des populations, car les gens ont le sentiment que les ressources publiques et privées devraient être allouées à d’autres secteurs que celui dont nous débattons.

Le second aspect du problème est la situation politique dans laquelle l’Europe se trouve actuellement. Le Brexit, la crise des migrants, la xénophobie, les tendances croissantes à ne pas se conformer aux décisions des institutions de l’Union européenne constituent autant de préoccupations très graves pour l’avenir du continent. Cette incertitude favorise la montée des populismes, qui peuvent facilement exploiter la diminution des revenus. Bien des stratégies peuvent également être utilisées pour faire obstacle à des initiatives telles que celle dont nous débattons ce soir. J’estime donc que nous devons mener davantage de recherches au sujet du revenu de citoyenneté de base et en débattre plus largement. C’est pourquoi je remercie à nouveau notre rapporteure d’avoir ouvert le débat en notre nom.

Mme BARDELL (Royaume-Uni)* – C’est pour moi un plaisir, en tant que représentante écossaise du Parlement britannique, de m’exprimer pour la première fois dans cette enceinte.

Je tiens à féliciter le rapporteur. Ce rapport est très positif. Il convient de reconnaître les inégalités croissantes qui sapent la dignité humaine et d’agir davantage en vue d’assurer un niveau de vie décent pour tous. Certains mettent en avant le niveau élevé de la dépense quand d’autres préfèrent essayer et échouer plutôt que ne rien faire et réussir.

L’Écosse a une approche différente. Pour nous, l’idée de revenu universel n’est pas nouvelle. Nous proposons déjà des prescriptions médicales gratuites et la distribution de boîtes pour bébés. Nous avons montré que de telles prestations représentaient une économie et avaient un effet positif sur l’ensemble de la société. Les nombreuses personnes que j’ai rencontrées, en tant parlementaire élue, dans ma circonscription proche d’Edimbourg, montrent que certains systèmes de prestations sociales n’aboutissent qu’à enfoncer dans la pauvreté les personnes en difficulté. L’Organisation des Nations Unies a d’ailleurs condamné notre système de prestations.

Par conséquent, l’instauration d’un revenu universel peut être sérieusement envisagée. Nous avons engagé des projets pilotes de revenu de base dans quatre régions. Nous en sommes aux balbutiements, nous n’avons pas encore fait le bilan, mais lors de la création du service national de santé, en 1940, personne ne savait où cela mènerait, avant de constater le bien-fondé du projet. Nous avons observé avec nos citoyens que le système britannique de sécurité sociale ne fonctionnait pas, et nombre de mes collègues du Conseil de l’Europe ont dû faire la même expérience. Le département des pensions et des prestations sociales se penche sur l’hypothèse d’un revenu de base. Le Conseil de l’Europe doit envoyer le message qu’il s’agirait d’une bonne chose.

En conclusion, je dirai que l’optimisme nous permet d’avancer. Sans espoir, sans confiance, nous ne parviendrons à rien. Notre gouvernement écossais est différent de celui du Royaume-Uni. Nous allons nous doter d’un nouveau système de sécurité sociale. Nous espérons pouvoir ramener la dignité et la compassion au centre de nos préoccupations. N’oublions pas qu’il en va de notre réputation. Un poète écossais l’a dit: «Il faut essayer de faire quelque chose pour que les autres nous voient comme nous nous voyons».

LE PRÉSIDENT – M. Honkonen et Mme Louhelainen, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. BILDARRATZ (Espagne)* – Je remercie aussi le rapporteur pour la qualité du travail réalisé.

Je viens du Pays basque où nous avons expérimenté un revenu garanti qui fonctionne fort bien.

Quelqu’un a demandé un peu légèrement à combien de personnes cela procurerait du travail? Je parle de montants importants pour lesquels on paie des impôts. Une telle idée émane d’une communauté qui ne veut pas laisser certains de ses membres sur le bord de la route. La vie en société, nous la partageons en entier. Quand j’étais maire, j’ai connu très peu de personnes qui auraient pu travailler et qui ne le faisaient pas. La plupart de ceux qui ne travaillent pas sont aux prises avec toutes sortes de problèmes que la société doit essayer de résoudre. Je le dis parce que cet argument est régulièrement avancé par les partis conservateurs. Or lors des dernières élections municipales, le parti qui l’a porté sur la place publique est sorti perdant, car les gens comprennent fort bien le problème.

Certes, la fraude peut exister, dans un tel système comme dans d’autres, mais cela doit faire l’objet d’études et d’analyses. À ce stade, il faut faire preuve de prudence, encourager en ce sens sans imposer de plan définitif. Je vous invite à participer à une réunion conjointe sur ce sujet. M. Juncker est d’ailleurs venu au Pays basque pour examiner le projet sur lequel nous travaillons. Je sais que la réalité est différente d’un pays à l’autre. Je sais qu’il faut relativiser. Face à 30 millions de personnes en difficulté, une telle solution mérite d’être examinée. La société ne peut pas se payer le luxe de laisser qui que ce soit sur le bord du chemin sans risquer de détricoter le tissu social.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)* – Il y a une trentaine d’années, alors jeune parlementaire, j’ai écrit à la Première ministre de l’époque, une certaine Mme Thatcher, inspiré par un groupe de réflexion sur la pauvreté, pour plaider en faveur d’une garantie minimum de revenus. J’ai été rembarré. Je n’ai pas oublié cette expérience. Je me suis souvenu du coût gigantesque d’un tel système. Rien n’a changé. Offrir une garantie minimale de revenus de 3 000 livres au Royaume-Uni représenterait un coût équivalent à celui de l’ensemble du système national de santé. Je comprends les arguments en faveur d’un revenu de base. On voudrait simplifier la bureaucratie de la sécurité sociale, mais le coût serait totalement démesuré.

Une autre raison avancée est que le recours croissant aux machines et aux robots rendrait de plus en plus difficile de trouver un emploi. C’est un argument digne de l’époque du luddisme. Au XIXe siècle, en Angleterre, ce mouvement de travailleurs détruisait les métiers à tisser car ses membres pensaient que leur développement allait détruire tous les emplois. Ils se trompaient. La révolution industrielle, par l’introduction de la mécanisation et de l’industrialisation, a créé un nombre bien plus élevé d’emplois qu’elle n’en a détruit. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui. Aux seuls États-Unis, depuis l’apparition des ordinateurs, il y a eu un gain net de 25 millions d’emplois.

Il ne faut pas s’inquiéter des conséquences des nouvelles technologies mais au contraire les accueillir à bras ouverts. Elles vont créer une nouvelle prospérité, une nouvelle richesse. L’idée d’un revenu minimal est le dernier souffle du socialisme. S’engager sur cette voie ruinerait toute perspective. Non seulement cela n’aiderait pas les pauvres mais il en résulterait une augmentation massive des impôts. Je suis persuadé que le Conseil de l’Europe rejettera cette proposition ridicule.

M. Gunnarsson, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Seyidov au fauteuil présidentiel.

Mme ANTTILA (Finlande)* – Je tiens à remercier notre rapporteure pour ce travail enrichissant sur un sujet très intéressant.

Je suis ravie de pouvoir vous apporter des informations pratiques, car la Finlande est le premier pays européen à avoir lancé une expérience de revenu de base. Je voudrais donc vous parler de notre projet pilote en la matière. Deux mille personnes ont été choisies pour percevoir un revenu de base.

Il se monte à 560 euros par mois. Toute personne participant à ce projet pilote perçoit la même somme. Personne ne peut se porter candidat pour recevoir ce revenu de base. L’expérience est faite en veillant à ce qu’aucun participant ne souffre de conséquences financières négatives. Cela signifie que toute personne recevant un revenu de base peut continuer à percevoir les prestations qu’elle recevrait normalement.

Nous analyserons les données et les résultats de cette expérimentation en fin d’année 2018. Puis, nous déciderons du rôle que ce revenu de base devra jouer dans notre système social finlandais. Il est vrai que les changements intervenus dans la structure économique et dans la nature du travail en Europe ont provoqué des changements démographiques et des inégalités croissantes. Donc, il nous faut garder à l’esprit que cette question mérite d’être traitée à l’échelle globale et que la tendance économique globale joue un rôle important en la matière.

D’après un récent rapport de l’Oxfam, 82 % des richesses générées l’an dernier ont profité à 1 % des personnes les plus riches du monde. Cela signifie que le fossé entre les plus riches et les plus pauvres dans le monde ne cesse de se creuser. Il nous faut donc des structures sociales plus solides et des initiatives innovantes afin de revenir à un équilibre dans notre société. Il est extrêmement important d’engager un débat ouvert et franc sur cette question et nous pourrons peut-être ainsi encourager plus de pays à lancer des projets pilotes sur ce revenu de base.

M. GRIN (Suisse) – La pauvreté sous toutes ses formes est partout dans le monde. Elle devrait donc être éliminée par des sources multiples, régionales, nationales, voire internationales.

Si tout travail mérite salaire, à l’inverse, tout salaire mérite travail. Il est utopique de penser qu’un revenu de base inconditionnel permettra à tous de participer à la vie sociale en étant libérés, soit en totalité, soit en partie, d’exercer une activité lucrative. Au contraire, ce revenu qui tombera du ciel chaque mois sans effort particulier sera un encouragement à l’oisiveté et, donc, un grand handicap pour la croissance économique de chaque pays.

Une faible croissance compliquerait encore le financement de ce revenu inconditionnel – car financement il doit y avoir – alors que les caisses publiques de certains pays connaissent déjà des déficits très importants. Un système économique et social doit jouir d’un large soutien politique. Or le financement d’un revenu de base inconditionnel exigerait d’imposer davantage les revenus et de taxer davantage les biens et services. Un relèvement de la TVA renchérirait la consommation, une augmentation des impôts diminuerait le pouvoir d’achat de tous.

De plus, un revenu de base inconditionnel versé chaque mois exercerait un fort pouvoir d’attraction pour les populations de pays qui manquent des moyens financiers permettant de mettre en place ce revenu inconditionnel.

Toute personne se doit d’être autonome et ne doit pas dépendre uniquement du soutien de l’État. S’il convient de mettre en place un filet social pour soutenir les plus démunis et ceux que l’adversité économique et climatique a fragilisé, l’objectif de ce soutien doit être de permettre à chacun de retrouver une dignité en participant par son travail à l’activité économique de son pays, et en recevant un salaire correct – et ce, afin de retrouver une certaine économie financière personnelle.

La formation professionnelle des jeunes est également un atout pour éliminer une forme de précarité. Si chaque jeune a droit à une certaine dignité, il a aussi le devoir de se former pour participer à la prospérité de son pays plutôt que de solliciter une aide financière inconditionnelle. En Suisse, nous avons voté sur une initiative pour un revenu de base inconditionnel. Elle a été refusée par près de trois quarts des votants.

Selon le vieil adage, tout travail mérite salaire. À plus forte raison, tout salaire mérite travail et, s’il est permis à certains de rêver d’un revenu inconditionnel de base, encore faut-il le financer. À mon avis, des prestations sociales bien ciblées et incitant à trouver un emploi seront toujours le meilleur moyen pour un pays de lutter contre la pauvreté. Car une économie active et dynamique, et non passive, sera toujours la meilleure solution pour un pays de combattre la précarité alimentaire et sociale de sa population.

LE PRÉSIDENT* – M. Troy et Mme Kalmari, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – Monsieur le Président, accordez-moi 2 minutes en tant que rapporteur suppléant et 2 minutes en tant président de la commission.

Je vous remercie, chers collègues, d’avoir participé à ce débat.

Je tenais à relever que, quels que soient les groupes politiques, ce rapport a suscité des réactions très positives. Toutes les régions dont sont originaires les membres de notre Organisation ont répondu et je ne manquerai pas d’informer Mme Catalfo des propos des uns et des autres.

Je vais peut-être essayer d’en convaincre certains. Nous aurons sans doute l’occasion de reparler de l’aspect social avec M. Ghiletchi. Je pense que la situation n’est pas la même pour le citoyen en situation de concurrence et pour celui qui part sur ce marché concurrentiel avec un certain nombre de handicaps.

Je remercie M. Fridez du Groupe socialiste ainsi qu’un membre du Parti populaire européen, qui sont dans des positions différentes mais ont reconnu que ce rapport arrive à point nommé et met le doigt sur une blessure.

Je remercie également les représentants de la République slovaque, de la Turquie, de San Marin ou encore de l’Espagne. Comme tous l’ont souligné, cette question mérite que l’on s’y penche et il faut bien reconnaître qu’au cours des années à venir, nous risquons d’être confrontés à un très grave problème.

J’ai écouté attentivement notre collègue finlandaise nous expliquer que son pays avait lancé un processus d’expérimentation et que, dans un an, un rapport sera tiré de l’expérimentation en cours.

Le rapport présenté par Mme Catalfo est un premier pas, une amorce de réflexion et je voudrais rétorquer à tous ceux qui ont réagi un peu âprement que nous ne pouvons pas, nous ne devons pas refuser le débat, même si celui-ci peut soulever des critiques.

Notre collègue français, M. Becht, a dit qu’il faudrait trouver un équilibre et des «contre-prestations» à mettre en place. Cela me semble tout à fait juste.

En tant que président de la commission, permettez-moi également de vous dire que la rapporteure n’a pas dû se tromper tant que cela puisqu’un seul amendement a été présenté. Cela revient à dire que, dans ce débat qui dure depuis plus d’un an dans une commission qui rassemble de très nombreux membres, nous sommes parvenus à élaborer ce rapport, à l’adopter et, comme le Président va vous le confirmer, à n’avoir qu’un seul amendement. Ainsi, les idées défendues par Mme la rapporteure devant de la commission sont parfois différentes, mais elles nous ont permis d’amorcer le débat et d’engager une discussion et d’envoyer symboliquement un signe en adoptant ce rapport.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel un amendement a été déposé.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention sur l’amendement est limité à 30 secondes.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 1.

Mme GÜNAY (Turquie)* – Cet amendement a pour objet d’attirer l’attention sur les migrants qui constituent une catégorie de population particulièrement vulnérable, vulnérable également à la radicalisation. Dans le rapport, il est question d’inclusion sociale, de cohésion sociale. La migration est une réalité de notre monde que nous ne pouvons passer sous silence. Mon collègue hongrois a également abordé cette question.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – Je réponds à Mme Günay qu’il ne faut pas mélanger les choses: le revenu citoyen et la sécurité sociale doivent être distingués du sujet des réfugiés et de la migration. C’est la raison pour laquelle la commission a rejeté l’amendement.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14462.

Le projet de résolution est adopté (48 voix pour, 33 voix contre et 12 abstentions).

5. Les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Vareikis, au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, sur «Les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine» (Doc. 14463).

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 30, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. VAREIKIS (Lituanie), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Nous vivons au XXIsiècle. Lorsque j’évoque les événements actuels, de nombreuses personnes me disent: «La société est intelligente, l’argent et les entreprises décident, les accords régissent le monde, la guerre est impossible. Il n’y aura plus de guerre».

C’est également ce que l’on entendait après la Première Guerre mondiale, après la Seconde Guerre mondiale, après la fin de la guerre froide ; c’est aussi ce que l’on disait dans la Grèce antique après les guerres… Nous sommes très intelligents mais les guerres sont aussi nombreuses et plus laides qu’autrefois, plus dures aussi. Des guerres hybrides sont menées par des gens sans uniformes, en dehors des États, sans respect des règles. C’est atroce! C’est ce que nous constatons en Ukraine.

Ces guerres hybrides génèrent des crises humanitaires. Mon rapport est consacré aux conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine.

La situation est alarmante. Plus de 4 millions de personnes ont besoin d’une assistance. La guerre a fait plus de 10 000 morts et 24 000 blessés. 1,5 million de personnes ont été déplacées, ce qui est supérieur à la population de l’Estonie. Il s’agit de chiffres considérables au regard de la taille modeste de la plupart des pays d’Europe.

Les populations civiles qui vivent près de la ligne de front à l’Est de l’Ukraine sont celles qui souffrent le plus. Leur accès à l’électricité, au chauffage, aux soins médicaux est compromis. Elles manquent d’eau potable. En conséquence de la dégradation de la situation économique en Ukraine, 1 200 000 personnes vivent dans l’insécurité alimentaire.

Au cours de ma visite dans la région, j’ai entendu des témoignages de résidents qui se plaignaient que le montant de leurs pensions ne leur permette plus d’acheter le fuel nécessaire pour se chauffer.

Dans les territoires occupés des régions du Donetsk et de Louhansk, les groupes illégaux armés entravent la liberté de circulation et l’accès des organisations humanitaires. Les populations sont acculées à franchir la ligne de front malgré les risques afin de percevoir leurs pensions de retraite et de gagner des territoires contrôlés par le gouvernement.

Les actions militaires se déroulent dans des zones densément peuplées et affectent la sécurité des civils.

L’occupation de la Crimée par la Fédération de Russie a eu un impact considérable: les autorités russes ont fait venir des populations russes tout en déportant les Tatars. Cela constitue un crime de guerre.

Depuis 2014, 44 Ukrainiens ont disparu en Crimée: 6 d’entre eux ont été retrouvés morts, 17 ont été relâchés, 2 ont été condamnés et 19 sont toujours portés disparus. Deux rapports ont été consacrés à la question des personnes capturées et disparues en Ukraine. Jusqu’à très récemment, les procédures d’échanges de prisonniers ont été bloquées.

Je suis heureux de pouvoir vous dire que nous devons apporter un amendement au projet de résolution. Le 27 décembre 2017, en effet, un échange de personnes capturées s’est déroulé en Ukraine. Cet échange était important puisque 74 personnes ont pu être libérées par les forces armées illégales des régions de Donetsk et Lougansk, contre 238 personnes libérées par les autorités ukrainiennes.

Je ne puis qu’appeler toutes les parties à faire preuve de bonne volonté et à libérer toutes les personnes capturées dans les meilleurs délais. Cet échange récent de prisonniers a montré que les personnes libérées de leur captivité ont connu des expériences extrêmement difficiles. Elles ont besoin de soins médicaux et d’un soutien psychologique important. Nous appelons donc les autorités ukrainiennes à mettre en place un mécanisme permettant que les personnes libérées reçoivent un appui, ainsi que leur famille.

Plus de 600 personnes sont toujours disparues dans cette guerre. Je dois féliciter le Comité international de la Croix-Rouge pour tous les efforts qu’il a entrepris afin d’aider les familles des disparus à trouver des informations sur leurs proches. Pour soutenir ce travail important, il faut qu’un cadre juridique approprié soit créé en Ukraine, conduisant à introduire le statut de personne disparue dans la législation et à répondre aux besoins des familles.

S’agissant toujours des personnes capturées ou disparues pendant la guerre, 64 Ukrainiens ont été poursuivis par les autorités russes pour des raisons politiques. La situation des personnes déplacées du fait de la guerre et de l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, demeure un défi essentiel pour le Gouvernement ukrainien. En dépit de l’aide accordée par les organisations internationales, ce dernier manque de ressources financières pour répondre à tous les besoins des personnes déplacées à l’intérieur du pays. Certes, nous pouvons comprendre que personne n’était prêt en Ukraine à accueillir 1,5 million de personnes déplacées, mais ce n’est qu’à la fin de l’année dernière, c’est-à-dire trois ans après le début de la guerre, que le Gouvernement ukrainien a finalement adopté une stratégie en matière d’intégration des personnes déplacées, prévoyant des solutions durables pour ces personnes. Or le plan de mise en œuvre de cette stratégie est malheureusement toujours en suspens et il n’existe toujours pas de procédures précises pour protéger le droit au logement, le droit foncier, les personnes déplacées ou le droit de propriété. Aucune évaluation des besoins de logements ou des biens privés perdus ou endommagés n’a été conduite. Le Gouvernement ukrainien n’a toujours pas de stratégie à long terme pour répondre aux besoins de logements des personnes déplacées. Leur vulnérabilité est encore aggravée par les limites posées à leur accès aux retraites et aux prestations sociales. Les personnes déplacées qui ont le droit à des pensions de retraite ou à des prestations sociales doivent passer par quatre niveaux différents de procédure d’identification par diverses institutions, ce qui constitue une discrimination à leur encontre puisque ce système ne s’applique qu’à elles.

Dans la région de Donetsk où je me suis rendu, j’ai eu l’impression que les autorités locales travaillaient activement à la réhabilitation des territoires libérés après l’occupation et à aider les personnes déplacées. Un grand nombre d’ONG sont présentes sur place et travaillent en contact étroit avec les autorités, mais de nombreuses personnes déplacées ont affirmé qu’elles faisaient l’objet de discriminations et qu’elles ne bénéficiaient pas de protection de la part du Gouvernement.

Dans le projet de résolution, nous dénonçons la situation humanitaire alarmante en Ukraine et nous appelons l’ensemble des parties à garantir la protection des personnes civiles et leur accès sans entrave aux services essentiels. Nous appelons à libérer et à échanger tous les prisonniers et toutes les personnes capturées pendant de la guerre, à fournir aux familles de personnes disparues les informations et l’aide nécessaires, et à prendre des mesures urgentes pour éliminer les restes explosifs de guerre. Enfin, nous demandons à la communauté internationale d’organiser une conférence humanitaire internationale sur l’Ukraine afin de lever des fonds pour le plan de secours humanitaire.

Le Conseil de l’Europe fait beaucoup pour aider l’Ukraine dans cette période difficile. Dans le cadre du Plan d’action pour l’Ukraine 2015-2017, un projet intitulé «Renforcer la protection des droits de l’homme des personnes déplacées internes en Ukraine» est mis en œuvre pour soutenir les efforts du Gouvernement ukrainien afin d’améliorer la situation des personnes déplacées, notamment dans la région de Louhansk et Donetsk.

Le Comité des Ministres envisage un nouveau plan d’action sur l’Ukraine, mais son adoption a été retardée. J’ai donc proposé un projet de recommandation afin d’encourager le Comité des Ministres à poursuivre ses efforts pour aider l’Ukraine à régler les problèmes des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays dans le cadre du Plan d’action 2018-2021.

Mes chers collègues, les projets de résolution et de recommandation sont très importants pour la population ukrainienne. Je vous demande donc de bien vouloir les soutenir.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Vareikis, il vous restera 2 minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

Mme LUNDGREN (Suède), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, au nom de mon groupe, pour cet excellent rapport. Il est important que nous suivions de près les événements en Ukraine car la situation continue d’évoluer. La crise humanitaire est alarmante et les problèmes engendrés par la guerre sont loin d’être résolus. La guerre a été déclenchée par la Fédération de Russie, avec l’annexion illégale de la Crimée, et la situation est terrible dans l’est de l’Ukraine. Les personnes qui se trouvent dans les zones de guerre et en Crimée sont dans une situation particulièrement difficile. Il nous est difficile de suivre précisément ce qui se passe dans ces territoires.

Ce rapport doit s’inscrire dans la continuité des précédents rapports de l’Assemblée. Il convient d’agir pour les personnes capturées, les personnes disparues et les personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine. Elles sont très nombreuses: 1,6 million de personnes déplacées viennent de Lougansk et Donetsk, et une grande partie d’entre elles sont des femmes; 4,4 millions de personnes ont été touchées par la guerre, dont 4 millions auraient besoin d’aide humanitaire, soit quasiment 10 % de la population. Comment, dans de telles conditions, éviter la crise humanitaire? Les moyens sont insuffisants car l’économie est touchée. Il ne peut y avoir, dans un contexte de guerre, ni croissance, ni prospérité. Pourtant, les gens veulent la paix et le développement de leur pays. Nous appelons la Verkhovna Rada à faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider les personnes en situation difficile. L’Ukraine a besoin de notre soutien et nous n’avons pas suffisamment répondu à ses demandes. C’est pourquoi ce rapport tombe à point nommé.

Souhaitons que l’accord sur l’échange de prisonniers de guerre entre véritablement en vigueur. Des libérations sont intervenues côté ukrainien. J’espère que toutes les parties belligérantes participeront à ce processus, que la paix reviendra en Ukraine et que le pays pourra retrouver le contrôle de l’ensemble de son territoire.

M. HUNKO (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Il est bon que nous parlions des conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine. Je me suis rendu dans plusieurs campements de réfugiés de l’est de l’Ukraine et dans des hôpitaux détruits. J’ai essayé de faire de mon mieux pour venir en aide à ceux qui en avaient besoin. Je me félicite que le rapport de M. Vareikis propose des mesures concrètes à l’intention des deux camps, comme la libération des détenus politiques.

En temps de guerre, il est par ailleurs très important que la pression exercée sur la population civile ne s’accentue pas. Des deux côtés, des journalistes travaillent malheureusement dans des conditions difficiles.

Un journaliste, aujourd’hui présent ici, est menacé d’emprisonnement en raison de ses positions dans ce conflit.

Je ferai plusieurs remarques sur ce rapport. S’il évoque des mesures concrètes, les causes du conflit sont présentées de façon particulière. S’agissant de l’annexion illégale de la Crimée, la responsabilité des Russes est évoquée à 17 reprises, alors qu’il ne parle, à aucun moment, de la responsabilité de l’Ukraine, lorsqu’elle a recouru à l’armée, en avril 2014, dans le cadre d’une opération terroriste dans le Donbass. Cette présentation unilatérale des faits n’est pas juste, notamment dans un rapport portant sur des questions humanitaires.

Par ailleurs, les Accords de Minsk II, la seule voie pouvant mener à la paix, ne sont quasiment jamais mentionnés, excepté lors de l’évocation d’une loi qui saperait ces accords. Il est dommageable que ces accords ne soient mentionnés qu’entre les lignes, alors que ce rapport a trait, je le répète, aux conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé deux amendements, les 2 et 3, portant sur les Accords de Minsk II. J’espère qu’ils seront adoptés. Enfin, je pose la question suivante au rapporteur: pensez-vous que les Accords de Minsk II restent une solution pour la paix en Ukraine?

M. GHILETCHI (République de Moldova), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je tiens d’abord à remercier le rapporteur, au nom du PPE, pour son rapport très complet et détaillé sur la crise en Ukraine, les conséquences de la guerre et l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie.

Il est triste de constater que tant de vies humaines ont été perdues, que tant de personnes ont été blessées ou déplacées en raison de la guerre. C’est une situation déchirante et nous devons redoubler d’efforts pour aider l’Ukraine dans cette crise humanitaire. C’est la raison pour laquelle j’appuie les conclusions et les recommandations du rapport.

Dans un article paru dans The Economist, le commandant des forces rebelles à Donetsk a déclaré: «Trop de sang a été versé pour que l’on puisse parler de paix». Si j’avais la possibilité de m’entretenir avec cette personne, je lui dirais qu’il n’est jamais trop tard pour parler de paix.

J’approuve les propos de M. Walker, le coordonnateur de l’aide humanitaire pour les Nations Unies en Ukraine, qui a dit «qu’une paix durable est la seule solution pour les millions de personnes touchées par cette situation».

La résolution appelle toutes les parties à faire preuve d’esprit de compromis dans ce conflit; je m’en félicite. Notamment par la libération des prisonniers et de toutes les personnes capturées par les groupes armés illégaux dans les régions de Donetsk et du Lougansk et emprisonnées en Ukraine, tout en respectant leurs droits et leur liberté. Et en autorisant, jusqu’à leur libération, le contrôle de leur état de santé et de leurs conditions de détention par des observateurs internationaux indépendants. L’accès de la Croix-Rouge à ces personnes est essentiel.

De nos jours, quand la polarisation en arrive à des niveaux aussi dangereux, il semble qu’on soit plus intéressé à rejeter la faute sur l’autre qu’à rechercher des solutions et à faire des compromis qui permettraient d’obtenir des résultats concrets sur le terrain.

Je suis également d’accord avec le rapporteur quand il évoque le manque de financements. La Banque de développement du Conseil de l’Europe devrait mettre en place un programme de prêts abordables. Le financement par la communauté internationale est en effet essentiel pour répondre aux crises humanitaires de ce type.

N’oublions pas que cette crise se déroule au cœur même de l’Europe. Si nous ne pouvons pas être de bons voisins, comment pourrions-nous être de bons partenaires pour des pays d’autres continents? Il est temps d’agir.

Ce rapport est opportun, la guerre en Ukraine ne faisant plus les premières pages de nos quotidiens. Cet aspect de la nature humaine est intéressant: si les conflits ne passent pas à la télévision, on en conclut que tout va bien. Or rien n’est plus trompeur que cette impression. J’espère qu’en débattant de ce rapport, et en l’approuvant, nous pourrons rendre cette crise plus visible, car c’est une guerre, et des millions de femmes et d’enfants souffrent et ont besoin de notre aide.

J’espère que tous les États membres feront aujourd’hui preuve de solidarité et soutiendront ce rapport en adoptant ses recommandations. Ainsi, il créera peut-être les circonstances favorables pour commencer à résoudre cette crise.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Je remercie le rapporteur pour sa résolution relative aux conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine. Je représente un pays qui a connu les conséquences d’une guerre et, plus récemment une crise humanitaire. Cette résolution est assurée, non seulement de mon soutien politique, mais également de mon soutien personnel en tant que victime de l’agression russe.

L’annexion de la Crimée a entraîné une situation humanitaire alarmante. Elle a affecté plus de 4 millions de personnes. Le conflit a coûté la vie à 10 000 personnes, a blessé 24 000 personnes, et 1,6 million d’individus ont été déplacés à l’intérieur du pays.

Aucun progrès n’a été réalisé dans la mise en œuvre de la résolution de l’Assemblée sur la guerre en Ukraine. Cette nouvelle résolution demande à la Fédération de Russie de se retirer d’Ukraine, afin qu’elle puisse restaurer son intégrité. Cesser de soutenir les groupes armés et veiller au respect des droits de l’homme et à la sécurité de toutes les personnes vivant en Crimée sont des exigences légitimes.

Mais quelle sera la position de l’Assemblée parlementaire si ces résolutions restent ignorées? Une stratégie globale doit être établie en faveur des personnes déplacées, pour veiller au respect de leurs droits politiques et sociaux et à leur intégration. Mon pays, la Géorgie, a connu ce processus, il y a quelques années, et je sais que la mise en œuvre d’une véritable stratégie pour les personnes déplacées n’est pas facile; mais elle est vitale.

Au nom de mon groupe, je tiens à souligner l’importance des Accords de Minsk qui sont une feuille de route pour la résolution diplomatique et pacifique du conflit dans l’est de l’Ukraine.

J’espère une fois cette résolution adoptée, que l’Assemblée trouvera un moyen de la mettre en œuvre.

Mme GOGUADZE (Géorgie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je voudrais tout d’abord, au nom de mon groupe, remercier le rapporteur pour son travail.

Ce rapport met en lumière, une fois de plus, les conséquences très graves de cette guerre. Nous sommes les témoins de violations graves, de l’isolement des Ukrainiens qui vivent dans les territoires occupés, mais également de changements démographiques en Crimée.

La lecture du rapport nous laisse une impression de déjà-vu – je pense à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie. L’isolement des personnes résidant dans les territoires occupés – dans les régions de Donetsk et du Lougansk – est la caractéristique principale de la politique agressive russe. Comme pour la population de Donetsk et de Lougansk, les populations d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud sont restées privées de liberté de mouvement. Un fil barbelé de 100 kilomètres entoure ces deux territoires géorgiens séparant le pays et les familles. Ceux qui vivent le long de la ligne d’occupation sont menacés tous les jours de détention illégale de la part des soldats russes.

Les changements démographiques imposés dans les territoires occupés sont une autre caractéristique de la politique d’occupation de la Fédération de Russie. En Crimée, les Tatars doivent quitter leur foyer, comme c’est le cas en Géorgie, où certains doivent renoncer à leur origine ethnique sous menace d’être privés des services sociaux; une façon de forcer les gens à quitter leur domicile.

Seule la Fédération de Russie est présente dans ces territoires occupés. La présence internationale n’est pas acceptée en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Les ONG sont très limitées en Ukraine, ce qui crée une véritable barrière pour venir en aide aux populations victimes de ce conflit. Voilà le visage tragique de cette occupation. Ce processus n’est dans l’intérêt ni de la Géorgie ni de l’Ukraine, ni des citoyens ni de la sécurité en Europe.

La Fédération de Russie utilise les divisions pour garder le contrôle de la situation, autre caractéristique de son action. Tous les voisins de la Fédération de Russie, la République de Moldova, Azerbaïdjan et Arménie, tous présentent des conflits aux caractéristiques différentes; mais le chef d’orchestre est toujours le même.

En Géorgie, nous avançons dans notre politique de paix, pour mettre un terme à cette occupation. Nous espérons qu’une réconciliation aura lieu. Nous essayons d’aider ceux qui souffrent pour des raisons humanitaires, et proposons des services dans d’autres régions du pays.

Je souhaite rappeler à quel point la position de la communauté internationale est importante en la matière, et notamment celle de l’Assemblée. Tous les parlementaires devraient élever la voix pour lutter contre cette occupation et venir en aide aux populations dans ces territoires occupés.

6. Élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Espagne
(Résultats du scrutin)

LE PRÉSIDENT* – Avant que nous ne poursuivions notre débat, je vais vous donner les résultats du scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Espagne:

Nombre de votants: 248

Bulletins blancs ou nuls: 21

Suffrages exprimés: 227

Majorité absolue: 114

Les suffrages ont été exprimés comme suit:

Mme María Elósegui Ichaso: 114 voix

M. José Martín y Pérez De Nanclares: 76 voix

M. Francisco de Asís Pérez De Los Cobos Orihuel: 37 voix

Mme Elósegui Ichaso ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je la proclame juge à la Cour européenne des droits de l’homme.

Son mandat de neuf ans commence au plus tard dans trois mois à compter de son élection.

7. Élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
(Résultats du scrutin)

LE PRÉSIDENT* – Je puis également vous annoncer les résultats de l’élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Nombre de votants: 250

Bulletins blancs ou nuls: 2

Suffrages exprimés: 248

Majorité absolue: 125

Les suffrages ont été exprimés comme suit:

M. Goran Klemenčič: 67 voix

M. Pierre-Yves Le Borgn’: 105 voix

Mme Dunja Mijatović: 76 voix

Aucun des candidats n’ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, un deuxième tour de scrutin sera organisé le mercredi 24 janvier de 10 heures à 13 heures et de 15 h 30 à 17 heures, pour lequel seule la majorité relative sera requise.

8. Les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine (suite)

LE PRÉSIDENT* – Nous reprenons notre débat sur les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine. Nous poursuivons la liste des orateurs.

Mme DURANTON (France) – En tant que vice-présidente du groupe d’amitié France–Ukraine au Sénat français, je me devais d’intervenir sur les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine. Je veux saluer le rapport très documenté de M. Vareikis qui nous alerte une fois encore sur la situation dramatique qui persiste dans l’est de l’Ukraine, et j’approuve son projet de résolution, très équilibré.

Le conflit qui oppose depuis près de quatre ans les forces armées ukrainiennes aux insurgés séparatistes, soutenus militairement et financièrement par la Fédération de Russie, a fait plus de 10 000 morts et 25 000 blessés. Il a contraint 1,6 million de personnes à fuir leur domicile, fait 1 million de réfugiés et conduit près de 4 millions de personnes à dépendre de l’assistance humanitaire.

Ces chiffres terribles illustrent un conflit qui, en dépit des apparences, est loin d’être gelé. Les violations du cessez-le-feu se comptent par centaines. On déplore régulièrement des victimes, y compris civiles – 26 morts pour le seul mois de décembre. Les infrastructures civiles continuent en effet d’être prises pour cibles. Les mines sont largement disséminées dans les zones de conflit et les activités de déminage ne sont guère significatives. La décision de la Fédération de Russie de se retirer du centre conjoint de contrôle et de coordination, chargé d’engager des mesures de confiance entre les parties sur le terrain, complique le bon déroulement de la mission de l’OSCE. Je salue d’ailleurs la ténacité et le courage des membres de cette dernière.

Les Accords de Minsk de février 2015 ne sont pas respectés: le cessez-le-feu ne s’est jamais concrétisé; les armes lourdes n’ont pas été retirées; l’Ukraine n’a pas repris le contrôle de sa frontière; le retrait des forces armées étrangères reste hypothétique. Nous ne pouvons que le regretter car, en dépit des difficultés, aucune autre solution crédible n’apparaît.

De même, le volet politique des Accords de Minsk est bloqué, qu’il s’agisse de la révision constitutionnelle introduisant la décentralisation, de la loi sur les élections locales dans le Donbass, du statut spécial des zones de cette région actuellement contrôlées par les séparatistes ou de la loi d’amnistie.

Certes, le dialogue politique se poursuit en «format Normandie» et la France a marqué sa volonté de se réengager sur ce dossier, le Président de la République ayant rencontré ses homologues russe, le 29 mai dernier, puis ukrainien, le 26 juin. Néanmoins, sur le terrain, les avancées concrètes sont extrêmement limitées. Il convient néanmoins de se féliciter de l’échange de prisonniers du 27 décembre dernier, le seul en 2017, qui a concerné plus de 300 personnes.

Enfin, je souhaite rappeler aux autorités ukrainiennes l’importance de tenir leurs engagements en matière de lutte contre la corruption. Il est fondamental, pour le développement économique du pays et, plus largement, pour l’avenir de la démocratie en Ukraine, d’éradiquer ce fléau. L’arrestation, dans des conditions rocambolesques, de l’ancien président géorgien, Mikheil Saakachvili qui, à tort ou à raison, incarne ce combat, est inquiétante. De même, il est indispensable de laisser le Bureau national anticorruption travailler librement. Il ne servirait pas à grand-chose que l’Ukraine se batte dans le Donbass si elle capitule sur la corruption.

M. NOVYNSKYI (Ukraine)* – Je souhaite aussi remercier M. Vareikis pour son travail considérable. Il a préparé un rapport très complet, impartial et objectif sur les graves conséquences humanitaires de la guerre dans le Donbass.

A l’évidence, il a voulu, en tout premier lieu, aider les simples Ukrainiens qui ont souffert de ce conflit dans les zones d’action militaire. On ne peut pas en dire autant des autorités de l’Ukraine, qui opèrent une discrimination à l’encontre des habitants des régions de Donetsk et de Lougansk, en les considérant presque comme coupables du conflit. Après l’adoption du texte du rapport, les autorités ukrainiennes sont même allées plus loin en adoptant une loi sur la désoccupation du Donbass, qui permet aujourd’hui aux militaires et aux services spéciaux de fouiller les maisons et de détenir les habitants sans aucune forme de procès. Cette loi permet d’intenter des actions en justice contre les personnes qui auraient collaboré avec le régime d’occupation. N’importe qui peut être poursuivi en vertu de cette loi : médecins, pompiers, enseignants… Début décembre, lors d’une réunion de commission, j’ai rappelé que cette loi allait à l’encontre de la Constitution ukrainienne, en particulier de l’article qui prévoit les modalités de déclaration de l’état de guerre sur le territoire ukrainien.

Actuellement, avant la promulgation de cette loi, la loi martiale peut être proclamée par le Président, mais elle doit ensuite être approuvée par le parlement. Seul le parlement peut approuver la loi martiale. Cette loi octroie au Président le pouvoir de déclarer la loi martiale de manière unilatérale sur les territoires de Donetsk et Lougansk, ce qui peut être fait même en période électorale. De ce fait, les territoires de Donetsk et Lougansk sous contrôle des autorités officielles peuvent être soustraits au processus électoral. En outre, toutes les références aux Accords de Minsk, confirmés par le Conseil de sécurité de l’Onu et mentionnés dans quatre résolutions de l’Assemblée, ont été supprimées de la loi. Le Parlement ukrainien montre ainsi au monde entier qu’il ne souhaite pas trouver une solution diplomatique au conflit.

J’estime que ces décisions des autorités ukrainiennes ont violé ouvertement les engagements souscrits par l’Ukraine, et nous ne devons pas légitimer cette loi dans une résolution de l’Assemblée. J’appelle donc l’Assemblée à rejeter cette proposition et à soutenir mon amendement.

M. GOLUB (Ukraine)* – Voilà quatre ans que l’agression dure! 10 000 personnes ont été tuées, 20 000 blessées; près de 1,8 million de personnes ont reçu le statut de déplacés internes, plus de 2 millions ont dû quitter leur domicile; pas moins de 3,4 millions ont besoin d’assistance humanitaire et, en 2017, 1,2 million vivaient sous le seuil de pauvreté. Un million de personnes n’avaient pas suffisamment à manger.

Chaque jour, ces chiffres augmentent, et ils ne cesseront de le faire tant que la Fédération de Russie ne se sera pas retirée et n’aura pas renoncé à ses ambitions impérialistes.

La guerre au Donbass a engendré de nombreuses tragédies: un drame humain, tout d’abord, car les populations y ont perdu des proches, leur maison, et parfois même l’espoir de retrouver un jour une vie normale. Dans ces territoires occupés, les villages sont devenus des enclaves où l’on survit comme on peut. Les populations sont les victimes innocentes de cette tragédie: elles ont été prises en otage et, parfois, réduites en esclavage – il existe des camps de concentration, et certains prisonniers sont forcés de participer à des travaux de construction militaires pour la Fédération de Russie. Maladies, faim, impossibilité de travailler, d’étudier, de recevoir une assistance sociale minimum, risque de mort prématuré: voilà le sinistre tableau de ce que la Fédération de Russie a apporté à l’Ukraine.

Lorsque l’on regarde le Donbass, il est essentiel de comprendre que, au-delà de l’Ukraine, c’est l’histoire de l’Europe tout entière qui est concernée. Cette guerre pourrait avoir des conséquences non seulement dans mon pays, mais également dans toute la région. Ces conséquences façonneront une nouvelle Europe, une Europe où la force définira les relations.

Seul le retrait des forces militaires russes permettra de trouver une solution pour la Crimée et le Donbass. Sans ce retrait, nous ne pourrons pas chercher de solution, car la présence renforcée des forces militaires russes dans le Donbass en fera une zone de conflit gelé. Peut-être l’objectif de la Fédération de Russie est-il de provoquer cette catastrophe, afin de créer des problèmes pour l’Europe, en ébranlant la situation des réfugiés et en renforçant la contradiction de sa position sur le Donbass?

Lord BALFE (Royaume-Uni)* – Si je tiens à remercier le rapporteur pour son travail, je ne suis pas certain que ce nouveau rapport nous fasse beaucoup avancer. Chaque semestre, nous entendons un rapport sur la situation en Ukraine, mais nous ne touchons jamais au fond du problème: l’Ukraine a toujours été un État fragile, nous l’avons mis en échec. Ce sont les actions de l’Union européenne et des États-Unis qui ont mené à la situation actuelle, même si jusqu’à présent, Victor Ianoukovitch était parvenu à tenir le pays.

Les archives de notre Assemblée montrent qu’en 1954, lorsqu’il a été décidé que la Crimée appartiendrait à l’Ukraine, nous n’avons pas protesté. Alors pourquoi dirions-nous quelque chose aujourd’hui si la Fédération de Russie a décidé de la reprendre? Laissez les peuples décider à quel pays ils souhaitent appartenir!

Le débat n’est pas équilibré, puisque nous n’entendons pas la Fédération de Russie. Même si ce pays n’est pas toujours très raisonnable, chacun doit pouvoir exposer ses arguments.

Il ne faut pas oublier que la frontière occidentale de la Crimée avait déjà évolué en 1945; et, encore avant, à la fin de la Première Guerre mondiale, la Crimée était allée à la Pologne… Les frontières de ce pays ont donc toujours connu une importante mobilité. Pour avancer, il faudrait organiser des plébiscites.

Le rapport identifie de nombreux problèmes auxquels il faut apporter des solutions. Pour cela, il faudra beaucoup d’argent; mais avant de le distribuer, l’Ukraine doit s’attaquer à la corruption.

Je me réjouis de ces rapports semestriels, mais je n’ai malheureusement pas l’impression que la situation ait beaucoup avancé au cours des derniers mois.

M. BLAHA (République slovaque)* – Je suis désolé de la situation des personnes qui meurent de la guerre en Ukraine, notamment dans le Donbass. Cette région mérite notre solidarité.

Je voudrais insister sur le fait que les pouvoirs géopolitiques sont seuls responsables de cette guerre, et je regrette que des Ukrainiens innocents meurent au nom de ces luttes entre grandes puissances.

Je suis d’accord avec M. Hunko: la responsabilité du conflit repose aussi sur la partie ukrainienne. À ma connaissance, les soldats ukrainiens utilisent les armes contre leurs propres ressortissants: rejeter la totalité de la faute sur la partie russe est donc une erreur. On ne peut pas dire non plus que tous les habitants de la région sont des agents russes: beaucoup d’autonomistes vivent aussi dans le Donbass.

Je crois que le dialogue est toujours préférable à la guerre et à la rhétorique antiterroriste des autorités. Je ne crois pas aux contes de fée sur les anges et les diables en politique; ni l’Ukraine ni la Fédération de Russie ne sont toute noire ou toute blanche. La République slovaque a de bonnes relations avec ces deux pays, et nous avons fait de notre mieux pour aider l’Ukraine sur le plan humanitaire et pour assurer son approvisionnement en gaz au moment de la crise qui a frappé il y a quelques années. Nous aimons les Ukrainiens, nous voulons les aider, mais nous ne considérons pas pour autant la Fédération de Russie comme une ennemie.

Elle nous a libérés du fascisme; c’est un partenaire européen important. De nombreux Slovaques la respectent et la considèrent comme un pays ami.

Bien entendu, nous refusons toute violation du droit international. Pour autant, nous croyons aussi au dialogue et à la diplomatie, pas aux sanctions ni à la russophobie. Il faut débattre avec les Russes, y compris à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Je ne comprends pas pourquoi la délégation russe a fait l’objet de sanctions. Je ne défends pas systématiquement les Russes et critique beaucoup la politique de M. Poutine, mais je crois également aux vertus du débat ouvert.

Je ne pense pas que l’on puisse rejeter la responsabilité de la situation sur une seule partie prenante. Faute d’un débat avec les Russes, je ne puis soutenir le rapport, car il n’est pas issu d’un processus démocratique. Nous y traitons de la situation qui prévaut dans un État membre du Conseil de l’Europe sans lui donner la possibilité de s’exprimer dans le cadre d’un vote, ce qui n’est ni correct ni équitable. Je souhaite à la population de l’Ukraine de connaître la paix, et au reste de l’Europe un peu moins de russophobie.

Mme SOTNYK (Ukraine)* – J’ai préparé un discours, mais je ne le lirai pas. Je suis en effet choquée par les propos tenus par certains de nos collègues. Peut-être n’ont-ils pas bien lu le titre du rapport, qui porte sur la guerre en Ukraine, laquelle résulte d’une initiative de la Fédération de Russie. Il y a donc bien une victime et un agresseur. Je me réjouis d’ailleurs que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ait été la première à qualifier la Fédération de Russie d’agresseur et l’Ukraine de victime. Après quatre ans, il ne devrait plus y avoir de place pour le doute, mais je constate que certaines évolutions ont cours.

Il y a trois jours, j’étais en Ukraine pour y être interviewée à la télévision. Juste avant cette interview, des nouvelles fraîches relatives aux conséquences humanitaires du conflit armé sévissant dans l’est du pays ont été diffusées. Le reportage portait sur la situation des enfants à Lougansk et présentait une vidéo réalisée un peu par hasard. Les journalistes, venus pour poser des questions relatives à l’évolution de la situation militaire, interrogeaient des soldats tandis que les bombardements venaient de commencer, notamment à Donetsk et Lougansk, en territoire occupé. La scène se passait à la mi-journée et des enfants rentraient de l’école. Ils se sont alors mis à courir et à pleurer, puis se sont tournés vers les soldats afin qu’ils les escortent jusqu’à chez eux, car ils avaient peur. J’ai envoyé cette vidéo à mes collègues du groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe afin de leur expliquer, avec des images et non seulement des mots, en quoi consiste la vie de ces gens et ce que signifient les conséquences humanitaires de cette guerre, dont je rappelle qu’elle a été initiée par les Russes.

Enfin, je tiens à dire que ces gens ne font pas de politique. Ils ne savent pas quels sont les enjeux ni les intérêts que vous protégez, chers collègues. Ce qui leur importe, c’est la paix et le départ de M. Poutine de leur pays, lequel est situé au cœur de l’Europe, à quelques centaines de kilomètres de cet hémicycle. Bouter M. Poutine hors d’Ukraine suppose que nous demeurions unis.

Mme SCHOU (Norvège)* – Notre rapporteur, M. Vareikis, décrit une situation humanitaire inquiétante dans les territoires occupés de Donetsk et de Lougansk. On y lit que plus de 4 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire. Quatre ans après le début du conflit militaire dans l’Est de l’Ukraine et l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, on constate que le nombre de victimes civiles ne cesse d’augmenter et que les logements et les infrastructures vitales, telles que les systèmes d’approvisionnement en eau et en électricité, sont endommagés.

Une telle situation ne devrait pas exister dans l’Europe de 2018. Il est donc très décevant de constater que le plan de réponse humanitaire proposé par le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies pour 2017 a été largement sous-financé, seuls 26 % des fonds nécessaires ayant été débloqués. Les membres du Conseil de l’Europe que nous sommes devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour apporter leur soutien à l’Ukraine, par le biais d’efforts bilatéraux mais également en formulant une réponse humanitaire coordonnée à l’échelle internationale. Il nous incombe de suivre la situation de très près. Nous ne pouvons pas fermer les yeux.

Le soutien de la Norvège à l’Ukraine reste très ferme. La Norvège a mis en œuvre les sanctions imposées par l’Union européenne à la Fédération de Russie. Nous continuerons de nous tenir aux côtés de nos partenaires de l’Otan et de l’Union européenne afin de répondre aux violations du droit international auxquelles se livre la Fédération de Russie. En 2017, l’aide de la Norvège à l’Ukraine s’est élevée à environ 200 millions de couronnes norvégiennes. Ces fonds sont affectés au financement du processus de réforme et du travail humanitaire dans les zones touchées par le conflit dans l’Est de l’Ukraine. Les organisations humanitaires ukrainiennes et internationales qui y mènent des activités reçoivent des fonds et la Norvège apporte un soutien en personnel à la mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine.

Je profite de l’occasion pour féliciter l’Ukraine du programme de réformes qu’elle a mis en œuvre et des résultats obtenus à ce jour, dans des conditions très difficiles. Il importe de poursuivre le processus de réforme, notamment en matière de lutte contre la corruption et de réforme de la justice. Il s’agit d’un volet fondamental de la mise en place d’une démocratie durable.

M. LIASHKO (Ukraine)* – Tandis que nous débattons d’un sujet très important visant à déterminer comment faire face aux conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine, des négociations secrètes ont lieu dans cette même enceinte. Des représentants de la Fédération de Russie et des groupes politiques discutent de la façon de réintégrer la Fédération de Russie dans l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, car celui-ci manque de ressources. On souhaite donc que l’agresseur réintègre l’Assemblée! Nous évoquons ici la paix et l’amitié, mais peut-on simultanément discuter avec un pays agresseur? Qui nous rendra nos parents? Qui me rendra mon ami Sergeï, habitant la région de Poltava, tué hier par des bombardements russes? Qui ramènera aux enfants leurs parents décédés?

Alors que 20 % du potentiel du pays ont été détruits, qui rétablira ces capacités de production, dont l’aéroport Prokofiev de Donetsk, qui était l’un des meilleurs du pays? Quand entendrons-nous à nouveau l’hymne ukrainien dans les stades de Donetsk? Quand les mineurs ukrainiens pourront-ils retrouver leurs mines et reprendre le travail, ce dont ils sont empêchés par l’agression de la Fédération de Russie?

Des représentants de pays ayant souffert de l’agression hitlérienne nous enjoignent à présent d’être amis avec M. Poutine. Notre collègue du Royaume-Uni qui évoquait tout à l’heure les frontières de la France a peut-être oublié que Strasbourg n’a pas toujours été en France! Il ne s’agit pas de déterminer comment réintégrer la Fédération de Russie dans l’Assemblée parlementaire mais comment mettre fin à l’agression russe. Les Ukrainiens paient de leur sang, de leur territoire et de leur lutte pour nous protéger tous, ainsi que les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie.

La plupart d’entre vous, j’en suis sûr, sont sensibles au respect de l’intangibilité des frontières, donc à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Or si l’on manque de respect en la matière, qui, demain, garantira les vôtres? Ce pays fort, l’un des plus grands d’Europe, qu’est l’Ukraine, doit retrouver la paix. Mais, pour lutter aujourd’hui contre le tyran, il faut retrouver l’unité, ne pas se laisser prendre aux subterfuges et ne pas manger du caviar à la table des Russes.

Mme IONOVA (Ukraine)* – Nos collègues ont évoqué nombre de problèmes mais je me concentrerai sur les violations flagrantes des droits de l’homme dans les territoires du Donbass.

Alors que 70 personnes illégalement détenues ont été libérées, nous avons, de notre côté, remis plus de 300 criminels et avons même transféré une femme qui avait tué deux soldats ukrainiens par un jet de grenade.

Aujourd’hui, ces otages sont revenus chez nous, après un blocage du processus d’un an et demi, mais des douzaines de personnes restent bloquées dans le Donbass et en Fédération de Russie en flagrante violation des articles 2, 3 et 4 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatifs au droit à la vie, à l’interdiction de la torture et au travail forcé.

La semaine dernière, nous avons organisé une réunion des personnes relâchées avec les ambassadeurs. À l’écoute de leurs témoignages, ils n’ont pu retenir leurs larmes. Elles avaient été torturées, mises à l’isolement. Pendant presque quatre ans, elles ont été contraintes de travailler, notamment pour l’inhumation de soldats. Elles ont subi des menaces. À leur libération, il a fallu leur prodiguer des soins du fait de tortures et de l’absence d’accès aux soins. Ces 70 personnes revenues n’ont plus de dents et ont subi des sévices sexuels. Cela explique que les organisations internationales en matière de droits de l’homme n’aient pas accès aux détenus dans les territoires occupés.

Sur la base de ces témoignages récents, la communauté internationale doit agir pour éviter que ces violations perdurent et pour alléger les souffrances de tous ceux qui vivent dans ces territoires.

Hier, le Secrétaire Général a souligné quatre articles de la Convention qui représentent une ligne rouge pour être membre: leur violation est avérée de la part de la Fédération de Russie. Je ne comprends pas que des dirigeants de cette Organisation réclament au nom de certaines valeurs la levée des restrictions à l’encontre de ceux qui sont à l’origine de cela.

En Ukraine, nous avons adopté une loi sur les personnes portées disparues, qui sont des milliers et nous travaillons sur un projet de loi concernant le déminage civil.

Mme TOPCU (Turquie)* – Les évolutions récentes ont conduit à séparer des populations de part et d’autre de la ligne de contact. Les hostilités ont commencé il y a quasiment quatre ans dans l’est de l’Ukraine et les souffrances humaines n’ont cessé de s’aggraver. Jusqu’à présent, les négociations n’ont pas permis de parvenir à une avancée politique. Le financement de l’assistance humanitaire atteint un seuil critique: quatre millions de personnes se trouvent dans une situation dramatique et ont besoin d’assistance.

Il faut bien entendu se pencher sur ces besoins humanitaires et il faut que toutes les parties prenantes aient une même compréhension de la situation sur le terrain afin de trouver des solutions réalistes.

Au-delà des besoins humanitaires, de graves violations des droits de l’homme ont été commises dans la région, depuis 2014. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a publié, le 25 septembre 2017, un rapport relatif à la situation des droits de l’homme sur le territoire temporairement occupé de la République autonome de Crimée et dans la ville de Sébastopol. Ce rapport indique que beaucoup d’opposants sont poursuivis, mais aussi d’autres personnes qui critiquent le pouvoir: des journalistes, des blogueurs, des membres de la société civile, des soutiens de la Majlis, l’institution représentative des Tatars de Crimée, déclarée organisation extrémiste et interdite en avril 2016. Sous prétexte de lutter contre l’extrémisme, les autorités de la Fédération de Russie ont effectué des perquisitions en Crimée, ont intimidé et détenu des membres de la communauté des Tatars de Crimée.

Depuis le début des hostilités dans la région, quatre années se sont écoulées. Je le répète, les violations des droits de l’homme ne cessent de s’intensifier. Les négociations n’ont pas permis de parvenir à un résultat politique. L’aide humanitaire internationale est extrêmement faible et quatre millions de personnes ont besoin d’aide. Dans ce contexte, j’espère que cette tragédie humaine inacceptable se terminera le plus rapidement possible.

M. FRIDEZ (Suisse) – Depuis 2014, les combats qui se sont déroulés dans l’est de l’Ukraine ont eu d’importantes et d’effroyables conséquences pour les populations civiles des régions concernées. Nous saluons la volonté exprimée dans le rapport de trouver les solutions les plus appropriées et les plus humaines en vue d’atténuer les conséquences humanitaires de la guerre qui a déchiré l’Ukraine et d’améliorer le sort des populations concernées par les combats et le devenir de cette région du monde.

Cette crise dans l’est de l’Ukraine est l’une des nombreuses conséquences de la chute de l’empire soviétique et de la recomposition géopolitique de cette région du monde. De nouveaux États ont été fondés sur d’anciennes frontières administratives, frontières aujourd’hui contestées par certains, qui souhaitent un rapprochement avec le grand voisin russe. Tous les protagonistes se réclament de leur bon droit et, m’inspirant des positions prises par l’ancien président de l’OSCE en 2014, mon compatriote suisse Didier Burkalter, j’estime que la meilleure façon – voire la seule solution – de tenter de résoudre au mieux ce type de conflit, c’est le dialogue, la négociation et la mise en œuvre de l’art du compromis. Ce chemin est toujours long mais il est le plus efficace.

Les Accords de Minsk sont déterminants pour espérer la résolution de ce conflit et j’en appelle vraiment à tous les protagonistes pour qu’ils fassent un pas dans la bonne direction, pour tenter de trouver des solutions, pour s’attacher à inventer un compromis, pour permettre une sortie de crise, une résolution de ce conflit dans la dignité, dans le respect des droits de l’homme et du droit des gens, et surtout permettre à très court terme le soulagement des souffrances et des privations imposées aux populations concernées.

Dans cette perspective, je tiens à saluer les échanges de prisonniers qui ont eu lieu durant les fêtes de fin d’année, des prisonniers issus des deux camps, et cela est véritablement un signe positif, un espoir, peut-être le début enfin de quelque chose de positif dans ce dossier.

Les Accords de Minsk proposaient un cessez-le-feu bilatéral immédiat, la surveillance et la vérification du cessez-le-feu par l’OSCE, un organisme reconnu, neutre, universel, l’organisation d’une décentralisation des pouvoirs, la création d’une surveillance permanente de la frontière russo-ukrainienne par l’OSCE pour instaurer une zone de sécurité, la libération immédiate de tous les otages et de toutes les personnes retenues illégalement, l’adoption d’une loi ukrainienne visant à interdire les poursuites et les sanctions contre toutes les personnes impliquées dans la guerre du Donbass, la poursuite d’un dialogue entre les parties, la mise en œuvre des mesures permettant d’améliorer la situation humanitaire dans le Donbass, l’organisation d’élections anticipées dans les zones concernées, la démilitarisation de la zone de conflit en en retirant le matériel militaire, les forces armées et les combattants étrangers, la mise en place d’un programme économique pour développer les zones concernées.

Je reste persuadé que l’avenir de cette région passe par la mise en œuvre de ces accords car quelle autre solution? Et bien entendu nous soutiendrons aujourd’hui les propositions visant à améliorer les conséquences humanitaires de cette guerre aux confins de notre continent.

Je reste persuadé que l’avenir de la région passe par la mise en œuvre de ces accords, car je ne vois pas d’autre solution. Bien évidemment, nous soutiendrons aujourd’hui les propositions visant à améliorer les conséquences humanitaires de cette guerre aux confins de notre continent.

M. TILKI (Hongrie)* – Tout d’abord, permettez-moi de féliciter le rapporteur pour son analyse complète de la situation humanitaire, laquelle mérite toute l’attention des États membres du Conseil de l’Europe.

Nous saluons ce rapport qui insiste particulièrement sur les besoins des personnes qui se sont trouvées déplacées du fait du litige. Nous sommes d’accord avec le rapporteur pour dire qu’il convient d’adopter une stratégie globale pour les personnes déplacées, afin de garantir leurs droits politiques et sociaux ainsi que leur intégration. Cela devrait être une des priorités du Gouvernement ukrainien.

Je rappelle également que la Hongrie a été un fervent défenseur de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Le conflit dans l’est de l’Ukraine et ses conséquences humanitaires continuent à nous préoccuper gravement. La Hongrie soutient une solution politique, pacifique et globale. Elle s’était engagée à soutenir les aspirations de l’Ukraine à rejoindre l’Europe. En revanche, nous partageons les préoccupations qui ont été exprimées concernant la loi ukrainienne sur l’éducation. Nous pensons qu’elle ne facilitera pas le règlement du conflit dans l’est de l’Ukraine et qu’elle est contraire aux efforts réalisés au niveau international dans le cadre du format Normandie pour essayer de résoudre le conflit.

La Hongrie ne poursuit pas une politique défavorable à l’Ukraine. Tout au contraire, le processus législatif que j’évoquais a été initié par Kiev malgré notre politique d’aide: au cours des quatre dernières années, la Hongrie a accordé quelque 105 millions de dollars, notamment pour aider les soldats ukrainiens blessés, favoriser l’enseignement de la langue aux personnels militaires, fournir une aide humanitaire aux familles déplacées, ou encore proposer des programmes de vacances aux enfants dont le père a participé au conflit ou a été tué dans l’est de l’Ukraine. Nous avons également accordé des bourses d’étude afin que des Ukrainiens puissent étudier en Hongrie.

Pour conclure, nous saluons l’attention accordée par le Conseil de l’Europe à l’Ukraine et nous espérons que les autorités ukrainiennes accepteront les conseils donnés par notre Organisation en vue d’accélérer la mise en œuvre du processus démocratique, tout en respectant leurs obligations internationales.

Mme MEHL (Norvège)* – Le Conseil de l’Europe repose sur des valeurs que tous les États membres doivent promouvoir: la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit. Ces fondements sont plus importants que jamais de nos jours. Pourtant, le Conseil de l’Europe se retrouve à traiter aujourd’hui d’une grave crise humanitaire découlant d’une attaque lancée par un État membre contre un autre.

Comme un grand nombre d’entre vous, je suis gravement préoccupée par la situation des millions d’habitants de l’Ukraine qui sont touchés, directement ou indirectement, par l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie. Je me félicite donc de ce rapport. Je le soutiens, car je pense qu’il s’agit d’un texte important pour assurer de meilleures perspectives d’avenir à l’Ukraine et à sa population.

Le rapport met l’accent sur une série de questions très graves. Il faut le dire: toutes sont urgentes et exigent une aide humanitaire pressante. Chaque jour de conflit supplémentaire représente autant de souffrances en plus pour les populations civiles concernées. Certains droits de l’homme essentiels sont en jeu. Tout enfant a le droit de grandir dans un environnement sûr. Toute personne dans le monde devrait avoir accès à l’eau potable, à un abri, à un logement et ne devrait pas connaître la pauvreté ou le désespoir. Personne ne doit être privé de liberté sans jugement équitable. Or les personnes touchées par la guerre en Ukraine ne jouissent d’aucun de ces droits.

Il est également urgent de répondre à ces questions car, chaque jour que se poursuit l’occupation, la perspective d’une solution devient plus incertaine. Je pense en particulier au grave problème évoqué dans le rapport, selon lequel les autorités russes transfèrent des populations civiles de Fédération de Russie en Crimée, exercent une discrimination à l’encontre de la population pro-ukrainienne et déportent ceux des habitants qui ne sont pas d’origine russe. Nous avons vu dans d’autres pays que, souvent, les occupants cherchent à transformer le peuplement d’une région occupée pour qu’il soit plus difficile encore pour l’État concerné de recouvrer sa souveraineté sur son territoire.

Permettez-moi donc de souligner à nouveau l’importance que revêt ce rapport et combien il importe que nous nous montrions unis et que nous prenions les mesures nécessaires pour améliorer la situation humanitaire et trouver une solution pacifique pour l’Ukraine et sa population.

LE PRÉSIDENT* – Il nous faut maintenant interrompre la liste des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les quatre heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

J’appelle la réplique de la commission.

M. VAREIKIS (Lituanie), rapporteur* – Je remercie mes chers collègues et amis qui ont participé à ce débat. Il était important pour moi que vous lisiez le rapport, mais aussi que vous vous exprimiez sur son contenu.

Il me semble avoir compris de vos interventions que, comme moi, vous pensez que les conséquences de la guerre en Ukraine sont extrêmement graves, et que vous êtes d’accord pour dire que le pays qui en est responsable est un membre du Conseil de l’Europe et que, par conséquent, c’est également ici qu’il faut chercher la solution.

Je remercie Lord Balfe qui disait que l’Ukraine n’avait pas toujours été un État stable. Il n’était pas une entité politique connue jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Ses frontières ont beaucoup bougé. À cet égard, l’Ukraine n’est pas comme la France ou comme l’Angleterre qui, étant une île, ne peut pas changer ses frontières. L’histoire de l’Ukraine est ainsi, et nous avons, à notre tour, une responsabilité historique en la matière. L’Ukraine n’a pas à faire partie aujourd’hui d’un empire russe, ottoman ou autre. Elle doit être un pays fort, stable et bien organisé.

Dans notre rapport, nous critiquons parfois l’Ukraine, mais nous essayons aussi de l’aider et de mettre en place un projet politique à long terme pour ce pays. Si vous adoptez ce rapport, cela nous permettra d’aider à créer un État fort et responsable, qui sera en mesure de se défendre.

Permettez-moi enfin de remercier le secrétariat de la commission, qui m’a beaucoup aidé dans la rédaction de ce rapport, me fournissant de nombreuses informations techniques et chiffrées. Tout cela m’a été très utile. Mais quelques amendements ont été déposés, que nous allons maintenant examiner et probablement soutenir.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Je tiens à remercier M. Vareikis, notre rapporteur, pour le travail précieux qu’il a accompli. J’en appelle aux États membres pour qu’ils appuient les projets de résolution et de recommandation présentés par la commission dont je viens d’être élue présidente, ce qui est un grand honneur.

La commission s’est penchée sur la situation humanitaire en Ukraine depuis le début du conflit armé. Nous avons soumis plusieurs projets de résolution à l’Assemblée sur les personnes déplacées, les réfugiés et les personnes disparues ou capturées. Nous avons insisté pour obtenir la libération de Nadiia Savtchenko, qui était membre de notre commission. Nous sommes en contact avec des représentants des autorités ukrainiennes, des organisations internationales qui agissent dans les zones affectées et des représentants de la société civile.

Les membres de la commission travaillent sur un autre rapport, intitulé: «Répondre aux besoins humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays: les enseignements à tirer et les futurs enjeux en Europe». Le rapporteur, M. Munyama, estime à 1,7 million le nombre de personnes déplacées en Ukraine, soit le nombre le plus élevé que l’on enregistre en Europe. Près de 2 millions de vies ont ainsi été durement touchées par la guerre. Je vous recommande également de visiter l’exposition organisée dans le foyer: parfois les photos en disent plus que des discours.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des migrations a présenté un projet de résolution sur lequel 14 amendements et deux sous-amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons d’abord examiner le projet de résolution.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission des migrations proposait de considérer les amendements 11, 13 et 9, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente?

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 7.

Mme IONOVA (Ukraine)* – Notre amendement porte sur le fait que l’agression se poursuit. Douze personnes ont été tuées le mois dernier. Il n’y a pas de cessez-le-feu. Nous souhaitons donc rappeler que l’agression perdure.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – La commission a adopté cet amendement à une écrasante majorité.

L’amendement 7 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4.

S’il est adopté, l’amendement 1 n’a plus d’objet.

Mme IONOVA (Ukraine)* – C’est un amendement technique, concernant le projet de loi adopté par le Parlement ukrainien qui reflète la réalité de l’occupation du territoire.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – La commission a adopté cet amendement à une écrasante majorité.

L’amendement 4 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – En conséquence, l’amendement 1 n’a plus d’objet.

Je suis saisi de l’amendement 2.

M. NOVYNSKYI (Ukraine)* – Les Accords de Minsk offrent la seule voie pacifique de sortie du conflit; l’Assemblée les a appuyés dans quatre résolutions. Il faut être conséquent et voter cet amendement afin que les Accords de Minsk soient mentionnés dans la loi relative à la réintégration des régions de Donetsk et de Lougansk.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – La commission a rejeté cet amendement par 14 voix contre 11 et 2 abstentions.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 12 n’est pas défendu.

Je suis saisi de l’amendement 5.

Mme IONOVA (Ukraine)* – Nous souhaiterions ajouter une phrase, à la fin du paragraphe 4, pour évoquer l’échange tant attendu de personnes capturées, qui a enfin eu lieu, et rappeler que, dans peu de temps, un autre interviendra. Je renvoie à mon intervention dans la discussion générale pour plus de précisions.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – La commission a accepté cet amendement à une écrasante majorité.

L’amendement 5 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 6.

Mme IONOVA (Ukraine)* – Nous désirons rappeler à la Fédération de Russie qu’elle doit appliquer notre Résolution 2133 de 2016, ce qu’elle n’a toujours pas fait.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – La commission a adopté cet amendement à une écrasante majorité.

L’amendement 6 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 8.

Mme IONOVA (Ukraine)* – Nous souhaitons rappeler aux autorités russes qu’elles doivent respecter toutes leurs obligations dérivées des dispositions pertinentes du droit international, en tant que puissance d’occupation, et qu’elles doivent veiller au respect des droits de l’homme et à la sécurité de toutes les personnes vivant en Crimée occupée. La Croix-Rouge internationale n’a actuellement aucun accès à ce territoire.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – La commission a accepté cet amendement.

L’amendement 8 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 10.

Mme IONOVA (Ukraine)* – Nous souhaitons rappeler que les organisations internationales et les représentants consulaires et diplomatiques ukrainiens doivent avoir accès à la Crimée.

M. VAREIKIS (Lituanie), rapporteur* – Les missions visées par l’amendement sont évidemment une bonne chose, mais le texte proposé ne me semble pas cohérent car il demande que les autorités russes organisent les opérations consulaires de l’Ukraine.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – La commission a repoussé cet amendement à une écrasante majorité.

L’amendement 10 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 14.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement 1.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – Nous souhaitons qu’il soit fait mention, dans le projet de résolution, des précédentes résolutions de l’Assemblée sur l’Ukraine.

M. VAREIKIS (Lituanie), rapporteur* – Dans le sous-amendement de la commission, nous proposons de remplacer le mot: «exécuter» par les mots: «mettre en œuvre» et de supprimer les mots: «mettre pleinement en œuvre les accords de Minsk», qui n’ont pas de lien direct avec la Crimée.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – J’accepte ce sous-amendement.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – La commission est évidemment favorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement 1 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement ainsi sous-amendé.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – La commission a accepté cet amendement, ainsi sous-amendé, à l’unanimité.

L’amendement 14, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

M. NOVYNSKYI (Ukraine)* – Les Accords de Minsk sont le seul plan de paix susceptible de régler le conflit. Il est donc très important d’appeler les autorités ukrainiennes à réviser la loi sur la souveraineté de l’Ukraine sur les territoires occupés, sur la base des Accords de Minsk, et à pleinement garantir la protection sociale et les besoins humanitaires essentiels de la population civile de ces territoires.

Mme FIALA (Suisse), présidente de la commission* – L’amendement a été adopté par la commission par 12 voix contre 10 et 9 abstentions.

L’amendement 3 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14463, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (56 voix pour, 0 voix contre et 10 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14463.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (50 voix pour, 0 voix contre et 7 abstentions).

9. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu demain matin à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 heures.

SOMMAIRE

1. Élection du Commissaire aux droits de l’homme et élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Espagne

2. Modifications dans la composition des commissions

3. Communication du Comité des Ministres

4. M. Samuelsen, ministre des Affaires étrangères du Danemark, Président du Comité des Ministres

Questions: Mme Schou, MM. Cruchten, Türkeş, Mme Sotnyk, M. Kox, Mme Gambaro, M. Rafael Huseynov, Mmes Bartos, Christoffersen, MM. Abushahla, Ghiletchi, Dame Cheryl Gillan, Mme Pashayeva, MM. Xuclà, Kiliç

5. Un revenu de citoyenneté de base, une idée qui se défend

Présentation par M. Schennach, suppléant Mme Catalfo, du rapport de la commission des questions sociales (Doc. 14462)

Orateurs: MM. Howell, Aleksandar Stevanović, Nordqvist, Zavoli, Mmes Åberg, De Sutter, Dalloz, Christoffersen, M. Wilson, Lord Blencathra, MM. Becht, Manninger, Gyöngyösi, Melkumyan, Fridez, Mmes Mergen, Kerestecioğlu Demir, MM. Blaha, Madison, Mmes D’Ambrosio, Günay, Bardell, M. Bildarratz, Sir Edward Leigh, Mme Anttila, M. Grin

Réponse de M. le rapporteur suppléant

Vote sur un projet de résolution

6. Les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine

Présentation par M. Vareikis du rapport de la commission des migrations (Doc. 14463)

Orateurs: Mme Lundgren, MM. Hunko, Ghiletchi, Mmes Chugoshvili, Goguadze

7. Élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Espagne
(Résultats du scrutin)

8. Élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (Résultats du scrutin)

9. Les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine (Suite)

Orateurs: Mme Duranton, MM. Novynskyi, Golub, Lord Balfe, M. Blaha, Mmes Sotnyk, Schou, M. Liashko, Mmes Ionova, Topcu, MM. Fridez, Tilki, Mme Mehl

Réponses du rapporteur et de Mme la présidente de la commission des migrations

Votes sur un projet de résolution amendé et sur un projet de recommandation

10. Prochaine séance publique

Appendix I / Annexe I

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]

AGRAMUNT, Pedro [M.]

AKBULUT, Gökay [Ms] (SCHÄFER, Axel [Mr])

AKTAY, Yasin [Mr]

AMON, Werner [Mr]

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

ARNAUT, Damir [Mr]

BALÁŽ, Radovan [Mr] (PAŠKA, Jaroslav [M.])

BALFE, Richard [Lord] (ECCLES, Diana [Lady])

BALIĆ, Marijana [Ms]

BARDELL, Hannah [Ms]

BARNETT, Doris [Ms]

BARTOS, Mónika [Ms] (CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr])

BATRINCEA, Vlad [Mr]

BECHT, Olivier [M.]

BEREZA, Boryslav [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BİLGEHAN, Gülsün [Mme]

BILOVOL, Oleksandr [Mr]

BLAHA, Ľuboš [Mr]

BLAZINA, Tamara [Ms] (ZAMPA, Sandra [Ms])

BLENCATHRA, David [Lord] (DONALDSON, Jeffrey [Sir])

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BRASSEUR, Anne [Mme]

BRYNJÓLFSDÓTTIR, Rósa Björk [Ms]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BYRNE, Liam [Mr]

ĆATOVIĆ, Marija Maja [Ms]

CHITI, Vannino [Mr]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CHUGOSHVILI, Tamar [Ms]

CILEVIČS, Boriss [Mr] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

CORSINI, Paolo [Mr]

COURSON, Yolaine de [Mme] (GAILLOT, Albane [Mme])

COZMANCIUC, Corneliu Mugurel [Mr] (PLEȘOIANU, Liviu Ioan Adrian [Mr])

CROWE, Seán [Mr]

CRUCHTEN, Yves [M.]

DAEMS, Hendrik [Mr] (DUMERY, Daphné [Ms])

DALLOZ, Marie-Christine [Mme]

D’AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

DIVINA, Sergio [Mr]

DURANTON, Nicole [Mme]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EIDE, Petter [Mr] (WOLD, Morten [Mr])

ENGIN, Didem [Ms] (BAYKAL, Deniz [Mr])

ESSL, Franz Leonhard [Mr]

ESTRELA, Edite [Mme] (ROSETA, Helena [Mme])

EVANS, Nigel [Mr]

FIALA, Doris [Mme]

FOURNIER, Bernard [M.]

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GAMBARO, Adele [Ms]

GARCÍA HERNÁNDEZ, José Ramón [Mr]

GATTI, Marco [M.]

GERASHCHENKO, Iryna [Mme]

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]

GOGUADZE, Nino [Ms] (PRUIDZE, Irina [Ms])

GOLUB, Vladyslav [Mr] (ARIEV, Volodymyr [Mr])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GORGHIU, Alina Ștefania [Ms]

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]

GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme]

GRIN, Jean-Pierre [M.] (HEER, Alfred [Mr])

GÜNAY, Emine Nur [Ms]

GUTIÉRREZ, Antonio [Mr]

GUZENINA, Maria [Ms]

GYÖNGYÖSI, Márton [Mr]

HAIDER, Roman [Mr]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

HALICKI, Andrzej [Mr]

HARANGOZÓ, Gábor [Mr] (MESTERHÁZY, Attila [Mr])

HENRIKSEN, Martin [Mr]

HONKONEN, Petri [Mr] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

HOWELL, John [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

IONOVA, Mariia [Ms] (YEMETS, Leonid [Mr])

JANSSON, Eva-Lena [Ms] (GUNNARSSON, Jonas [Mr])

JENSEN, Michael Aastrup [Mr]

JENSEN, Mogens [Mr]

JONES, Susan Elan [Ms]

JORDANA, Carles [Mr]

KALMARI, Anne [Ms]

KARLSSON, Niklas [Mr]

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms]

KESİCİ, İlhan [Mr]

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]

KITEV, Betian [Mr]

KLEINWAECHTER, Norbert [Mr]

KOBZA, Jiři [Mr] (BENEŠIK, Ondřej [Mr])

KOPŘIVA, František [Mr]

KORODI, Attila [Mr]

KOX, Tiny [Mr]

KRIŠTO, Borjana [Ms]

KROSS, Eerik-Niiles [Mr]

KYTÝR, Jaroslav [Mr]

LACROIX, Christophe [M.]

LEIGH, Edward [Sir]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LIASHKO, Oleh [Mr]

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOMBARDI, Filippo [M.]

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PACKALÉN, Tom [Mr])

LOUIS, Alexandra [Mme]

LUCHERINI, Carlo [Mr] (BERTUZZI, Maria Teresa [Ms])

LUNDGREN, Kerstin [Ms] (SVENSSON, Michael [Mr])

LUPU, Marian [Mr]

MADISON, Jaak [Mr] (MIKKO, Marianne [Ms])

MAIRE, Jacques [M.]

MALLIA, Emanuel [Mr]

MANNINGER, Jenő [Mr] (GULYÁS, Gergely [Mr])

MAROSZ, Ján [Mr]

MARQUES, Duarte [Mr]

MARSCHALL, Matern von [Mr]

MARUKYAN, Edmon [Mr] (FARMANYAN, Samvel [Mr])

MASSEY, Doreen [Baroness]

MAVROTAS, Georgios [Mr] (KASIMATI, Nina [Ms])

McCARTHY, Kerry [Ms]

MEHL, Emilie Enger [Ms]

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]

MELKUMYAN, Mikayel [M.] (ZOHRABYAN, Naira [Mme])

MERGEN, Martine [Mme] (HETTO-GAASCH, Françoise [Mme])

MILEWSKI, Daniel [Mr]

MULARCZYK, Arkadiusz [Mr]

MÜLLER, Thomas [Mr]

MUNYAMA, Killion [Mr] (TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr])

NICK, Andreas [Mr]

NICOLAE, Andrei [Mr] (TUȘA, Adriana Diana [Ms])

NORDQVIST, Rasmus [Mr] (SØNDERGAARD, Søren [Mr])

NOVYNSKYI, Vadym [Mr] (LIOVOCHKINA, Yuliya [Ms])

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OHLSSON, Carina [Ms]

ÖNAL, Suat [Mr]

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PAVIĆEVIĆ, Sanja [Ms] (SEKULIĆ, Predrag [Mr])

POCIEJ, Aleksander [M.] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

PODERYS, Virgilijus [Mr] (BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr])

POLETTI, Bérengère [Mme] (ABAD, Damien [M.])

POPA, Ion [M.] (ȘTEFAN, Corneliu [Mr])

PREDA, Cezar Florin [M.]

PRUNĂ, Cristina-Mădălina [Ms]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms])

RIGONI, Andrea [Mr]

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

ŠEPIĆ, Senad [Mr]

SHARMA, Virendra [Mr]

SILVA, Adão [M.]

SMITH, Angela [Ms]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SOLEIM, Vetle Wang [Mr] (EIDE, Espen Barth [Mr])

SORRE, Bertrand [M.]

SOTNYK, Olena [Ms]

STELLINI, David [Mr]

STEVANOVIĆ, Aleksandar [Mr]

STRIK, Tineke [Ms]

STROE, Ionuț-Marian [Mr]

SUTTER, Petra De [Ms] (BLANCHART, Philippe [M.])

THIÉRY, Damien [M.]

THÓRARINSSON, Birgir [Mr] (ÓLASON, Bergþór [Mr])

TILKI, Attila [Mr] (CSÖBÖR, Katalin [Mme])

TOPCU, Zühal [Ms]

TORNARE, Manuel [M.] (MAURY PASQUIER, Liliane [Mme])

TROY, Robert [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

TÜRKEŞ, Yıldırım Tuğrul [Mr]

VALLINI, André [M.] (GROSDIDIER, François [M.])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VARVITSIOTIS, Miltiadis [Mr] (BAKOYANNIS, Theodora [Ms])

VEN, Mart van de [Mr]

VENIZELOS, Evangelos [M.] (TZAVARAS, Konstantinos [M.])

WENAWESER, Christoph [Mr]

WERNER, Katrin [Ms]

WIECHEL, Markus [Mr] (NISSINEN, Johan [Mr])

WILSON, Phil [Mr]

XUCLÀ, Jordi [Mr] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

YAŞAR, Serap [Mme]

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

ATSHEMYAN, Karine [Ms]

BULIGA, Valentina [Mme]

COAKER, Vernon [Mr]

CORREIA, Telmo [M.]

DANESI, René [M.]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

HUSEYNOV, Vusal [Mr]

JØRGENSEN, Jan E. [Mr]

KAMMENOS, Dimitrios [Mr]

KELLEHER, Colette [Ms]

LEŚNIAK, Józef [M.]

OVERBEEK, Henk [Mr]

PALLARÉS, Judith [Ms]

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

RUSSELL, Simon [Lord]

SHEPPARD, Tommy [Mr]

TOUHIG, Don [Lord]

VERDIER-JOUCLAS, Marie-Christine [Mme]

WHITFIELD, Martin [Mr]

ZAVOLI, Roger [Mr]

ZOHRABYAN, Naira [Mme]

Observers / Observateurs

LUNA CANALES, Armando [Mr]

SANTANA GARCÍA, José de Jesús [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ABUSHAHLA, Mohammedfaisal [Mr]

ALAZZAM, Riad [Mr]

ALQAWASMI, Sahar [Ms]

BOUANOU, Abdellah [M.]

EL MOKRIE EL IDRISSI, Abouzaid [M.]

HAMIDINE, Abdelali [M.]

KHADER, Qais [Mr]

MUFLIH, Haya [Ms]

SABELLA, Bernard [Mr]

Appendix II / Annexe II

Representatives or Substitutes who took part in the ballot for the election of the Council of Europe Commissioner for Human Rights and in the ballot for the election of a Judge to the European Court of Human Rights in respect of Spain / Représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection du/de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et au vote pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Espagne

AGRAMUNT, Pedro [M.]

AKTAY, Yasin [Mr]

ALLAVENA, Jean-Charles [M.]

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

BAKOYANNIS, Theodora [Ms] / VARVITSIOTIS, Miltiadis [Mr]

BEREZA, Boryslav [Mr]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr] 

BILDARRATZ, Jokin [Mr] 

BILOVOL, Oleksandr [Mr] 

BLONDIN, Maryvonne [Mme] 

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr] / PODERYS, Virgilijus [Mr]

CORSINI, Paolo [Mr] 

COWEN, Barry [Mr] / TROY, Robert [Mr]

CRUCHTEN, Yves [M.] 

DALLOZ, Marie-Christine [Mme] 

DIVINA, Sergio [Mr] 

DONALDSON, Jeffrey [Sir] / BLENCATHRA, David [Lord]

DUMERY, Daphné [Ms] / DAEMS, Hendrik [Mr]

DZHEMILIEV, Mustafa [Mr] 

FIALA, Doris [Mme] 

GONCHARENKO, Oleksii [Mr] 

GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme] 

GÜNAY, Emine Nur [Ms] 

GUZENINA, Maria [Ms] 

HENRIKSEN, Martin [Mr] 

JENSEN, Michael Aastrup [Mr] 

JENSEN, Mogens [Mr] 

KRONBICHLER, Florian [Mr] 

KROSS, Eerik-Niiles [Mr] 

LEIGH, Edward [Sir] 

MAIRE, Jacques [M.] 

MARSCHALL, Matern von [Mr] 

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme] / TORNARE, Manuel [M.]

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr] 

MESTERHÁZY, Attila [Mr] / HARANGOZÓ, Gábor [Mr]

MİROĞLU, Orhan [Mr] 

MULDER, Anne [Mr] / BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms]

NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms] 

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms] 

PELKONEN, Jaana Maarit [Ms] / HONKONEN, Petri [Mr]

QUARTAPELLE PROCOPIO, Lia [Ms] / CIMBRO, Eleonora [Ms]

SCHOU, Ingjerd [Ms] 

STROE, Ionuț-Marian [Mr] 

TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms] 

TERIK, Tiit [Mr] 

TUȘA, Adriana Diana [Ms] / NICOLAE, Andrei [Mr]

VERCAMER, Stefaan [M.]