Doc. 11302 Addendum
19 juin 2007
Détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant des Etats membres du Conseil de l’Europe : second rapport
Annexe au rapport
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Rapporteur:
M. Dick MARTY, Suisse, Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe
Résumé
1. Avis divergent de la délégation de la Pologne à l’Assemblée parlementaire (lettre du 14 juin 2007)
2. Avis divergent de la délégation de la Roumanie à l’Assemblée parlementaire (lettre du 15 juin 2007)
1. Avis divergent de la délégation de la Pologne à l’Assemblée parlementaire
« Position de la délégation polonaise auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur le rapport ‘Détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant des Etats membres du Conseil de l’Europe : second rapport’
Dès que les médias se sont emparés de la question des prétendus centres de détention secrets de la CIA, le Gouvernement polonais a opposé un démenti formel aux conjectures selon lesquelles de tels centres, situés sur le territoire de la République de Pologne, auraient servi à la détention d’étrangers soupçonnés d’actes de terrorisme.
D’autre part, le Gouvernement polonais a coopéré avec le sénateur D. Marty dans le cadre de l’enquête qu’il a menée au sujet des conjectures médiatiques susmentionnées. Il est à souligner que M. Marty n’a présenté aucun élément concret permettant d’incriminer la Pologne. Ses affirmations arbitraires et outrancières n’ont pas été accueillies favorablement par le Conseil de l’Europe, mais ont fait grand bruit dans les médias.
La délégation polonaise auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a coopéré avec franchise et honnêteté avec le sénateur Marty ; elle lui a facilité la tâche et l’a aidé dans ses contacts avec les autorités polonaises.
Le Gouvernement polonais a lui-même effectué une enquête interne afin de vérifier les informations figurant dans le rapport de M. Marty. Cette enquête a prouvé que les accusations portées contre la Pologne étaient totalement infondées. A l’heure actuelle, la Pologne ne dispose d’aucune nouvelle information portant à croire que la situation ait changé.
Aussi, c’est à notre profonde stupéfaction que la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté, le 8 juin 2007, ce second rapport qui met largement en cause la Pologne. Le rapport repose sur des soupçons qu’aucune preuve n’est venue confirmer.
La position de la Pologne a été clairement exprimée par le Ministre polonais des Affaires étrangères dans une lettre adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Terry Davis, le 17 février 2006, ainsi que par le Président de la délégation polonaise auprès de l’Assemblée parlementaire dans une lettre à M. Marty en date du 23 janvier 2006.
La délégation polonaise auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe conteste le rapport, dont la teneur suscite son indignation. »
Signé :
Tadeusz IWIŃSKI Karol KARSKI
Président de la délégation polonaise Président de la délégation polonaise
de 2001 à janvier 2006 depuis janvier 2006
1. Avis divergent de la délégation de la Roumanie à l’Assemblée parlementaire
« Commentaires de la délégation roumaine sur le rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : ‘Détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant des Etats membres du Conseil de l’Europe : second rapport’
Après la publication des premières allégations par la presse, la délégation roumaine auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a vigoureusement soutenu la proposition d’ouvrir une enquête approfondie sur cette question. Nous jugions légitime qu’une question aussi importante que des allégations concernant des transferts illégaux de détenus et des centres de détention secrets soit portée à l’ordre du jour du Conseil de l’Europe, car il ne peut y avoir de liberté sans sécurité ni de sécurité sans liberté.
I. Voyant que les allégations à propos de « restitutions extrajudiciaires » à partir d’Etats européens ou via leur territoire et de « centres de détention illégaux de la CIA » se propageaient, les autorités roumaines ont lancé un processus interne pour enquêter sur ces allégations, notamment celles qui se rapportaient – directement ou indirectement – à notre pays.
Tous les organes compétents de l’administration roumaine ont ouvert des enquêtes indépendantes sur les allégations concernant l’existence de centres de détention illégaux de la CIA sur le territoire roumain. Les résultats de ces enquêtes ont été rendus publics.
La très forte détermination des autorités roumaines à établir la vérité a conduit en outre à la création, le 21 décembre 2005, d’une commission d’enquête parlementaire indépendante chargée d’examiner les allégations relatives à l’existence de centres de détention de la CIA en Roumanie. L’ensemble des organes roumains susceptibles d’avoir un lien avec ce dossier ont fourni toutes les données et autres informations dont avait besoin la commission pour évaluer la situation réelle. Les conclusions de la commission ont été approuvées par le Parlement en séance plénière et rendues publiques. Les autorités roumaines ont transmis aux organes internationaux, y compris le rapporteur spécial de l’APCE, le rapport de la commission, ainsi que d’autres informations nécessaires pour éclaircir les circonstances qui avaient suscité certaines préoccupations ou servi de base aux accusations.
Dans un souci de pleine transparence, les autorités roumaines ont aussi décidé, en 2005, « d’autoriser et d’encourager les enquêtes sur place dans tous les sites suspectés d’avoir accueilli des centres de la CIA sur le territoire de la Roumanie ». C’est ainsi que les aéroports Mihail Kogalniceanu de Constanta (y compris la base aérienne militaire) ont été inspectés par les représentants d’ONG internationales et par des journalistes roumains et étrangers.
Il est ressorti de ces diverses enquêtes qu’absolument aucun élément ne confirmait l’existence de centres de détention illégaux ni même laissait entrevoir la possibilité que de tels centres aient pu exister. Elles ont ainsi prouvé que les accusations à l’encontre de la Roumanie étaient sans fondement.
Ces conclusions ont été reprises dans les déclarations officielles et les positions publiques de la Présidence roumaine, du Gouvernement, du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Défense, du ministère de l’Administration et des Affaires intérieures et des services de renseignement roumains.
Les autorités roumaines ont répondu ouvertement à toutes les demandes à ce propos, qu’elles émanent d’organes internationaux comme le Conseil de l’Europe et le Parlement européen, d’organisations non gouvernementales ou des médias. A la demande du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Terry Davis, et du rapporteur spécial de l’APCE, la Roumanie a fourni toutes les données requises ainsi que les précisions nécessaires pour comprendre les mécanismes nationaux de supervision des services de renseignement étrangers qui auraient agi sur le sol roumain et le cadre juridictionnel régissant les vols étrangers qui transitent par le territoire national.
En tant que membre responsable de la communauté internationale, la Roumanie est déterminée à respecter ses engagements internationaux et à appliquer la primauté du droit et les valeurs démocratiques sur son territoire, et elle a tout mis en œuvre à cet effet.
II. Dans ces conditions, la délégation roumaine a été surprise des conclusions du second rapport préparé par le rapporteur spécial de l’APCE, M. Dick Marty, et des propositions formulées dans le projet de résolution/recommandation, qui contredisent les résultats de toutes les enquêtes menées de façon indépendante par plusieurs organes roumains.
Malheureusement, les autorités roumaines ne peuvent que mettre sérieusement en doute l’impartialité du travail du rapporteur. Bien que sensibles à son engagement en faveur des droits de l’homme, nous rejetons catégoriquement son compte rendu et ses conclusions au sujet de la Roumanie. Les nouvelles accusations portées par M. Marty contre la Roumanie reposent exclusivement sur des interprétations, des citations de ses propres rapports, de prétendues sources confidentielles et des inférences sur la base d’allégations diffusées dans les médias.
Le rapporteur, alors qu’il ne présente aucune donnée pertinente et s’est refusé à effectuer des visites sur place, cite nommément plusieurs représentants officiels et organes du système de sécurité nationale de la Roumanie, dont certains encore en activité, en ignorant le principe fondamental de la présomption d’innocence et en s’abritant derrière un message prétendument politique. Les autorités roumaines sont contraintes de se défendre contre ces graves accusations dont les motifs restent mystérieux.
La démarche adoptée par le rapporteur consiste à ignorer des informations pertinentes afin de confirmer ses conclusions a priori et de présenter des opinions comme des vérités établies et des insinuations comme des faits. Son rapport risque, à notre avis, de jeter le discrédit sur les efforts engagés par les institutions démocratiques roumaines et l’ensemble de la société roumaine pour parvenir à un niveau élevé de protection des droits de l’homme et de responsabilité des pouvoirs publics.
Le rapport présente aussi sous un jour peu flatteur l’organisation de défense des valeurs démocratiques qu’est l’OTAN. C’est ainsi que le cadre de coopération mis en place par cette organisation est présenté comme servant à couvrir des opérations illégales impliquant l’usage de la torture ou le recours à des traitements inhumains ou dégradants.
D’autre part, le rapport menace la réputation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il va sans dire que les autorités roumaines se considèrent tenues de protéger la crédibilité de l’APCE ; elles réaffirment leur engagement constant en faveur des valeurs qu’elle défend et leur volonté de participer à des initiatives visant réellement à promouvoir ces valeurs. C’est pourquoi nous exprimons l’espoir que l’APCE, avec sa sagesse collective, saura traiter comme il se doit les questions soulevées par l’éminent rapporteur, en les replaçant dans une juste perspective.
III. En ce qui concerne les allégations spécifiques contenues dans le rapport du sénateur Dick Marty, nous soulignons ce qui suit :
1. La Direction générale du renseignement de défense (Direcţia Generală de Informaţii a Apărării, DGIA) est l’organe du ministère de la Défense chargé de la collecte, du contrôle et de l’utilisation du renseignement militaire externe, ainsi que du contre renseignement et de la sécurité de l’armée. Conformément aux dispositions légales en vigueur, cet organe est soumis au contrôle démocratique par l’intermédiaire du ministère de la Défense dont il dépend directement.
La DGIA est également soumise au contrôle parlementaire des commissions de la défense, de l’ordre public et de la sécurité nationale du Sénat et de la Chambre des députés, ainsi qu’à celui du CSAT (Conseil suprême de la défense nationale). Les échelons supérieurs de la DGIA présentent régulièrement des rapports d’activité aux commissions parlementaires compétentes. En outre, sur demande des présidents des commissions parlementaires, le directeur de la DGIA formule des avis sur des questions spécifiques.
2. La Direction du renseignement militaire (Direcţia de Informaţii Militare, DIM/J2) est une composante de la DGIA : la DIM/J2 est principalement chargée de la collecte, du traitement et de la diffusion du renseignement militaire externe relatif aux conflits armés, aux activités terroristes et à d’autres activités menées en dehors du territoire national et susceptibles de mettre en danger la sécurité nationale de la Roumanie, de ses alliés et de ses partenaires. La DIM/J2 n’a conclu aucun accord de coopération bi- ou multilatéral avec des services de renseignement civil comme la CIA, car elle ne met en œuvre ses activités spécifiques qu’en coopération avec des organes militaires de même type. Par conséquent, la DIM/J2 ne pouvait mettre en œuvre et n’a pas mis en œuvre d’opérations ou activités de la nature de celles que mentionne M. Marty dans son rapport.
Les compétences en matière de répartition des ressources, de restructuration et de réorganisation de la DIM/J2 appartiennent exclusivement aux décideurs politico-militaires de l’Etat roumain et sont conformes aux dispositions de la Stratégie de sécurité nationale de la Roumanie et aux autres stratégies d’adaptation de l’organisation militaire roumaine visant à garantir la sécurité nationale et européenne et à mettre en œuvre les obligations de la Roumanie en tant qu’Etat membre de l’OTAN et de l’UE.
3. S’agissant du « Centre opérationnel conjoint », nous insistons sur le fait qu’une telle structure n’existe pas et n’a pas existé sur le territoire roumain. Par conséquent, le personnel de la DGIA n’aurait pu participer à des activités du type de celles qui sont décrites dans le rapport.
4. Le personnel dirigeant de la DGIA n’a participé ni collectivement, ni individuellement à des actions et activités de coopération avec les organes de renseignement civil des Etats-Unis ; une telle participation aurait outrepassé ses compétences et été contraire à la réglementation interne en vigueur. Les affirmations contenues dans le rapport faisant état d’« informations » obtenues d’un prétendu agent des services de renseignement roumains ne sont pas convaincantes, révèlent une absence totale de professionnalisme et disqualifient leur auteur.
A cet égard, nous souhaitons préciser que, dès la période de pré-adhésion à l’OTAN, la Roumanie a mis à la disposition de l’OTAN/PpP, dans le cadre des forces détachées aux fins de la coopération militaire, des installations du type de celles mentionnées dans les graphiques joints en annexe au rapport (annexe 2, AS/Jur(2007)36) afin de mener des activités conjointes avec ses partenaires, notamment la base militaire Mihail Kogalniceanu (aéroport MK) et le site d’entraînement de Babadag. En vertu des règles générales de sécurité applicables en la matière, l’isolement et le contrôle de tels sites lors du déploiement d’activités militaires est une procédure tout à fait courante. Les mesures de contrôle ont pour objet à la fois de protéger la population civile des risques liés aux activités militaires et de protéger les troupes contre une éventuelle attaque terroriste. Toutes les activités d’entraînement conjointes déployées dans la zone en question ont été annoncées publiquement. La restriction de l’accès public à ces sites est une pratique courante, internationalement reconnue et conforme non seulement aux exigences de nature militaire mais aussi aux principes du droit généralement reconnus en ce domaine.
5. Par conséquent, en vertu des dispositions juridiques régissant le cadre institutionnel de sécurité nationale de la Roumanie, des activités comme celles que décrit M. Marty, selon lequel des membres du Conseil suprême de la défense nationale, de la Présidence, du Gouvernement ou d’autres décideurs politico-militaires auraient participé à la dissimulation d’activités présumées de la CIA sur le territoire de la Roumanie, n’étaient pas possibles et n’ont pu en aucun cas avoir lieu, sachant que la législation relative à l’organisation et au fonctionnement des organes susmentionnés ne leur permet pas de préparer ou de prendre des décisions de ce type.
Nous sommes persuadés que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe se montrera conséquente dans l’application de ses principes et de ses valeurs en rejetant vigoureusement ces accusations sans fondement. Quel que soit le résultat du vote du 27 juin 2007, la Roumanie restera entièrement ouverte à la coopération avec tous les organes européens ou internationaux de droit public ou privé afin de faire la lumière sur les allégations à l’encontre de l’Etat roumain, et elle continuera à agir avec détermination en faveur du renforcement de la démocratie et de la protection efficace des Droits de l’Homme. »
Signé
Gyorgy FRUNDA
Président de la délégation roumaine