1. Contexte
1. La contestation des pouvoirs
de six délégations parlementaires, à l’ouverture de la session 2020
de l’Assemblée, au motif que ces délégations ne comprenaient pas
un pourcentage de femmes au moins égal à celui que comptent leurs
parlements respectifs, a conduit la Commission du Règlement, des
immunités et des affaires institutionnelles à s’interroger sur l’adéquation
du cadre réglementaire actuel de l’Assemblée au regard des objectifs
que celle-ci s’est fixés depuis de nombreuses années en matière
de promotion de l’égalité des sexes.
2. Le partage des responsabilités dans la prise de décision politique
et publique entre les femmes et les hommes est un élément inhérent
à toute démocratie véritable et effective, une question d’équité
et de justice. Chacun est donc conscient des enjeux s’agissant de
promouvoir la représentation équitable des femmes et des hommes
à l’Assemblée.
3. Le postulat de départ est que nos sociétés sont composées
à parité: 50 % d’hommes et 50 % de femmes. Conjuguer cette réalité
avec la représentation politique et instaurer la parité parlementaire
est un objectif légitime. Considérée par certains comme utopique
ou inatteignable, la parité tend pourtant à devenir la norme là
où existe une volonté politique et où l’impulsion est donnée au
plus haut niveau institutionnel.
4. L’objectif de mon rapport est double:
- Faire en sorte que l’Assemblée soit plus représentative
(en termes d’égalité de genre) à tous les niveaux: les délégations
nationales, mais également les groupes politiques de l’Assemblée,
doivent être encouragés à promouvoir de manière tangible l’objectif
politique d’une représentation paritaire des femmes et des hommes
au sein de l’Assemblée.
- Parvenir à une participation effective des femmes dans
les processus décisionnels et l’ensemble des travaux parlementaires:
la simple augmentation arithmétique du sexe sous-représenté à l’Assemblée
ne suffit pas à promouvoir une véritable égalité des sexes. Il faut
garantir que les femmes soient «visibles», prennent leur part dans
toutes les activités et missions de l’Assemblée et jouent un rôle
effectif dans les organes décisionnels, les commissions et les groupes
politiques. L'égalité entre les sexes ne se limite pas au nombre
de femmes occupant un siège au sein d’une délégation parlementaire:
il s'agit aussi des fonctions qu'elles occupent (discrimination
verticale) et des secteurs d’activités ou domaines d’action (discrimination
horizontale).
5. Cette réflexion nécessite en outre une démarche explicative
auprès des groupes politiques et des délégations nationales. Il
s’agit notamment d’anticiper les changements qui seront demandés
aux parlements nationaux lorsqu’ils désignent leurs délégations
à l’Assemblée en les invitant d’ores et déjà à tenir compte d’une
meilleure représentativité des genres, en appliquant le principe
du «1 sur 3»: il doit y avoir au minimum un membre du sexe sous
représenté pour trois membres.
6. Ce rapport est le rapport de l’Assemblée: l’objectif est ambitieux,
parce que ce n’est qu’une étape, et qu’il nécessite un changement
de culture dans de nombreux parlements nationaux. C’est pourquoi
il doit recueillir l’adhésion du plus grand nombre: les membres,
les délégations et les groupes politiques. J’ai donc entrepris une
large consultation des groupes politiques de l’Assemblée et tiens
à leur exprimer ma gratitude pour leur accueil, leur écoute, la
franchise de nos échanges et, j’espère, leur soutien à l’essentiel
de mes propositions.
7. Enfin, je souhaite remercier les experts et intervenants ayant
pris part à l’audition qui s’est tenue le 3 juin 2021, conjointement
avec la commission sur l’égalité et la non-discrimination, saisie
pour avis du présent rapport
.
2. La promotion de l’égalité des sexes
à l’Assemblée: des objectifs ambitieux, une réalité mitigée
8. La dimension de l'égalité entre
les femmes et les hommes est naturellement ancrée dans les trois
piliers de la mission du Conseil de l'Europe, à savoir la promotion
des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit. Le
renforcement du mécanisme de promotion de l'égalité de genre est
donc une mission prioritaire pour l'Organisation et son Assemblée
parlementaire
.
9. Depuis la
Recommandation
Rec(2003)3 sur la participation équilibrée des femmes et des hommes
à la prise de décision politique et publique, par laquelle le Comité
des Ministres du Conseil de l'Europe recommandait aux Etats membres
de s'engager à promouvoir la représentation équilibrée des femmes
et des hommes, de nombreux changements ont été introduits non seulement
au niveau des Etats membres mais aussi au sein de l'Organisation
elle-même. La recommandation propose une série de mesures législatives
et administratives (telles que des réformes législatives, une réforme
des systèmes électoraux, des actions par le biais du financement
des partis politiques, des mesures visant l'amélioration des conditions
de travail et la conciliation des responsabilités publiques avec
la vie familiale), des mesures de soutien (par exemple, des réseaux
pour les représentantes élues, des programmes de tutorat et de formation),
ainsi que dix indicateurs permettant de mesurer les progrès réalisés.
Elle prône également «l’adoption de mesures législatives et/ou administratives
permettant d’assurer une représentation équilibrée des femmes et
des hommes dans toutes les délégations nationales auprès des organisations
et des forums internationaux». Selon la recommandation, «la participation
équilibrée des femmes et des hommes signifie que la représentation
de chacun des deux sexes au sein d’une instance de décision dans
la vie politique ou publique ne doit pas être inférieure à 40%»
.
10. La
Recommandation
CM/Rec(2007)17 du Comité des Ministres sur les normes et mécanismes
d'égalité entre les femmes et les hommes réitère que le concept
de "démocratie paritaire" nécessite que les intérêts et les besoins
des femmes et des hommes soient pleinement pris en compte dans l'élaboration
des politiques et le fonctionnement de la société. La recommandation
prévoit que le seuil de parité à atteindre pour une participation
égale des femmes et des hommes doit être de «40 % au minimum pour
chaque sexe».
11. L'Assemblée a recommandé une série de mesures garantissant
l'égalité des sexes en matière de participation, de visibilité et
d'accès au processus décisionnel à tous les niveaux. Sa
Résolution 2290 (2019) et sa
Recommandation
2157 (2019) ont notamment appelé à promouvoir la parité des sexes
dans les organes de décision, y compris par des mesures positives
visant à garantir que les femmes et les hommes sont représentés
à égalité dans les organes élus et non élus, et ont fixé comme objectif
de parvenir à une représentation égale des sexes dans les organes
de décision d'ici 2030. La réalisation d'une participation équilibrée
des femmes et des hommes dans la prise de décision politique et
publique et l'intégration d'une perspective de genre dans toutes
les politiques et mesures sont, entre autres, des domaines prioritaires
de la Stratégie du Conseil de l'Europe pour l'égalité entre les
femmes et les hommes 2018-2023
.
12. Parvenir à une participation équilibrée des femmes et des
hommes dans toutes les activités est l'objectif qui a été assigné
non seulement aux Etats membres du Conseil de l'Europe, mais aussi
à l'Organisation elle-même, y compris à son Assemblée. Si l’Assemblée
a intégré les principes généraux de la dimension de genre dans son
cadre conceptuel et son Règlement, l'enjeu est de garantir leur
mise en œuvre effective
.
13. Pourtant, le constat est clair en ce qui concerne l’Assemblée:
- aucune femme ne siège au Comité
présidentiel;
- le Bureau de l’Assemblée est à 77% masculin: 8 femmes
y siègent sur 35 membres;
- l’Assemblée compte seulement 6 femmes au nombre de ses
20 vice-présidences actuellement pourvues;
- 2 des 9 commissions sont présidées par une femme (c’était
les deux tiers en 2018);
- 10 femmes siègent à la commission du Règlement (sur 33
sièges effectivement pourvus) et 21 femmes à la commission de suivi
(sur 86 sièges effectivement pourvus);
- un tiers seulement des rapporteurs de l’Assemblée sont
des femmes (43 sur 126); la commission de suivi compte 39 rapporteurs,
dont 8 femmes (20%), la commission des questions juridiques et des
droits de l’homme compte 18 rapporteurs, dont 3 femmes (16%)…. mais
la commission sur l’égalité et la non-discrimination compte 9 femmes
sur 14 rapporteurs (64%) et la commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable compte 11 femmes sur 19
rapporteurs (58%).
14. Quant à la composition des délégations parlementaires, s’agissant
de l’objectif recommandé d’au moins 40% de chaque sexe, des améliorations
importantes ont eu lieu entre 2005 et 2016. Alors que seulement
six délégations remplissaient cet objectif en 2005, 22 le respectaient
en 2016. Mais la courbe vertueuse s’est inversée depuis: ce n’était
plus que 17 délégations en 2017, 14 délégations en 2018 et 17 délégations
en 2019; en 2021, 21 délégations affichent un pourcentage de femmes
supérieur ou égal à 40. Actuellement, 16 délégations parlementaires
comprennent moins d’un tiers de femmes. 18 des 47 délégations sont
présidées par une femme (et deux délégations sur les six grandes
de 36 membres ont une femme à leur tête).
15. La question de la représentation équilibrée des sexes est
abordée, dans le Règlement, sous l’aspect de la sanction qui pèse
sur les délégations parlementaires lorsqu’elles ne respectent pas
la condition posée par le Règlement. L’article 6.2.a du Règlement
fixe comme principe que «les délégations nationales doivent comprendre
un pourcentage de membres du sexe sous-représenté au moins égal
à celui que comptent actuellement leurs parlements et, au minimum,
un membre du sexe sous-représenté désigné en qualité de représentant»
et prévoit, à l’article 7.1.b de sanctionner, par la procédure de
contestation des pouvoirs, l’absence dans une délégation d’«un représentant
du sexe sous-représenté désigné en qualité de représentant».
16. Pour autant, accroître la représentation du sexe sous-représenté
dans tous les organes de l’Assemblée, et notamment dans les organes
décisionnels, réclame des mesures d’une toute autre envergure qu’une
simple phrase dans un article du Règlement. La composition des délégations
parlementaires, si elle est la base indispensable à un rééquilibrage
de la représentation des sexes dans les organes de l’Assemblée,
n’est pas seule en cause. Ce sont toutes les autres procédures –
composition des commissions, nomination des bureaux des commissions,
désignation des rapporteurs, notamment – qui doivent être examinées
attentivement. L’action des groupes politiques pour promouvoir un
meilleur partage des postes à responsabilités est, sur ce point,
déterminante.
17. Il est donc essentiel d'examiner le fonctionnement des procédures
actuelles (par exemple, la procédure de contestation des pouvoirs
des délégations nationales, le mécanisme de composition des commissions,
la nomination des bureaux des commissions et la désignation des
rapporteurs) et d'analyser si ces procédures doivent être révisées
et améliorées pour mieux réaliser l'objectif du Conseil de l'Europe
dans ce domaine.
3. Concept
de parlement sensible au genre et politiques favorisant l'équilibre
entre les sexes dans les parlements
18. Depuis 2010, l'Union interparlementaire
(UIP) a introduit un concept de parlement sensible au genre autour
des objectifs suivants
: promouvoir et réaliser l'égalité
réelle entre les femmes et les hommes dans toutes les instances
parlementaires; élaborer un cadre politique d'égalité des sexes
adapté au contexte parlementaire national; intégrer l'égalité des
sexes dans tous les travaux; favoriser une culture interne qui respecte
les droits des femmes, promeut l'égalité des sexes et répond à la
fois aux réalités de la vie des parlementaires et à leur besoin
d'équilibrer leurs responsabilités professionnelles et familiales;
reconnaître et mettre à profit la contribution des membres masculins
qui poursuivent et défendent l'égalité des sexes; encourager les
partis politiques à jouer un rôle proactif dans la promotion et
la réalisation de l'égalité des sexes; doter le personnel parlementaire
des capacités et des ressources nécessaires pour promouvoir l'égalité
des sexes; encourager activement le recrutement et le maintien de
femmes à des postes de haut niveau; et veiller à ce que l'égalité
des sexes soit intégrée dans l'ensemble des travaux de l'administration
parlementaire.
19. En 2012, les parlements membres de l'UIP ont adopté le Plan
d'action pour des parlements sensibles au genre
. Depuis lors, de nombreux parlements
ont évalué leur degré de sensibilité aux questions de genre, leurs
pratiques et leurs politiques et ont mis en place des mécanismes
pour suivre les progrès dans ce domaine.
20. En 2019, l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes
et les femmes (EIGE) a publié un rapport évaluant la sensibilité
au genre des parlements nationaux des 28 États membres de l'Union
européenne et du Parlement européen
. Celui-ci conclut que les femmes
continuent d'être numériquement sous-représentées dans les parlements
de l'Union européenne. Cependant, une tendance à la hausse est évidente, principalement
en raison de l'augmentation des quotas électoraux de femmes dans
un nombre croissant de pays
. En outre, si l'on examine la place
accordée aux intérêts des femmes dans les programmes parlementaires,
on constate que les structures d'égalité sont bien établies dans
les chambres basses de la plupart des États membres (71 %), ainsi
qu'au Parlement européen, sous la forme d'une commission parlementaire,
d'un groupe de femmes ou d'un réseau interpartis. En revanche, l'intégration
de la dimension de genre semble peu mise en œuvre dans le travail
parlementaire des États membres, malgré la présence de structures
officielles de promotion de l'égalité. Par exemple, peu de parlements
des États membres ont mentionné l'égalité des sexes dans leur plan
stratégique (21 %) ou ont mis en œuvre l'intégration de la dimension
de genre dans le budget (18 %). Quant à la production d'une législation
sensible au genre, 78,6 % des États membres disposent d'un organe
spécialisé chargé de superviser l'égalité des sexes dans l'action gouvernementale
et 75 % ont adopté un plan d'action ou un programme national pour
la mise en œuvre de la plate-forme d'action de Pékin (qui a été
signée par tous les pays de l'Union européenne).
21. Le Conseil de l'Europe a lancé la collecte en ligne de données
électorales dans le cadre du projet "Égalité des sexes dans les
parlements"
. Cette plate-forme montre les forces
et les faiblesses des parlements en termes de sensibilité aux questions
de genre et peut servir de point de départ pour analyser les progrès
réalisés dans le renforcement de l'égalité des sexes dans les activités
parlementaires.
3.1. Exemples
d’audits qui ont été conduits par les parlements nationaux
22. Le rapport "Audit de genre
du Parlement de la Moldova" contient les résultats de l'évaluation
de la capacité du parlement à intégrer le genre, identifie les lacunes
et les défis critiques, et fournit des recommandations sur la manière
dont le parlement peut devenir une institution sensible au genre
et intégrer le genre dans son travail
. Selon ce rapport, à l'instar des
autres parlements nationaux, les femmes membres du Parlement de
la République de Moldova ont été affectées à des commissions consacrées
à ce qui est traditionnellement considéré comme des "questions féminines"
telles que celles liées à la famille, à la santé, aux handicaps,
à l'éducation et aux intérêts et besoins des femmes. Les commissions
plus "prestigieuses et de haut niveau" – telles que la commission
de l'économie, du budget et des finances, la commission de la sécurité
nationale, de la défense et de l'ordre public, et la commission
de l'agriculture – sont dominées par les hommes. Il a même été souligné
que les ordres du jour des commissions attribuaient souvent la responsabilité de
faire rapport sur les lois qui concernent l'économie aux membres
masculins de la commission, tandis que les lois qui traitent des
questions sociales et de santé étaient attribuées aux membres féminins
de la commission. En outre, un examen détaillé du Règlement a révélé
qu'il ne favorisait pas la participation égale des hommes et des
femmes à la vie parlementaire, ne comportait pas de mesures systématiques
et concrètes visant à encourager l'égalité des sexes parmi les députés,
et ne contenait aucune obligation de prêter attention à la répartition
des sexes en vue de parvenir à une représentation égale des hommes
et des femmes dans la nomination des députés dans les commissions,
les groupes de travail, ou aux différents postes.
23. En 2018, le Parlement britannique a tenu son audit parlementaire
bicaméral sur l'égalité des sexes et a publié une série de données
sur le nombre de femmes parlementaires et pairs ou appartenant au
personnel administratif, le nombre de femmes occupant des postes
de direction, sur la culture, l'environnement et les politiques
du parlement dans une perspective de genre, et sur la manière dont
le parlement prend en compte les questions de genre dans son travail
. Le rapport salue les progrès réguliers
qui ont été réalisés pour augmenter la proportion de femmes parlementaires
à 32 % et de femmes pairs à 26 %. Le rapport identifie également
un certain nombre d'obstacles: la culture du parlement (y compris
les brimades, le harcèlement et le harcèlement sexuel), la compatibilité
du travail au parlement avec la vie de famille (l'imprévisibilité
des obligations et les horaires potentiellement longs), l'intimidation,
le harcèlement, les menaces en ligne et les menaces à la sécurité
physique, et la violence fondée sur le genre. Le rapport relève
également que les femmes parlementaires ne semblent pas avoir rencontré
d'obstacle pour obtenir des postes de direction dans l'une ou l'autre
chambre, mais qu’il y a un manque de diversité au sein du bureau
des présidents. En général, le Parlement britannique a mis en place
des processus qui lui permettent de prendre en compte les questions de
genre dans ses fonctions législatives et de contrôle.
3.2. Exemples
de bonnes pratiques institutionnelles
24. Dans de nombreux États, le
parlement national dispose d'un organe spécialisé chargé des questions d'égalité
entre les sexes. Les études de l'Union interparlementaire ont souligné
que la création de groupes parlementaires de femmes est l'un des
mécanismes qui a permis aux femmes de renforcer leur impact politique
. Les groupes parlementaires de femmes
peuvent également contribuer à une plus grande égalité entre les
hommes et les femmes dans le fonctionnement et le travail quotidien
du parlement. Ces groupes ont été particulièrement efficaces pour
modifier la législation et les politiques dans une perspective de
genre et pour sensibiliser à l'égalité des sexes
.
25. Dans presque tous les parlements en Europe, il existe des
groupes parlementaires thématiques ou des assemblées de femmes interpartis.
Souvent, ces formations n'ont pas de pouvoir officiel formel et
elles jouent un rôle symbolique en tant que forum de discussion
ou plate-forme de consolidation des nouveaux concepts d'égalité
entre les sexes. Toutefois, au cours des dernières décennies, ces
structures sont passées d'un réseau non formel de femmes parlementaires
à des organes institutionnalisés. Dans les États nordiques, par exemple,
il existe des commissions parlementaires sur les questions de genre
constituées selon la procédure formelle.
26. Le Parlement français comprend, depuis 1999, au sein de chacune
des deux Chambres – Assemblée nationale et Sénat – une Délégation
aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes
et les femmes dont la mission consiste à ce que l’objectif d’égalité
des sexes soit pris en compte dans la conception et la mise en œuvre
de toutes les politiques publiques.
27. Le Parlement européen est souvent présenté comme un parlement
sensible aux questions de genre. 39 % des parlementaires européens
sont des femmes. Sa commission des droits des femmes et de l'égalité des
genres a pour mission d’intégrer la dimension de l'égalité hommes-femmes
dans tous les secteurs et toutes les politiques de l'Union européenne
et d’en faire une priorité de l'Union; son mandat couvre, entre autres,
la définition, la promotion et la défense des droits des femmes
dans l'Union européenne et dans les pays tiers, et les mesures prises
à cet égard par l'Union; la politique d'égalité des chances, y inclus
la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes; à ce titre,
elle s’est intéressée à la sous-représentation des femmes dans les
organes de décision.
28. Aux niveaux international et européen, certaines assemblées
interparlementaires ont également mis sur pied des structures similaires.
L’Association parlementaire du Commonwealth a développé l’un des
plus anciens réseaux, les «Femmes parlementaires du Commonwealth»,
fondé en 1989, avec pour mission d’accroître le nombre de femmes
élues dans les parlements des Etats membres du Commonwealth et de
faire en sorte que les questions concernant les femmes soient promues
dans les débats parlementaires et la législation. L’Assemblée parlementaire
de la Francophonie a adopté en 2006 les statuts d’un «réseau des femmes
parlementaires de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie»
.
L’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la Sécurité et
la Coopération en Europe a créé un poste de Représentante spéciale
pour les questions de genre, qui a pour mission de suivre la situation
dans la zone de l’OSCE et au sein de l’Organisation, de promouvoir
le débat sur les questions de genre au sein de l’OSCE et notamment
de son Assemblée, et de développer un profil de l’Assemblée plus
actif sur les questions de genre.
29. L'une des préoccupations majeures reste que l’accroissement
de la représentation du sexe sous-représenté dans les parlements
ne signifie pas que les femmes bénéficieront automatiquement d’une
influence et d’un pouvoir accrus sur la décision parlementaire.
Pour comprendre pourquoi le sexe sous-représenté a des difficultés
à obtenir un pouvoir substantiel dans l’exercice du mandat parlementaire,
il est important d'identifier chaque étape du processus législatif
et d’évaluer le rôle effectif et l’implication des membres du sexe
sous-représenté dans chacune de ces étapes.
4. Les
systèmes de quotas et de parité entre les sexes: nécessaires mais
insuffisants
30. La fixation de quotas pour
promouvoir un nombre minimum de personnes du sexe sous-représenté
à élire ou à nommer à un poste est devenue une mesure largement
utilisée pour remédier à la participation déséquilibrée dans les
parlements nationaux et autres organes de décision.
31. Le rapport de l'UIP montre que les quotas électoraux pour
les femmes se sont désormais étendus à toutes les régions du monde,
plus de 130 pays ayant adopté des politiques de quotas
. 75 % des États membres du Conseil
de l'Europe disposent de certaines formes de systèmes de quotas
législatifs ou volontaires
. En 2018, des femmes parlementaires
de 100 pays se sont réunies à la Chambre des Communes britannique
et ont, entre autres, débattu du système de quotas dans les parlements
nationaux. Il a été admis que sans participation équilibrée entre
les sexes dans les parlements nationaux, il ne peut y avoir de législation équitable
émanant des parlements, et que si les femmes n'avaient pas pris
la place qui leur revient au parlement, elles ne prendraient jamais
la place qui leur revient dans la société
.
32. Le système de quotas de femmes s’est considérablement développé
dans les parlements nationaux du monde entier et a constitué l'une
des étapes les plus essentielles de l'évolution de la politique
d'égalité des sexes. Les progrès ne seraient pas significatifs sans
une intervention directe sous forme de quotas, d'objectifs, reposant
sur une collecte de données détaillées.
33. La
Recommandation
CM/Rec(2007)17 du Comité des Ministres sur les normes et mécanismes
d'égalité entre les femmes et les hommes considère que le seuil
de parité à atteindre pour une participation égale des femmes et
des hommes doit être de 40 % au minimum pour chaque sexe
.
34. La principale différence entre le système de quotas de femmes
et le système de parité réside dans le fait que les lois sur les
quotas de femmes sont des mesures juridiques temporaires prévoyant
l'inclusion d'une proportion minimale (30 % ou 40 % par exemple)
du sexe sous-représenté parmi les candidats à une élection. Au contraire,
les systèmes de parité sont des règles permanentes qui visent à
atteindre la parité 50/50 pour assurer la continuité de la représentation
égale des femmes et des hommes dans les organes de décision
.
35. Si les systèmes de quotas et de parité augmentent le niveau
du sexe sous-représenté en politique et, dans certains contextes,
entraînent même des changements substantiels, ils ne peuvent être
considérés comme suffisants. La question clé reste de savoir si
la représentation descriptive (quantitative) des sexes contribue
à accroître le rôle substantiel du sexe sous-représenté et si le
système classique de quotas de femmes et d'hommes garantit réellement
l'égalité entre les sexes. Contrairement à l'approche quantitative,
la représentation matérielle se réfère à l'impact d'un groupe spécifique
sur le travail parlementaire. Or, il existe une idée fausse selon
laquelle l’accroissement de la représentation quantitative augmente
subséquemment l'influence du groupe du sexe concerné.
36. Comme le sexe sous-représenté est souvent en position d'être
moins influent et manque de pouvoir substantiel, les chances de
faire adopter des propositions législatives sont plus faibles. Cette
déconnexion entre l'implication du sexe sous-représenté dans les
processus législatifs et les résultats obtenus perpétue le stéréotype
selon lequel les parlementaires du sexe sous-représenté ne sont
pas aussi compétents et qualifiés que les parlementaires de l’autre
sexe. Ces stéréotypes favorisent les perceptions négatives selon
lesquelles le sexe sous-représenté, dans le cadre d'un système de
quotas solide, n'a pas la capacité d'adopter une législation de
premier plan, et ne peut promouvoir des propositions que sur un
nombre de questions limité. Cela peut facilement expliquer pourquoi
une majorité de femmes parlementaires sont affectées à des "commissions féminines".
37. Il n'y a rien d'incorrect à ce que des parlementaires souhaitent
agir pour la promotion d’idées et de politiques dans un domaine
déterminé si tel est leur centre d’intérêt. Cependant, la démarche
doit être volontaire et les parlements devraient prévenir toute
situation dans laquelle les femmes parlementaires se sentiraient
obligées ou subiraient des pressions pour orienter leur carrière
parlementaire sur les seules questions "axées sur les femmes". Les
"commissions féminines" ne devraient pas exister dans un parlement sensible
au genre. De plus, un autre stéréotype veut que seules les femmes
aient les qualités et la compétence pour examiner les questions
relatives aux «domaines féminins». Le système des quotas de femmes
et d'hommes pourrait donc aboutir moins à égaliser la représentation
des sexes qu'à accentuer les différences entre les sexes parmi les
parlementaires.
38. La participation des parlementaires à toutes les activités
parlementaires, que ce soit dans les commissions, les délégations
ou dans les débats en séance plénière, et à toutes les missions
traditionnelles du parlement, devrait, en principe, être guidée
par leurs souhaits d’investir un domaine politique particulier, quel
qu’il soit, en fonction de leurs centres d’intérêts et être basée
sur leurs qualifications et compétences professionnelles, leur parcours
personnel et professionnel et leur contribution effective au travail parlementaire.
Les parlements, à tous les niveaux décisionnels, devraient mieux
tenir compte de ces facteurs dans l’organisation des activités parlementaires,
plutôt que de chercher à individualiser les membres du groupe du
sexe sous-représenté.
39. Ainsi que le mentionne Elvira Kovács dans son rapport de 2019
«Vers un agenda politique ambitieux du Conseil de l’Europe pour
l’égalité de genre», «la notion de dignité est fondamentale dans
notre conception de la politique. La participation au processus
politique, le fait d’avoir son mot à dire, d’être écouté et d’avoir
une influence politique en sont des éléments essentiels. (…) Toutefois,
une petite mise en garde est peut-être nécessaire: si les quotas
peuvent être exprimés en des termes numériques (étant donné qu’ils
visent généralement à instaurer un seuil minimum), la «parité» au
sens de «moitié-moitié» ne doit pas se concevoir comme une exigence
purement arithmétique. Concrètement, il ne s’agit pas de diviser
par deux le nombre de sièges dans un organe de décision donné et
d’en allouer exactement le même nombre aux hommes et aux femmes,
mais plutôt d'assurer une représentation équilibrée et proportionnée
des électeurs. En outre, une répartition exacte du nombre de sièges
entre les hommes et les femmes serait préjudiciable pour les personnes
ayant une identité non binaire. La parité ne doit pas être conçue
d’une manière susceptible d’exclure ces citoyens»
. Et la
Résolution 2290 (2019) de conclure que «l’égalité en matière de participation ne
se résume pas à une question de chiffres. L’autonomisation des femmes
est fondamentale pour parvenir à l’égalité de genre: non seulement
elle leur permet de prendre conscience du déséquilibre des rapports
de pouvoir, mais aussi elle les dote des moyens nécessaires pour
surmonter les inégalités dans tous les domaines de la vie».
40. La simple augmentation de la présence du sexe sous-représenté
dans les parlements ne suffit pas à promouvoir une véritable égalité
des sexes. Si les quotas sont généralement envisagés comme des mesures temporaires
spéciales, les systèmes de parité devraient être des règles permanentes
suffisamment développées pour garantir, dans des dimensions quantitatives
et qualitatives, le principe de l'égalité des chances dans les organes
de décision à tous les niveaux de pouvoir. Aujourd'hui, le défi
est de parvenir à un équilibre entre les sexes dans les travaux
de fond des parlements dans tous les domaines.
5. Le
principe d'égalité des sexes à l'Assemblée parlementaire
41. L'Assemblée n’a cessé d’affirmer
son engagement de principe à promouvoir la représentation équilibrée des
femmes et des hommes dans la prise de décision politique et publique
et à appliquer le principe de l'égalité des sexes dans son Règlement,
s’agissant de la représentation dans les délégations parlementaires
et ses organes internes.
5.1. La
composition des délégations nationales à l’Assemblée
5.1.1. Dispositions
réglementaires
42. En 2003, l’Assemblée examinait
un rapport sur la représentation paritaire au sein de l'Assemblée
et adoptait la
Résolution 1348 (2003). L'absence de l'inclusion d'au moins un représentant
de chaque sexe dans une délégation nationale était alors expressément
reconnue par l'article 7.1 du Règlement comme un motif justifiant
la contestation des pouvoirs des délégations nationales
.
43. L'Assemblée réaffirmait son approche dans la
Résolution 1585 (2007) «Principes d'égalité des sexes à l'Assemblée parlementaire»
, en exhortant les parlements nationaux
à assurer que leurs délégations nationales à l'Assemblée «comprennent
un pourcentage de femmes au moins égal à celui que compte leur parlement
national, en se fixant comme objectif une proportion de 30 % au
minimum, tout en gardant à l’esprit que le seuil devrait être de
40 %».
44. C’est la
Résolution
1781 (2010) «30% au moins de représentants du sexe sous-représenté
au sein des délégations nationales de l’Assemblée» qui a établi
la rédaction actuelle des articles 6.2.a et 7.1.b du Règlement,
en fixant de nouvelles conditions concernant la représentation des
sexes et en renforçant les dispositions existantes pour assurer
une participation plus équilibrée des femmes et des hommes. L'article 6.2.a
prévoit que «les délégations nationales doivent comprendre un pourcentage
de membres du sexe sous-représenté au moins égal à celui que comptent
actuellement leurs parlements et, au minimum, un membre du sexe
sous-représenté désigné en qualité de représentant» La non-inclusion
d'au moins «un membre du sexe sous-représenté désigné en qualité
de représentant» dans une délégation nationale est explicitement reconnue
à l'article 7.1.b du Règlement comme pouvant justifier une contestation
des pouvoirs d’une délégation.
45. A l’ouverture de la session de l’Assemblée en janvier 2020,
les pouvoirs des délégations parlementaires de la Macédoine du Nord,
de la Pologne, du Portugal, de Saint-Marin, de la Suède et de la
Suisse ont été contestés au motif que ces délégations nationales
devaient comprendre un pourcentage de membres du sexe sous-représenté
au moins égal à celui que comptent leurs parlements. Appliquant
sa jurisprudence constante en la matière
,
la commission du Règlement avait relevé que la condition posée à
l’article 6.2 du Règlement de l’Assemblée («les délégations nationales
doivent comprendre un pourcentage de membres du sexe sous-représenté
au moins égal à celui que comptent actuellement leurs parlements
et, au minimum, un membre du sexe sous-représenté désigné en qualité
de représentant») n’était pas «sanctionnée par l’article 7.1.
b puisque seule l’exigence de la
présence d’au moins une femme en qualité de représentante dans chaque
délégation peut faire l’objet d’une contestation des pouvoirs présentés.»
Elle avait toutefois relevé que «cette condition, très minimale
en matière de représentation des femmes, peut légitimement être
considérée comme non satisfaisante»
.
46. Cette contestation des pouvoirs a mis en évidence une contradiction
dans la rédaction du Règlement, entre le principe affirmé à l’article
6.2, et sa traduction dans le cadre de la procédure de contestation
des pouvoirs (article 7.1.b). Au cours de la discussion en commission,
il est nettement apparu qu’il était nécessaire d’harmoniser le texte
afin de déterminer avec plus de clarté les obligations des parlements
nationaux dans la composition de leurs délégations à l’Assemblée.
47. L’obligation pour les délégations de comprendre un pourcentage
de femmes au moins égal à celui que comptent leurs parlements nationaux
n’est pas sanctionnable par la procédure de contestation des pouvoirs. La
commission du Règlement a eu une lecture constante des dispositions
de l’article 7.1, en liaison avec l’article 6.2.a.: elle n’a sanctionné que l’absence
de femme en qualité de représentante.
48. Dans sa
Résolution
1585 (2007) «Principes d’égalité des sexes à l’Assemblée parlementaire», l’Assemblée
avait arrêté une position de principe suivant laquelle les parlements
nationaux devaient s’assurer que les délégations nationales à l’Assemblée
comprennent un pourcentage de femmes au moins égal à celui que compte
leurs parlements nationaux «en se fixant comme objectif une proportion
de 30 % au minimum, tout en gardant à l’esprit que le seuil devrait
être de 40 %».
49. La commission du Règlement avait analysé, dans un rapport
de 2010, la proposition de modifier le Règlement afin d’y inclure
une exigence renforcée, celle d’instaurer une obligation pour chaque
délégation nationale de comprendre 30 % au moins de représentants
de chaque sexe
.
La commission avait alors observé que «fixer à 30 % le seuil de
représentation induirait une discrimination entre les délégations,
suivant une simple logique arithmétique. En effet, un seuil d’au
moins 30 % reviendrait à obliger, en pratique, les petites délégations
à nommer deux personnes du sexe sous-représenté sur leurs quatre
membres (soit 50 %). Cette obligation «renforcée» jouerait également
au détriment – mais dans une moindre mesure – des délégations de
8 et 14 membres.»
50. Ainsi, où se situe «l’équité» du point de vue de l’égalité
des sexes, pour les délégations de quatre membres (deux représentants
et deux suppléants)? Si l’on prend l’exemple du Liechtenstein, qui
comprend une seule femme, soit 25 % de la délégation, alors que
28 % de femmes siègent au parlement, avoir deux femmes – soit 50 %
de la délégation – augmenterait le pourcentage bien au-delà de l’objectif
affiché
.
51. Qui plus est, les délégations issues de parlements nationaux
qui laissent une large place à la représentation des femmes en leur
sein seraient davantage pénalisées que des délégations issues de parlements
où la représentation des femmes est résiduelle. Ainsi, une délégation
dont la composition n’est pas au même niveau que la représentation
des femmes au parlement – par exemple un parlement composé de 49 %
de femmes, mais dont la délégation comprendrait 47 % de femmes seulement
– pourrait faire l’objet d’une contestation de ses pouvoirs si l’on
modifiait l’article 7.1.b en retenant la formulation de l’article
6.2. Inversement, une délégation composée de 15 % de femmes, mais
issue d’un parlement comportant 10 % d’élues, ne pourrait voir ses
pouvoirs contestés.
52. Enfin, on relèvera que dans sa rédaction actuelle, le Règlement
considère comme parfaitement valide la composition d’une délégation
entièrement féminine. Tel est le cas de la délégation slovène dont
les pouvoirs ont été ratifiés par la Commission permanente le 15
septembre 2020. Ce fait – une première à l’Assemblée – conduit toutefois
à s’interroger sur la conformité de cette délégation avec le principe
d’égalité des sexes dans la représentation à l’Assemblée.
53. A privilégier une stricte équation numérique, on oublie que
la composition des délégations obéit à plusieurs critères, dont
la représentation équitable des partis et groupes politiques, et
qu’il n’est pas aisé pour les parlements nationaux de constituer
leurs – parfois nombreuses – délégations interparlementaires, en assurant
le respect de critères multiples et parfois concurrents.
5.2. Eléments
d’analyse comparative
54. Il est intéressant, dans une
perspective comparative, de constater que les autres assemblées interparlementaires
n’ont pas développé de normes très précises pour garantir une meilleure
prise en compte de l’égalité des genres dans leur composition et
la composition de leurs organes.
55. Ainsi, le Règlement de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE
se borne à disposer que «chaque délégation nationale doit être composée
de représentants des deux sexes» (article 1.4). Le Règlement de l’Assemblée
parlementaire de l’OTAN mentionne que «les délégations sont fortement
encouragées à rechercher une représentation diversifiée des genres
en leur sein» (article 1). L’article 11 des Statuts de l’Assemblée
parlementaire de la Méditerranée dispose que «les délégations seront
composées à la fois d’hommes et de femmes parlementaires» et l’article
2.4 du Règlement de l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la
Méditerranée que «les parlements membres s’engagent à garantir que
les femmes parlementaires sont représentées dans leur délégation,
conformément aux dispositions juridiques de chaque pays». L’Assemblée
parlementaire du processus de coopération en Europe du Sud-est est
plus progressiste, puisqu’elle établit que chaque délégation devrait
être composée d’au moins 30% du sexe moins représenté.
56. D’autres organisations (Assemblée parlementaire de la Coopération
économique de la Mer Noire (PABSEC), Assemblée baltique, Assemblée
parlementaire de la Francophonie, Assemblée Interparlementaire Benelux,
Commonwealth Parliamentary Association) ne comportent aucune disposition
relative à la prise en compte de l’égalité des sexes dans la représentation
ou la composition des organes.
5.3. Eléments
statistiques
57. Pour ce qui est de notre Assemblée
parlementaire, les statistiques, au 1er septembre
2021, font état des données suivantes:
- 6 délégations ont moins de 25% de femmes
- 10 délégations ont entre 25% et 29% de femmes
- 11 délégations ont entre 30% et 39% de femmes
- 5 délégations ont entre 40% et 49% de femmes
- 15 ont 50% ou plus de femmes (une délégation compte 100%
de femmes).
Quatre délégations ne comptent qu’une seule femme (Chypre,
Liechtenstein, Malte et Monténégro).
58. On ne peut tirer aucune règle
générale reliant la grande ou la moindre représentativité des femmes
à la taille des délégations. Ainsi, s’agissant du pourcentage de
femmes dans les délégations:
- dans
les délégations ayant dix-huit sièges (36 membres) à l’Assemblée:
Inférieur à 25 %: -
Entre 25 et 29 %: Fédération de Russie, Turquie, Royaume-Uni
Entre 30 et 39 %: Allemagne, Italie
Supérieur ou égal à 40%: France
- dans les délégations ayant dix ou douze sièges (20 ou
24 membres) à l’Assemblée:
Inférieur à 25 %: Pologne
Entre 25 et 29%: -
Entre 30 et 39 %: Roumanie
Supérieur ou égal à 40%: Espagne, Ukraine
- dans les délégations ayant six,
sept ou huit sièges (12, 14 ou 16 membres) à l’Assemblée:
Inférieur à 25 %: République tchèque
Entre 25 et 29 %: Bulgarie, Hongrie, Suisse
Entre 30 et 39 %: Azerbaïdjan, Grèce, Portugal, Serbie
Supérieur ou égal à 40%: Autriche, Belgique, Pays-Bas, Suède
- dans les délégations ayant cinq
sièges (10 membres) à l’Assemblée:
Inférieur à 25 %: Danemark
Entre 25 et 29 %: Géorgie
Entre 30 et 39 %: –
Supérieur ou égal à 40%: Bosnie-Herzégovine, Croatie, Finlande,
République de Moldova, Norvège, République slovaque
- dans les délégations ayant entre
deux et quatre sièges (4 à 8 membres) à l’Assemblée:
Inférieur à 25%: Malte, Monténégro
Entre 25 et 29 %: Arménie, Chypre, Liechtenstein
Entre 30 et 39 %: Estonie, Lettonie Lituanie, Luxembourg
Supérieur ou égal à 40%: Albanie, Andorre, Islande, Irlande,
Macédoine du Nord, Monaco, Saint-Marin.
100% des membres de la délégation de la Slovénie sont des
femmes.
59. On ne peut pas non plus tirer
une règle générale affirmant que la moindre présence de femmes dans une
délégation serait due à la moindre représentation des femmes au
sein du parlement national dont la délégation est issue. Certes,
la plupart des 16 délégations parlementaires qui comptent moins
de 30% de femmes à l’Assemblée sont issues de parlements qui n’ont
pas une forte proportion de femmes non plus: 15 des 16 délégations
concernées sont issues de parlements ayant également moins de 30%
de femmes (Arménie, Bulgarie, Chypre, République tchèque, Géorgie,
Hongrie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Malte, Monténégro, Pologne,
Roumanie, Fédération de Russie, Turquie). Il est clair que pour
ces 15 délégations, accroître la représentation des femmes dans
leur délégation au-delà de 30% représente un effort évident. Mais pour
le Danemark, la Suisse et le Royaume-Uni, qui comptent également
moins de 30% de femmes dans leur délégation mais davantage dans
leur parlement, un tel effort est loin d’être insurmontable.
60. Certaines délégations montrent à cet égard l’exemple: l’Albanie
(71 % de femmes dans la délégation alors qu’il n’y a que 29 % de
femmes au parlement), l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine (60%
de femmes dans la délégation et 24% de femmes au parlement), la
Grèce, l’Ukraine (42% de femmes dans la délégation et 21% au parlement),
ou encore la Croatie, la République de Moldova et la République
slovaque (50% de femmes dans leur délégation et respectivement 20%,
25% et 17,5% au parlement).
61. Par ailleurs, il convient d’être attentif aux sièges qui sont
occupés par le sexe sous-représenté au sein de la délégation, selon
qu’il s’agisse d’exercer une fonction de représentante ou de suppléante.
On peut se féliciter du fait que, globalement à l’Assemblée, il
y ait un peu plus de femmes représentantes (122) que de femmes suppléantes
(113). Toutefois, la parité – au moins autant de femmes que d’hommes
occupant un siège de représentant – n’est assurée que dans 17 délégations
sur 47 (une 18ème délégation, la Slovénie,
assurant une représentation intégralement féminine). Dans 7 délégations,
les femmes occupent moins d’un quart des sièges de représentants
(Azerbaïdjan, Belgique, Bulgarie, Danemark, Géorgie, Pologne, Fédération
de Russie).
5.4. Propositions
62. Toutes les délégations parlementaires
satisfont à l’obligation réglementaire de comprendre au moins une
femme représentante. Cette exigence, incontestablement très minimale
pour les délégations de 20, 24 ou 36 membres, est par contre moins
évidente à satisfaire pour les petites délégations. L’effort incombe incontestablement
aux premières qui doivent faire montre de davantage d’exemplarité.
Si l’on veut promouvoir une avancée vers la parité, il conviendra
d’accroître les exigences en fixant la barre plus haut.
63. Afin de promouvoir une mixité réelle et d’avancer vers l’objectif
immédiat d’une représentation minimale du sexe sous-représenté d’un
tiers, il faut redéfinir les critères réglementaires qui s’imposent
aux parlements nationaux lorsqu’ils constituent leur délégation
à l’Assemblée.
64. Pour obtenir des résultats en matière de représentation équilibrée
des sexes dans les délégations nationales, la
fixation de quotas est nécessaire:
- Le Règlement doit énoncer un
principe clair (seuil minimal de représentation) s’agissant des
obligations des parlements nationaux dans la composition de leurs
délégations à l’Assemblée et rendre les conditions de respect de
ce principe compréhensibles et réalistes dans leur mise en œuvre.
- Il faut tenir compte de la réalité
«quantitative»: les quotas devraient être différenciés
selon la taille des délégations – on ne peut pas demander le même
effort aux plus petites délégations de 4 membres.
- Il faut une progressivité dans
la mise en œuvre du principe retenu, à savoir établir des paliers temporels successifs:
la progression en termes de pourcentages fixés devrait être définie
si possible dans le Règlement ou à défaut dans une Résolution de
l’Assemblée; on pourrait fixer une obligation pour
chaque délégation d’être composée d’un tiers de membres du sexe
sous-représenté à l’Assemblée à compter de l’ouverture de la session
2022 et porter ce quota à 40 % d’ici
4 à 5 ans.
- Il faut pouvoir octroyer une certaine marge de flexibilité, pour ne pas
mettre en difficulté les plus petites délégations qui ne peuvent
pas s’acquitter avec autant de facilité des mêmes obligations que
les grandes délégations (les délégations de 4 membres sont en sous-capacité
numérique pour suivre les activités des commissions; leurs membres
ne sont pas parlementaires à temps plein et exercent une activité
professionnelle en parallèle): un seuil d’au moins un tiers reviendrait
à obliger, en pratique, ces petites délégations à nommer deux personnes
du sexe sous-représenté sur leurs quatre membres (soit une parité
de 50 %). Pour ces délégations, on exigera donc au minimum une femme
désignée en qualité de représentante, mais sans leur faire peser
une contrainte de parité qui n’est pas demandé aux autres délégations.
On pourrait également fixer une entrée en vigueur différée pour
certaines délégations.
- Une réévaluation du dispositif pourrait
être conduite 4 ou 5 ans après son entrée en vigueur.
65. Il est donc proposé d’établir un double critère numérique, en
ayant à l’esprit un souci d’équité entre les délégations: l’un reposant
sur le nombre total de membres appartenant au sexe sous-représenté
dans une délégation – fixé à 25 % pour les petites délégations et
à 33% pour les autres délégations – et l’autre sur le nombre de
représentant(e)s appartenant au sexe sous-représenté fixé à 33 %
pour les délégations de taille moyenne et les grandes délégations
(pour les petites délégations, l’obligation actuelle de comprendre
un membre du sexe sous-représenté en qualité de représentant(e)
est maintenue).
66. Concrètement, chaque délégation nationale assurera une représentation
équilibrée des sexes, dans une première phase, sur la base suivante,
étant précisé que les femmes constituent actuellement le sexe sous-représenté
à l’Assemblée:
- les délégations
ayant 4 membres (2 sièges) devront comprendre au minimum une femme
en qualité de représentante/titulaire
- 2 femmes dans les délégations de 6 membres, dont 1 représentante/titulaire
(sur 3 sièges)
- 3 femmes dans les délégations de 8 membres, dont 1 représentante/titulaire
(sur 4 sièges)
- 3 femmes dans les délégations de 10 membres, dont 2 représentantes/titulaires
(sur 5 sièges)
- 4 femmes dans les délégations de 12 membres, dont 2 représentantes/titulaires
(sur 6 sièges)
- 5 femmes dans les délégations de 14 membres, dont 3 représentantes/titulaires
(sur 7 sièges)
- 7 femmes dans les délégations de 20 membres, dont 4 représentantes/titulaires
(sur 10 sièges)
- 8 femmes dans les délégations de 24 membres, dont 4 représentantes/titulaires
(sur 12 sièges)
- 12 femmes dans les délégations de 36 membres, dont 6 représentantes/titulaires
(sur 18 sièges).
67. L’analyse des statistiques actuelles (voir annexe et paragraphes
57 à 61) permet de se montrer confiant dans la réalisation par les
délégations de cet objectif réaliste. Ce qui n’était guère envisageable
il y a dix ans pour la grande majorité des délégations l’est à présent
. L’enjeu doit rester, naturellement,
de progresser vers la parité en accroissant au fur et à mesure les
seuils réglementaires.
68. Par ailleurs, l’existence d’une délégation composée intégralement
de femmes – la délégation slovène ne comporte aucun membre masculin
– ouvre une perspective inédite qui mérite réflexion s’agissant
de l’obligation qui incombe aux parlements nationaux lorsqu’ils
constituent leur délégation à l’Assemblée de respecter le principe
d’égalité des sexes dans la représentation à l’Assemblée. Puisqu’une
délégation entièrement masculine ne peut pas être ratifiée par l’Assemblée,
je propose également que l’Assemblée ne puisse pas valider une délégation
dont la composition serait entièrement féminine.
69. La question de sanctionner le non-respect du principe d’égalité
des sexes dans la composition des délégations a été vivement discutée
avec certaines délégations et les groupes politiques. Certain·e·s
membres considèrent qu’aucun progrès ne sera effectif s’il n’y a
pas l’épée de Damoclès de la sanction, et, en premier lieu, par
le biais de la procédure de contestation des pouvoirs des délégations.
Je considère que l’approche visant à clarifier et à harmoniser les
dispositions prévues par le Règlement est déjà un gage suffisant
de contrainte des parlements nationaux quant à l’obligation de respecter
un certain quota dans leurs délégations.
70. Le projet de résolution propose donc de revoir la rédaction
des articles 6.2 et 7.1. La nouvelle formulation proposée de l’article
6.2 permet aux délégations nationales, et ultimement à la commission
du Règlement lorsqu’elle est chargée d’examiner une contestation
de pouvoirs, d’évaluer plus clairement le respect du principe de
représentation équilibrée des sexes ainsi défini, et de retrouver
une cohérence dans la formulation du principe (article 6.2) et sa
sanction (article 7.1.b). La détermination de fourchettes de représentation
des sexes selon la taille des délégations permet une définition
plus précise et plus équitable des critères à respecter.
71. Encadrer l’obligation de représentation équilibrée des sexes
par des seuils différenciés et raisonnables permet de répondre aux
objections qui ont pu être formulées par les délégations (notamment
l’existence d’un faible nombre de femmes au sein du parlement, le
manque de disponibilité ou de volonté des femmes parlementaires
pour siéger dans des délégations interparlementaires, l’absence
de coordination entre les groupes politiques des parlements dans
la désignation des délégations, la priorité donnée à des membres
qui ont les compétences, notamment linguistiques, pour s’investir
effectivement dans leur fonction à l’Assemblée, le risque de laisser
un siège vacant dans la délégation s’il ne peut pas être pourvu
par un membre du sexe sous-représenté). De tels seuils ont l’avantage
de pouvoir être révisés graduellement afin de parvenir à l’objectif
fixé de parité.
72. Toutefois, il est crucial qu’une telle obligation ne crée
pas de clivage au sein des délégations, parce que la charge de remplir
l’objectif serait laissée à certains partis politiques «vertueux»,
ou, dans le cas de parlements bicaméraux, à celle des deux chambres
qui comporte le plus de membres du sexe sous-représentés
: cette
obligation relève de la responsabilité collective du parlement et
elle doit être partagée de manière égale entre tous les partis;
il faut éviter un phénomène de compensation.
73. De même, nombre de membres ont considéré que le critère de
la représentation équitables des partis politiques au sein des délégations
était primordial, notamment pour les partis de l’opposition ou les
petits partis. Ils craignent donc que ceux-ci fassent les frais
des nouveaux critères.
5.5. L'égalité
des sexes dans les organes de l'Assemblée
74. L’instauration d’un système
de quotas garantit la présence du sexe sous-représenté, par une représentation
quantitative, mais trouve ses limites s’agissant de la participation
effective dans les processus décisionnels.
75. Le dernier rapport que la commission du Règlement a consacré
à la représentation des sexes à l’Assemblée, en 2010, était centré
sur la composition des délégations nationales. Il faut remonter
aux deux rapports précédents (2003 et 2007) pour trouver quelques
pistes de réflexion s’agissant de promouvoir le principe d’égalité
entre les sexes dans les différents organes de l’Assemblée, en mettant
notamment en avant le rôle des groupes politiques dans la désignation
des candidats aux présidences et vice-présidences des commissions
et des candidatures aux commissions dont ils nomment les membres.
Dans la
Résolution 1585 (2007) et la
Résolution
1898 (2012) susmentionnées, l'Assemblée a reconnu le rôle clé joué
par les groupes politiques pour donner au sexe sous-représenté davantage
de responsabilités et de visibilité. La
Résolution 1898 (2012) invitait les groupes politiques de l’Assemblée à prendre
en compte la répartition par sexe lors des négociations pour l’attribution
des sièges dans les bureaux des commissions et la nomination des
candidats à présenter par les groupes, «pour s’assurer que la répartition
globale par sexe des bureaux des commissions inclut 40 % du sexe
sous-représenté, à la fois pour les présidences et les vice-présidences
des commissions», ainsi qu’à porter une attention accrue à la répartition
par sexe des personnes désignées ou élues par les groupes à des
postes de l’Assemblée et des commissions en vue de parvenir à une
égale représentation des femmes et des hommes à tous les postes
de responsabilité clés.
5.6. Dispositions
réglementaires
76. Le Règlement comporte d’ores
et déjà un certain nombre de dispositions qui promeuvent l’égalité
des sexes et concourent à la représentation équilibrée des sexes
au sein des organes de l’Assemblée:
- Élection des vice-présidents
– aux termes de l’article 16.3, «aucun représentant ou
suppléant ne peut être élu Vice-Président s’il n’a pas été proposé
par écrit par le Président de sa délégation nationale au nom de
celle-ci, tout en tenant compte du principe d’égalité entre les
sexes».
- Nomination des commissions –
les désignations des membres de la commission de suivi, de la commission
du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles et
de la commission sur l’élection des juges à la Cour européenne des
droits de l'homme s’effectuent «sur la base des candidatures proposées
par les groupes politiques et en tenant compte de l’équilibre entre
les sexes et de l’équilibre régional» (article 44.3.a). Toutefois,
les groupes politiques, quand ils désignent leurs représentants
à la commission sur l’élection des juges «doivent s’attacher à y
faire figurer au moins 40 % de femmes, ce qui est le seuil de parité
jugé nécessaire par le Conseil de l’Europe de manière à exclure toute
éventualité de préjugé sexuel dans le processus de prise de décision»
(Résolution 1366 (2004)) sur les candidats à la Cour européenne des droits de
l'homme). S’agissant des commissions ad hoc d’observation des élections,
«les groupes politiques garderont à l’esprit que toute nomination
à une commission ad hoc doit respecter le principe de l’égalité
entre les sexes compte tenu de la répartition hommes/femmes au sein
de leurs groupes respectifs».
- Bureau des commissions – aux
termes de l’article 46.1, «le Bureau de chaque commission se compose du
président et de trois vice-présidents, élus en principe lors de
la première réunion de la commission de chaque session ordinaire,
tout en tenant compte du principe d’égalité entre les sexes». La
même disposition s’applique aux sous-commissions (article 49.7).
- Désignation des rapporteurs
– pour la désignation des rapporteurs, «les commissions
prennent en considération les critères suivants par ordre de priorité:
la compétence et la disponibilité, la représentation équitable des
groupes politiques (sur la base du système D’Hondt), la représentation équilibrée
des sexes, l’équilibre géographique et national» (article 50.1).
- Constitution des sous-commissions
permanentes ou ad hoc – «Une représentation équitable
des délégations nationales et des partis ou groupes politiques doit
être recherchée» (article 49.2).
5.7. Eléments
d’analyse comparative
77. Une perspective comparative
permet d’observer que peu d’assemblées interparlementaires possèdent des
dispositions réglementaires permettant de promouvoir la représentation
équilibrée des sexes dans leurs organes ou dans les postes et positions
à responsabilité. L’article 15.2 du Règlement intérieur du Parlement européen
dispose que «Lors de l’élection du Président, des vice-présidents
et des questeurs, il convient de tenir compte de façon globale d’une
représentation équitable des tendances politiques, ainsi que de
l’équilibre entre les hommes et les femmes et de l’équilibre géographique.»
La même approche prévaut pour la constitution des délégations interparlementaires
du Parlement européen pour laquelle «Les groupes politiques veillent,
autant que possible, à ce qu'il y ait une représentation équitable
des États membres, des tendances politiques ainsi que des hommes
et des femmes» (article 223.2).
78. L’Union interparlementaire est un rare exemple d’assemblée
qui entend promouvoir résolument la participation des femmes dans
ses organes. Ainsi, les délégations membres de l'Assemblée de l’UIP
«incluent des hommes et des femmes parlementaires … et s'efforcent
d'assurer une représentation égale des deux sexes». De même, chaque
Etat membre de l’UIP est représenté au Conseil directeur «par trois
parlementaires, sous réserve que sa représentation compte des hommes
et des femmes», mais une délégation exclusivement masculine ou féminine
sera limitée à un seul membre. La désignation des rapporteurs par
l’Assemblée «se fait compte tenu des principes de parité hommes-femmes».
Enfin, la composition du Comité des droits de l’homme des parlementaires
doit respecter la parité des sexes: il «compte en principe cinq
hommes et cinq femmes. En tout état de cause, il ne comptera pas
moins de quatre membres du même sexe».
5.8. Propositions
79. Il existe un large consensus
sur le fait que les groupes politiques jouent un rôle central pour
promouvoir de manière plus volontariste la représentation et la
participation équilibrée des femmes et des hommes au sein des organes
décisionnels de l’Assemblée et un changement de culture dans ce
domaine; l'impact de leurs décisions peut être plus important que
les changements normatifs pour promouvoir un changement de culture favorable
à l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais les faits et les
statistiques semblent démontrer que certains groupes politiques
s’investissent peu dans une telle démarche, rendant ainsi nécessaire
de renforcer l’approche réglementaire. Toutefois, il faut là encore
tenir compte de la réalité des chiffres et se réserver une certaine
marge de flexibilité vis-à-vis des groupes politiques de taille
réduite.
80. De même, certains groupes politiques ont rappelé qu’ils sont
tributaires de la composition des partis nationaux affiliés. S’agissant
des nominations dans les commissions, y compris les commissions
ad hoc, elles reposent sur une démarche volontaire des membres qui
souhaitent en faire partie, et il arrive que peu de femmes expriment
un intérêt. Par ailleurs, certains groupes ont mis en avant l’obstacle
que constituent certaines conditions fixées par le Règlement (compétences
et expérience juridiques pour les nominations à la commission sur
l’élection des juges; limitation du nombre de membres appartenant
à un Etat sous suivi ou post-suivi pour la commission de suivi).
81. Je souhaite formuler les propositions suivantes:
- Un principe de «un sur trois»
doit s’appliquer dans les nominations à la commission de suivi,
la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles
et la commission sur l’élection des juges à la Cour européenne des
droits de l'homme: les trois
commissions désignées par les groupes politiques devront comprendre
un quota minimal d’au moins un tiers de membres du sexe sous-représenté;
au début de chaque session ordinaire, au moins une candidature sur
trois présentée par chaque groupe politique à ces commissions (lorsque
le groupe détient au moins trois sièges dans la commission concernée)
devra appartenir au sexe sous-représenté ; pour
les nominations ultérieures, le Bureau procédera à la désignation
des membres en s’assurant que les commissions concernées comprennent
toujours au moins un tiers de membres du sexe sous-représenté.
- Nomination des bureaux des
commissions: les groupes politiques doivent renforcer
leur concertation lors de la désignation des candidatures aux bureaux
des neuf commissions de l’Assemblée de façon à parvenir à une parité
dans les fonctions de présidents et de vice-présidents .
- Constitution des commissions
ad hoc de l’Assemblée et sous-commissions ad hoc du Bureau: le Bureau devra veiller à nommer
au moins un tiers de membres du sexe sous-représenté dans les commissions
ad hoc d’observation des élections et autres commissions ou sous-commissions
ad hoc; lorsque les candidatures à ces commissions sont soumises
par les groupes politiques, chaque groupe politique veillera à ce
qu’une candidature sur trois appartienne au sexe sous-représenté.
- Débats à l’Assemblée:
les groupes politiques devront respecter une alternance entre les
sexes dans la désignation de leurs porte-parole lors des débats
en séance plénière (au moins une femme sur trois).
- Désignation des rapporteurs par
les commissions: une commission ne pourra désigner comme rapporteur
un membre du sexe sur-représenté que si elle compte déjà au moins
un tiers de membres du sexe sous-représenté parmi ses rapporteurs.
- Élection des vice-présidents
de l’Assemblée: les délégations sont encouragées à présenter
la candidature d’un membre du sexe sous-représenté; une délégation
ne pourra présenter la candidature d’un membre du sexe sur-représenté
que si elle comprend au moins 40% de membres du sexe sous-représenté.
Il convient donc de modifier les articles 44.3, 44.4 et 50.1 du
Règlement.
82. Enfin, il appartient au Bureau
de l’Assemblée de veiller à l’application de ce principe du «un
sur trois» dans l’ensemble des décisions de nomination dont il a
la compétence, en particulier dans la représentation institutionnelle
de l’Assemblée.
6. Autres
mesures non réglementaires et bonnes pratiques
83. J’ai effectué un tour d’horizon
des procédures et pratiques dans d’autres sphères parlementaires.
J’ai envisagé d’autres pistes de réflexion, que je n’ai finalement
pas retenues à l’issue de mes discussions préliminaires avec des
membres de l’Assemblée: par exemple l’idée de réduire le droit de
vote d’une délégation dont la composition ne répond pas aux minimas
requis (ou au contraire d’accroître le nombre de voix d’une délégation
qui comporterait plus de 40% de femmes) – ce qui serait contraire
au Statut du Conseil de l'Europe; l’idée d’alterner femme et homme
à la Présidence de l’Assemblée; ou encore celle d’obliger à une alternance
entre les sexes à la présidence des groupes, ainsi que la parité
dans leurs vice-présidences.
84. En revanche, certaines mesures
positives d’encouragement peuvent être envisagées. Par
exemple, s’agissant des débats à l’Assemblée,
les délégations «vertueuses» (représentation de 40/60) pourraient
se voir allouer des orateurs supplémentaires ou être remontées sur
la liste des orateurs. Les mesures inverses, visant à pénaliser
les délégations «non vertueuses» – par exemple en limitant le nombre
de leurs orateurs appartenant au sexe sur-représenté, ou les candidatures
comme rapporteur de commission ou observateur d’élections – pourraient
également être mises en œuvre, mais je n’entends pas les promouvoir
à ce stade.
85. Certaines démarches sont inspirantes et méritent d’être relayées
dans mon rapport, indépendamment de toute modification des dispositions
règlementaires:
- la mise sur
pied de structures spécifiques pour promouvoir la mise en œuvre
de l'égalité des sexes, telles que la création de groupes parlementaires
de femmes interpartis, d’un Forum des femmes ou d’un réseau de femmes
parlementaires;
- la reconnaissance de l’implication individuelle dans la
promotion de l’égalité des sexes (à l’instar des «Champions
internationaux de l'égalité des sexes des Nations Unies »);
- les mesures de sensibilisation, d’accompagnement, de soutien
et de formation (sur le modèle de la boîte à
outils de l'UIP);
- une formation complémentaire sur le sexisme et la violence
envers les femmes (Résolution
2274 (2019));
- des bonnes pratiques pour l’organisation ou la participation
à des évènements (conférence, séminaire, panel, etc.), reposant
sur le respect d’un équilibre dans les intervenants et experts (par
exemple, les membres devraient refuser d’assister à un évènement
où ne participerait aucune femme).
7. Conclusions
86. L'Assemblée parlementaire a
intégré dans son Règlement le principe d’égalité des sexes il y
a 17 ans, et faisait partie des assemblées pionnières à l’époque.
L’enjeu consiste désormais à développer pour les membres du sexe
sous-représenté leur participation effective à toutes les activités
de l'Assemblée et notamment aux fonctions de responsabilité. Les
groupes politiques ont un rôle essentiel à jouer en la matière.
87. Un Comité présidentiel entièrement masculin, deux femmes présidentes
de commissions sur neuf, six femmes vice-présidentes de l’Assemblée
sur 20 sièges: les statistiques sont éloquentes et guère satisfaisantes.
La marge de progression est large et il faut s’atteler à trouver
des solutions pragmatiques. Demeurer uniquement dans le «politiquement
correct» n’est clairement pas suffisant.
88. La commission du Règlement est invitée à examiner les propositions
suivantes:
- s’agissant de la
composition des délégations nationales, modifier l’article 6.2 et
l’article 7.1 du Règlement afin d’harmoniser la formulation du principe
d’égalité des sexes dans la composition des délégations nationales,
de rendre les conditions de respect de ce principe claires, compréhensibles
et réalistes dans leur mise en œuvre, en accroissant le seuil minimal
de représentation, et en simplifiant la procédure de contestation
des pouvoirs sur ce fondement;
- s’agissant de promouvoir la représentation équilibrée
des sexes au sein des organes de l’Assemblée, modifier les articles
44.3, 44.4 et 50.1 du Règlement afin de fixer un quota minimal de
membres du sexe sous-représenté dans les trois commissions désignées
par les groupes politiques, les commissions ad hoc, ainsi que lors
de la désignation des rapporteurs par les commissions.
89. Les présentes propositions ne sont que la première étape d’une
approche progressive ambitieuse, avec en perspective une représentation
de 40% au minimum et, ultimement, une parité. Il est donc indispensable de
procéder à une évaluation de la mise en œuvre des décisions de l’Assemblée
avant de franchir le cap suivant.
90. Une telle évaluation devrait être conduite annuellement, dans
un rapport d’information qui inclurait non seulement des critères
de performance – les statistiques sur la composition des délégations
et des organes de l’Assemblée notamment – mais également les nouvelles
bonnes pratiques mises en œuvre, et qui serait de nature à informer
l’Assemblée sur les progrès accomplis.